Jaloux, rivaux : comment faire la paix entre frères et sœurs ?

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« Pourquoi tu restes plus de temps avec lui, le soir ? » ; « Tu lui as donné moins d’épinards qu’à moi ! » ; « Il a pris mon jouet sans me demander ! » Tous, nous rêvons d’une vie de famille harmonieuse, quand trop souvent notre quotidien résonne de : « Arrêtez de vous disputer » ! Le climat familial n’est pas toujours au beau fixe. Et si, pour commencer, on changeait de regard sur le conflit ?


Les frictions dans la fratrie sont inéluctables. « Vouloir protéger ceux qu’on aime des difficultés est illusoire, voire toxique, indique en souriant Johanna Den Hollander. Sans le conflit, l’enfant n’apprendrait jamais à se positionner, à être responsable de sa vie et à avoir un impact sur le monde qui l’entoure. » Seulement, peu d’adultes savent gérer sainement les conflits, sans violence contre soi ou contre autrui. Dans les ateliers de communication éducative qu’elle anime, Humain demain, inspirés de l’approche de Faber et Mazlish, cette spécialiste en neuro-éducation préconise aux parents de ne pas intervenir à chaud. « Une émotion intense nous coupe de notre cortex pré­frontal et nous prive de notre capacité de raisonnement et d’empathie. Enfants comme parents se retrouvent dans une logique de survie, de lutte, de rigidité. » Mieux vaut consoler l’enfant giflé qui pleure, ainsi que l’auteur du méfait, dont la création a été saccagée, et revenir sur l’événement après coup. « L’affrontement peut avoir un aspect constructif, confirme la coach parentale Nathalie de Boisgrollier. Il oblige à dire non, à négocier, à trouver la phase de résolution. »


Par ailleurs, notre propre histoire joue un rôle, comme le souligne cette auteure d’Élever ses enfants sans élever la voix (Albin Michel) : « Sans s’en rendre compte, le parent s’identifie souvent à l’enfant qui occupe le même rang que lui au sein de la fratrie. Cette projection peut le conduire à avoir des réactions qui ne sont pas toujours adaptées. » Cette prise de conscience peut aider à mieux discerner le bien-fondé de nos interventions. Dès 5 ou 6 ans, l’enfant est capable de poser une limite, de définir une règle et de la respecter. Veut-il jouer seul ? Avec sa petite sœur ? Les parents peuvent guider cet apprentissage, en tête-à-tête, lors d’un moment privilégié. Il s’agira pour l’un de verbaliser ce qu’il souhaite, pour l’autre d’apprendre à respecter l’interdit, sans avoir recours à la violence.


Équitable n’est pas égalitaire


« Certains sont tombés dans le piège d’un principe d’égalité, que les enfants renvoient en boomerang, analyse Nathalie Reinhardt, présidente et coordinatrice de l’association des Ateliers Gordon. Les parents n’ont pas à donner de façon égale, mais de façon équitable. » Cette équité aide à accepter les différences et évite de verser dans la comparaison. « Je suis partie 15 jours au Japon avec mon aîné, l’année dernière, témoigne Stéphanie, et les autres n’ont pas été jaloux. Nous prenons du temps avec chacun d’eux, ils savent que leur tour viendra. »


Nathalie Reinhardt utilise l’analogie des estomacs, une image appréciée par les plus jeunes : « À table, petits et grands ne mangent pas la même portion : tout dépend des besoins. » Là se trouve la clef pour désamorcer les conflits : comprendre quel besoin est en jeu derrière la chamaillerie. Le psychologue américain Abraham ­Maslow a identifié nos besoins fondamentaux, à la fois d’« avoir » mais aussi d’« être » : physio­logiques, sécuritaires, d’appartenance et d’amour, d’estime de soi et de reconnaissance, d’accomplissement de soi. Lorsqu’un petit se plaint « Z’en ai marre, c’est touzours avec elle que tu es », sa demande cachée est « passe plus de temps avec moi ». Mais quel est son besoin ? L’écueil consiste à dire « Ok, je vais passer plus de temps avec toi » sans être remonté jusqu’à son besoin. « Or l’enfant a besoin de comprendre ce qu’il ressent, reprend la coordinatrice des Ateliers ­Gordon. Il n’est pas sécurisant d’accéder à son désir sans limite. Ce n’est pas parce que l’enfant fait une demande (surtout de type égalitaire) qu’il faut dire oui. Tout l’enjeu consiste à accéder au besoin. »

