Une rose a été transformée en microprocesseur !

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Une rose est une rose est... un circuit électronique. Vue d'artiste (Ph. Chris Sorge via Flickr CC BY 2.0).

Une rose est une rose est… un circuit électronique. Vue d’artiste (Ph. Chris Sorge via Flickr CC BY 2.0).

Le rêve de la fusion du vivant et de l’électronique devient réalité, du moins dans le règne végétal. Des chercheurs suédois de l’université de Linköping ont en effet réussi à transformer la tige et les feuilles d’une rosa micrantha (rose des jardins) en un circuit électronique comportant notamment transistor, porte logique et dispositif électrochromique (changement de couleur sous l’effet d’un champ électrique).

Le plus étonnant dans cette opération, est qu’il s’agit non pas d’une greffe de circuits sur le végétal mais bien d’une transformation de sa structure biologique même, à l’aide de produits chimiques absorbés naturellement par la plante vivante. Et le processus pourrait s’appliquer à tout le règne végétal…

Une rose qui s’alimente de polymère conducteur

Pour comprendre comment l’équipe de chercheurs a réalisé cette métamorphose, résultat de 20 ans de recherches, on peut penser aux techniques d’embaumement pratiquées par certaines cultures ou encore aux célèbres “écorchés vifs” de l’anatomiste Gunther von Hagens (technique de plastination), consistant à remplacer les fluides corporels, dont le sang, par un autre produit (silicone, huile, etc.) afin de les figer et conserver dans leur forme naturelle.

Le système de vaisseaux naturel de la rose (ici représentée avec ses racines). B- Zoom sur la structure des vaisseaux de la tige où apparait notamment un canal de xylème. C-  Zoom sur la structure d'une feuille. C'est par ces canaux (et d'autres) que le polymère conducteur est absorbé (Ove Nilsson et al., Sci Adv 2015).

Le système de vaisseaux naturel de la rose (ici représentée avec ses racines). B- Zoom sur la structure des vaisseaux de la tige où apparaissent notamment les canaux de xylème. C- Zoom sur la structure d’une feuille. Ces canaux (et d’autres) absorbent le polymère conducteur (Ove Nilsson et al., Sci Adv 2015).

En substance, les chercheurs ont coupé les racines d’une rose, ont placé la tige dans un bain de polymère conducteur aqueux et ont attendu entre 24 et 48 heures que la fleur absorbe naturellement le liquide, comme s’il s’agissait d’eau. Le polymère a ainsi envahi, par succion capillaire et osmotique, les “veines” de la plante et des feuilles, en particulier les vaisseaux de xylème, ces tubes creux de quelques dizaines de micromètres de diamètre qui transportent les nutriments et l’eau extraits de la terre.

Rose-transistor, rose-condensateur, rose-capteur

Il s’est donc formé à l’intérieur de la plante un réseau complexe de ce polymère, nommé PEDOT (ou poly(3,4-éthylènedioxythiophène)), épousant exactement la forme du réseau veineux biologique. En réalité, le PEDOT introduit a été préalablement transformé chimiquement afin d’acquérir la propriété électronique essentielle des transistors des microprocesseurs, à savoir : être semi-conducteur (on parle de dopage par des atomes).

Schéma de l'expérience et clichés microscopiques des canaux de xylème contenant le polymère conducteur

Schéma de l’expérience et clichés microscopiques des canaux de xylème contenant le polymère conducteur (Ove Nilsson et al., Sci Adv 2015).

Or ce polymère dopé est depuis quelques années utilisé dans le domaine de l’électronique organique (plastiques) pour réaliser des transistors, des condensateurs, des écrans souples, etc. En particulier, il a la propriété de réagir électriquement en présence de substances chimiques ou de provoquer des réactions chimiques sous l’effet de signaux électriques (un peu comme les neurones) ce qui en fait également un capteur et activateur de phénomènes chimiques ou biochimiques – il est également biocompatible.

