Pour se débarrasser d’une musique qui obsède, il faut mâcher du chewing-gum

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Selon les chercheurs de l'université de Reading, mâcher du chewing-gum atténue le syndrome du "ver d'oreille" (Pascua Theus Wikicommons CC BY-SA 2.5)

Selon les chercheurs de l’université de Reading, mâcher du chewing-gum atténue le syndrome de l’air obsédant ou « ver d’oreille » (Pascua Theus Wikicommons CC BY-SA 2.5)

C’est un phénomène on ne peut plus banal mais qui semble beaucoup intéresser certains scientifiques : les « vers d’oreille », ces musiques qui viennent involontairement tourner en boucle dans la tête sans qu’on puisse s’en débarrasser. Car une équipe de chercheurs tout ce qu’il y a de sérieux aurait trouvé la parade après moult expériences et hypothèses théoriques : il faut mâcher du chewing-gum. Une étude publiée dans la revue The Quarterly Journal of Experimental Psychology digne d’un poisson d’avril (n’était la date d’aujourd’hui) mais qui en réalité a son sens et ses raisons.

D’abord, la description de l’expérience. 98 volontaires ont été soumis à trois séries de tests par l’équipe du Dr Phil Beaman de l’École de psychologie et des sciences cliniques du langage de l’université de Reading (Angleterre), spécialistes du phénomène cognitif du « ver d’oreille » (earworm en anglais).

Trois expériences avec des musiques obsédantes

Dans le premier test, 44 volontaires ont écouté pendant 30 secondes le refrain (chœurs) de la chanson « Play Hard » de David Guetta, Flo Rida et Akon. Ce, deux fois de suite. Puis on leur a donné comme consigne d’essayer de ne pas penser à la chanson pendant trois minutes, puis de penser à ce qu’ils veulent (chanson incluse) pendant encore 3 minutes. Durant ce laps de temps, chaque fois que la chanson faisait irruption dans leur pensée, ils devaient appuyer sur la touche « q » d’un clavier. La moitié des participants recevaient un chewing-gum pour mâcher durant la seconde phase, l’autre moitié n’en avait pas (groupe de contrôle). Le même test était ensuite recommencé en inversant le rôle des deux groupes.

Dans le test n°2, 18 volontaires étaient soumis à la même procédure, mais sans la deuxième période de 3 minutes et en leur demandant de distinguer entre la survenue de la pensée qu’ils avaient entendu la chanson (touche « q ») et celle où ils l’entendaient réellement jouer dans leur tête (touche « p »). Enfin, dans le dernier test, 36 volontaires devaient écouter non plus « Play Hard » mais « Payphone » de Maroon 5, durant un plus long laps de temps (2 minutes). Ensuite 2 minutes à essayer de ne pas penser à la musique, puis un tiers des participants recevaient un chewing-gum, un tiers devait taper sur le bureau avec l’index de chaque main et un tiers ne faisait rien (groupe de contrôle).

Les techniques de « reprogrammation » cognitive allient la pensée consciente à des mouvements mécaniques

Les résultats, via le décompte des touches de clavier tapées, ont été sans appel : à chaque fois le groupe qui mâchait un chewing-gum était moins envahi par la chanson écoutée (entre 35% et 50% en moins), même si dans le dernier test, ceux qui devaient taper avec leur index obtenaient un meilleur score que le groupe de contrôle… Il va sans dire que cette batterie de tests très sérieusement menée, avec leurs résultats, semble bien exagérée au regard d’un phénomène aussi peu intéressant. Et la solution trouvée toucherait presque au ridicule (le prix IgNobel pourrait sans doute être décerné aux chercheurs). Quelle est la petite musique qui trottait dans la tête des chercheurs en concevant cette expérience ?

En réalité, elle s’inscrit dans le domaine de la psychologie et de la thérapie cognitives concernant les pensées intrusives, les troubles obsessionnels ou de l’anxiété, des pathologies qui peuvent tant envahir la pensée et la vie qu’elles handicapent cruellement ceux qui en souffrent. Or depuis quelques années, ce domaine a donné naissance à des nouveaux traitements qui soignent des atteintes psychologiques par une « reprogrammation » des circuits cognitifs et cérébraux en alliant un travail conscient sur la mémoire (des images, des sons, etc.) à des techniques purement motrices comme le mouvement saccadé des yeux ou, dans le cas présent, la mastication.

