Manger des myrtilles améliore-t-il vraiment la vue ?

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Myrtilles sur un myrtiller (Ph. Cichlidee1 via Flickr CC BY 2.0)

Myrtilles sur un myrtiller (Ph. Cichlidee1 via Flickr CC BY 2.0)

Il est vrai que ces petites baies bleues à la saveur légèrement sucrée sont réputées améliorer la vue et réduire le risque de maladies visuelles. Certains de leurs composés seraient en effet censés protéger ou favoriser la production d’éléments indispensables à la vue… Mais aucune étude ne l’a jamais démontré. Cette idée s’est répandue après que des pilotes ont, pendant la Seconde Guerre mondiale, rapporté une amélioration de leur vision la nuit, après avoir mangé de la confiture de myrtilles (Vaccinium myrtillus)…

Depuis, plusieurs études ont suggéré, sans toutefois le démontrer rigoureusement, que ces fruits pourraient non seulement améliorer la vision de nuit, mais aussi réduire la survenue de maladies pouvant mener à la cécité, comme la cataracte (opacification du cristallin) ou une dégénérescence maculaire (détérioration de la macula, zone très innervée de la rétine). De tels effets pourraient notamment découler des anthocyanosides, ces pigments qui colorent les myrtilles en bleu.

Pas d’étude rigoureuse sur l’effet des myrtilles

Présents aussi dans la mûre ou le raisin noir, ils seraient susceptibles d’agir de deux façons. Ils favoriseraient la production de “rhodopsine”, une substance responsable de la sensibilité de l’œil à la lumière. Et ils protégeraient la rétine, par exemple, des radicaux libres, ces composés qui dérivent de l’oxygène et qui endommagent les cellules, favorisant ainsi le vieillissement.

Reste que l’Armée américaine, intéressée par ce potentiel, n’a pas réussi à le démontrer. En 2000, le Laboratoire américain de recherche médicale de la marine et de l’aérospatiale a conclu que la prise d’extraits de myrtilles 3 fois par jour pendant 21 jours n’améliore pas la vision de nuit.

I.B.

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Aliments, leurs gènes modifient les nôtres – S&V n°1134 – 2012 – « L’homme est ce qu’il mange » disait le philosophe allemand Ludwig Feuerbach. Et il ne savait pas si bien dire : selon des études récentes l’information génétique des végétaux pénètrent nos cellules et nous transforment !

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  • Alicaments : le dossier vérité – S&V n°1129 – 2011 – Le concept d’ « alicament », contraction d’aliment et médicament, est à la mode depuis quelques années. L’idée est d’améliorer sa santé via des aliments particuliers, telles les myrtilles pour la vue. Mais cet engouement ne repose pas sur des preuves concrètes. Le point sur la question avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

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La Nasa envisagerait d’envoyer des hommes sur Vénus

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Vue d'artiste d'une future mission habitée dans l'atmosphère de Vénus - voire d'une colonie humaine (NASA/SACD)

Vue d’artiste d’une future mission habitée dans l’atmosphère de Vénus – voire d’une colonie humaine (NASA/SACD)

La Nasa a rendu public son nouveau projet de mission habitée sur la planète Vénus, ou plutôt dans son atmosphère : un véhicule en orbite basse avec à son bord deux astronautes pendant 30 jours. Baptisé High Altitude Venus Operational Concept ou HAVOC (le terme signifie également « chaos » ou « désordre » en anglais), le dernier projet du Directoire d’analyse des systèmes et concepts (SACD) de l’agence américaine vient donc rompre la monotonie du secteur de la conquête spatiale, focalisé depuis plus d’une décennie sur un éventuel vol habité vers Mars – peut-être dans la décennie 2030 ou 2040.

Encore à l’état de papier, le projet est néanmoins bien défini dans ses grandes lignes, en substance : après l’envoi d’une sonde robotisée en orbite autour de la planète, pour affiner l’étude de faisabilité, un équipage de deux astronautes devrait séjourner trente jours dans un véhicule orbital de type « dirigeable », à 50 km d’altitude (vidéo ci-dessous) – la Nasa évoque même la possibilité d’y installer une colonie ! C’est une altitude idéale car la température y est « tempérée », comprise entre 0 °C et 50 °C, et il y règne une pression atmosphérique de même ordre qu’à la surface de la Terre – alors qu’à sa surface, la température avoisine les 465 °C, et la pression est de 91.5 fois celle du plancher des vaches. De quoi préserver la structure du vaisseau.

De fait le voyage vers Vénus présente un grand avantage, la distance à parcourir  : l’orbite de Vénus se trouve à 42 millions de km de celle de la Terre, contre 75 millions de km entre les orbites terrestre et martienne. Bien qu’un voyage spatial ne se fait jamais en ligne droite, les vaisseaux empruntant toujours des « routes gravitationnelles » courbes, cela représente néanmoins une économie certaine de carburant et de temps.

