Boire le jus d’un fruit équivaut-il à le manger ?

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Quand on boit un jus, on consomme plus de fruits que si on les mangeait (ph. Tawheed Manzoor via Flickr CC BY 2.0).

Quand on boit un jus, on consomme plus de fruits que si on les mangeait (ph. Tawheed Manzoor via Flickr CC BY 2.0).

On nous l’a maintes fois répété : pour être en bonne santé, il faut consommer au moins cinq fruits et légumes par jour. Et par consommer, il faut entendre manger, et non boire leur jus. Car de l’un à l’autre, il n’y a pas d’équivalence et ce, pour plusieurs raisons.

D’abord, parce que leur apport calorique diffère. “On ne boit jamais le jus d’un seul fruit. Pour obtenir une ration de 120 ml de jus, il faut deux ou trois oranges. On consomme donc deux à trois fois plus de calories en buvant un jus”, indique George Bray, chef du département obésité et métabolisme au Pennington Biomedical Research Center (Etats-Unis). Et d’ailleurs, ajoute-t-il, “qui mangerait trois oranges au petit-déjeuner ?”. Personne, sans doute, car bien avant d’avoir mangé ces trois fruits, nous serions probablement arrivés à satiété.

“Inconsciemment, notre cerveau fait le compte des calories que nous ingérons. Du moins pour la nourriture solide. Alors que la nourriture liquide, elle, n’est pas, ou mal, comptabilisée”, explique Irène Margaritis, chef de l’unité des risques liés à la nutrition à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Lorsqu’on boit un jus de fruits, ou n’importe quelle boisson autre que de l’eau, on augmente donc, sans s’en rendre compte, son apport calorique journalier.

Les jus de fruit favorisent le diabète

Et ce n’est pas tout. “La plupart des jus de fruits sont dépourvus de fibres. D’un point de vue nutritionnel, un jus de fruits n’est donc pas non plus équivalent à un fruit”, indique Irène Margaritis. “Sans compter que les jus de fruits sont absorbés plus rapidement et conduisent à des modifications plus importantes des taux de sucre et d’insuline dans le sang, avance Qi Sun, du département de nutrition à la Harvard School of Public Health (Etats-Unis). C’est probablement ce qui explique pourquoi nous avons trouvé une corrélation entre la consommation de jus de fruits et le risque de diabète.”

Dans une étude publiée au mois d’août 2013, le chercheur et son équipe ont en effet montré que si la consommation de fruits abaissait de 1 à 26 % (en fonction du type de fruit considéré) le risque de diabète, la consommation de jus de fruits, en revanche, augmentait ce risque de 8 %. Et encore, reconnaît le chercheur, “nous n’avons pas demandé quel type de jus était consommé. Et il est probable que le risque soit plus grand lorsqu’il s’agit de jus de fruits contenant des sucres ajoutés”.

Car, faut-il le rappeler, il y a jus et jus. Et si les purs jus ne sont constitués que de fruits, les nectars, eux, contiennent en plus de l’eau et du sucre. Ils sont donc probablement tout aussi néfastes pour la santé que les sodas tant décriés.

C. H.

 

Pourquoi tous les avions ne laissent-ils pas une traînée dans le ciel ?

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Tous les avions ne laissent pas le même sillage dans le ciel (Ph. art Buck via Flickr CC BY 2.0).

Les traces laissées par les avions dépendant des conditions atmosphériques (ph. art Buck via Flickr CC BY 2.0).

Rien de mystérieux ici, au contraire, l’explication des traînées blanches laissées ou non par les avions dans leur sillage est scientifiquement prosaïque : ces traces se créent dans des conditions particulières de température et d’humidité qui, si elles ne sont pas réunies, ne permettent pas de laisser un sillage. Celui-ci se forme essentiellement par condensation de la vapeur d’eau libérée par les moteurs d’avion sur des noyaux de congélation – c’est-à-dire des grains de matière favorisant la formation de cristaux de glace dans l’atmosphère –, noyaux en grande partie issus des gaz de combustion. Bien que ce mécanisme de formation des traînées d’avion soit connu depuis le début des années 1950, nombreux sont ceux qui persistent néanmoins à y voir des choses qui n’y sont pas…

Aux Etat-Unis, certains invoquent la théorie du complot… mais l’explication est purement scientifique

Ainsi, la traînée des avions témoignerait pour certains du largage, par des militaires ou des gouvernements, de produits chimiques servant, au choix, à modifier le temps, tester des armes biologiques, affaiblir des populations données, etc. C’est la théorie des “chemtrails” (de l’anglais chemical trails : traînées de produits chimiques), particulièrement répandue aux Etats-Unis, où des associations de citoyens exigent leur arrêt.