Une fin d’année pour se prendre aux jeux

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Installée dans un fauteuil, équipée d’étranges bésicles qui lui mangent le visage, Jenyfer vole entre les monuments de Paris. Elle plane dans la peau d’un aigle au-dessus de Notre-Dame, frôle la tour Eiffel, rase la pointe de la pyramide du Louvre ! À tire-d’aile, la fillette de 10 ans explore comme un oiseau une cité désertée par ses habitants, presque engloutie par la végétation, où déambulent des girafes, des ours, des éléphants… « On s’y croirait ! J’ai vraiment l’impression de surplomber la ville. Quand je tourne la tête, mon aigle change de trajectoire ! Je me dirige avec le regard », s’enthousiasme-t-elle, épatée, après avoir visité les ruelles de Montmartre, au soleil couchant… Avant de pouvoir voltiger ainsi, grâce au jeu Eagle Flight (Ubisoft), Jenyfer a dû chausser des lunettes de réalité virtuelle : cet accessoire projette le joueur dans un environnement en relief, panoramique, dans lequel il peut agir à sa guise… et même tourner entièrement sur…

Avent : 5 conseils pour cheminer en famille vers Noël

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1. Cheminer avec un calendrier


Le soir du premier dimanche de l’Avent, Sophie, 38 ans, demande à ses deux enfants – 8 et 5 ans – de réfléchir : quel effort choisir pour le mois de décembre ? Que puis-je changer en moi pour qu’à Noël, Jésus soit un invité bien reçu ? Plusieurs éléments concrets peuvent aider l’enfant. Ainsi, le calendrier de l’Avent permet de compter les jours jusqu’à Noël et d’intégrer cette progression. Dans la famille de Sophie, chaque enfant ouvre à tour de rôle une case au petit-déjeuner. Autre idée : placer une corbeille à côté de la crèche dans laquelle on pioche un verset biblique ou une intention qui aideront à prier dans la journée ou la semaine.


2. Illuminer la couronne


Chez presque tous les fleuristes, on trouve désormais la base de la couronne de l’Avent en branches de sapin. On peut ensuite l’agrémenter de décorations aux couleurs de Noël. Sa forme en cercle symbolise le soleil, mais aussi la couronne d’épines du Christ le vendredi saint et l’espérance du retour du Sauveur. Son principal intérêt ? Soutenir la patience des plus petits pour qui les quatre semaines de l’Avent sont parfois interminables : grâce à la couronne, ils repèrent facilement les quatre bougies que l’on allume au fil des dimanches. Dans la famille de Jacques et Isabelle, c’est le père de famille qui, chaque dimanche de l’Avent, allume une bougie supplémentaire au moment de la tombée de la nuit en reprenant un extrait de l’Évangile dominical. La flamme qui brille rappelle que nous attendons Jésus, « Lumière du monde » (Jean 8,12).


3. Construire une crèche évolutive


Suivant les familles, les usages liés à la crèche varient : certaines mettent en place la crèche dès le premier dimanche de l’Avent, d’autres ne la préparent que la veille de Noël. Solution intermédiaire : on peut la peupler au fil des jours. « En signe du temps qui nous sépare de Noël, nous installons les santons loin de la crèche, dans tout le salon, explique Isabelle, 44 ans. Les enfants les font avancer progressivement. » Ainsi, au début de l’Avent, il n’y a que l’étable et Marie et Joseph sont encore à Nazareth… un moyen tout simple de faire le récit de Noël au rythme de l’installation de la crèche.


4. Décorer ensemble la maison


À Strasbourg, la maison d’Hélène et Nicolas revêt, au fil de l’Avent, ses habits de fête : guirlandes et lumières aux fenêtres, mais aussi senteurs épicées des pâtisseries alsaciennes. « Nous expliquons que la maison toute entière se prépare à accueillir Jésus comme un invité d’honneur et que chaque personne qui y pénètre doit se sentir accueillie et réconfortée par cette ambiance », explique ces parents de trois enfants âgés de 6 à 12 ans. Isabelle, elle, organise des ateliers bricolage pendant les mercredis de décembre : « Ce sont eux qui fabriquent les décorations que l’on met sur le sapin le troisième dimanche de l’Avent ».


5. Raconter et chanter Noël


Dans la perspective de la Nativité, les contes de Noël évoqueront l’attente, la recherche de Jésus. Il y a par exemple l’histoire du père Martin, un cordonnier rendu populaire par Léon Tolstoï, ou les deux sapins de la Sainte-Aurélie, une histoire qui vient d’Alsace. Un défi pour l’Avent ? À quelques familles ou entre cousins, monter une « pastorale », ces crèches vivantes provençales représentant la Nativité. Les jeunes acteurs déguisés pourront donner une représentation en famille le soir de Noël, ou dans la maison de retraite du quartier.

“Le numérique est un choix pédagogique irrationnel“

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Cette année, 175.000 collégiens et écoliers ont fait leur rentrée avec une tablette numérique. Concrètement, qu’est-ce que cela va changer pour ces élèves ?


