Un mini-estomac sur rames pour digérer la pollution des mers

Standard

Le RowBot digère la pollution de l'eau pour en faire de l'énergie (Ph.)

Le RowBot digère la pollution de l’eau pour en faire de l’énergie (Ph.)

Il mesure 20 cm sur 10 cm environ, hors rames et flotteurs, se déplace à 2 cm par seconde (7,2 m/h) sur l’eau et est littéralement un estomac artificiel flottant. Il absorbe et digère les déchets polluants pour en tirer de l’énergie, afin de continuer à ramer, manger, digérer, ramer, manger, digérer… Un peu comme nous.

RowBot, qu’on pourrait traduire par RamBot (robot rameur), est une “pile à bactéries” ou MFC (Microbial fuel cell), dispositif contenant un bouillon de bactéries ainsi qu’un jeu d’anode-cathode, parfaitement autonome car elle produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme pour se propulser. Cette efficacité permet d’imaginer de futurs colonies de dépollueurs sillonnant les mers et sites pollués.

Un système contre la pollution inspiré des cigales d’eau

Les concepteurs de RowBot, des chercheurs de l’université de Bristol (Royaume-Uni), avouent s’être inspirés directement des Corises, ces punaises aquatiques ou cigales d’eau pour imaginer leur dispositif.

La corise (Corixidae sp.) ou punaise aquatique a inspiré le RowBot dépollueur des mers (Ph. Thomas Bresson via Wikicommons CC BY-SA 3.0). Image prise avec la bonnette Raynox DCR-250.

La corise (Corixidae sp.) ou punaise aquatique a inspiré le RowBot dépollueur des mers (Ph. Thomas Bresson via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

RowBot possède en effet deux propulseurs (rames) et des stabilisateurs (flotteurs) qui imitent les dispositifs naturels des corises, soit des paires de pattes épaisses pour nager et pattes fines pour se stabiliser. Mais l’originalité du dispositif réside dans le contenu de son corps : 25 ml de boue d’épuration contenant naturellement des colonies de bactéries qui s’alimentent de toute sorte de substances polluantes, les dégradant par le mécanisme chimique d’oxydoréduction (échange d’électrons et de protons).

Des rames et une bouche

Lors de la digestion, ces bactéries libèrent ainsi des électrons et des protons – captés par un circuit cathode-anode/membrane semi-perméable similaire à celui des piles chimiques courantes – en cassant les molécules organiques polluantes en produisant des molécules inertes et du carbone (qui se fixe à l’anode).

Le courant électrique ainsi généré (circulation d’électrons dans les fils et de protons dans le liquide) permet à un petit moteur d’actionner les rames et d’ouvrir et fermer un clapet (la “bouche”) pour ingérer de l’eau polluée et évacuer l’eau épurée (un cycle entier prenant environ 20 secondes).

Description du dispositif donné par les chercheurs

Description du dispositif donné par les chercheurs (2015 IEEE/RSJ International Conference on Intelligent Robots and Systems (IROS)).

Durant les tests en laboratoire, les RowBots ont affiché les performances suivantes : production de 8,82 Joules par cycle, créant un voltage de 4,1 V. 10% de cette énergie est en surplus…

Autonomie et polyvalence

Bien évidemment, aucun dispositif électromécanique n’étant capable de s’auto-maintenir éternellement, le dispositif finit par s’encrasser et perdre peu à peu son efficacité – à l’instar des piles rechargeables qu’il faut remplacer régulièrement.

Il n’empêche, l’autonomie et la polyvalence de ce dispositif, capable de digérer un grand nombre de molécules organiques polluantes présentes dans les mers et autres boues en fait un candidat idéal pour la phase de “récupération” des eaux usées dont la Planète a tant besoin.

— Román Ikonicoff

 

> Lire aussi :

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Microbes terrestres, voici le vrai microcosmos – S&V n°1161, 2014. De la toundra aux forêts en passant par les fonds marins, la surface de la Terre regorge de microbes aussi précieux qu’inconnus. Leur mille activités jouent un rôle clé dans les écosystèmes, sans même qu’on s’en aperçoive.

S&V 1161 - microbes terrestres

  • Bactérie artificielle : la science a réussi à l’améliorer – S&V n°1163 – 2014. Les bactéries, qui sont les formes les plus simples de vie, permettent aux généticiens de tester de nouvelles combinaisons génétiques, totalement artificielles. Un exercice qui en apprend autant sur la vie, et sa complexité, que l’étude des bactéries existantes.

1163