Une technique qui n’a pas (encore) d’explication scientifique… mais qui marche

Ainsi, en 1987, la psychologue américaine Francine Shapiro avait découvert par hasard qu’en suivant des yeux les mouvements saccadés des oiseaux en vol (elle était dans un parc) tout en évoquant des pensées douloureux, elle ressentait un certain soulagement. En approfondissant cet « insight » elle a développé la technique de Désensibilisation et reprogrammation par mouvement des yeux (EMDR) qui aujourd’hui est utilisée pour soigner le syndrome de stress post traumatique, notamment des soldats revenant du front – mais pas seulement.

Dans le cas de l’équipe de l’université de Reading, ce sont des témoignages de personnes souffrant immensément des airs obsédants qui leur ont mis la puce à l’oreille (ou plutôt le chewing-gum) : c’est l’un des témoignages qui a attiré leur attention sur le rôle apaisant de la gomme à mâcher… Quant aux fondements biologiques de cette recette cognitive, elle demeure inconnue (comme dans le cas de l’EMDR). Mais finalement, les découvertes scientifiques sont parfois des idées ridicules… qui marchent. Une pomme qui tombe, des yeux qui bougent, un chewing-gum que l’on mâche. (Et le 1er avril est déjà loin)…

Román Ikonicoff

 

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  • Votre cerveau vous trompe – S&V n°1044 – 2004 – Notre cerveau présente des failles : mémoire trompeuse, fausses perceptions, raisonnements biaisés… Comment l’univers de la publicité en exploitent certaines (+ 20 expériences qui vous feront douter de vous-même).

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  • La formule qui décrypte le monde – S&V n°1142 – 2012 – Depuis quelques années, la recherche en sciences cognitives s’est affinée. Outre les recherches expérimentales sur la plasticité cérébrale et la volatilité des représentations mentales du corps, des modèles théoriques émergent, en particulier autour d’une formule, la célèbre formule de Bayes, qui semble consubstantielle à tout traitement par le cerveau des informations provenant de la réalité extérieure.

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  • Libre arbitre : notre cerveau décide avant nous – S&V n°1057 – 2005 – L’un des grands apprentissages issues des sciences cognitives est l’importance des mécanismes inconscients et hyper-rapides dans notre être au monde. Au point de questionner notre libre arbitre.

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Libérons-nous de nos peurs 

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Faut-il chasser toutes nos peurs ? Sans doute pas, car ce sont aussi nos signaux d’alerte. La peur, le plus souvent, nous protège du danger, parce qu’elle nous fait fuir ou reculer. Mais la recherche en psychologie progresse aussi chaque jour davantage. Nous connaissons mieux aujourd’hui le mécanisme intérieur qui régule nos émotions, génère ce stress qui parfois nous paralyse au quotidien, avec toutes les manifestations physiques qui l’accompagnent : oppression, palpitations, chaleur… C’est justement à partir de ces sensations qu’un praticien français propose à ceux qui le consultent de travailler sur eux-mêmes. La méthode Tipi, que nous présente ici Étienne Séguier, fait partie de ces nouvelles thérapies courtes qui n’entendent pas d’abord chercher à expliquer le nœud du problème mais à soulager rapidement. Voire guérir. Celle-ci semble faire ses preuves (nous avons demandé à un connaisseur de l’évaluer). Elle n’est pas pour autant « la » méthode. Car en la matière, il faut raison garder. Tipi reste un outil qui ne conviendra pas à tous, mais qui peut aider des personnes à mieux vivre, voire à revivre. Et c’est déjà formidable ! Si l’esprit, le cerveau et le fonctionnement des réseaux émotionnels gardent encore une large part de mystère, si l’on peine à expliquer le pourquoi et le comment, chacune de ces voies thérapeutiques nouvelles lève un coin du voile. Nous redonnant confiance en la créativité et la perspicacité de l’humain.
Élisabeth Marshall, Rédatrice en chef de la vie.