L’atmosphère de Vénus est chargé de gouttelettes d’acide sulfurique hautement corrosives

Coté inconvénients, il y en a plusieurs. Par exemple, le vaisseau et ses panneaux solaires devraient pouvoir résister aux attaques chimiques des gouttelettes d’acide sulfurique en suspension dans l’atmosphère vénusienne, et au mitraillage par les particules du vent solaire, car contrairement à la Terre, l’étoile du Berger (ainsi que les Anciens nommaient Vénus) ne possède pas un champ magnétique capable de les dévier.

Représentation de la fuite de l'atmosphère de Vénus à cause du vent solaire (ESA - Image par C. Carreau)

Représentation de la fuite de l’atmosphère de Vénus provoquée par le vent solaire (ESA – Image par C. Carreau)

De plus, pour les exobiologistes, Vénus présente moins d’intérêt que Mars car la possibilité de dénicher des traces de vie y est bien moins grande : s’il est probable que Vénus a eu de l’eau liquide voire un océan voici des milliards d’années, la planète est aujourd’hui l’une des plus sèches du Système solaire car son eau s’est évaporée à cause de l’incroyable effet de serre qui surchauffe la planète, puis la vapeur a été progressivement « soufflée » vers l’espace par le vent solaire (Vénus perd son atmosphère progressivement). Néanmoins, certains scientifiques pensent que des bactéries extrêmophiles pourraient nicher en altitude, dans les nuages.

Structure nuageuse de Vénus observée le 23 juillet 2007 (crédit : ESA/MPS/DLR/IDA)

Structure nuageuse de Vénus observée le 23 juillet 2007 (crédit : ESA/MPS/DLR/IDA)

Finalement la Nasa, en lançant ce concept de vol habité vers Vénus, semble surtout vouloir tester la réaction de ses partenaires et des autres agences spatiale, et attendre de voir si l’idée prend racine. La question est de savoir si sa conception présente véritablement des avantages au regard d’un voyage vers Mars dont le coût, estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars, est un obstacle encore insurmontable. Mais les inconvénients d’un séjour au-dessus de Vénus le sont peut-être tout autant…

Román Ikonicoff

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  •  Vénus express : aux portes de l’enfer vénusien - S&V n°1063 – 2006 – Alors que l’Agence spatiale européenne a annoncé le 16 décembre dernier que la sonde Vénus express avait achevée sa mission et était « entrée doucement dans la nuit », retour sur les attentes et espoirs de cette mission.

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  • La NASA met le cap sur Mars – S&V n°1113 – 2010 – Même s’il n’y a pas d’agenda officiel, les États-Unis visent une mission habitée vers Mars, peut-être vers la fin de la décennie 2030. L’Europe aussi, tout comme la Chine, l’Inde et le Japon.

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Avion disparu en Indonésie : comment est-il possible de perdre les traces d’un avion ?

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Un Airbus A320-200 de la compagnie indonésienne AirAsia - Ph. Kentaro Iemoto via Flickr CC BY SA 2.0

Un Airbus A320-200 de la compagnie indonésienne AirAsia – Ph. Kentaro Iemoto via Flickr CC BY SA 2.0

Dimanche matin, la nouvelle a retenti dans les médias internationaux : un avion de la compagnie aérienne AirAsia, un Airbus A320-200 reliant Surabaya à Singapour, a disparu des radars. Impossible de le retrouver.

Immédiatement, tout le monde a pensé à son malheureux prédécesseur, le vol MH370 du 8 mars dernier, qui devait rallier Pékin depuis Kuala Lumpur. Le Boeing 777 de Malaysia Airlines s’était évaporé sans laisser aucune trace 1h30 après son décollage, et malgré des semaines de recherches effrénées en Mer de Chine et dans l’Océan Indien, ni son épave ni les 239 personnes qu’il transportait n’ont jamais été retrouvées.

Alors qu’en ce moment l’Indonésie fouille la Mer de Java et fait appel à des renforts internationaux pour retrouver l’avion disparu et les 162 personnes à son bord, une question brûle les lèvres à nouveau : comment est-il possible de perdre toute trace d’un avion de ligne ?

Les avions de ligne embarquent 5 systèmes d’alerte

Car les avions des compagnies commerciales sont équipés de cinq technologies d’alerte différentes censées assurer la communication avec le sol et déclencher, le cas échéant, un signal de détresse.

1. La radio. Elle exploite aussi bien les hautes et les très hautes fréquences (à portée courte et longue, respectivement) pour permettre aux pilotes de se mettre en contact avec les contrôleurs de vol.

2. Le transpondeur. Il transmet aux radars présents sur terre l’altitude de l’avion et son identifiant. S’il tombe en panne, on fait appel aux radars militaires, qui repèrent toute masse volante, mais sans les données d’identification propres à chaque avion.

3. Le diffuseur ADS-B, chargé de transmettre toutes les 2 secondes la position GPS de l’avion aux engins à proximités, ainsi qu’à certaines stations au sol – rares, malheureusement.

4. Le système ACARS, qui transmet, par radio ou satellite, des informations sur le bon fonctionnement de l’engin directement à la compagnie aérienne. Cependant, vu les coûts d’exploitation, ces communications se limitent souvent à deux par vol !