Des plantes douées de logique

En bref, le PEDOT est le matériau rêvé pour développer des interfaces entre le monde biologique et l’électronique. Ainsi, les chercheurs suédois ont réalisé un mariage idéal entre ce polymère et la circuiterie naturelles des vaisseaux de xylème dans les végétaux (arbres et plantes). Concrètement, ils ont pu construire à l’intérieur de la rose des transistors (élément essentiel de l’électronique) et même une “porte logique NOR“, soit un microcircuit capable d’exécuter toutes les fonctions logiques à la base du traitement de l’information par les microprocesseurs.

Test des propriétés conductrices d'un canal de xylème rempli de polymère (Ove Nilsson et al., Sci Adv 2015).

Test des propriétés conductrices d’un canal de xylème rempli de polymère (Ove Nilsson et al., Sci Adv 2015).

Mieux encore ! En se focalisant sur les feuilles de la rose, ils ont montré que l’imprégnation de PEDOT de ses vaisseaux les rendait électrochromes, c’est-à-dire capables des modifier leur couleur sous l’effet d’une tension électrique (phénomène utilisé notamment par l’industrie du verre pour les vitres à opacité variable).

Produire de l’électricité à partir de la photosynthèse

En résumé, l’invention de l’e-Rose présage de nombreuses applications, surtout que la transformation des plantes peut être réalisée partiellement afin de les garder vivantes. Du coté biologique, la technique permettrait ainsi d’étudier in vivo les processus biologiques microscopiques des végétaux, dont on ignore encore le détail. Mais elle servirait aussi à piloter ces processus afin de favoriser et orienter leur croissance.

Du coté de l’électronique, elle pourrait conduire à une nouvelle technologie plus écologique et durable. En particulier, les chercheurs évoquent la possibilité de générer de l’électricité directement à partir de la photosynthèse se produisant à l’échelle cellulaire des végétaux.

–Román Ikonicoff

 

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  • Voici les matériaux surnaturels – S&V n°1133 – 2012. Durant des millénaires, l’humanité s’est servie des matériaux offerts par la nature. Mais peu à peu, en apprenant à jouer sur leur composition d’abord, puis sur leur structure microscopique, nous sommes devenus des spécialistes de l’art de créer de nouveaux matériaux aux propriétés inédites.

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S&V 1113 - ADN construction

 

 

INVITATION : L’Université de la Terre, le climat en débat

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En partenariat avec L’Université de la Terre : Le climat en débat

Les délégations nationales de 195 États concluront les négociations sur le climat début décembre à Paris, dans le cadre de la COP21. Au cœur de ce sommet: les engagements sur les réductions des émissions de gaz à effet de serre. Mais sera aussi interrogée la capacité des hommes à réduire l’effet des gaz à effet de serre déjà émis.

Reforestation, capture du CO2, modifications délibérées de la chimie de l’océan ou de l’atmosphère… Qu’est-ce qui est possible ? Souhaitable? Dangereux? Comment identifier les faits scientifiques solides pour décider ?

Science & Vie fera le point sur ces questions et en débattra en public, avec des experts réunis à la maison de l’Unesco, à Paris, les 4 et 5 décembre prochains, dans le cadre de “L’Université de la Terre”, organisée par la Fondation Nature et Découvertes. Les débats, gratuits, sont ouverts à tous.

Matthieu Villiers, directeur de la rédaction de Science&Vie, animera avec Fatoumata Kebe le débat « Comment la recherche et l’innovation peuvent-elles sauver la planète ? » le vendredi 4 décembre de 16h30 à 18h00.

Pour vous inscrire : http://www.universitedelaterre.com/

INVITATION-MAIL-UT-SCIENCE-ET-VIE

Comment cuisiner en préservant la planète

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Ce sont des cuisiniers ou des passionnés, une équipe de « Terriens » bien  décidée à mettre son grain de sel dans nos menus. Derrière ses fondateurs, le cuisinier François Pasteau et le journaliste Jean-Luc Fessard, spécialiste de cuisine durable, l’association Bon pour le climat veut allier plaisir et nécessité en défendant une cuisine savoureuse et respectueuse de la nature. L’idée : amener des acteurs du secteur de l’hôtellerie-restauration à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre en utilisant des produits de saison (moins d’engrais et de dépense d’énergie qu’une culture sous serre), locaux (en achetant à moins de 200 km, on réduit le carburant et la pollution) et en proposant plus de végétaux et moins de viande ou de poisson (pour limiter les gaz…

