Le confinement des bureaux pénalise les fonctions cognitives des employés

Standard

Les employés de bureau verraient leurs facultés cognitives diminuées par l'air vicié qui y circule (Ph. Jean-Etienne Minh-Duy Poirrier via Flickr CC BY 2.0).

Les employés de bureau verraient leurs facultés cognitives diminuées par l’air vicié et pollué qui y circule (Ph. Jean-Etienne Minh-Duy Poirrier via Flickr CC BY 2.0).

En ces temps où l’on demande aux travailleurs d’augmenter leur productivité – crise économique oblige – une étude insolite montre qu’il y aurait tout intérêt à modifier l’atmosphère des bureaux pour voir cette productivité augmenter quasi-naturellement. Publiée dans le journal Environmental Health Reports, l’étude s’inscrit dans cette vague récente qui interroge la salubrité de nos lieux de vie.

En effet, après les questions de pollution intérieure, dont on a démontré qu’elle dépasse souvent la pollution extérieure, ce sont aujourd’hui les fonctions cognitives des employés de bureaux qui sont au centre d’une étude. Conclusion : les polluants provenant des matériaux et des produits d’entretien et l’air vicié grèvent la pensée des travailleurs, l’amputant d’une part non négligeable (plus de la moitié) de sa capacité !

Victimes d’une atmosphère confinée et polluée

L’étude, qui porte le long titre de “Associations entre les scores des fonctions cognitives et l’exposition au dioxyde de carbone, la ventilation, et les composés organiques volatiles chez les employés de bureau : une étude d’exposition contrôlée aux environnements de bureau verts et conventionnels“, a été menée en laboratoire avec la plus grande précision et en suivant une méthodologie scientifique : 24 travailleurs volontaires (architectes, designers, programmeurs, ingénieurs, créatifs, managers, professions libérales) ont accepté, moyennant 800 dollars de rémunération, de passer six jours à travailler dans des bureaux factices au sein de laboratoire Total Indoor Environmental Quality (TIEQ) de l’université de Syracuse (États-Unis).

Présents sur les lieux de 09H00 à 17H00, les mardis, mercredis et jeudis de deux semaines consécutives (en 2014), les volontaires ont pu travailler réellement mais en répondant durant 1H30 (par jour) à des tests cognitifs spécifiques, sous le regard et les manipulations atmosphériques de l’équipe de chercheurs. Chaque travailleur était placé dans un “bureau” hermétique dont les paramètres d’air (oxygène, CO2, molécules volatiles) variaient au gré des besoins de l’expérience, mais sans en informer les cobayes.

Bureau conventionnel, bureau vert et bureau vert+

Trois types d’ambiances de bureau ont été testés : l’ambiance “conventionnelle”, “verte” et “verte+”. La première baigne dans un air contenant des concentrations en molécules volatiles organiques similaires à celles que peuvent dégager les produits d’entretien, les matériaux et objets bureautiques, les peintures, etc. dans un bureau du type “années 1990″, plus ou moins hermétique, mal aéré et ventilé.

La deuxième ambiance est celle des bureaux construits dans les années 2000 avec la prise de conscience de la nécessité de réduire les déperditions énergétiques : très hermétique avec ventilation intérieure mais faible taux de renouvellement d’air, soit une forte concentration en molécules volatiles et CO2. Enfin, la troisième ambiance est celle des tous nouveaux bureaux (du moins aux États-Unis), hermétiques mais avec un bon taux de renouvellement d’air et l’utilisation de produits et matériaux à faible teneur de molécules volatiles polluantes.

 Évaluation des capacités cognitives

L’étude est très complète et détaillée, mais ses principales conclusions peuvent être exposées en quelques lignes. Les chercheurs ont testé les facultés cognitives des 24 volontaires selon le type d’ambiance auquel ils étaient exposé, tests effectués selon une méthodologie éprouvée (la Strategic Management Simulation), soit des exercices sur ordinateur de prises de décision simulées.

Concrètement, les tests (1H30 par jour) simulaient des situations mettant à l’épreuve la capacité de réaction et de décision des volontaires : problèmes urgents à résoudre en tant que coordinateurs en charge de l’organisation logistique d’une ville, d’une usine, etc. – le logiciel de calcul des réponses admettant plusieurs types de solutions ou de stratégies.

Des employés de bureau amputés de plus de la moitié de leurs capacités cognitives

Les fonctions cognitives notées se divisaient en 9 types, concernant aussi bien la capacité à chercher des informations pertinentes, que la vitesse de réponse, la complexité des stratégies mises en œuvre, etc. (voir le tableau 4 de la publication, en anglais).

Résultat : les employés des bureaux verts atteignent un score cognitif supérieur de 61% à celui des employés de bureau conventionnel, et ceux du bureau vert+ les dépassent de 101%. A méditer (à l’air libre).