5. La balise de détresse, actionnée automatiquement lors d’un crash, qui transmet les coordonnées de l’avion par satellite ainsi qu’un signal de détresse radio à destination des engins proches.

Or, en dehors des nombreuses défaillances techniques possibles qui peuvent affecter ces différentes technologies, il faut savoir qu’elles ne sont pas utilisées en continu le long d’un vol, que ce soit pour des raisons de coût (les communications satellites sont onéreuses), ou techniques.

De fait, la portée des radars civils est limitée à 500 km, et ils sont tous placés à terre, en dehors des zones difficiles d’accès (Arctique, Australie, Amazonie). Du coup, lorsqu’un avion survole les océans, il peut passer de nombreuses heures en zone hors radars !

Pour compenser ce vide, le pilote doit prendre contact tous les 10° de longitude avec les contrôleurs. Ce que le pilote de la Malaysia Airlines n’avait pas fait le 8 mars 2014, pour des raisons qui demeurent inconnues.

Voler reste un moyen de transport extrêmement sûr

Depuis quelques années, en particulier depuis le crash du vol Rio-Paris le 1er juin 2009, des stratégies de suivi en continu des avions sont à l’étude. Sachant que le trafic aérien prend de plus en plus d’ampleur (de 3 milliards de passagers annuels actuellement, on estime que l’on passera à 18 milliards en 2050 !), le renforcement de la sécurité fait partie des défis majeurs que l’aviation commerciale devra relever.

Mais pour l’instant, voyager en avion reste l’un des modes de déplacement les plus sûrs, avec 29 accidents et 265 décès seulement sur les 31 millions de vols effectués en 2013.

Fiorenza Gracci

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V 1160 avion Malaysia

  • Les défis du trafic aérien – S&V n°1156. Cent ans après le premier vol commercial, reliant deux petites villes de Floride le 1er janvier 1914, l’humanité n’a jamais autant pris l’avion. Pour assurer le bon fonctionnement du trafic, elle devra confier sa gestion aux ordinateurs et automatiser les procédures.

S&V 1156 trafic aérien

 

 

 

Les animaux sont-ils sensibles à l’effet placebo ?

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Jacob

Ph. Jacob via Flickr CC BY 2.0

Prendre un médicament qui ne contient aucun principe actif peut améliorer la santé d’un malade. C’est l’effet placebo, dont la réalité a été démontrée au niveau biologique. Pour autant, cet effet demeure mystérieux : il est notamment attribué à l’impact psychosomatique de la certitude d’être soigné. Or, les animaux seraient eux aussi sensibles à l’effet placebo – ce qui ne laisse pas de surprendre puisqu’ils ne sont pas supposés associer le médicament à la guérison.

Cet effet désigne toutes les manifestations thérapeutiques provoquées par une intervention médicale, qui peut aller de l’administration d’un médicament à la manipulation, en passant par la simple visite médicale, alors même que cette intervention est dépourvue de toute activité biologique. Chez les humains, l’effet placebo peut guérir dans de 10 à 90 % des cas. Il s’avère très efficace contre la douleur, la toux, la dépression, la maladie de Parkinson, les ulcères gastro-intestinaux, ou l’hypertension. Il entre pour environ 30 % dans l’effet des médicaments.

Pas d’étude spécifique pour l’effet placebo chez les animaux

« A ma connaissance, affirme Franklin McMillan, un vétérinaire américain, il n’existe aucune étude ayant spécifiquement testé l’effet placebo chez les animaux.” Cependant des expérimentations suggèrent qu’un tel effet existe bel et bien chez l’animal. Ainsi, en 1995, aux États-Unis, un médicament contre l’arthrite a été testé sur des chiens : chez la moitié des chiens sous placebo, une amélioration a été observée. Mais l’absence d’un groupe témoin n’ayant reçu aucun traitement ne permet pas d’attribuer avec certitude ce résultat à un effet placebo.

Il existe deux catégories d’explications pour comprendre l’effet placebo. L’une, psychologique et relationnelle : un état de confiance et d’optimisme provoquerait des changements neurologiques susceptibles d’améliorer la santé. L’autre, faisant appel au réflexe conditionné, c’est-à-dire l’association d’un signal (la prise de médicament) et d’une expérience physique, ce qu’avait démontré le médecin russe Ivan Pavlov à l’orée du xxe siècle. Or, d’après Philippe Oberling, du Laboratoire de psychopathologie et de pharmacologie de la cognition à Strasbourg, “des études sur le conditionnement montrent qu’il intervient en partie dans l’effet placebo chez l’homme et pourrait donc expliquer en partie ce même effet chez l’animal”.

A. D

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Guérir par la pensée : la preuve en 15 expériences – S&V n°1153 – 2013 – Même si l’effet placebo garde encore son mystère, la science avance dans l’étude de l’action de la pensée, ou du cerveau, sur le corps. C’est le cas notamment pour la douleur, l’épilepsie, les déficiences immunitaires…

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  • Psycho-médecine : quand le mental sauve le corps – S&V n°1046 – 2004 – De l’hypnose à la place de l’anesthésie, de la méditation pour combattre l’hypertension, un bon moral pour doper le système immunitaire, la réalité virtuelle pour soulager les grands brulés…

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  • L’effet placebo filmé dans le cerveau – S&V n°1018 – 2002 – L’effet placebo se voit dans le cerveau : quand une personne croit prendre un médicament, son cerveau peut secréter des substances qui aident à la guérison !