 

Comment réagissons-nous face aux perturbations émotionnelles qui se présentent dans notre existence ? La plupart du temps, nous cherchons à les soulager d’une manière ou d’une autre. Si nous éprouvons de la colère, nous tâchons de la maîtriser, par exemple en serrant les poings. Si nous sommes paralysés par la peur, nous tentons de prendre une large respiration ou bien de nous raisonner pour réagir. Ces attitudes apportent un bienfait à court terme, mais à la longue nous pouvons avoir le sentiment de…

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Les derniers germanistes

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Les critiques continuent de pleuvoir contre le projet de réforme de l’école française, adopté par le Conseil supérieur des programmes et qui doit entrer en vigueur à la rentrée 2016. Depuis plusieurs jours, les défenseurs de la langue allemande montent ainsi au créneau. Parmi eux, l’ancien Premier ministre et professeur d’allemand Jean-Marc Ayrault. Dans un courrier daté du 2 avril et adressé à la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem, il fait part de son « inquiétude quant aux conséquences de certaines mesures annoncées sur l’enseignement de la langue allemande. » Le principal sujet de discorde concerne la suppression des classes européennes, dans lesquelles la langue vivante est renforcée d’au moins deux heures hebdomadaires, et bilangues, où l’on enseigne dès la sixième deux langues étrangères, souvent l’anglais et l’allemand. Seule exception, les classes bilangues assurant la continuité de l’apprentissage d’une langue vivante autre que l’anglais depuis l’école primaire seront maintenues. C’est un faible compromis au vu du nombre réduit de ces classes, concentrées majoritairement en Alsace et en Lorraine. Néanmoins, au-delà de cette décision, le spectre d’un relâchement de la relation franco-allemande est présent. Depuis le traité de l’Élysée en 1963, la France et l’Allemagne entretiennent en effet des liens étroits en matière d’éducation, l’objectif étant de prendre des mesures concrètes en vue d’accroître le nombre d’élèves français apprenant l’allemand, et vice-versa.

Mais le déclin de l’allemand en France ne date pas d’aujourd’hui. Pendant la période 1870-1914, elle est la première langue étrangère étudiée, devant l’anglais, avec plus d’un élève sur deux qui la pratique. La tendance s’inverse dès 1915, un an après le début de la Première guerre mondiale. Cette baisse se poursuit dans les années suivantes, et un siècle plus tard, la part des élèves qui font de l’allemand en LV1 n’est plus que de 6,5 % (dans le secondaire). L’Allemagne n’est pas un pays qui attire les jeunes et la culture allemande n’est plus vraiment valorisée en tant que telle. Enfin, le modèle économique allemand, malgré ses succès, ne fait pas le poids dans les imaginations face aux success stories de la Silicon Valley.

Jean-Marc Ayrault n’est pas le seul à se soucier de la situation préoccupante de l’apprentissage de l’allemand dans les écoles françaises.

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Le ciel du mois de mai 2015

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Ciel de mai 2015Ce mois-ci, trois planètes éclatantes brillent dans le ciel nocturne : Vénus, Jupiter et Saturne. Vénus et Jupiter, après le Soleil et la Lune, bien sûr, sont les astres les plus brillants du ciel. Il est impossible de les manquer, tant leur éclat jaune et fixe est supérieur à celui des étoiles qui les entourent. Saturne, en revanche, est un peu plus discrète. C’est la plus lointaine des planètes visibles à l’œil nu, la dernière planète connue des Anciens, après Mercure, Vénus, Mars et Jupiter.
Saturne, c’est aussi la plus impressionnante, sinon la plus belle, à part la Terre, de toutes les planètes actuellement connues dans l’Univers… Ses spectaculaires anneaux ne sont pas uniques : Jupiter, Uranus, Neptune et l’astéroïde Chariklo en possèdent aussi, comme, probablement, des milliards de planètes dans notre seule galaxie… Mais c’est leur densité exceptionnelle qui les rend si brillants lorsqu’on les observe dans un instrument d’astronomie.
Et ce mois de mai est idéal pour contempler Saturne : la planète se trouve, dans sa course annuelle apparente dans le ciel, au plus près de la Terre le 23 mai : elle sera alors distante de 1,35 milliard de kilomètres. Par ailleurs, cette année, l’inclinaison de l’axe de rotation de la planète géante par rapport à la Terre est presque maximal, les anneaux se montrent donc dans toute leur splendeur. Seul bémol à ces conditions d’observations optimales : Saturne, se trouvant dans les constellations de la Balance et du Scorpion, ne monte pas très haut sur l’horizon, aux latitudes boréales moyennes. C’est donc dans l’hémisphère austral qu’elle passe au zénith et peut être contemplée dans des conditions idéales.