Ils vont passer de plus en plus de temps devant des écrans, à l’école comme à la maison. Les méthodes et les pratiques d’enseignement – cours, exercices, contrôle des connaissances, travaux en groupe… – vont être adaptées dans l’ensemble des disciplines pour utiliser le vecteur numérique, selon la volonté du ministère de l’Éducation nationale. Cela se fera progressivement, en fonction des matières plus ou moins aisément « numérisables », de l’enthousiasme plus ou moins prononcé des professeurs et des directeurs d’établissements, des moyens alloués par les collectivités territoriales.

Le « plan numérique pour l’école », décidé par François Hollande en 2014, se met en place. D’ici quelques années, l’ensemble des 3,3 millions de collégiens seront équipés d’une tablette, si rien ne vient l’interrompre, et si un autre support technologique n’a pas remplacé la miraculeuse tablette entre-temps.


En classe, les nouvelles technologies ne font-elles pas gagner du temps à tout le monde, aux élèves comme aux enseignants ?


Pour les profs, sans doute pas. Il faut, par exemple, trouver des vidéos sur Internet et les télécharger, s’assurer que tout fonctionne dans la salle de classe, prévoir un « plan B » s’il y a un ­problème technique – ça arrive régulièrement –, remplir le cahier de texte électronique, les logiciels de note, enregistrer ses cours pour les vidéos de « classes inversées » (pour faire travailler les élèves à la maison avant le cours, de manière à utiliser le temps de la classe pour faire des exercices ou poser des questions, ndlr). Autant de temps qui ne sera pas consacré au programme ou aux échanges avec les collègues.


Toujours plus rivés sur leurs écrans, les enfants sont déconnectés de leur environnement immédiat.


L’école numérisée grignote du temps aux parents – qui doivent eux aussi se connecter le soir après le travail. Quant aux enfants, les voilà toujours plus rivés sur leurs écrans, « connectés au monde » et aux « ressources illimitées » du numérique, à des logiciels intelligents qui leur soumettent des exercices, mais ils sont plus que jamais déconnectés de leur environnement immédiat, passent moins de temps dehors… et d’ailleurs en deviennent myopes !


Mais ces nouveaux dispositifs ne permettent-ils pas de mieux apprendre, de motiver les élèves, d’améliorer leurs performances, de les rendre plus épanouis ?


Il semble malheureusement que non. Non seulement il n’y a aucune corrélation entre la performance des systèmes scolaires des différents pays de l’OCDE et leur niveau de numérisation, mais des études scientifiques permettent de démonter un à un les arguments en faveur du numérique.


Leur difficulté à se concentrer est indéniable.


On n’apprend pas mieux avec un écran ou une vidéo, mais parce qu’on produit du contenu. Les enfants seraient plus motivés par les tablettes ? Mais on confond la fascination exercée par le support et la motivation pour le contenu. Ils seraient plus concentrés ? Mais leur difficulté à se concentrer – indéniable – ne vient-elle pas justement de leur pratique des écrans en dehors de l’école ? Opter pour le numérique, c’est faire un choix pédagogique irrationnel…


Vous considérez à ce titre que ce plan numérique est le fruit d’une idéologie.


Oui, c’est la croyance que la technologie va tout résoudre. Malgré les beaux discours sur la formation des professeurs, les contenus pédagogiques, c’est toujours la voie de l’équipement en matériel qui est privilégiée. C’est ainsi depuis plus d’un siècle : cinéma, radio, télévision, « machines à enseigner », premiers ordinateurs, aujourd’hui tablettes et tableaux numériques, à chaque nouvelle technologie on allait révolutionner l’enseignement. Avec les résultats qu’on sait…


Avec les milliards d’euros du plan numérique, on pourrait créer des milliers de postes ­supplémentaires.


Pourtant, à chacune des promesses du numérique – motivation, pédagogie plus ludique ou plus active, rythmes d’apprentissage différenciés, etc. – il existe des alternatives sans technologie, dont certaines ont déjà été testées et ont fait leurs preuves. Mais pour innover de nos jours, le numérique, ça fait plus sérieux. Avec les milliards d’euros du plan numérique, on pourrait créer des milliers de postes ­supplémentaires (permettant de dédoubler certaines classes, ou de conserver et renforcer l’enseignement des langues anciennes par exemple), ou offrir gratuitement aux élèves l’accès à des activités artistiques : musique, théâtre, dessin, sculpture… Là, on commencerait à réduire les inégalités.