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Les robots auront leur propre moteur de recherche sur le Web

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Un moteur de recherche spécial pour que les robots puissent mieux se débrouiller (Ph. Kirsty Komuso via Flickr CC BY 2.0)

Un moteur de recherche pour que les robots puissent mieux se débrouiller dans le monde (Ph. Kirsty Komuso via Flickr CC BY 2.0)

Comment servir une tasse de thé à un humain ? Comment déplacer des œufs sans les casser ? Quels gestes faire pour passer l’aspirateur dans les coins ?… Voilà des questions qui ne nous ressemblent pas. Et pour cause, ce sont les robots qui se les posent. Car pour ces machines, toute action commandée par une personne est un casse-tête à peine compréhensible s’il n’a pas été entraîné spécifiquement pour l’accomplir. Aussi, des chercheurs de l’université de Stanford ont eu l’idée de bâtir un moteur de recherche à l’adresse des robots afin de les aider à comprendre les requêtes humaines et à planifier les actes qui en découlent. Son nom : RoboBrain.

C’est dans un article mis en ligne le 1er décembre dernier dans le site arXiv que l’équipe dirigée par Ashutosh Saxena du Département de sciences informatiques de Stanford (Etats-Unis) a dévoilé son projet : il vise à créer une base de données interactive et multimédia permettant à chaque robot de télécharger un ensemble d’instructions pour mener à bien une tâche qu’il n’a pas apprise. Une sorte de SIRI (le moteur de recherche vocal de l’iPhone) a usage robotique, en prévision de la diffusion massive de ces cerveaux électroniques sur pattes (ou roues) dans les années à venir.

Comment le robot va-t-il s’y prendre pour servir une tasse de thé ?

Et le défi n’est pas mince ! Car s’il nous est facile d’interpréter les réponses fournies par les moteurs de recherche sous forme multi-modale (textes, vidéos, animations, illustrations, sons) et d’en extraire le savoir recherché, il en va tout autrement pour les robots : la réponse à une requête doit contenir une série d’instructions extrêmement détaillées sur chaque type d’action qu’il doit accomplir, en prenant en compte la nature des objets à manipuler, le contexte physique où doit se dérouler l’action, et le type d’interaction qu’il convient d’avoir avec l’humain.

Les chercheurs donnent l’exemple d’une situation où l’on dit à un robot « sers-moi une tasse de thé du thermos ». Le robot pourrait alors communiquer cette expression orale à RoboBrain lequel ferait appel à un système en ligne de reconnaissance de la parole, puis à un système d’interprétation des mots clés de la phrase (préparer, tasse, thé, thermos).

Le système renverrait ensuite au robot des connaissances lui permettant d’élaborer un plan d’action dans le contexte particulier où il se trouve : se déplacer vers la cuisine, saisir une tasse vide, la mettre dans le bon sens, verser le thé du thermos sans dépasser le bord, rapporter la tasse pleine et la poser sur une surface de type « table » près de l’humain. Les chercheurs illustrent ce processus ainsi :

Capture2Le système fonctionne déjà mais pour des tâches simples, comme déplacer une barquette d’œufs sans en casser aucun. Pour cela, la structure de RoboBrain est conçue comme un graphe (illustration ci-dessous) liant des nœuds par des arrêtes. Chaque nœud contient sous forme visuelle ou descriptive ou encore symbolique une connaissance : par exemple, des image de tasses de thé, des instructions indiquant qu’il faut laisser une distance entre la surface du liquide et le bord du récipient, des images de tables, des instructions de déplacement, la symbolisation d’actes humains à prendre en compte, etc.

Représentation visuelle du graphe de RoboBrain en novembre 2014 : 50 000 nœuds et 100 000 arêtes (Ph. Ashutosh Saxena  et al.).

Représentation du graphe de RoboBrain en novembre 2014 : 50 000 nœuds et 100 000 arêtes (Ph. Ashutosh Saxena et al.).

RoboBrain contient déjà 50 000 nœuds de ce type, et peut grâce à son propre système d’intelligence artificielle s’enrichir de nouveaux éléments glanés sur le Web ou sur des bases de données robotiques déjà construites par des laboratoires d’informatiques, voire intégrer de nouvelles connaissances que des robots lui envoient. Il contient aussi 100 000 arêtes liant ces nœuds, par exemple, le nœud « table » est lié au nœud « chaise » (et « assiette », « verre », etc.), à la représentation d’un humain attablé, au schéma de mouvement des bras d’un humain en train de manger, etc.

Le cas particulier illustré par le zoom représente l’explication à l’adresse d’un robot de l’utilisation d’une souris, par la mise en relation entre images, symboles d’action, mots et poses humaines (Ph. Ashutosh Saxena).

