Mais que se passe-t-il donc dans le cerveau de Sting ?

Standard

L’artiste et le génie intriguent. Et les scientifiques n’échappent pas à la règle, surtout s’ils sont neurologues ou cognitivistes, et s’ils possèdent toute la machinerie moderne pour fouiller dans le cerveau de ces êtres d’exception – sans les tuer, bien sûr.

C’est pour tenter d’appréhender un peu de l’essence cérébrale de l’art que deux chercheurs, l’un canadien, l’autre américain, ont soumis le célèbre musicien Sting (ancien leader du groupe-phare Police ayant poursuivi une carrière en solo tout aussi remarquable) à une batterie de tests par imagerie cérébrale (IRMf). Leur résultat, aussi intriguant que l’artiste lui-même, a été publié dans la revue Neurocase.

Sting happé dans la machine

Ce sont les circonstances qui ont mené Sting, 55 ans, dans un labo de sciences cognitives la tête plongée dans l’impressionnante machine d’IRMf : suite à la lecture d’un livre de l’un des chercheurs, le Pr Daniel Levitin de l’université de McGill (Montréal), auteur de This is your brain on music, the science of a human obsession en 2006, le chanteur, qui a beaucoup aimé le livre, s’est mis en contact avec le chercheur à l’occasion d’un concert à Montréal en juillet dernier. De fil en aiguille Sting s’est retrouvé happé dans la machine.

Levitin, secondé par son collègue le Pr Scott Grafton de l’université de Californie à Santa Barbara, ont demandé à Sting de se soumettre à trois expériences cognitives pendant qu’ils mesuraient son activité cérébrale.

Trois séries d’expériences et quelques chansons

La première avait trait à la création musicale et a comporté quatre exercices : Premièrement, Sting a dû composer un fragment de chanson originale, ensuite il a dû ne créer qu’une mélodie, ensuite un rythme, ensuite un rythme et une mélodie, ensuite un fragment de prose, et enfin imaginer un œuvre visuelle. Sting s’y est prêté avec amabilité… Ces deux dernières tâches étant destinées à comparer l’expertise musicale du cerveau de Sting avec des activités plus communes.

La seconde expérience consistait à lui faire écouter une musique connue pendant quelques secondes versus lui demander de la reproduire mentalement, ce pour une liste de 10 musiques prises dans cette liste. On y trouvait pêle-mêle du Britney Spears, Moussorgski, Rolling Stones, Prokofiev, etc. Imaginez-le, coincé dans l’appareil… Une expérience destinée à comparer les activations cérébrales entre un acte réel et sa reproduction mentale.

Variété-pop, rock classique, jazz, R&B, tango…

Enfin, la troisième expérience était dédiée uniquement à l’écoute de morceaux de différents genres (pris dans la liste) : variété-pop, rock classique, jazz, R&B, tango, classique, reggae, easy listening. Ce, afin d’étudier comment le cerveau de l’artiste associait ou pas des chansons appartenant à un même genre ou à des genres différents.

L’analyse des données IRMf de tous ces tests s’est fait avec des méthodes de classement (automatiques) capables de faire émerger des « schémas d’activation », c’est-à-dire des circuits mettant en lien plusieurs groupes de neurones séparés spatialement, et de distinguer des similitudes. En particulier les chercheurs ont utilisé les méthodes d’analyse de « modèle multivoxel » et d’analyse de « dissimilarité représentationnelle. »

Interprétations

De ce travail, les chercheurs ont extrait de nombreuses observations. Par exemple, des schémas d’activation semblables pour deux musiques en apparence dissemblables. En particulier une très forte ressemblance cognitive pour Libertango, de Piazzolla, et Girl, des Beatles (expérience 3). Expliqué par les chercheurs par une similarité des « motifs de la mélodie ».

Ou le fait que dans la le cerveau de Sting, la mélodie serait plus importante dans le processus de création que le rythme (expérience. 1). Ou, enfin, qu’il n’y a pas grande différence chez l’artiste (du moins son cerveau) entre l’écoute d’une musique et sa reproduction mentale (expérience 2).