La planète Saturne, telle qu'elle apparaît dans le ciel en mai 2015. Cette image prise par le télescope spatial Hubble montre en détail les anneaux de la planète. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Saturne, telle qu’elle apparaît dans le ciel en mai 2015. Cette image prise par le télescope spatial Hubble montre en détail les anneaux de la planète. A gauche, l’anneau A, séparé du brillant anneau B par la division de Cassini. Plus près du globe, pâle et transparent, apparaît l’anneau C. Photo Nasa/ESA/STSCI.

A l’œil nu, Saturne apparaît ce mois-ci d’un éclat comparable aux étoiles voisines, Antarès du Scorpion, l’Epi de la Vierge ou Arcturus du Bouvier. Elle se lève au sud-est vers 21 h et culmine au méridien, plein sud, vers 2 h du matin. Pour apercevoir les anneaux de la planète géante, un très modeste instrument suffit : longues vue, lunettes grossissant 20 x ou 30 x seulement. Saturne apparaît alors comme une minuscule bille jaune, entourée d’un petit cerceau… Une image magique, enchanteresse, pour qui la contemple pour la première fois. Un télescope plus puissant, équipé d’un miroir de 100 à 300 mm de diamètre, grossissant 150 x à 300 x, est nécessaire en revanche pour commencer à percevoir des détails à la surface de la planète et de ses anneaux. Les bandes nuageuses de ce monde gazeux, très léger, sont alors perceptibles, et les nuances de densité dans les anneaux apparaissent : un télescope d’amateur révèle trois grandes zones dans les anneaux de Saturne.

Zoom dans l'anneau B de Saturne. La sonde américaine Cassini a montré que les anneaux de Saturne étaient des structures changeantes, constituées de milliards de particules de glace se déplaçant au gré des vagues gravitationnelles levées par la myriade de satellites tournant autour de la planète géante. Photo Nasa/JPL.

Zoom dans l’anneau B de Saturne. La sonde américaine Cassini a montré que les anneaux de Saturne étaient des structures changeantes, constituées de milliards de particules de glace se déplaçant au gré des vagues gravitationnelles levées par la myriade de satellites tournant autour de la planète géante. Photo Nasa/JPL.

L’anneau C, le plus proche de la planète, est le plus pâle, l’anneau B, au centre, est le plus brillant et il est séparé de l’anneau extérieur A par la célèbre division de Cassini, une zone de moindre densité des anneaux, et qui laisse voir le noir de la nuit à travers elle. Mais les « anneaux de Saturne », en réalité, n’existent pas, comme la sonde américaine Cassini l’a révélé : les anneaux sont des structures apparentes, ils sont en nombre indéfini et changeant, et sont constitués de milliards de particules de glace éloignées de quelques mètres seulement les unes des autres, perpétuellement remodelés par les vagues gravitationnelles levées par la ribambelle de satellites qui entoure la planète Saturne.
Serge Brunier

Les moustiques nous piquent en fonction de notre ADN

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Moustique-tigre de l'espèce Aedes Aegypti, vecteur de la dengue (Ph. James Gathany via Wikicommons)

Moustique-tigre de l’espèce Stegomyia aegypti, vecteur de la dengue (Ph. James Gathany via Wikicommons)

« J’ai une peau qui attire les moustiques ». Combien de fois n’a-t-on pas entendu ce type de propos, voire ne l’a-t-on soi-même prononcé (si l’on fait partie de la malheureuse catégorie des « peaux à moustiques ») ? On se doutait déjà que les humains ne sont pas tous égaux face aux attaques de ces redoutables insectes, mais l’origine de l’inégalité n’était pas claire : est-ce une différence de température entre les individus ? Une différence d’odeur de peau liée à l’ingestion de certains aliments (comme l’ail) ? Une différence d’odeur liée à des caractéristiques métaboliques ou génétiques ?

Une nouvelle étude prouve que la tendance à attirer les moustiques est bien une affaire d’odeur corporelle, qui plus est, liée aux particularités du patrimoine génétique – une manière de dire que certains sont prédéterminés à sa faire dévorer par eux… Ce résultat donnerait de nouvelles pistes dans la lutte contre la propagation de maladies comme la dengue, le chikungunya ou la malaria.

20 moustiques femelles assoiffées de sang

L’étude, réalisée à la London School of Hygiene and Tropical Medicine en Angleterre, a consisté à mettre des moustiques-tigre de l’espèce Stegomyia aegypti, vecteurs de transmission de la dengue, en présence des odeurs corporelles de vrais et faux jumeaux, plus précisément 18 paires de jumeaux partageant exactement le même patrimoine génétique (monozygotes), le groupe A, et 19 paires n’en partageant qu’une partie (hétérozygotes), le groupe B.