Le cas particulier illustré par le zoom représente l’explication à l’adresse d’un robot de l’utilisation d’une souris, par la mise en relation entre images, symboles d’action, mots et poses humaines (Ph. Ashutosh Saxena et al.).

Quand le robot envoie sa requête à RoboBain, celui-ci doit alors sélectionner les nœuds et leurs arêtes pertinentes symbolisant la manière dont les actions se succèdent. Il renvoie alors ce sous-graphe au robot de sorte qu’il apprenne avec son propre système d’intelligence artificielle la tache qu’on lui demande, et qu’il puisse la planifier.

Il va sans dire que le projet RoboBrain est immensément complexe. Notamment à cause de l’hétérogénéité des bases de données connectées à Internet, des différences de conception entre les systèmes d’intelligence artificielle de chaque robot et  les particularités matérielles de ceux-ci (jambes, roues, capteurs, effecteurs, etc.). Mais il est ouvert (en open source) afin d’inciter les autres chercheurs en robotique à venir le compléter et l’affiner.

Román Ikonicoff

 

> Lire également dans le site des Grandes Archives de Science & Vie :

  • Robots : leur intelligence dépasse déjà la nôtre – S&V n°1166 – 2014 – Peu à peu et sans grandes vagues, l’intelligence artificielle et la robotique sont sorties de l’échec relatif des années 1980 pour finir par devenir des acteurs essentiels dans nos activités. Ils nous dépassent déjà.

 

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  • Robot : tu ne tueras point ! – S&V n°1133 – 2012 – Les robots font ce qu’on leur dit de faire. Mais ils n’ont aucune éthique ! Dans la perspective d’une arrivée massive de ces machines dans l’espace public et privé, les chercheurs tentent de les doter d’une morale, à l’aide de programmes inspirés par des principes philosophiques.

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La planète bleue en majesté dans une vidéo en ultra-HD

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Une aurore boréale capturée par l'objectif de l'astronaute de l'ESA Alexander Gerst depuis l'ISS. / Ph. ESA/NASA

Une aurore boréale capturée par l’objectif de l’astronaute de l’ESA Alexander Gerst depuis l’ISS. / Ph. ESA/NASA

Douze mille cinq cents clichés pris de l’espace sont rassemblés dans cette magnifique vidéo en ultra-haute définition de notre planète bleue. Les spectacles des aurores boréales, des tempêtes au-dessus des océans et des toiles lumineuses formées par l’éclairage urbain la nuit y apparaissent dans toute leur splendeur.

Cette vidéo est l’œuvre d’un astronaute de l’Agence spatiale européenne (ESA), le géophysicien allemand Alexander Gerst, rentré le mois dernier d’une mission de 166 jours dans la Station spatiale internationale (ISS). Celle-ci tourne à une vitesse faramineuse autour de la Terre, à 350 km d’altitude environ, si bien qu’elle en fait le tour en 90 minutes seulement : les astronautes qu’elle abrite voient donc défiler seize levers et couchers du soleil toutes les 24 heures ! De quoi offrir de la matière en abondance à leurs objectifs.

 

 

L’astronome a réalisé une batterie d’expériences en microgravité

Mais la mission d’Alexander Gerst est allée bien plus loin que photographier la Terre. Dans le laboratoire Colombus, embarqué dans l’ISS, Alexander Gerst a réalisé une batterie d’expériences (dont 39 rien que pour l’ESA) dans les disciplines les plus diverses, qui profitent des conditions de microgravité présentes à bord pour explorer des pans de la science dans lesquels la recherche est très difficile sur terre. En voici quelques exemples.

En physique des matériaux, il a observé se refroidir des échantillons de métal en fusion, grâce au lévitateur électromagnétique, une sorte de fournaise qui permet de maintenir en lévitation le métal liquide. En éliminant la gravité, les physiciens tentent de percer les mécanismes de la fusion des métaux dans l’espoir de pouvoir développer des alliages inédits entre métaux, qui restent pour l’instant impossibles à réaliser. Plus légers, plus résistants, plus conducteurs, ils pourraient être avantageusement employés en aéronautique comme en électronique.

Côté biologie, le géophysicien a apporté sur l’ISS des échantillons de matière organique, des biofilms de bactéries ainsi que des fragments de cellules afin d’observer leur réaction à l’irradiation solaire, en particulier aux longueurs d’ondes ultraviolettes en-dessous de 200 nanomètres, quasi inexistantes sur terre parce qu’elles sont filtrées par l’atmosphère. L’objectif est de gagner des connaissances sur la survie, dans l’espace, des êtres vivants, afin d’être mieux préparé à en transporter : par exemple, dans une future mission de colonisation martienne…

Alexander Gerst a aussi exploré la réaction des cellules du système immunitaire (de rat et de moule) à l’espace : on sait que le système immunitaire est endommagé au cours de la vie en orbite, mais on ignore si cela est l’effet des radiations cosmiques, de la microgravité, ou des deux. En soumettant, dans l’espace, certains des échantillons de cellules à une gravité artificielle obtenue à l’aide d’une centrifugeuse (qui produit une accélération égale à la gravité terrestre), les chercheurs pourront avoir la réponse.