Justement, comment expliquez-vous que la « fracture numérique » soit en train de s’inverser ? Les enfants de milieux défavorisés seraient aujourd’hui les plus équipés…


La fracture n’est plus sur le taux d’équipement ou l’accès à l’Internet à haut débit. La barrière économique est devenue minime, grâce à la baisse des coûts des équipements obtenue par la production à grande échelle et l’utilisation d’une main-d’œuvre chinoise aux conditions de travail déplorables. Les familles qui exercent un contrôle parental plus important, qui s’impliquent davantage dans la vie scolaire, sont sans doute plus conscientes des risques d’un usage incontrôlé des écrans et d’Internet. On limite, on négocie, on recule l’âge du premier équipement, on accompagne et on discute, on ne met pas l’ordinateur en accès libre dans la chambre à coucher.


L’école numérique induit une attention parentale accrue.


Il y a donc une fracture « cognitive », sur les compétences, plutôt que matérielle. L’école numérique promet de la réduire en formant tout le monde. Mais cela ne marche pas, c’est même le contraire, car elle induit des pratiques qui réclament une attention parentale accrue, comme aller chercher des informations sur Internet pour son exposé (sans tomber sur des horreurs), ou regarder sérieusement une vidéo de son prof en classe inversée (sans traîner en parallèle sur les réseaux sociaux)…


Dans un essai retentissant – et polémique – sur les méthodes d’apprentissage fondées sur les principes de Maria Montessori, l’institutrice Céline Alvarez déclare que la petite enfance n’a pas besoin d’écrans. La contestation du numérique est-elle une simple mode ou une prise de conscience ?


Nous ne pouvons qu’être d’accord avec Céline Alvarez quand elle affirme que les écrans n’ont que peu d’effet sur l’apprentissage des jeunes enfants, qu’ils les privent des interactions humaines nécessaires, qu’ils détraquent leur système attentionnel et leur capacité de concentration, que pour développer leur intelligence, il leur faut aussi renouer avec la nature, apprendre à faire pousser des radis et s’occuper d’animaux. De plus en plus de voix s’élèvent pour dénoncer les risques du numérique, en particulier chez les plus jeunes. Il serait déraisonnable de ne pas les entendre.


On expérimente les écrans jusque dans les maternelles et les crèches !


 L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), dans un rapport récent (Exposition aux radiofréquences et santé des enfants), recommande un usage « modéré et encadré », mentionnant explicitement les effets sur les fonctions cognitives (mémoire, fonctions exécutives, attention) et le bien-être des enfants – sans qu’on sache bien si c’est lié aux électrofréquences ou à l’usage même des téléphones et des tablettes. Et que fait-on parallèlement ? On généralise le Wi-Fi, on équipe, on expérimente les écrans jusque dans les maternelles et les crèches !


L’école parfaite, serait-ce une cure de digital detox ?


Oui, en quelque sorte, même s’il ne s’agit pas de revenir à « l’école d’avant ». Nous avons qualifié nos enfants de digital natives, mais c’est nous qui leur transmettons notre addiction technologique. Ils imitent d’abord leurs parents, puis leurs camarades ou leurs aînés. Or, l’école numérique légitime, banalise, incite à l’utilisation des écrans. Imaginons combien d’heures nos enfants passeront dessus, après la généralisation des exercices sur tablette, les « 50 % d’e-learning » que certains préconisent déjà, en y ajoutant les devoirs en ligne, la consultation du cahier de texte, des logiciels de note et du blog de classe, le visionnage des vidéos de « classes inversées » à la maison… et il faudra encore caser les jeux vidéo et les réseaux sociaux ?


Une école libérée des écrans pourrait être pour les enfants une zone refuge.


À l’inverse, une école libérée des écrans – les ordinateurs sagement cantonnés à une salle informatique et les téléphones déposés à l’entrée de l’établissement – pourrait être pour les enfants une zone refuge, un espace de plénitude et de reconnexion au réel, elle pourrait informer les familles sur les risques psychosociaux liés au numérique avec des initiatives du type « une semaine sans écrans ».


 


> À lire


Le désastre de l’école numérique (Le Seuil, 2016), par Philippe Bihouix et Karine Mauvilly.


 


Pourquoi les Lois naturelles de l’enfant de Céline Alvarez a fait polémique

Elle est retournée à l’école pour entreprendre une petite révolution. Elle, c’est Céline ­Alvarez, « chercheuse » en méthode d’apprentissage. Son livre les Lois naturelles de l’enfant (Les Arènes, 2016) est un succès de librairie. Mais pourquoi certains, dont l’Éducation nationale, veulent-ils la coller au piquet ? Parce que de 2011 à 2014, Alvarez a mené en classe maternelle une expérience inspirée par les méthodes de ­Montessori, à Gennevilliers. Elle a tout bouleversé, et les résultats ont été impressionnants. Alors, quand l’institutrice s’est vu retirer son matériel pédagogique, elle a tout simplement claqué la porte. Depuis, dans les conférences qu’elle donne partout en France, elle ferraille contre une institution qui ne se serait pas seulement trompée sur des détails mais « sur les fondations de notre école » elles-mêmes.