Pour contrôler le choix des moustiques, 20 femelles de Stegomyia aegypti cherchant du  sang pour fournir des protéines à leurs oeufs, les chercheurs ont utilisé un olfactomètre en forme de Y, soit un tube avec une entrée commune puis une bifurcation vers deux sources d’odeurs différentes : attirés par un léger souffle exhalant les odeurs, les moustiques pouvaient pénétrer par l’entrée commune puis choisir la voie qu’ils préféraient. A l’extrémité de chacune de ces deux voies, la main d’un individu.

L'olfactomètre en "Y" : les moustiques entrent par l'extrémité qui exhale une odeur mélangée (en haut à gauche) puis ils choisissent le tube de gauche ou de droite par où circulent les odeurs des mains de deux individus différents (Crédit : Plos ONE)

L’olfactomètre en « Y » : les moustiques entrent par l’extrémité qui exhale une odeur mélangée (en haut à gauche) puis ils choisissent le tube de gauche ou de droite par où circulent les odeurs des mains de deux individus différents (en bas à droite). Crédit : Plos ONE.

A chaque test, les chercheurs offraient à 20 moustiques un choix entre deux menus : par exemple, la main d’un individu du groupe A (vrais jumeaux) et la main d’un individu du groupe B (faux jumeaux), ou bien la main d’un individu du groupe A ou B et pas de main (air pur), ou encore aucune main (air pur dans les deux extrémités). En réalisant toutes les combinaisons possibles pour tous les individus des groupes A et B, les chercheurs ont noté à chaque test les choix des moustiques.

Rendre les humains répulsifs aux yeux des moustiques ?

Les statistiques ont alors montré que l’attraction exercée par les odeurs des vrais jumeaux (testés séparément) était semblable, alors qu’elle ne l’étaient pas pour les faux jumeaux. Conclusion : l’odeur dégagée par le corps (main) est un facteur prépondérant dans le choix des moustiques et ceux-ci réagissent statistiquement de la même manière aux odeurs d’individus ayant le même patrimoine génétique.

La tendance à s’attirer les faveurs des moustiques femelles assoiffées de sang via son odeur corporelle prend donc sa racine dans les gènes qui régulent les sécrétions de la peau, plutôt que dans des facteurs alimentaires ou autres. Une découverte importante car elle permet de penser à de nouvelles stratégies de défense contre les moustiques porteurs de maladies graves, en particulier la possibilité de traitements génétiques pour rendre les individus répulsifs… du moins aux yeux des moustiques.

Román Ikonicoff

 

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  • Trouver le vaccin contre le paludisme – Grand espoir de la recherche médicale depuis toujours, la recherche d’un vaccin immunisant contre le plasmodium a pris un tournant majeur en 2012. – S&V n°1132.

S&V 1132 vaccin palu

  • Les moustiques enfin inoffensifs ? – Paludisme, dengue, chikungunya… en dehors des vaccins et des traitements, une parade originale à ces fléaux consiste à stériliser leurs vecteurs : les moustiques. – S&V n°1124

S&V 1124 dengue

  • Moustiques : la grande menaceAedes albopictus, Anophele gambiae, Culex quinquefasciatus… Pourquoi et comment ces créatures se répandent, semant des virus mortels à des endroits autrefois épargnés. – S&V n°1065

S&V 1065 moustiques

 

 

D’où viennent les éclairs qui surgissent des volcans ?

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Éruption du volcan Calbuco au Chili le 23 avril dernier (AFP)

Éruption du volcan Calbuco au Chili le 23 avril dernier (AFP)

Certaines éruptions sont effectivement accompagnées d’arcs électriques qui déchirent le nuage de cendres de part en part… Mais depuis l’Antiquité, seuls 80 volcans se sont illustrés de la sorte, avec un épais panache de fumée caractéristique. La foudre naît des cendres qui se chargent électriquement, selon leur taille (du millimètre au micromètre) : les plus lourdes, qui restent près du sol, accumulent des électrons, tandis que les plus légères, qui s’envolent très haut, ont tendance à en perdre et devenir positives (l’électron étant de charge négative).