Pour les scientifiques, ces chemtrails ne font pas débat. “Cette théorie ne repose que sur des spéculations farfelues et des suspicions qu’on ne peut pas prouver”, commente François Bouttier, chercheur à Météo-France. Selon lui, cette théorie se base sur de nombreuses contre-vérités scientifiques. Exemple : les chemtrails s’étendraient dans le ciel pendant plusieurs heures, alors que les traînées de condensation “normales” disparaissent en quelques secondes. Faux : “Les traînées de condensation aussi peuvent persister plusieurs heures si l’humidité relative de l’air est élevée, le vent faible, et qu’il existe beaucoup de composés soufrés ou de suies dans les rejets des moteurs.” L’idée même d’épandre des produits à haute altitude est infondée. “Il faudrait une action globale sur toute la surface terrestre, or le trafic aérien ne couvre qu’une toute petite partie du ciel terrestre”, tranche François Bouttier. Qui ne croit pas non plus à l’idée que les chemtrails visent à empoisonner des populations : “Ces voiles se forment à plus de 8 000 km d’altitude et sont très déviés par les vents ; il est impossible de contrôler les lieux où les supposés épandages atteindraient le sol…”

K. B.

 

 

 

 

Ebola : un vaccin expérimental a réussi une première phase de tests

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Un vaccin préventif contre Ebola dès 2015 ? (Ph.  Daniel Paquet via Flickr CC BY 2.0)

Un vaccin préventif contre Ebola dès 2015 ? (Ph. Daniel Paquet via Flickr CC BY 2.0)

 

Un vaccin expérimental vient d’être testé aux États-Unis sur des humains, 20 adultes volontaires sains, avec des résultats très encourageants : tous ont produit des anticorps, ce qui pourrait les immuniser contre le virus. Mais il reste encore à valider deux phases de tests à plus grande échelle dans les pays infectés avant de pouvoir déclarer vaincue la maladie.

Dans cette phase I, il s’agissait de contrôler la réaction du système immunitaire de personnes saines et de vérifier l’absence d’effets secondaires néfastes. Et les résultats, publiés le 26 novembre dans le New England Journal of Medicine (NEJM), sont plus qu’encourageants : sur les 20 volontaires sains, dont la moitié a reçu une faible dose du vaccin et l’autre une forte dose, tous ont produit des anticorps au virus dans les 4 semaines suivant l’injection, et seuls deux patients ont déclaré une fièvre légère et passagère au lendemain de la vaccination.

Le système immunitaire réagit très bien à la présence des protéines du virus Ebola

Le vaccin testé, nommé cAd3-EBO et conçu en août par la firme internationale GlaxoSmithKline (GSK), contient deux protéines des virus Ebola-Zaïre (souche de l’épidémie actuelle) et Ebola-Soudan,  soit 2 souches sur les 5 qui existent, greffés sur un virus du rhume des chimpanzés (adénovirus de type 3 ou cAd3) rendu inoffensif pour l’homme par manipulation génétique. Ces protéines d’Ebola sont responsables de la pénétration du virus dans les cellules humaines, aussi le système immunitaire réagit de sorte à entraver cette pénétration : d’une part, ses lymphocytes B fabriquent des anticorps (protéines) qui détectent les protéines d’Ebola dans le sang et les neutralisent (ils s’agglomèrent autour), d’autre part des lymphocytes T sont lâchés dans le sang afin de s’attaquer spécifiquement au virus porteur de ces protéines ou aux cellules infectées (ils les « digèrent »). Les analyses ont montré que le deuxième mécanisme s’était également déclenché chez les volontaires ayant reçu la plus forte dose.

Avec plus de 5600 morts et environ 16 000 personnes infectées en Afrique de l’Ouest, la méthode scientifique habituelle de conception d’un vaccin a été largement raccourcie : après cette phase I en laboratoire aux Etats-Unis, les phases suivantes devraient démarrer en 2015, selon l’Institut des allergies et des maladies infectieuses américain (Niaid) qui a pris part à l’étude. Le vaccin sera alors administré à des personnes saines mais exposées au virus qui circule en ce moment en Afrique de l’Ouest. Cette phase permettra d’évaluer le dosage optimal du vaccin, et d’estimer la durée de protection obtenue (s’il est efficace, faudra-t-il des rappels à plus ou moins court terme ?). C’est seulement alors que l’on pourra le cas échéant crier victoire. En attendant, d’autres vaccins sont également en test au Mali, en Suisse et en Grande-Bretagne.