Modèle éducatif : 5 questions que tout parent devrait se poser

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Psychosociologue, Édith Tartar Goddet anime des ateliers de parole pour parents et pour adolescents. Auteure de plusieurs ouvrages, dont la Toute-puissance de l’école (Retz), elle forme 6000 enseignants par an à la relation à l’enfant et à la gestion des conflits. Elle engage chaque parent à interroger son modèle éducatif en se posant cinq questions.


1. Ai-je des convictions ?


« Sur quoi s’appuyer dans une société qui promeut l’absence de règles et l’épanouissement individuel ? Souvent démunis, les parents naviguent à vue. Connaître quelques astuces ou outils ne suffit pas en matière d’éducation, car ce n’est pas seulement une question de “faire”, mais d’“être”. Les parents ont avant tout besoin de convictions. Les déterminer implique une réflexion personnelle : quelles sont mes valeurs ? Qu’est-ce que je veux transmettre à mon enfant ? Sur quels points je ne céderai pas ? Sur quels autres je peux lâcher ? Ce questionnement permet de déterminer l’essentiel et ce que les parents vont défendre, quitte à se battre ! Je recommande aux parents de distinguer clairement les besoins des désirs. Les besoins fondamentaux de l’enfant doivent être satisfaits, afin qu’il puisse vivre, croître et se réaliser : sommeil, boisson, nourriture, protection, sécurité, identité. Si les envies sont normales puisque nous sommes en vie, leur satisfaction peut être différée, voire non satisfaite. J’ai accompagné une mère qui pleurait de voir son fils triste parce qu’elle lui avait dit non. On ne meurt pas de la frustration. Il y a des obligations, des contraintes, qui demandent de faire des efforts, de poser des choix. Accepter que la vie est frustrante et conflictuelle est une preuve de maturité. »


2. Quel est mon rapport à l’autorité ?


« Nul n’est énonciateur de la loi, sauf le tyran. La loi s’impose à tous. Le parent en est le locuteur. Il l’a lui-même reçue et doit la transmettre. Quel est mon rapport à la loi : est-ce que je la considère de façon pacifiée, positive, bénéfique, ou comme une empêcheuse de tourner en rond ?

Un adulte choisit d’obéir à la loi, tandis qu’un enfant s’y soumet. Si l’adulte se soumet à la loi, il demeure à un stade infantile… Mais notre société est-elle adulte ? Nous pouvons nous interroger en considérant combien nous-mêmes sommes tellement transgressifs, cherchant à esquiver les règles sitôt le radar passé ou loin de la police. Sans doute un pouvoir trop vertical et autoritaire, par le passé, a-t-il contribué à construire cette vision péjorative de la loi. Or c’est elle qui nous permet de vivre.

D’après moi, notre société médiatique est perverse ; elle produit des illusions en permanence. Elle nous fait miroiter ­l’absence de limites : l’omnipotence et l’omniscience. Cette promesse de toute-puissance nous piège. En dix ans, les écoles se sont remplies d’enfants ingérables, produits de notre société de consommation. L’enfant élevé sans loi ou avec des règles fluctuantes demeure sous l’emprise de ses pulsions du moment. Il n’est pas libre. La loi nous libère de l’aliénation à nous-mêmes. Elle nous met en situation de choix. Il faut le dire aux enfants ! C’est possible dès l’âge de 4 ans. »


3. Est-ce que je pose un cadre clair ?


« Les adolescents sont vulnérables et fragiles. Il faut les protéger davantage. Je rencontre trop de parents qui font confiance à la société de consommation, qui laissent leur jeune avec un Smartphone faire n’importe quoi sur Internet. Pour grandir, l’enfant a besoin d’être contenu. Les adultes doivent lui proposer un cadre cohérent, où les règles sont clairement énoncées et respectées par tous : voilà ce qui est permis, voilà ce qui ne l’est pas, et les conséquences en cas d’infraction. Combien d’enfants connaissent la gradation entre une contravention, un délit et un crime ?

Pour expliquer ces nuances, je dessine un cadre au centre d’une feuille : il correspond à ce qui est permis. Les adultes doivent veiller à valoriser l’enfant qui s’y trouve. Autour, je trace un cadre que j’appelle la zone de transgression. La première partie relève de ce qui est tolérable et n’entraîne qu’un rappel à la règle, quand la seconde est intolérable et a pour conséquence une sanction. Au-delà, c’est la zone du hors-la-loi, qui est inadmissible, empêche de vivre en société et relève de la justice. Avec l’enfant, nous cherchons des exemples et il m’indique dans quelle zone, selon lui, ils se situent. On peut avoir des surprises !