Ainsi, par la force – gravitationnelle – des choses, deux régions électriquement opposées apparaissent. Leur différence de potentiel devient si importante que des éclairs surgissent : les électrons forcent le passage pour rétablir la neutralité du nuage, portant l’air à incandescence. Elémentaire ! Un peu trop, d’ailleurs. La poignée de chercheurs qui étudie le phénomène demeure perplexe sur certains aspects de ce scénario. Le magma est électriquement neutre, alors par quel prodige les cendres qui en sont issues se chargent-elles ?

Les volcans produisent des éclairs par la friction et fracturation

Certes, il semblerait que ce soit par friction : les particules qui se frottent les unes aux autres échangent des électrons. Mais pourquoi les plus lourdes en capturent, tandis que les plus légères en perdent ? En réalité, de nombreux processus interviennent. Le nuage se charge aussi par fragmentation : lorsque les particules solides se fracturent, elles libèrent des électrons et des ions positifs, électriquement chargés…

Quant aux volcans situés au bord d’océans, ou près de nappes phréatiques, le contact de la lave avec l’eau fait entrer dans l’air des ions de l’eau : dans le panache baignent des molécules chargées, qui parfois s’attachent aux cendres. Or, des reconstitutions en laboratoire ont montré qu’elles s’attachent plus ou moins selon la taille des poussières. Et l’air n’étant pas un parfait isolant électrique, les poussières chargées perdent ou gagnent des électrons en permanence, en fonction de la taille des particules. Il faudrait aussi approfondir le rôle de gouttelettes liquides et des gaz. Bref, on commence seulement à avancer dans la compréhension de la ségrégation des charges selon la nature du nuage.

Les volcans à l’origine de la vie ?

Et c’est loin d’être un point de détail. Car la foudre volcanique pourrait être ni plus ni moins à l’origine de la vie sur Terre ! Elle est en effet soupçonnée d’avoir permis certaines réactions chimiques dans l’atmosphère primitive, dont auraient émergé des acides aminés, premières briques de la vie. Or, autour des volcans, la concentration des ingrédients de base nécessaires à cette synthèse, comme le méthane ou l’ammoniac, est bien plus importante qu’ailleurs. En outre, le volcanisme était plus intense et explosif qu’aujourd’hui… il y a donc beaucoup de chances que nous soyons tous issus d’un coup de foudre volcanique.

B.R.

D’après S&V n°1125

 

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La réplique de la grotte Chauvet ouvre au public

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Un détail de la fresque des lions de la Caverne du Pont d'Arc - Ph. © SYCPA/Sébastien-Gayet

Un détail de la fresque des lions de la Caverne du Pont d’Arc – Ph. © SYCPA/Sébastien-Gayet

Enfin ! Il est désormais possible de visiter le plus beau joyau de l’art rupestre. Après 30 mois de travaux, le fac-simile de la grotte Chauvet ouvre ses portes aujourd’hui.

Découverte par hasard en 1994 et inscrite au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en juin dernier, la grotte Chauvet figure parmi les plus anciennes grottes ornées connues, du haut de ses 36 000 ans. Ses 8200 mètres carrés abritent environ un millier de dessins, dont les plus belles fresques qui nous soient parvenues du Paléolithique, où abondent les animaux les plus imposants, représentés en grandes cavalcades : lions, panthères, mammouths, rhinocéros laineux, chevaux, ours des cavernes, bisons, rennes, bouquetins et même un hibou, tracé au doit sur une paroi boueuse. D’autres dessins sont symboliques : on y reconnaît croix, hachures, points, mains, triangles pubiens.

Ce lieux mythique, ingénieurs, géomètres, artistes et chercheurs de 35 entreprises différentes ont travaillé 30 mois durant pour le restituer le plus fidèlement possible, pour le bonheur du public. Leur œuvre prend le nom de Caverne du Pont d’Arc, située à 6 km seulement de l’originale, près du village de Vallon (Ardèche).

Une reproduction minutieuse mêlant les techniques de l’époque et les technologies actuelles

Munis de charbons, de fusains et de morceaux d’ocre, les artistes ont peint, dessiné, gravé, soufflé et estompé afin de reproduire au millimètre près les œuvres léguées par nos ancêtres. Pour y parvenir, il a d’abord fallu étudier avec une extrême précision la manière dont les dessins originaux ont été réalisés, et dans quel ordre. Saisir l’importance des reliefs, exploités par leurs prédécesseurs paléolithiques pour donner du volume à leurs scènes.