Néanmoins, soulignent les chercheurs avec raison, ces données étant basées sur un seul individu, « nous ne faisons aucune affirmation sur ce qui pourrait être trouvé pour d’autres musiciens ou compositeurs. » Des données isolées, qui attendront des études plus systématiques et statistiques pour révéler peut-être ce qui niche dans la tête des artistes musicaux.

–Roman Ikonicoff

Les radiations spatiales à l’origine de défaillances cardiaques chez les astronautes

Standard

Pour la plupart, ils sont en bonne santé, et coulent une retraite heureuse, avec des souvenirs uniques : les astronautes du programme Apollo, qui ont offert la Lune à l’Amérique entre 1968 et 1972, ont aujourd’hui entre 80 et 85 ans. Seuls huit d’entre eux sont décédés, Pete Conrad dans un accident, les sept autres de maladie…

Et là, surprise : l’équipe américaine de Michael Delp, Payal Ghosh, Jacqueline Charvat, Charles Limoli et Ruth Globus a constaté que 43 % de ces décès étaient dus à une défaillance cardiaque. Un nombre étonnant, lorsque que l’on songe que la forme et l’hygiène de vie des astronautes américains est forcément meilleure que celles de l’Américain moyen, dont le risque de décès par maladie cardiaque est de seulement 27 % pour une population d’âge identique à celle des astronautes décédés. Les chercheurs, affiliés à la Nasa et aux universités de Floride et de Californie, ont alors comparé la cohorte d’astronautes des missions Apollo avec celles des astronautes qui n’ont connu que l’orbite basse, et la population d’astronautes qui n’a jamais volé dans l’espace : 11 % des décès par maladie cardiaque pour les premiers, 9 % pour les autres, cette fois, le différentiel avec la population américaine est normal.

Alors, quid des astronautes d’Apollo ? Ceux-ci sont, en tout, au nombre de vingt-quatre. Vingt-quatre hommes ont quitté l’environnement terrestre pour gagner la Lune, distante d’environ 400 000 kilomètres, pour tourner autour ou l’explorer directement. Enfin, douze de ces vingt-quatre hommes ont marché sur la Lune.

En comparaison, un peu plus de cinq cents astronautes de toutes nationalités ont volé dans l’espace, mais sont demeurés en orbite basse, à bord de la navette spatiale, de Skylab, des Salyout, de la station Mir ou de la station spatiale internationale. D’un côté, la Lune, 400 000 kilomètres, de l’autre, l’orbite basse, mille fois plus proche de la Terre. Or, à 300 ou 400 kilomètres d’altitude, juste au-dessus des nuages, les astronautes sont protégés par la magnétosphère terrestre, ce champ magnétique invisible et intense qui dévie les rayonnements ultra énergétiques et létaux, en provenance du Soleil ou de la Galaxie…

Ces rayonnements ionisants, comparables à ceux que l’on rencontre près d’un réacteur nucléaire, les chercheurs les connaissent, et savent qu’ils provoquent des cancers. En orbite basse, le risque existe, mais, encore une fois, la magnétosphère fait office de parapluie, peu étanche, certes, mais protecteur cependant. Au-delà de la magnétosphère, en revanche…

En cas de vent solaire violent, ou d’éruption majeure de notre étoile, un astronaute en route vers la Lune ou se promenant à sa surface serait en danger de mort. En cas de séjour dans l’espace profond, ou sur la Lune, ou sur Mars, le danger augmenterait continûment, au fil des jours et de la contamination radioactive. Mais les astronautes des missions Apollo n’ont séjourné que peu de temps dans l’espace profond, quelques jours à deux semaines, tout au plus !

Et ce n’est pas le cancer qui a provoqué le décès des astronautes d’Apollo, mais une défaillance cardiaque…

Les médecins américains ont alors étudié des souris, en les soumettant aux mêmes doses de radiations et ont conclu que la surmortalité par défaillance cardiaque des astronautes d’Apollo est bien due aux radiations cosmiques… Celles-ci provoqueraient des inflammations chroniques au niveau du système cardiovasculaire et provoqueraient l’obstruction des vaisseaux sanguins, augmentant le risque d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral.