Román Ikonicoff

 

Articles sur la progression de l’épidémie d’Ebola :

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

S&V 1165 Ebola

S&V 1105 vaccin grippe

  • Virus : la fin de l’homme ? – S&V n°934. Le « péril viral » est annoncé pour le troisième millénaire. Aux nombreux virus déjà connus s’ajoute en effet la menace d’une multitude d’autres…

S&V 934 virus

Voyage spatial : un « digesteur » transforme les déchets humains en carburant

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Vue d'artiste d'une unité de vie auto-suffisante sur Mars (crédit : NASA)

Vue d’artiste d’une unité de vie auto-suffisante sur Mars (crédit : NASA)

Aux Etats-Unis, deux chercheurs ont conçu un système transformant les déchets solides et liquides humains en méthane à raison de 290 litres par jour pour un équipage de 4 personnes. De quoi accumuler, en un an, assez de combustible pour effectuer le trajet de retour de la Lune vers la Terre… Ce « digesteur anaérobie« , dont la description a été publiée dans Advances in Space Research, est une réponse au défi lancé par la NASA sur le traitement des déchets d’un équipage lors d’une mission habitée vers la Lune – dont l’échéance se situe vers 2025.

D’autres systèmes à recycler les déchets existent déjà, comme MELiSSA de l’Agence spatiale européenne, car l’enjeu est réel : un équipage en mission sur la Lune ou sur Mars devra obligatoirement ramener tous ses déchets sur Terre et ne rien laisser sur place. Il faudra donc les traiter et les recycler. Or, le système proposé par les chercheurs est à ce jour le plus efficace jamais présenté, qui peut transformer en méthane un mix de déchets humains (urine et selles), de nourriture non consommée, de papier, de plastique, de tissus…

L’équivalent en énergie de 3 tonnes de TNT produite en un an

Le prototype présenté par Pratap Pullammanappallil et son doctorant Abhishek Dhoble, du département d’ingénierie agricole et biologique de l’université de Floride,  ressemble à un montage d’étudiant en chimie.

Le système de méthanisation dans sa version labo

Le système de méthanisation dans sa version labo

Concrètement, il s’agit d’un « digesteur » dit anaérobie, c’est-à-dire où les transformations chimiques se font en l’absence d’oxygène – ce qui est adapté au cas du vide cosmique. Le processus se fait en deux étapes, en séparant initialement la matière sèche de la matière humide dans deux volumes distincts mais connectés et en transférant le liquide produit de l’un à l’autre. Durant le processus de méthanisation, les bactéries et agents pathogènes sont éliminés naturellement, et l’on recueil principalement du biogaz, soit un mélange de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2) – également de l’eau (non potable) et d’autres sous-produits. Une eau qui pourra à son tour être décomposée avec de l’électricité (électrolyse) en oxygène et hydrogène…

Selon les calculs des chercheurs, la production annuelle pour un équipage lunaire de 4 personnes générant chacun environ 1,1 kg de déchets par jour – mesure standard établie par la NASA pour ses astronautes – est de 3332 kWh, soit environ l’énergie produite par 350 litres d’essence ou encore 3 tonnes de TNT. Même si la production de cette énergie requière elle-même un apport d’énergie (sous forme de chaleur, d’électricité, etc.), cela suffit néanmoins à assurer le décollage du module lunaire avec son équipage et son retour sur Terre.

Román Ikonicoff

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • La NASA met le cap sur Mars – S&V n°1113 – 2010 – Même s’il n’y a pas d’agenda officiel, les États-Unis visent une mission habitée vers Mars, peut-être vers la fin de la décennie 2030. L’Europe aussi, tout comme la Chine, l’Inde et le Japon.

1113

  • Mission vers Mars – S&V n°1088 – 2008 – En vue d’un voyage vers Mars, les agences spatiales mènent des expériences de confinement d’êtres humains dans un espace réduit durant plusieurs mois. Depuis 2007 (jusqu’en 2011) la mission Mars-500 a été la première du genre.

1088

  • Retour sur la Lune : mission impossible  – S&V n°1102 – 2009 – Durant la décennie 2000, les États-Unis visaient un retour humain sur la Lune. Mais le projet a été officiellement suspendu. Mais la NASA y pense toujours…

1102

 

Le virus informatique qui a permis à la NSA d’espionner l’Europe a été identifié

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Capture d'écran montrant à la première ligne le fichier du virus (0xfedcbafe)

Capture d’écran montrant le fichier du virus (0xfedcbafe)

Il s’appelle Regin et a été repéré en premier par la société Symantec, spécialiste de la sécurité informatique : un virus qui a ouvert les oreilles des services de renseignement américain et britannique aux échanges entre les institutions européennes, notamment. C’est le 23 novembre que Symantec a fait état de la découverte de ce « malware » qu’elle a qualifié de « révolutionnaire« .