Vue de l’espace, la planète bleue n’est qu’un « point bleu pâle »…

La mission d’Alexander Gerst était baptisée « Blue dot » (« point bleu » en anglais), du nom de l’expression du célèbre astronome américain Carl Sagan, inspirée à son tour par une image tout aussi célèbre de la Terre. Elle avait été prise par la sonde spatiale Voyager en 1990, au moment où celle-ci quittait le Système solaire. A 6,4 milliards de kilomètres d’ici, notre planète apparaissait comme un point bleu pâle perdu dans l’espace, une image attendrissante qui stimula Carl Sagan a écrire une réflexion sur la responsabilité de l’humanité à cohabiter fraternellement sur cette planète, la seule connue qui abrite la vie, et à en prendre soin.

Le 19 juillet 2013, au détour de Saturne, la sonde Cassini a pris à son tour un cliché exceptionnel de cette planète bleue perdue dans l’infini, accompagnée cette fois de son satellite, la Lune.

Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  • 9 milliards de planètes habitables ! – S&V n°1157 – La Terre a beau être la seule planète connue abritant la vie, sa galaxie, la Voie lactée, héberge à elle seule 9 milliards d’exoplanètes potentiellement habitables.

S&V 1157 planètes habitables

 

  • ISS : la station peau de chagrin – S&V n°1104 – Après le rêve d’une station spatiale en forme de gigantesque roue, à l’image de celle mise en scène dans le film « 2001 – Odyssée de l’espace », le projet de l’ISS a été revu à la baisse maintes fois… Ce qui ne l’a pas empêchée de devenir un véritable lieu de rencontre entre spationautes de 15 nations différentes, d’expérimentation scientifique et d’observation.

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  • Naître dans l’espace – S&V n°935 – Si l’humanité doit un jour coloniser une autre planète, la question de la reproduction sera l’une de celles qui se posera avec le plus de force. Or, reproduire des êtres humains dans ces conditions extrêmes relève de la prouesse.

S&V 935 naitre dans l'espace

 

 

 

Être bilingue rend-il vraiment plus intelligent ?

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Le cerveau des bilingues serait plus agile (Ph. Allan Ajifo via Flickr CC BY 2.0)

Oui : les bilingues profitent très certainement d’une fluidité mentale plus élevée que ceux qui ne parlent qu’une seule langue. Et ce, principalement à cause du contrôle accru de leur attention. Un individu parlant deux langues doit en effet apprendre à gérer celles-ci au-delà de la maîtrise de deux syntaxes, de deux phonologies et de deux vocabulaires différents. Afin de ne pas mélanger les mots, les structures syntaxiques ou les sons, il est obligé d’activer plus intensément différentes aires liées au contrôle exécutif, tels que les ganglions de la base, le cortex cingulaire antérieur, les lobes frontaux, le cortex préfrontal ou l’aire motrice supplémentaire.

Car chez les bilingues hautement compétents, les structures cérébrales impliquées dans la représentation de la deuxième langue sont les mêmes que celles de la première langue, ce qui produit un chevauchement cérébral important entre les deux – généralement, plus une langue est maîtrisée, moins elle occupe de place dans le tissu cérébral.

Un bilingue fait de meilleurs arbitrages

Au final, le bilinguisme confère donc bien certains avantages cognitifs : flexibilité mentale, planification ou alternance entre les tâches. Plus habitués à développer des capacités en rapport avec le contrôle exécutif – qui nous permet de diriger notre conduite vers un but – ils auraient ainsi plus d’habileté à choisir des informations pertinentes.

“Le contrôle exécutif nous permet de cibler et de sélectionner les choses importantes ou ce que nous voulons faire et d’évacuer l’information non pertinente pouvant inter­férer dans nos activités, précise Albert Costa, professeur de recherche en psychologie à l’université Pompeu ­Fabra de Barcelone. Chez les bilin­gues, ce réseau cérébral est plus entraîné puisqu’ils doivent constamment cibler leur attention sur la langue qu’ils souhaitent parler, en évitant les interférences avec l’autre.”

Mais être bilingue a aussi ses inconvénients

Malheureusement, maîtri­ser deux langues a aussi des inconvénients en ce qui concerne la fluidité de langage et le lexique, en fonction de la fréquence avec laquelle on utilise les deux langues. Certaines études ont même précisé que les bilingues seraient plus lents dans le discours et qu’ils connaîtraient davantage d’états de “bout de la langue” – phénomène psychologique en rapport avec la mémoire et par lequel l’individu est sur le point de se souvenir de quelque chose sans y parvenir.

L.P.C

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

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Parlez-vous singe ? Krak-oo !

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Les Mones de Campbell (ici en captivité) auraient même inventé un "mot" pour signaler l'approche d'un humain (Badgernet via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Les Mones de Campbell (ici en captivité) auraient même inventé un « mot » pour signaler l’approche d’un humain (Badgernet via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Une étude de terrain vient confirmer l’existence d’une langue parlé chez les grands singes, nos cousins dans l’arbre de l’évolution, très sophistiquée voire abstraite. C’est le cas en particulier des Mones de Campbell, ou Cercopithèques de Capbell (ou encore Cercopithecus campbelli), de petits grands singes vivant en Afrique de l’Ouest, sur lesquels porte cette étude, parue le 28 novembre dans la revue Linguistics and Philosophy.