Je me souviens ainsi d’un cas : trois lycéens cagoulés avaient aspergé leur enseignant d’un produit lacrymogène et l’ont jeté à terre. Le procureur de la République voulait qualifier cet acte de crime, ce qui a soulevé l’indignation de la classe qui n’y voyait qu’une transgression intolérable. J’ai travaillé avec eux sur cet écart entre leur perception et la réalité judiciaire. La loi n’est pas question de ressenti. La violence, qui cherche à détruire (telle est sa définition), relève du Code pénal. Qu’elle soit physique ou psychique, elle appelle une action des adultes, garants de la protection de l’enfant. L’intervention est à trois niveaux : à l’égard des auteurs, des victimes et des témoins. »


4. Comment je gère les conflits ?


« Qu’il soit intérieur ou entre deux parties, les ressorts face à un conflit sont similaires. Il s’agit d’abord d’entendre le conflit, quand souvent nous faisons comme s’il n’existait pas ou s’il n’était pas grave. Ensuite, il faut chercher des arguments ; formuler les siens et écouter ceux de la partie adverse. Enfin, je fais travailler l’enfant sur les conséquences : que se passe-t-il s’il préfère rester au lit plutôt que d’aller à l’école, s’il ne veut pas rendre la pelle qu’il a prise à son camarade ? Le raisonnement permet de prendre conscience du risque d’avoir des ennuis et de ressentir de la culpabilité.

Or nous ne savons pas gérer la culpabilité. Je ne peux pas vous expliquer pourquoi, c’est un constat clinique. Nous enfouissons nos culpabilités et elles s’accumulent. Alors que nos frustrations, elles, s’atténuent et disparaissent ; on peut les élaborer et les gérer. Mieux vaut donc ressentir de la frustration, en ayant respecté une règle, que de la culpabilité, pour l’avoir enfreinte ! »


5. Est-ce que j’ose transmettre ?


« Il est difficile de transmettre, dans une société exclusivement tournée vers le présent et le futur immédiat. Tout ce qui vient du passé est dénigré. Dans le même temps, les enfants sont souvent considérés comme des adultes en miniature, qui auraient déjà mystérieusement des acquis sociaux, de savoir-être, de savoir-faire. Et pourtant, ils ont tellement besoin de recevoir, d’enrichir leur vision du monde, de prendre du recul… Les grands-parents ont un rôle majeur à jouer. Pour aider les jeunes à réfléchir, à prendre de la distance, à formuler en qui ils ont confiance, par exemple, à réfléchir aux questions existentielles : la vie, la mort, la maladie… Nous avons aussi à accompagner la construction spirituelle de l’enfant, ce souffle qui l’anime. Je lis ainsi des récits bibliques à mes petites-filles et cette lecture suscite des questions incroyables sur le sens de la vie. »

 


> À lire :

La Toute-Puissance à l’école, d’Édith Tartar Goddet, Retz, 20,60€.


 


Semaines sociales 2016 : « Ensemble l’éducation »


Édith Tartar Goddet participera à un débat aux Semaines sociales de France 2016 qui ont lieu à Paris, les 19 et 20 novembre, sur le thème « Ensemble, l’éducation ». « Il y a comme une redistribution des rôles aujourd’hui, précise Pierre-Yves Stucki, responsable de la session, et un besoin de redéfinition des places respectives de la famille, de l’école et des autres acteurs : pairs, médias, associations. Pour le bien de l’enfant et de la société, une alliance éducative est nécessaire. » Cette session nationale, ouverte à tous, propose conférences, ateliers et débats. Elle interpellera notamment des politiques par des propositions éducatives issues d’une plate-forme collaborative et réunies en un « livre ouvert ». Cette année, les 6-14 ans bénéficieront d’un programmes spécifique.
http://ssf-lasession.org

Les vaccins en questions

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Paradoxe ! Au pays de Pasteur, le pionnier de la microbiologie, on ne s’est jamais autant méfié des vaccins. Selon une étude menée dans 67 pays par une équipe internationale et rapportée dans Le Monde (10 septembre 2016), les Français arrivent largement en tête des sceptiques : 41 % des interrogés estiment que les vaccins ne sont pas sûrs, 17 % doutent de leur efficacité et 12 % ne tiennent pas les vaccins infantiles pour importants. Les épisodes liés à la grippe H1N1 de 2009-2010, au vaccin contre l’hépatite B et à celui contre le cancer du col de l’utérus ont joué un rôle majeur dans la méfiance croissante de nos concitoyens. 


Dans chaque cas, la même constante : une surdramatisation des risques liés à la maladie, quitte à livrer des informations fausses. C’est ainsi qu’en 1994, Philippe Douste-Blazy, alors ministre délégué à la Santé du gouvernement Balladur, a avancé le chiffre farfelu de 40 000 contaminations par an à l’hépatite B,…

Le vaccin contre la grippe est-il efficace ? 

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Pourquoi les recommandations de vaccination contre la grippe ont-elles été étendues ?