Il n’y a pas de preuve directe que Regin est bien l’un des véhicules principaux de l’espionnage de masse, dénoncé en 2013 par l’ancien consultant en sécurité informatique Edward Snowden, auquel se sont livrés la NSA américaine (National security agency) et le GCHQ britannique (Government Communications Headquarters). Mais la complexité du système viral dont le « développement a certainement duré des mois, sinon des années » est clairement un « outil d’espionnage d’un Etat » précise Symantec. Avis partagé par la société russe de sécurité informatique Karspersky, qui s’est livrée à sa propre analyse. Conclusion renforcée par les documents de Snowden sur le piratage des communications des institutions européennes dont le journal allemand Der Spiegel s’était fait l’écho en juin 2013.

Un virus qui agit en cinq étapes et efface les traces de sa présence

Il s’agit d’un « cheval de Troie » de type « backdoor » (porte dérobée) qui aurait été mis en service dès 2008. Une fois installé au cœur d’un ordinateur ou d’un serveur, il permet de récolter les informations et de prendre le contrôle du système (capture d’écran, prise de contrôle de la souris et curseur, vol de mots de passe, récupération de fichiers effacés, surveillance du trafic). Ce virus a notamment infecté les serveurs de l’opérateur télécom Belgacom qui gère les communications de la Commission, du Parlement et du Conseil européens. Rien de moins !

Figure 2. Confirmed Regin infections by sector

Secteurs infectés par Regin

Pays infectés par Regin

Pays infectés par Regin

 

 

 

 

 

 

 

Comme le rapporte le site The Intersept, fondé par Glenn Greenwald, l’un des journaliste qui a dévoilé e 2013 l’immense scandale d’espionnage massif, ce qui impressionne les spécialistes c’est le niveau de sophistication du système, jamais atteint jusqu’ici. Ce morceau de code, qui se fait passer pour un logiciel de Microsoft pour ne pas être repéré, permet d’ouvrir la porte à plus de 50 modules viraux qui, selon les nécessités de ses concepteurs, pourront remplir toutes les fonctions d’espionnage et de contrôle voulus.

Le code du "loader" qui s'installe au coeur du système.

Le code du « loader » qui s’installe au cœur du système.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le mode d’infection est lui-même sophistiqué, et comprend 5 étapes. La première consiste à envoyer aux employés de l’entreprise à infecter – comme Belgacom – un lien à une fausse page LinkedIn – le réseau social professionnel. Une fois la page du site ouverte, Regin infecte l’ordinateur avec de fichiers dont les noms – serial.sys, cdaudio.sys, atdisk.sys, parclass.sys, usbclass.sys – sont semblables à ceux des fichiers système utilisés par Microsoft. Puis il s’installe au cœur (kernel) du système et efface les traces de son installation sur la machine.

Mise en évidence d'un fichier viral (“0001000000000C1C_svcsstat.exe_sample")

Mise en évidence d’un fichier viral de Regin (“0001000000000C1C_svcsstat.exe_sample »)

 

 

 

 

 

 

 

 

Grâce à l’identification de Regin, les informaticiens ont découvert l’ampleur de l’infection : entreprises, institutions, particuliers… Une multitude d’acteurs du monde politique, scientifique et industriel se sont retrouvés infectés par ce virus ou par l’un de ses modules, dont les spécialistes font remonter les premières versions à 2003. Cela donne une idée du temps qu’il a fallu aux espions pour développer un tel outil.

Román Ikonicoff

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • L’heure du cryptage quantique a sonné – S&V n°1155 – 2013 – L’affaire Snowden a ébranlé le monde du renseignement, et la confiance entre de supposés pays alliés qui, finalement, n’ont pas cessé de s’espionner comme dans les pires cauchemars paranoïaques de la guerre froide… La recherche de nouvelles solutions techniques, comme la cryptographie quantique, vise à résoudre ce problème.

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  • Objets connectés : tous piratables ! – S&V n°1163 – 2014 – Ordinateurs, tablettes, smartphones, mais aussi voiture, frigo, compteur électrique… Là où il y a de l’informatique, il y a l’ombre d’un pirate à l’affut.

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  • Cyberguerre, pourquoi elle ne ressemble à rien de connu – S&V n°1159 – 2014 – C’est une guerre qui ne fait ni bruit, ni fumées, ni flammes… Son champ de bataille ce sont les réseaux et les systèmes informatiques, mais elle peut désorganiser les structures d’un État et créer le chaos – bien réel celui-là.