A l’appui, les relevés réalisés dans la grotte originale, au nombre de 60 000 ! Auxquels s’ajoutent les 6000 photos numériques ayant capturé des images de chaque recoin, saisi chaque détail. Le tout a donné forme à un modèle de la grotte originale en 16 milliards de points !

Le peintre préhistorien Gilles Tosello effectue des retouches sur le panneau des chevaux © Stéphane Compoint / Resolute

Le peintre préhistorien Gilles Tosello effectue des retouches sur le panneau des chevaux © Stéphane Compoint / Resolute

Ensuite, la caverne-copie a été construite. Des armatures métalliques ont donné forme à son squelette, une immense ossature soudée et modelée pour reconstituer la forme originale. Elles ont été recouvertes de grillages en métal et plastique reproduisant la forme des parois, sur lesquels a été apposée une couche de béton gratté, puis de mortier paysager ou de résine, modelés à l’image des reliefs de la grotte Chauvet. C’est sur cette toile que les artistes ont opéré.

La reproduction est si fidèle que des centaines d’ossements de crânes et fémurs (appartenant surtout à des ours) ont été répliqués et positionnés à leur emplacement exact, ainsi que des concrétions naturelles et des saisissantes empreintes de pas figées par les millénaires. Mais les hommes de l’époque ne l’ont pas habitée : les préhistoriens estiment que la grotte Chauvet a pu être le théâtre de rites chamaniques, notamment autour de la figure des ours.

En tout, la surface reproduite s’étend sur 3000 mètres carrés, qui se visitent en 10 étapes et 55 minutes.

Fiorenza Gracci

 

> En kiosque :

  • Au plus près du mythe — S&V Questions-Réponses n°15 – en kiosque tout le printemps.

QR 15 - Chauvet

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives :

  • La science peut-elle sauver Lascaux ? — S&V n°1089 – 2008. Moisissures, champignons, algues… envahissent périodiquement la grotte Lascaux, découverte en 1940 et dégradée par son ouverture au public. Toutes les technologies sont mobilisées pour la soigner.

S&V 1089 - Lascaux

  • Le dernier joyau de la grotte Chauvet — S&V n°1005 – 2001. Une fresque représentant un corps féminin, unique dans l’art rupestre, est découverte en octobre 2000. Une Vénus primitive !

Le dernier joyau de la grotte Chauvet

Les anges gardiens de la grotte Chauvet

Voir son corps disparaître… n’a rien de stressant !

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Le volontaire voit à travers son casque de réalité virtuelle l'espace filmé par les cameras comme s'il se situait sous lui (Crédit : Staffan Larsson)

Un volontaire voit à travers son casque de réalité virtuelle l’espace filmé par les cameras : il a l’impression que son corps a disparu. (Crédit : Staffan Larsson)

Dans une expérience conçue par des neuroscientifiques de l’Institut Karolinska (Stockholm, Suède), des volontaires ont vu leur corps devenir invisible, ce au moyen de casques à réalité virtuelle. Confrontés alors à une assemblée de personnes, leur niveau de stress est resté étonnamment bas au regard de ce qu’on mesure habituellement quand un individu est confronté à des inconnus (anxiété sociale). Un résultat touchant au domaine de la représentation cognitive du corps, et qui fait l’objet d’une publication dans Scientific Reports.

Pour mener à bien l’expérience, les chercheurs suédois du laboratoire Cerveau, Corps & Soi ont recruté 125 volontaires qu’ils ont équipés de casques à réalité virtuelle : ces casques leur renvoyaient l’image filmée par deux caméras (pour garantir l’effet stéréoscopique) situées ailleurs dans la salle et qui pouvaient suivre le mouvement de leur tête (voir photos ci-dessous). Juste en-dessous de la paire de caméras, les chercheurs ont installé des corps de mannequins (pour le groupe de contrôle) ou ont laissé l’espace vide (pour le groupe soumis à l’expérience d’invisibilité). Ainsi, un volontaire qui baissait la tête pour regarder son corps apercevait en réalité soit le corps du mannequin, soit le vide.

En moins d’une minute, le cerveau accepte que le corps soit devenu invisible

Afin de provoquer le « transfert » de la représentation mentale du corps, les chercheurs ont ensuite utilisé des pinceaux pour « chatouiller » l’espace situé sous les caméras – et donc vu par les volontaires comme étant situé sous leur regard – tout en chatouillant réellement leur corps (non vus par les volontaires). Ces derniers ont alors décrit aux chercheurs leur impression de sentir leur corps devenir transparent et vide. Pour confirmer la profondeur de ce transfert, les chercheurs ont ensuite utilisé des couteaux : en donnant un coup de couteau dans l’espace vide sous les caméras, les chercheurs ont observé des réflexes de défense chez les volontaires. A ce stade, la « décorporalisation » était achevée.