Krak, hok, boom, krak-oo, hok-oo, wak-oo… voilà les six mots de base du vocabulaire des Mones de Campbell du parc national de Taï en Côte d’Ivoire, dont la signification est donnée dans le tableau ci-dessous :

Tableau

A partir de ces unités, cette population est capable de dire, ou plutôt de crier, des « phrases » à 25 unités verbales en procédant à des combinaisons des six mots – avec des variations phonétiques (des accents) propres à chaque famille de la population.

Cela a été découvert en 2009 par une équipe franco-ivoirienne dirigée par Alban Lemasson, chercheur au laboratoire d’éthologie animale et humaine à Rennes. Comme Science&Vie le rapportait en 2010, les chercheurs avaient même réussi à interpréter des séries vocales, comme la série « boom boom hok-oo hok-oo… krak-oo krak-oo… » crié par un mâle à l’adresse de ses femelles, signifiant qu’il a repéré un groupe de compétiteurs à la lisière de son territoire.

Un singe sachant parler

Aujourd’hui, une autre équipe comprenant des chercheurs français (dont A. Lemasson), britanniques et ivoiriens a affiné l’analyse des règles linguistiques de cette population, montrant que le système utilisé fait appel à des principes abstraits qu’on pensait réservés au langage humain. Concrètement, les chercheurs ont comparé ce parler des Mones du parc de Taï à celui d’une autre population de Mones vivant dans le sanctuaire naturel de Tiwai Island au Sierra Leone.

Ces derniers évoluent dans un milieu isolé qui abrite moins de prédateurs : il n’y a pas de léopards. Les chercheurs ont découvert que leur langage était moins sophistiqué que celui de leurs congénères ivoiriens : ils utilisaient le mot krak pour tout type de prédateur (et très occasionnellement le mot hok quand le prédateur est un aigle). Et le suffixe -oo était absent.

La communication entre singes contiendrait des énoncés implicites

Ils en ont alors tiré la conclusion suivante : les Mones du parc de Taï ont un langage plus « informatif » que celui de Tiwai. En distinguant krak de krak-oo et de hok, les Mones procèdent à des inférences linguistiques nommées implicatures conversationnelles, qui réfèrent à un contenu implicite. Ainsi, le mot krak ne désignerait pas directement à un léopard mais, comme l’explique la revue Scientific American qui a rapporté cette découverte, « si vous entendez krak vous pouvez inférer qu’il y a une raison pour laquelle krak-oo et hok n’ont pas été prononcés, donc vous inférez la négation. Autrement dit, quand les singes disent krak, cela implique que ce n’est ni une menace terrestre mineure ni une menace aérienne. » Ils déduisent alors que krak signale la présence d’un léopard. CQFD

Vers une nouvelle discipline : la linguistique animale

Bien sûr, ce type d’explication est très… humain : certains linguistes considèrent que la conclusion des chercheurs n’est qu’une hypothèse qui doit être étayée par des preuves plus directes qu’un raisonnement logique basé sur nos propres règles linguistiques. Mais il n’empêche, l’hypothèse de l’existence de signifiés implicites dans la langue des singes jette une lumière nouvelle sur l’éthologie animale.

Si nous savions déjà que les chimpanzés en captivité pouvaient apprendre des centaines de mots humains en langue des signes et communiquer ainsi avec leurs maîtres, comme l’a notamment prouvé le chimpanzé Washoe d’Allen et Beatrix Gardner dans les années 1960, aujourd’hui l’on s’apprête peut-être à ouvrir un nouveau domaine de recherche : celui de la linguistique naturelle des grands singes.

Román Ikonicoff

> Ecoutez les Mones de Campbell parler :

Krak :


http://www2.unine.ch/files/content/sites/compcog/files/vocalisations/campbell/Fallingtreebranches.wav

Hok :

http://www2.unine.ch/files/content/sites/compcog/files/vocalisations/campbell/Eagleattack.wav

Boom :

http://www2.unine.ch/files/content/sites/compcog/files/vocalisations/campbell/Neigbourpresence.wav

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

1163

1114

  •  Langage : du singe à l’homme – S&V n°940 – 1996 – Si la théorie dominante à la fin du XXe siècle était que le langage complexe avait émergé avec l’homme, déjà l’on questionnait cette vision. Aujourd’hui, les doutes ont été grandement renforcés.

940

 

 

 

Le ciel du mois de janvier 2015

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Ciel janvier 2015Elle se cache, extraordinairement difficile à voir, auprès de la plus brillante étoile du ciel… Sirius B, appelée aussi « le compagnon de Sirius » est noyée dans la radiance de Sirius, qui brille dans le ciel d’hiver, plein sud, entre 22 h et 2 h du matin. Sirius et Sirius B se trouvent à 8,6 années-lumière de la Terre. L’éblouissante étoile est, en réalité, vingt cinq fois plus brillante que le Soleil, quant à Sirius B, elle est dix mille fois moins lumineuse ! Pas étonnant, dès lors, que cette discrète compagne de Sirius n’ait été découverte qu’en  1862… Mais surtout, Sirius B est la toute première naine blanche, c’est à dire le vestige d’une étoile morte, refroidissant lentement, à avoir été découverte.