Le risque de cancer par irradiation cosmique pour les astronautes est connu depuis longtemps, mais si aucune surmortalité par cancer n’a été détectée dans les populations d’astronautes étudiées, c’est que, dans leur immense majorité, les astronautes ne volent que peu de temps – quelques jours à quelques semaines – et que même lors de séjours longs – un an à deux ans en temps cumulé – les astronautes sont protégés en grande partie par la magnétosphère. Mais le risque de maladie cardiovasculaire du fait des rayons cosmiques, semble, lui, avoir été sous-estimé par les chercheurs. Jusqu’ici, seule la gravité, ou plutôt son absence, qui perturbe gravement le cœur pendant les missions spatiales, avait été prise en compte par la médecine spatiale.

L’étude de Michael Delp, Payal Ghosh, Jacqueline Charvat, Charles Limoli et Ruth Globus jette un froid dans la communauté spatiale, et interroge les projets de missions martiennes, voire de colonisation de Mars, que l’on évoque depuis des décennies dans le milieu spatial… et dans les livres de science-fiction.

Un voyage vers Mars, en effet, livrerait les astronautes à des années d’irradiation cosmique… Durant le voyage, d’abord, puis sur la planète rouge, la surface martienne n’étant pas protégée par un champ magnétique et une atmosphère épaisse, comme celle de notre planète.

Les mesures de radiations cosmiques prises par la sonde américaine Curiosity pendant son voyage puis sur Mars donnent le frisson. La sonde a reçu près de 2 mSv (millisievert) de radiations par jour de voyage. Pour comparaison, la radioactivité naturelle moyenne en France avoisine 2 mSv par an. Un aller-retour Terre-Mars soumettrait les astronautes à près de 1000 mSv, ou 1 Sv. Un tel rayonnement, on le sait, augmente dramatiquement les risques de cancers, mais quid des risques cardiovasculaires, lorsque l’on songe que les astronautes des missions Apollo n’ont reçu qu’environ 6 mSv pendant leur mission lunaire ?

Serge Brunier

Les radiations spatiales à l’origine de défaillances cardiaques chez les astronautes

Standard

Pour la plupart, ils sont en bonne santé, et coulent une retraite heureuse, avec des souvenirs uniques : les astronautes du programme Apollo, qui ont offert la Lune à l’Amérique entre 1968 et 1972, ont aujourd’hui entre 80 et 85 ans. Seuls huit d’entre eux sont décédés, Pete Conrad dans un accident, les sept autres de maladie…

Et là, surprise : l’équipe américaine de Michael Delp, Payal Ghosh, Jacqueline Charvat, Charles Limoli et Ruth Globus a constaté que 43 % de ces décès étaient dus à une défaillance cardiaque. Un nombre étonnant, lorsque que l’on songe que la forme et l’hygiène de vie des astronautes américains est forcément meilleure que celles de l’Américain moyen, dont le risque de décès par maladie cardiaque est de seulement 27 % pour une population d’âge identique à celle des astronautes décédés. Les chercheurs, affiliés à la Nasa et aux universités de Floride et de Californie, ont alors comparé la cohorte d’astronautes des missions Apollo avec celles des astronautes qui n’ont connu que l’orbite basse, et la population d’astronautes qui n’a jamais volé dans l’espace : 11 % des décès par maladie cardiaque pour les premiers, 9 % pour les autres, cette fois, le différentiel avec la population américaine est normal.

Alors, quid des astronautes d’Apollo ? Ceux-ci sont, en tout, au nombre de vingt-quatre. Vingt-quatre hommes ont quitté l’environnement terrestre pour gagner la Lune, distante d’environ 400 000 kilomètres, pour tourner autour ou l’explorer directement. Enfin, douze de ces vingt-quatre hommes ont marché sur la Lune.