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Le ciel du mois de décembre 2014

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Ciel du mois de décembre 2014C’était il y a 960 ans, en juillet 1054 et au lever du jour… Là, au dessus de l’horizon est, dans le ciel rosissant de l’aube, les astrologues chinois contemplèrent, fascinés, l’apparition d’une « étoile invitée », d’un éclat extraordinaire… En termes modernes, cet astre apparu brusquement dans le ciel est une supernova, dont l’éclat avoisinait celui de la planète Vénus : l’astre fut suivi par les astrologues en plein jour, des mois durant… La supernova de l’an 1054 signait la mort d’une étoile supergéante rouge, s’effondrant sur elle-même faute de combustible nucléaire, puis explosant brutalement. Oubliée neuf siècles durant, la supernova fut retrouvée, au début du XX e siècle, dans la constellation du Taureau. Il demeure, en lieu et place de l’explosion, ses vestiges, la nébuleuse du Crabe.

La nébuleuse du Crabe, vestige de l'explosion de la supernova de l'an 1054, vue avec le Very Large Telescope européen. Photo ESO.

La nébuleuse du Crabe, vestige de l’explosion de la supernova de l’an 1054, vue avec le Very Large Telescope européen. Photo ESO.

Cette nébuleuse, en effet, est en expansion rapide, à près de 1500 km/s. Une vitesse telle que les astronomes parviennent, au fil des décennies, à voir la nébuleuse grandir ! Ainsi, en remontant le fil du temps, on peut retrouver l’instant et le lieu de l’explosion… qui correspond à l’observation chinoise. Aujourd’hui, la nébuleuse du Crabe est parfaitement visible dans de petits instruments d’optique, lunettes ou télescopes d’au moins 100 mm de diamètre. La nébuleuse, facile à trouver car située juste à côté de la brillante étoile Zeta Tauri, culmine plein sud entre 23 h et 2 h du matin, lors des nuits sans Lune et sous un ciel pur de campagne. L’œil à l’oculaire d’un télescope, on perçoit une pâle tache oblongue et irrégulière mais il faut la sensibilité d’une caméra électronique pour enregistrer ses filaments de gaz en expansion…

Serge Brunier

Un « gant-gecko » permet à une personne d’escalader un mur de verre

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Joe Sampouw

Les doigts des geckos adhèrent à toute les surfaces. Ce qui inspire les ingénieurs (Ph. Joe Sampouw via Flickr CC BY 2.0)

Des chercheurs ont conçu un matériau ultra-adhésif et repositionnable permettant à une personne d’escalader un mur de verre parfaitement lisse. C’est l’aboutissement de plus de 10 ans de recherches par différents laboratoires d’ingénierie pour doter les humains de la même capacité à grimper que les geckos, une famille de reptiles assez répandue dans le monde, dont les doigts (5 par patte) possèdent une adhérence inusitée ailleurs : un haut pouvoir adhésif même sur des surfaces rugueuses, une ré-utilisabilité, un pouvoir autonettoyant, et une facilité à se décoller par un mouvement directionnel.

Un gecko tokay (Hexasoft via Wikicommons)

Un gecko tokay (Ph. Hexasoft via Wikicommons)

Ces sont des chercheurs en ingénierie et en physique appliqué de l’université de Stanford (États-Unis) qui ont présenté à la revue Interface de la Royal Society la version artificielle la plus aboutie de cette entreprise d’imitation de la nature (biomimétisme et bionique) : un homme de 70 kg a ainsi pu s’élever de 3,6 m au-dessus du sol à l’aide de « gants » auto-adhésifs imitant les doigts du gecko de l’espèce tokay.

Le grimpeur possède deux "gants-gecko". L'échelle est suspendue à ces gants pour permettre à l'homme de se hisser à la force des jambes (Hawkes EW et al. J. R. Soc. Interface)

Le grimpeur possède deux « gants-gecko ». L’échelle est suspendue à ces gants pour permettre à l’homme de se hisser à la force des jambes (Hawkes EW et al. J. R. Soc. Interface)

Le gecko n’utilise aucune substance collante

Pour construire ce dispositif, les chercheurs se sont servi d’un matériau en silicone (précisément du polydiméthylsiloxane ou PDMS) auquel ils ont donné une microstructure semblable à celle des doigts du gecko, soit des « lamelles » de 10 micro-mètres de longueur (10 millionièmes de mètre) espacées l’une de l’autre de 100 micro-mètres et mimant – certes grossièrement -, les rangées de cils qui tapissent la pulpe des doigts des geckos.

Sans titre

Lamelles (vues en coupe) du matériau en silicone.

Structure microscopique du système des geckos

Microstructure des doigts des geckos

 

 

 

 

 

 

 

De fait, dans la nature, tout ce qui adhère n’est pas de la colle : les doigts des geckos le font grâce aux interactions électrostatiques entre ses cils microscopiques et la surface, une attraction exercée entre molécules et nommée force de van der Waals. Mais si les chercheurs n’ont pas reproduit toute la finesse du système du gecko ni son efficacité, ils ont recréé néanmoins certaines de ses caractéristiques, notamment la possibilité de décoller très facilement le gant-gecko du support en appliquant un mouvement de cisaillement (voir vidéo).