L'étoile naine blanche Sirius B, en bas et à gauche de cette photographie prise par le télescope spatial Hubble, est dix mille fois moins lumineuse que son éclatante voisine, Sirius. Photo Nasa/ESA/STSCI.

L’étoile naine blanche Sirius B, en bas et à gauche de cette photographie prise par le télescope spatial Hubble, est dix mille fois moins lumineuse que son éclatante voisine, Sirius. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Extraordinairement dense, dénuée de réactions thermonucléaires, elle a la masse du Soleil, mais comprimée dans le volume de la Terre… Observer Sirius B est très difficile, mais comme son orbite de cinquante ans autour de Sirius est elliptique, elle s’en écarte régulièrement pour devenir visible dans un instrument d’amateur… C’est le cas actuellement. Depuis quelques années, Sirius B s’éloigne progressivement de Sirius, et elle est observable, sous un bon ciel, dénué de turbulence atmosphérique, dans un télescope de 300 mm de diamètre, grossissant 600 x à 800 x. Jusqu’en 2025, l’écart entre les deux étoiles va augmenter encore, la naine blanche devenant chaque hiver de plus en plus facile à voir…

Serge Brunier

Respirer des particules fines pendant la grossesse accroît les risques d’autisme chez le bébé

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La pollution aux particules PM2,5 est due au chauffage, aux industries et aux transports. /  Ph. Eric Huybrechts via Flickr - CC BY SA 2.0

La pollution aux particules PM2,5 est due au chauffage, aux industries et aux transports. / Ph. Eric Huybrechts via Flickr – CC BY SA 2.0

Voilà une raison supplémentaire de s’inquiéter de la pollution aux particules : de nouvelles preuves les mettent en cause dans la survenue de l’autisme, alors qu’elles sont déjà associées à l’asthme, aux maladies cardiovasculaires et à certains cancers.

D’après une étude menée sur l’ensemble du territoire des États-Unis, les femmes enceintes les plus exposées aux particules fines (PM2,5, de taille inférieure à 2,5 microns) ont 2 fois plus de chances d’avoir un enfant qui deviendra autiste par rapport aux femmes les moins exposées.

Les chercheurs ont chiffré ce risque : ils ont calculé que chaque augmentation de 4,4 microgrammes par mètre cube de particules fines dans l’air respiré durant la grossesse entraîne une hausse de 57 % du risque d’autisme chez le fœtus.

Pour ce faire, ils ont comparé l’air respiré avant, pendant, et après la grossesse par deux groupes de mères ayant enfanté entre 1990 et 2002 : 245 d’entre elles ont eu un enfant qui a développé un trouble du spectre autistique par la suite, tandis que 1522 ont eu un enfant sain. Connaissant leur adresse de résidence, les chercheurs ont obtenu la concentration des particules à laquelle elles étaient exposées grâce au système étasunien de monitoring de la pollution de l’air, qui modélise l’ensemble du territoire.

Leurs résultats, publiés dans la revue Environmental Health Perspectives, montrent que la période sensible pour la santé du fœtus est les neuf mois de grossesse, en particulier le troisième trimestre, et non pas la période qui les précède ou qui les suit. A noter que si les particules PM2,5 avaient un effet marqué, les PM10 n’étaient associées qu’à une très faible hausse du risque d’autisme.

En juin dernier, une étude similaire avait, quant à elle, trouvé un lien entre l’exposition à l’épandage de pesticides durant la grossesse et la survenue de l’autisme.

Pourquoi les particules fines sont-elles dangereuses ?

Tout comme de nombreux pesticides, les particules fines renferment de nombreuses substances toxiques, dont des composés carbonés organiques et des hydrocarbures aromatiques polycycliques, qui interfèrent avec le développement du système nerveux. Il existe également des preuves qu’elles perturbent le système immunitaire des nouveaux-nés. Ensemble, ces deux effets agissent sur la survenue de l’autisme, par des mécanismes encore très loin d’être élucidés.

Ces nouveaux résultats s’ajoutent au sombre tableau des effets négatifs des particules : asthme, maladies cardiovasculaires, cancer du poumon et autres… Note positive : en conclusion de leur article, les chercheurs soulignent que ce facteur de risque pour l’autisme est évitable. Ainsi, prendre des mesures pour éviter aux femmes enceintes de respirer des particules fines pourrait servir à lutter contre l’autisme, une pathologie en forte progression.

Les PM2,5 proviennent principalement des chaudières (44 %), suivies par les industries et les transports (moteurs à diesel catalysés) presque à égalité (8,9 % et 8,1 % respectivement).

Fiorenza Gracci.

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

Pourquoi la toxicité des substances chimiques nous échappe - S&V 1140

S&V1135

S&V 1124 particules fines