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Quand l’école forme les écolos du futur

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Posé et pédagogue, Thierry Lerévérend, directeur de la Fondation pour l’éducation à l’environnement en Europe, intervient devant une classe de CM2 de l’école Jean-Charcot, à Blois (45), afin de sensibiliser les élèves au réchauffement climatique. Il se plie ce jour-là à l’exercice du débat, dans le cadre de la première édition de la Semaine du climat, qui a eu lieu du 5 au 10 octobre, à l’initiative de l’Éducation nationale.

De la théorie à la pratique

Sur le tableau, il a dessiné la Terre, entourée par l’atmosphère. « Les activités humaines ajoutent des particules dans l’atmosphère et augmentent trop la température. Cela provoque la fonte des glaces, des inondations, des sécheresses, un risque pour l’alimentation. Des animaux peuvent même disparaître. » Il interpelle alors la classe : « Que pourriez-vous proposer par rapport aux usines ? » « On peut réutiliser les choses plutôt que les brûler dans les usines », lance Angéli, tandis que Méri poursuit : « On pourrait faire ce qu’il faut vraiment. » L’intervenant approuve : « Nous pouvons tous réfléchir à notre consommation, ne pas acheter des choses si on n’en a pas besoin. » Et les enfants de hocher la tête. « En conclusion, tout le monde est-il d’accord pour dire qu’il faut faire quelque chose pour le climat ? » La réponse fuse, unanime : « Ouiiiiiii ! » Mission accomplie. L’enseignant résume la séance au tableau : moins de transports, moins d’usines, réduction des déchets, recycler, préserver les forêts, consommer moins.

L’éducation au développement durable (EDD) fait partie des nouveaux programmes, de la maternelle au baccalauréat, et elle est intégrée à chaque discipline. « La théorie ne suffit pas, insiste Thierry ­Lerévérend, les enfants apprennent aussi par la pratique : tout l’enjeu consiste à les ancrer dans une réalité qui rejoint leur quotidien. » L’école Jean-Charcot de Blois n’a pas attendu des directives ministérielles pour s’y atteler, comme l’indique la directrice, Alice Laurent : « Depuis cinq ans, nous organisons le recyclage, le ramassage des déchets dans la cour, une sensibilisation au gaspillage alimentaire. »

Des programmes ludiques et interactifs

De telles initiatives sont amenées à se développer en France : sorties nature et jardin pédagogique en primaire. Au collège et au lycée, l’élection d’écodélégués – notamment responsables d’enseigner à leurs pairs le tri des déchets à la cantine – est désormais obligatoire. « La Cop 21 est une opportunité pour créer une dynamique, pour mobiliser toute la société, mais aussi la jeunesse, précise à La Vie la ministre de l’Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem. D’un point de vue structurel, le changement climatique est un problème réel pour nos générations et plus encore pour les générations futures. Aussi faut-il les associer dès aujourd’hui, les responsabiliser, afin d’éviter que la situation se dégrade. Chacun à son niveau peut apporter une part de solution. » Avec ses étapes dans 18 villes en octobre, le Train du climat a déjà sensibilisé 3500 scolaires grâce à son exposition ludique et interactive installée à bord. Enfin, l’opération Un arbre pour le climat (unarbrepourleclimat.fr), parrainée par l’Éducation nationale, a déjà permis de planter plus de 14.000 arbres.

À l’occasion de la Cop 21, les lycéens seront invités à simuler en classe les négociations, chaque élève tenant le rôle d’un pays. Une façon de mieux percevoir les enjeux. Lors du sommet au Bourget, un lieu leur sera dédié au sein des espaces Générations climat. Près de 3 000 élèves y seront reçus.

Le 4 décembre, les ministres de l’Éducation du monde entier feront une déclaration commune. Une première et un signe : cet engagement n’est plus dévolu aux seuls tenants de l’écologie. Modifier les comportements de la société de consommation passe aussi par l’éducation et l’appropriation de ces petits gestes du quotidien. Un petit geste pour l’homme, un réel mouvement pour l’humanité.