Si les geckos gardent encore une avance sur nous, notamment par leur capacité à adhérer également aux surfaces rugueuses, le système conçu par les chercheurs pourrait trouver un grand nombre d’applications dans des domaines divers comme la défense ou la construction – sans oublier les sports extrêmes.

Román Ikonicoff

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • L’intelligence de la nature intéresse enfin les ingénieurs – S&V n°1112 – 2010 – Matériaux hyper-résistants et légers, structures naturelles qui économisent l’énergie, substances non polluantes… Des milliards d’années de sélection naturelle ont produit des systèmes biologiques dotés d’une grande efficacité et non destructeurs de l’environnement (sinon, ils n’auraient pas survécu). Une bibliothèque de solutions « durables » pour l’homme qui nous inspire de plus en plus.

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  • Quand l’architecture imite la nature – S&V n°1084 – 2008 – Les termites et fourmis, les éponges marines, les oiseaux… De nombreuses espèces ont acquis au cours de l’évolution une compétence particulière dans le domaine des grandes structures stables, économiques et résistantes. Les architectes les imitent.

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  • L’incroyable force de la nature – S&V n°1165 – 2014 – Les stratégies et aptitudes des espèces vivantes ne nous inspirent pas seulement pour créer de nouveautés. Elles nous donnent une leçon d’adaptation à des conditions adverses, en particulier si celles-ci découlent des dérèglement climatiques et pollutions atomiques causées par l’homme.

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Dépression : l’un de ses mécanismes aurait été favorisé par l’évolution

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La dépression selon Vincent van Gogh

La dépression selon Vincent van Gogh

Il existerait ,dans certaines dépressions, un mécanisme cognitif mis en place par la sélection naturelle qui, à l’origine, devait renforcer la capacité d’homo sapiens à faire face à une situation stressante très complexe.Il s’agit du processus dit de « rumination analytique », connu des psychiatres, où la pensée rationnelle se fixe de manière persistante sur une idée et se ferme à toute autre sollicitation. Cette hypothèse, émise par des chercheurs de l’Université McMaster (Ontario, Canada) dans un article publié dans la revue scientifique PLOS ONE, débouche sur l’idée que certains types de dépressions pourraient être traitées, non pas en cherchant à atténuer ce symptôme (par médication) mais au contraire en renforçant le processus et en l’orientant sur les bonnes questions.

En effet, la pensée obsessionnelle et envahissante est l’une des caractéristiques de la dépression, dont souffrent 350 millions d’humains dans le monde. Mais toutes ces pensées ne se valent pas : certaines naissent de la dépression, comme l’idée que l’on est incapable de faire face à la vie, qu’on est mauvais, etc. D’autres peuvent en être à l’origine et refléter une réaction à ce que le cerveau perçoit comme un problème réel et extérieur, même si l’individu n’en a pas conscience.

Dépression ou mécanisme cognitif de survie ? Les deux !

Ce type de rumination a pour caractéristique, selon les chercheurs, de monopoliser toutes les ressources de la pensée – au détriment des autres activités cognitives comme l’attention, l’interaction, etc. – dans un mécanisme de défense mis en place chez homo sapiens pour affronter et résoudre des problèmes complexes et vitaux, le manque de nourriture ou la proximité d’un prédateur, auxquels notre espèce faisait concrètement face à l’époque des cavernes.

Aujourd’hui, les problèmes peuvent être plus abstraits mais le cerveau continue à réagir de la même manière : il peut assimiler à un prédateur une personne dont on pense qu’il nous veut du mal, ou interpréter comme un manque imminent de ressources alimentaires un conflit menaçant son emploi plus ou moins directement… La situation – qu’elle soit présente ou déjà vécue, consciemment perçue ou non – déclenche alors un processus de rumination analytique consistant à envisager tous les points de vue autour du problème afin de trouver une stratégie d’attaque. Cela se passe au niveau cognitif et n’est pas nécessairement perçu clairement par la conscience.

Mais si toutes les dépressions n’ont pas pour origine un problème réel et extérieur, et ne s’accompagnent pas toujours de rumination analytique, jusque-là, le traitement médicamenteux de la dépression vise à en atténuer tous les symptômes indistinctement – du moins sans distinguer entre les types de pensées envahissantes. Or, dans le cas d’une rumination analytique, il est impossible de contrecarrer le mécanisme, même avec des médicaments, car il est lié à l’évolution et inscrit dans nos circuits cérébraux.