Román Ikonicoff

 

> Lire aussi :

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  • Polluants domestiques, la chasse est ouverte — S&V n°1032 – 2003. C’est le début de la prise de conscience : l’Observatoire de la qualité de l’air intérieur lance une campagne partout en France pour mesurer les polluants dans les logements.

S&V 1032 - air interieur

S&V 1157 - air interieur

S&V 1136 - air interieur

Pourquoi la toxicité des substances chimiques nous échappe - S&V 1140

 

Le film « The Visit, une rencontre extraterrestre » nous met dans la peau d’un alien qui découvre les terriens

Standard

Chris Welch, un ingénieur spatial de l'International Space University, à Strasbourg, se retrouve dans le vaisseau spatial de l'extraterrestre (crédit : )

Chris Welch, un ingénieur de l’International Space University, à Strasbourg, se retrouve un instant dans le vaisseau de l’extraterrestre (crédit : The Visit)

Thème chéri de la science-fiction, la « rencontre du troisième type », ou premier contact entre l’humanité et une forme de vie extraterrestre, peut-elle encore être originale ? Le Docu-fiction “The Visit, une rencontre extraterrestre” de Michael Madsen qui sort aujourd’hui, 4 novembre, en France, montre que oui.

Pas d’hémoglobine ni de cranes surdéveloppés ici, non. Mais le réalisateur danois bouleverse les codes du genre, en plongeant le spectateur dans la peau de l’Alien. C’est lui que ce docu-fiction d’une heure trente se propose de suivre, dans sa découverte de la Terre, et surtout de ses habitants, les humains.

Et parlons-en, des humains. On les découvre d’abord d’en haut, lors de séquences sans paroles, comme ce passage piéton que l’on redécouvre tout à coup comme si l’on voyait une curiosité extra-planétaire. Puis en face à face, lors d’entretiens reconstitués avec les vrais experts qui, dans la réalité, seraient les plus aptes à gérer telle situation : forces armées, membres de l’ONU, spécialistes du célèbre projet SETI (Search for ExtraterresTrial Intelligence), ingénieurs de la NASA et autres représentants gouvernementaux, tous se prêtent au jeu, simulant cette rencontre historique.

 

La vie quotidienne devient soudain objet de curiosité pour l'extraterrestre qu'est sencé être le spectateur (crédit : )

La vie quotidienne devient objet de curiosité pour l’extraterrestre qu’est sensé être le spectateur (crédit : The Visit)

 

C’est pendant ces échanges quasiment unilatéraux (le public/extra-terrestre reste muet), aux silences embarrassants, que l’intérêt du documentaire se révèle. Car au fil du temps, on comprend qu’il n’existe pas de protocole de prévu dans le cas de la venue d’une intelligence non-terrestre. Face à l’inconnu, les réactions sont d’abord très anthropocentrées. Les interlocuteurs cherchent des points de repères (« Avez-vous une imagination ?», « Faites-vous la différence entre le bien et le mal ?»), puis tentent de définir pour nous, public d’un autre monde, la notion d’humain. Le disque d’or embarqué aux confins du système solaire par les sondes Voyager dans les années 1970, portrait de la vie et de la culture terrestre, est d’ailleurs magnifiquement commenté pour l’occasion.

 

John Rummel, spécialiste du COSPAR (committee on space research), (crédit : The Visit)

John Rummel, du COSPAR (Committee On SPAce Research), est l’un des experts chargés de l’interrogatoire (crédit : The Visit)

 

Mais cette douce réflexion philosophique est vite rattrapée par des préoccupations plus terre-à-terre. L’humain a des démons (« Doit-on parler de la guerre ? »), et il avoue quelque peu gêné que, dans son histoire, les chocs de civilisations se sont mal terminés pour la moins « évoluée » d’entre-elles. La curiosité que l’on pouvait lire dans les yeux des experts laisse alors place à de la méfiance, et même à de la peur. « Nos deux biologies ne risquent-elles pas de s’annihiler ? ». Pressions pour connaître les intentions du visiteur, menaces militaires à peine déguisées… un malaise s’empare du spectateur.

Le tour de force de Michael Madsen est qu’il réussit peu à peu à nous détacher de notre condition humaine, et nous offre un recul inédit pour observer l’Homme. C’est bien notre espèce, qui se révèle ici si jeune, si impatiente et si névrosée, qui est l’objet de ce docu-fiction. Et quand le classique mais toujours très efficace Space Oddity (de David Bowie) sonne la fin de l’expérience, une seule interrogation subsiste. L’humain vaut-il la peine qu’on le visite ?

Thomas Cavaillé-Fol.

 

Voir la bande-annonce du film : “The Visit, une rencontre extraterrestre”.

The Visit est le second docu-fiction d’une “trilogie de l’humanité” réalisée par le Danois Michael Madsen. Celle-ci a débuté avec “Into Eternity” (2010), traitant de la gestion future des déchets nucléaires, et se cloturera prochainement  avec “Odyssey”, qui pose le problème des voyages spaciaux sur plusieurs générations.