Schéma décrivant la situation réelle (en haut) pour le groupe de contrôle et le groupe "sans corps", et ce qu'aperçoit un volontaire au travers du casque (Crédit : Staffan Larsson)

Schéma décrivant la situation réelle (en haut) pour un individu « sans corps » et un individu du groupe de contrôle (corps de mannequin), et ce qu’ils aperçoivent au travers du casque (en bas). Crédit : Staffan Larsson

La deuxième partie de l’expérience a consisté à soumettre une trentaine de ces individus « sans corps » à la présence d’une assemblée de 11 personnes (des chercheurs de l’équipe) qui devaient regarder fixement les caméras. On a alors évalué leur niveau de stress via les déclarations des volontaires eux-mêmes, et leur fréquence cardiaque mesurée par électrocardiogramme. Le groupe de contrôle, affublé d’un corps de mannequin, a également été exposé aux regards de l’assemblée et aux mesures de stress afin d’établir un niveau de référence. Résultat : par analyse statistique des mesures obtenues, les volontaires sans corps ressentaient consciemment 35% moins de stress que les autres, et leur cœur battait 5% moins vite.

Sans titre

Le volontaire fait face à une assemblée de personnes qui « le » regardent (en réalité, ils regardent les caméras). Crédit : Staffan Larsson

Cette expérience avait un double objectif. D’abord, prouver que la représentation mentale du corps, consciente mais aussi inconsciente et réflexe, peut être modifiée en moins d’une minute jusqu’à l’extrême : le corps devenant un volume d’espace vide. En effet, l’équipe, connue pour ses travaux sur les douleurs des membres fantômes (ils amputent virtuellement un individu sain d’un de ses membres, ou en rajoutent à un individu amputé) et sur l’interchangeabilité des corps, n’avait jamais encore fait totalement disparaître notre enveloppe charnelle. Le second objectif de l’expérience était de mesurer quantitativement l’importance de cette représentation interne dans notre interaction avec l’environnement social, c’est-à-dire l’influence des signaux sociaux dans la manière dont le cerveau traite la représentation du corps.

Une nouvelle voie vers des thérapies contre l’anxiété et la phobie sociales

Outre son aspect étonnant, un tel résultat pourrait déboucher sur de nouvelles thérapies cognitivo-comportementales (TCC) contre le syndrome d’anxiété sociale (ou phobie sociale), et également contre les douleurs fantômes du tronc et des quatre membres des patients lésés au niveau cervical de la moelle épinière. Il pourrait aussi ouvrir la voie à l’étude des conséquences de l’invisibilité du corps sur les comportements moraux des individus – un phénomène en pleine croissance avec la multiplication des espaces virtuels sociaux et l’utilisation de drones militaires (où le soldat troque son corps contre celui d’une machine située à des milliers de kilomètres de lui).

Román Ikonicoff

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1044

  • La formule qui décrypte le monde – S&V n°1142 – 2012 – Depuis quelques années, la recherche en sciences cognitives s’est affinée. Outre les recherches expérimentales sur la plasticité cérébrale et la volatilité des représentations mentales du corps, des modèles théoriques émergent, en particulier autour d’une formule, la célèbre formule de Bayes, qui semble consubstantielle à tout traitement par le cerveau des informations provenant de la réalité extérieure.

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  • Libre arbitre : notre cerveau décide avant nous – S&V n°1057 – 2005 – L’un des grands apprentissages issues des sciences cognitives est l’importance des mécanismes inconscients et hyper-rapides dans notre être au monde. Au point de questionner notre libre arbitre.

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L’écomobilité, alternative à la voiture individuelle

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Paris, Lyon, Bordeaux, Caen, Le Havre… De nombreuses villes ont connu des alertes à la pollution de l’air. De quoi nous inciter à repenser notre façon de nous déplacer. « En France, la voiture reste de loin le moyen le plus plébiscité pour les trajets domicile-travail, rappelle ainsi Johan Ransquin, chef du service transports et mobilité à l’Ademe. Or elle est en général occupée par une seule personne et est utilisée à peine 5 % du temps dans une journée ! »

Autopartage, vélo électrique

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