Distinguer la rumination analytique des autres symptômes

Les chercheurs canadiens proposent alors une méthode pour identifier la présence d’un tel mécanisme dans la forêt des symptômes dépressifs, via un questionnaire court. Après l’avoir soumis à 579 jeunes adultes sélectionnés par un collège d’experts (psychiatres) pour leur symptômes dépressifs, les chercheurs ont identifié les 20 items (caractérisant 20 types de ruminations) permettant de quantifier systématiquement le taux de rumination analytique, isolant ce processus évolutionniste de tous les autres symptômes vécus par le malade – comme la fatigue, les pensées morbides, les troubles du sommeil ou de l’alimentation, les troubles obsessionnels-compulsifs, etc.

Ils suggèrent de traiter ces cas par l’explicitation du conflit auquel réagit le cerveau, et aider le patient à le résoudre par la pensée rationnelle et consciente, sans aucunement chercher à l’atténuer artificiellement. Il s’agit typiquement d’un résultat de médecine évolutionniste où l’on tente d’identifier, dans des maladies actuelles, d’anciens mécanismes adaptatifs qui ont perdu leur avantage dans le contexte de la vie moderne, ceci dans le but de développer des traitements plus efficaces.

Román Ikonicoff

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • L’irrésistible extension de la théorie de l’évolution – S&V n°1159 – 2014 – Si Darwin a basé sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle sur l’étude de la morphologie des espèces, depuis 155 ans la théorie s’est enrichie, notamment elle a intégré la génétique (Théorie synthétique de l’évolution) dans les années 1930. Mais depuis quelques années, les principes découverts par Darwin s’appliquent également dans d’autres domaines, comme la psychologie, la médecine, la culture voire même la cosmologie et la physique quantique.

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  • Mémétique : une théorie de l’évolution des idées ? – S&V n°1093 – 2008 – Un exemple d’application des principes de la théorie de l’évolution au domaine de la culture… Ou comment une idée peut subir les effet d’une sélection « naturelle ». Ses avantages et ses limites.1093
  • La dépression, une maladie qui dérange – S&V n°1047 – 2004 – La dépression touche aujourd’hui 350 millions d’individus selon l’OMS et génère d’énormes dépenses de santé publique. Pourtant c’est une maladie qu’on tait.

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Manger des oeufs donne-t-il du cholestérol ?

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Les oeufs contribuent à éveler le taux de cholestérol dans le sang, mais de façon mineure (Ph. OliBac via Flickr CC BY 2.0).

Les oeufs contribuent à éveler le taux de cholestérol dans le sang, mais de façon mineure (Ph. OliBac via Flickr CC BY 2.0).

 

Le jaune de l’œuf est l’aliment qui contient la plus grande quantité de cholestérol (environ 220 mg par œuf de 60 g), juste après les abats. En manger contribue donc à élever le taux de ce lipide dans le sang : c’est un fait. Mais l’augmentation reste cependant mineure. En effet, le cholestérol contenu dans nos assiettes n’est que partiellement absorbé par l’intestin. Résultat, qu’il provienne des œufs ou d’un autre plat, le cholestérol alimentaire ne contribue qu’à hauteur de 25 % dans la quantité de cholestérol présent dans notre organisme. Les 75 % restants sont produits par le foie, à partir des acides gras saturés de notre alimentation. Et très peu du cholestérol alimentaire. De l’assiette aux artères, le chemin du cholestérol n’est donc pas linéaire.

De plus, en y regardant de plus près, il apparaît que l’augmentation du cholestérol sanguin, lorsqu’elle a lieu après la consommation d’un œuf, concerne très peu le “mauvais” cholestérol (LDL), la forme impliquée dans le développement des plaques d’athérome. Si certaines personnes affichent un taux trop élevé de “mauvais” cholestérol, ce n’est donc pas parce qu’elles ont mangé trop d’œufs, mais bien parce que leur organisme en a fabriqué une trop grande quantité à partir d’une alimentation déséquilibrée et, surtout, trop riche en acides gras saturés.

MANGER JUSQU’A DEUX ŒUFS PAR JOUR N’A AUCUNE INCIDENCE

Une observation biologique confirmée par des études épidémiologiques qui montrent l’absence de lien entre l’apparition de maladies cardiovasculaires et la consommation d’aliments riches en cholestérol en général, d’œufs en particulier. Une équipe de l’université Yale (New Haven, Connecticut), a ainsi montré que manger deux œufs par jour pendant 6 semaines n’avait aucune incidence délétère sur le bilan lipidique (les graisses dans le sang), ni sur la fonction de la paroi artérielle. Un effet constaté sur des volontaires en bonne santé, mais également sur des patients considérés comme à haut risque cardiovasculaire.