En comparaison, un peu plus de cinq cents astronautes de toutes nationalités ont volé dans l’espace, mais sont demeurés en orbite basse, à bord de la navette spatiale, de Skylab, des Salyout, de la station Mir ou de la station spatiale internationale. D’un côté, la Lune, 400 000 kilomètres, de l’autre, l’orbite basse, mille fois plus proche de la Terre. Or, à 300 ou 400 kilomètres d’altitude, juste au-dessus des nuages, les astronautes sont protégés par la magnétosphère terrestre, ce champ magnétique invisible et intense qui dévie les rayonnements ultra énergétiques et létaux, en provenance du Soleil ou de la Galaxie…

Ces rayonnements ionisants, comparables à ceux que l’on rencontre près d’un réacteur nucléaire, les chercheurs les connaissent, et savent qu’ils provoquent des cancers. En orbite basse, le risque existe, mais, encore une fois, la magnétosphère fait office de parapluie, peu étanche, certes, mais protecteur cependant. Au-delà de la magnétosphère, en revanche…

En cas de vent solaire violent, ou d’éruption majeure de notre étoile, un astronaute en route vers la Lune ou se promenant à sa surface serait en danger de mort. En cas de séjour dans l’espace profond, ou sur la Lune, ou sur Mars, le danger augmenterait continûment, au fil des jours et de la contamination radioactive. Mais les astronautes des missions Apollo n’ont séjourné que peu de temps dans l’espace profond, quelques jours à deux semaines, tout au plus !

Et ce n’est pas le cancer qui a provoqué le décès des astronautes d’Apollo, mais une défaillance cardiaque…

Les médecins américains ont alors étudié des souris, en les soumettant aux mêmes doses de radiations et ont conclu que la surmortalité par défaillance cardiaque des astronautes d’Apollo est bien due aux radiations cosmiques… Celles-ci provoqueraient des inflammations chroniques au niveau du système cardiovasculaire et provoqueraient l’obstruction des vaisseaux sanguins, augmentant le risque d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral.

Le risque de cancer par irradiation cosmique pour les astronautes est connu depuis longtemps, mais si aucune surmortalité par cancer n’a été détectée dans les populations d’astronautes étudiées, c’est que, dans leur immense majorité, les astronautes ne volent que peu de temps – quelques jours à quelques semaines – et que même lors de séjours longs – un an à deux ans en temps cumulé – les astronautes sont protégés en grande partie par la magnétosphère. Mais le risque de maladie cardiovasculaire du fait des rayons cosmiques, semble, lui, avoir été sous-estimé par les chercheurs. Jusqu’ici, seule la gravité, ou plutôt son absence, qui perturbe gravement le cœur pendant les missions spatiales, avait été prise en compte par la médecine spatiale.

L’étude de Michael Delp, Payal Ghosh, Jacqueline Charvat, Charles Limoli et Ruth Globus jette un froid dans la communauté spatiale, et interroge les projets de missions martiennes, voire de colonisation de Mars, que l’on évoque depuis des décennies dans le milieu spatial… et dans les livres de science-fiction.

Un voyage vers Mars, en effet, livrerait les astronautes à des années d’irradiation cosmique… Durant le voyage, d’abord, puis sur la planète rouge, la surface martienne n’étant pas protégée par un champ magnétique et une atmosphère épaisse, comme celle de notre planète.

Les mesures de radiations cosmiques prises par la sonde américaine Curiosity pendant son voyage puis sur Mars donnent le frisson. La sonde a reçu près de 2 mSv (millisievert) de radiations par jour de voyage. Pour comparaison, la radioactivité naturelle moyenne en France avoisine 2 mSv par an. Un aller-retour Terre-Mars soumettrait les astronautes à près de 1000 mSv, ou 1 Sv. Un tel rayonnement, on le sait, augmente dramatiquement les risques de cancers, mais quid des risques cardiovasculaires, lorsque l’on songe que les astronautes des missions Apollo n’ont reçu qu’environ 6 mSv pendant leur mission lunaire ?

Serge Brunier