À l’origine on recommandait ce vaccin pour les plus de 75 ans. Puis les indications se sont élargies vers les plus de 70 ans et aujourd’hui les plus de 65 ans, les femmes enceintes, les personnes obèses et celles souffrant de pathologies cardiaques ou respiratoires. L’épisode de la grippe H1N1 a beaucoup joué sur cette surenchère de précautions. Il faut aussi savoir que les médecins traitants sont encouragés à pratiquer ce vaccin à travers des objectifs qui donnent lieu à des primes…


Est-il efficace ? Qu’en disent les médecins et les études ?


Le virus de la grippe (et sa gravité) varie tous les ans. Obtenir les bonnes souches du vaccin n’est donc pas évident quand on fabrique six mois à l’avance. Dans les faits, de nombreux médecins considèrent le vaccin comme moyennement efficace et il n’y a pas de preuves solides de son efficacité. Quand les études sont financées par l’industrie pharmaceutique, l’efficacité suggérée est toujours plus favorable mais les études indépendantes montrent un intérêt plus incertain et quasi nul pour les adultes en bonne santé, les enfants, les asthmatiques et même les plus de 65 ans. Seules les personnes vraiment très âgées et celles souffrant de BPCO (bronchopneumopathie chronique obstructive, ndlr) pourraient en tirer profit.


Enquête : les vaccins en questions


Existe-t-il des effets secondaires à ce vaccin ?


Comme tout médicament. C’est pourquoi il faut que le médecin soit attentif aux contre-indications et interroge le patient sur son état de santé. Cependant ce vaccin ne contient pas d’adjuvant (aluminium notamment) et donc il est plutôt bien toléré avec peu de risques. Ce qui est à interroger c’est son utilité. Sauf pour les personnes très âgées dont le système immunitaire est affaibli, certains médecins avancent qu’il vaudrait peut-être mieux attraper une grippe de manière à acquérir une immunité naturelle, supérieure, plutôt que de se faire vacciner tous les ans. Selon eux, si l’on vaccine toute une population de jeunes seniors, on risque peut-être dans 20 à 30 ans de se retrouver avec des personnes âgées ayant une immunité amoindrie face à un virus à la résistance accrue.

Et si nous arrêtions de courir sans cesse ?

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« En retard, toujours en retard ! » Le Lapin blanc de Lewis Caroll, 150 ans plus tard, est toujours d’actualité. Au pays des merveilles, que découvre Alice, le temps est déréglé au point qu’il n’y en a jamais assez (le Lapin blanc court sans cesse) ou bien qu’il s’immobilise (le Chapelier fou décide de ne vivre qu’à l’heure du thé). Sommes-nous si loin de cette fiction ? Alors que le développement des technologies de production et de communication n’a jamais été aussi poussé, dans les sociétés occidentales, les individus souffrent toujours plus du manque de temps et ont le sentiment de devoir courir toujours plus vite, prévient le sociologue allemand Hartmut Rosa, dans Aliénation et accélération (la Découverte). Au même moment, le temps s’arrête pour les plus vulnérables qui ne peuvent pas suivre la course. Autant de problématiques liées à l’accélération de nos modes de vie, de travail, de consommation, qui seront traitées au congrès national du Mouvement chrétien des cadres et dirigeants (MCC), à Paris, les 12 et 13 novembre. Autour du thème « Accélérer, jusqu’où ? L’homme au coeur du mouvement », divers intervenants à ce congrès, membres du MCC ou acteurs économiques et sociaux livrent ici des pistes pour replacer l’humain au centre, mais aussi pour ne pas négliger son identité propre au coeur de la course.


« Si je suis apaisée, j’apaise autour de moi »


Laure Le Douarec, Intervenante au congrès du MCC, auteure du Guide pratique de l’intelligence collective (Souffle d’or).