D’ailleurs, pour David Katz, directeur du centre de recherche en prévention de Yale, “ il semble donc raisonnable de consommer un à deux œufs par jour. Au-delà, le danger ne vient pas tant de l’excès de cholestérol, que du déséquilibre induit vis-à-vis d’autres aliments qui seraient alors négligés. ”

O. C.

 

 

 

 

Une équipe française a conçu un propulseur spatial à plasma « sans parois »

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Le propulseur sans parois conçu par les chercheurs du CNRS (ICARE/CNRS)

Des chercheurs du CNRS ont testé pour la première fois un système de propulsion d’un type nouveau où la « combustion » se fait à l’extérieur de la tuyère, rallongeant ainsi la durée de vie des propulseurs à plasma d’un facteur 100 voire 1000. Il s’agit concrètement d’un propulseur à plasma, gaz d’atomes et électrons chauds, ou encore d’un « propulseur électrique à effet Hall« . En réalité, parler de combustion est impropre car les moteurs à plasma ne fonctionnent pas sur le principe d’une réaction chimique explosive (combustion) entre ergols, comme les moteurs classiques utilisés dans les lanceurs comme Ariane, Soyouz, Ares, etc. Ici, il s’agit d’accélérer des atomes au moyen de champs magnétiques.

Schéma de principe du fonctionnement d'un moteur à plasma

Schéma de principe du fonctionnement d’un moteur à plasma

Il n’est pas encore envisagé de remplacer les moteurs des lanceurs par la technologie à plasma car les poussées obtenues sont trop faibles pour arracher une masse de plusieurs centaines de tonnes de la surface de la Terre : la meilleure propulsion à plasma peut développer une poussée de quelques newtons (N) contre 4 à 14 millions de newtons (MN) pour Soyouz ou Ariane. Mais ces propulseurs sont idéaux pour voyager dans le vide cosmique (une fois mis en orbite). De nombreux satellites, sondes et autres engins spatiaux se servent déjà de la propulsion à plasma, et la recherche spatiale est extrêmement active dans ce domaine.

Le type de propulsion qu’il faudra pour un voyage habité vers Mars

Car si l’homme se rend un jours sur Mars, peut-être dans les années 2040, ce sera forcément avec ce type de propulsion. Et pour cause : les moteurs à plasma requièrent beaucoup moins de matière à « consommer » que les moteurs chimiques et donc moins de matière à embarquer à bord – en substance, ce nouveau moteur consomme du Xénon. Mais cela à condition qu’on puisse leur fournir beaucoup d’électricité, par exemple à l’aide d’une mini-centrale nucléaire ou des panneaux solaires à haut rendement.

Là où les chercheurs de de l’Institut de combustion, aérothermique, réactivité et environnement (ICARE, CNRS) ont innové, c’est qu’ils ont réussi à moduler les champs magnétiques, qui servent à canaliser et accélérer le plasma, de sorte à produire son accélération et éjection légèrement à l’extérieur de la tuyère, comme le montrent ces images :

Propulseur à plasma avec une  configuration magnétique classique (gauche) et configuration de type "sans parois" (droite) où le plasma se forme est plus à l'extérieur (crédit photo : J. Vaudolon, D. Harribey).

Propulseur à plasma avec une configuration magnétique classique (gauche) et configuration de type « sans parois » (droite) où le plasma se forme est plus à l’extérieur (crédit photo : J. Vaudolon, D. Harribey).

Or le grand défaut du plasma est qu’il détruit rapidement les matériaux car ceux-ci sont bombardés par des noyaux atomiques de très haute énergie : leur durée de vie ne dépasse pas quelques centaines de jours. Comme l’écrit l’un des chercheurs de l’équipe, Stéphane Mazouffre, dans son blog : « nous avons pu déplacer les zones d’ionisation et d’accélération à l’extérieur de la cavité, c’est à dire dans le vide. On obtient alors une configuration sans parois qui permet de grandement réduire les interactions plasma-surfaces. »

Le propulseur des chercheurs, nommé Hall PPS-Flex, a été testé cet été à l’ESA Propulsion Laboratory à Noordwijk aux Pays-Bas avec une puissance électrique de 200 W soit 1000 fois moins que la puissance injectée dans les moteurs déjà en service. Mais cette technologie n’est qu’à ses débuts… Le problème de la durée de vie étant donc en voie de résolution, il reste à faire monter en puissance ces moteurs afin qu’ils puissent développer des poussées de plusieurs dizaines ou centaines de newtons – de quoi mettre Mars à quelques semaines de voyage de la Terre.

Román Ikonicoff

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Moteur à Plasma : objectif Mars… en 39 jours – S&V n°1115 – 2010 – La recherche sur la propulsion à plasma s’oriente dans deux directions simultanées : rallonger la durée de vie des propulseurs et augmenter leur poussée. Ici, un exemple de recherche sur cette deuxième direction.

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