Énergies renouvelables : des ballons sous-marins d’air comprimé offrent un nouveau moyen de stockage

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Les ballons d'air comprimé ont été testés avec succès sur le lac Ontario, au Canada. - Ph. Hydrastor ©

Les ballons d’air comprimé (ici, au moment de leur installation) ont été testés avec succès sur le lac Ontario, au Canada. – Ph. Hydrostor ©

Ce sera l’un des objectifs phares de la COP21 — la conférence mondiale sur le climat — qui doit débuter dans quelques jours à Paris : abandonner les énergies fossiles (charbon et pétrole) d’ici à 2050, et soutenir à leur place les énergies renouvelables, dites “propres” parce que leur exploitation n’émet que très peu de gaz à effet de serre.

Une innovation venue du Canada, présentée cette semaine, pourrait contribuer à accélérer le basculement vers les énergies renouvelables : il s’agit de ballons placés sous l’eau qui, en s’emplissant d’air comprimé, permettent de conserver l’énergie électrique, et de la restituer au besoin, en se dégonflant.

Qu’elles tirent leur source du soleil (énergie solaire), du vent (éolien), de l’eau (hydroélectrique), ou de la chaleur de la Terre (géothermique), toutes les énergies renouvelables sont en effet confrontées à un même inconvénient majeur : celui du stockage.

Une fois les énergies renouvelables converties en énergie électrique, celle-ci doit être consommée

Une fois l’énergie électrique extraite d’une source renouvelable, celle-ci ne peut être utilisée qu’instantanément. Par exemple, l’énergie solaire peut alimenter un établissement de jour, lorsque le soleil brille et que les cellules photovoltaïques fonctionnent à plein régime, mais pas la nuit, lorsque plus aucun kilowatt n’est produit.

Il manque en effet des solutions technologiques qui permettent de stocker l’énergie électrique pour un usage ultérieur, mis à part les batteries. Mais celles-ci sont très énergivores à fabriquer, dispersent une partie de l’énergie qu’elles accumulent et, à la longue, usent leur capacité de stockage.

Conséquence : les énergies renouvelables demeurent une source fluctuante d’énergie, ce qui représente l’un des freins principaux à leur développement sur large échelle.

Des ballons placés sous l’eau se gonflent en air comprimé et restituent l’énergie au moment souhaité

A ce problème, la firme canadienne Hydrostor présente une possible solution, qualifiée de très économique. L’idée, toute simple, a été testée aux abords du lac Ontario : une usine éolienne y produit une certaine quantité d’énergie électrique. La majeure partie est injectée dans le réseau électrique, tandis que l’excédent alimente des compresseurs d’air qui remplissent, via des tuyaux souterrains, des ballons placés sous l’eau. Parallèlement, la chaleur générée par ce processus est également stockée grâce à des échangeurs de chaleur.

Lorsque le vent tombe, et que les pales éoliennes ne tournent plus, l’usine peut alors recourir à l’énergie stockée dans les ballons pour alimenter le réseau. Ceux-ci sont alors dégonflés en exploitant la pression naturelle du lac, et l’air comprimé qu’ils contiennent revient vers l’usine, où il fait tourner des turbines qui produisent à nouveau de l’énergie électrique.

Le concept est illustré dans la vidéo ci-dessous.

—Fiorenza Gracci

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  • Dossier spécial Climat : le tour de France des régionsS&V n°1178 (2015 – en kiosques). A l’occasion de la COP21, début décembre à Paris, Science&Vie s’est lancé dans une vaste enquête pour découvrir comment le changement climatique global va se traduire au niveau local, région par région, en métropole comme en Outre-mer.

S&V_1178_OUV

S&V 1159 - photovoltaique

  • Le dossier noir des énergies vertes S&V n°1087 (2008). Les énergies renouvelables ne sont pas une solution aussi miraculeuse qu’il n’y paraît. Leur vrai potentiel détaillé dans ce dossier.

S&V 1087 - energies renouvelables