« L’accélération faisant partie de notre environnement, qu’on le veuille ou non, mieux vaut composer avec cela plutôt que de lutter contre en s’épuisant. Notre attitude individuelle a en outre un impact sur notre entourage. Si je suis apaisée, j’apaise le monde autour de moi. Pour garder l’équilibre au coeur du mouvement, la question est donc : quelle énergie est-ce que j’accepte de mettre dans telle mission, quelles sont mes limites ? Suis-je en train de me dénaturer ? Par exemple, il y a des missions éthiquement et/ou professionnellement bonnes, mais il y a aussi la manière dont je les mène à bien : si je bouscule les gens car je suis toujours en retard ou sous pression… Attention à ne pas se laisser emporter dans la course, au détriment de nous-mêmes et de ceux qui nous entourent. Face à la diversité de nos tâches et à l’amplification de nos champs d’action dans tous les domaines, l’enjeu est donc à la fois simple et complexe : respecter ce que je suis et savoir ce que je veux. Dans le “jargon” de “l’intelligence collective” (méthode pour favoriser la cohésion d’un groupe et la connaissance réciproque des membres, ndlr), cela s’appelle conserver sa “verticalité”. Dans les ateliers que je propose aux entreprises, je distingue ainsi ce qui est de l’ordre du “moi” : comment je me perçois dans le groupe et comment j’évolue dedans ; et ce qui est du “nous” : comment nous avançons ensemble ? Cette dernière étape dépend en effet en premier lieu de l’énergie que j’apporte au groupe en tant qu’individu. Parmi les ateliers proposés, certains permettent aux salariés, tous niveaux hiérarchiques confondus, d’apprendre à se connaître et à se présenter individuellement, hors des codes habituels. Cela consiste par exemple à s’asseoir en cercles, sans tables, pour établir un véritable échange d’être humain à être humain. D’habitude, les gens sont “cachés” derrière leur bureau, leur ordinateur, ou même derrière leur fonction – j’ai réalisé récemment que certains salariés n’osaient pas s’exprimer devant les plus “gradés”. Cet exercice dévoile les personnalités, provoque la parole et l’écoute. Celle-ci est d’ailleurs un axe central au coeur de l’action. Nous devrions parler et écouter en proportion équilibrée. Or nous sommes systématiquement en train de parler. Pourtant l’écoute libère une puissance génératrice : elle appuie sur le bouton “on” de celui qu’on laisse parler. Un employé écouté développe sa capacité à imaginer et à créer. Mais cette démarche demande de l’humilité : le manager ou le chef de projet qui agit ainsi brille parce qu’il fait briller l’autre. Et ce n’est pas intuitif. »


> Mon conseil : Conserver sa verticalité, prendre le temps d’écouter tout autant que de parler.


« Allier performance et humanité »


Yvan Wibaux, cofondateur de Evaneos.com, plate-forme de voyages sur mesure.


« Notre entreprise n’a cessé de croître depuis sa création, il y a sept ans. En moins d’un an, nous sommes passés en 2016 de 50 à 100 salariés. Malgré cette accélération, nous continuons de miser sur les envies et la créativité de nos salariés : ceux-ci sont porteurs de leurs projets. Nous proposons ainsi un management qui investit autrement le temps et les exigences de rentabilité : on s’éloigne de l’image du salarié « rivé » à son ordinateur de 9 h à 19 h sous la direction d’une hiérarchie « verticale », pour y mettre plus de flexibilité. Nos salariés travaillent en petites équipes au nombre variable selon les projets. Chapeautées par un chef d’équipe – qui n’est pas là pour imposer seul les objectifs, mais pour aiguiller, guider -, elles choisissent leurs propres horaires et leurs heures de réunions. Ceux qui veulent faire du télétravail, en concertation avec le groupe, sont libres de le faire. Les équipes sont maîtresses de leur organisation. Par ailleurs, les salariés ont accès à tous les chiffres de l’entreprise et sont libres de réagir à ce sujet auprès de la direction. Parmi les employés, nous avons aussi un groupe de volontaires qui réfléchit à la bonne organisation de l’entreprise au fur et à mesure de son développement, tandis qu’un autre pense à l’aménagement de nos locaux et à la manière dont nous pouvons être le mieux possible pour travailler (espaces de bureaux, plantes…). Notre philosophie revient finalement à considérer que le temps du salarié ne doit pas être seulement investi dans la course à la performance de l’entreprise mais aussi dans son développement “humain”. »


> Mon conseil : En entreprise, rendre les équipes maîtresses de leur organisation, libres de choisir ensemble leurs horaires et leurs heures de réunions.


« Il ne s’agit pas seulement de manger »


Albert Guihard, Membre du MCC, ancien cadre de la fonction publique territoriale, adjoint à l’urbanisme et à l’environnement, à Saint-Nicolas-de-Redon (44).


« Cela vaut le coup, pour nous tous, acteurs de la filière agroalimentaire, consommateurs compris, de nous arrêter cinq minutes pour réfléchir à notre alimentation. Aujourd’hui, nous avons tout. Nous pouvons manger tous les produits du monde, où que nous soyons ou presque. On ne souffre pas de faim en Occident. Mais au bout de la chaîne, en France, il y a un agriculteur qui se suicide tous les deux jours. Il est donc aberrant d’être indifférents à ce que nous mettons dans nos assiettes, à ne pas nous interroger sur la qualité de ce que nous mangeons ou d’où vient notre plat du jour. Cela passe non seulement par le fait de (re)prendre le temps de cuisiner, mais aussi de s’extraire de la course au produit le moins cher, sous prétexte de renforcer notre pouvoir d’achat. Car les agriculteurs subissent nos modes de consommation. Il faut observer que la part de l’alimentation dans le budget des ménages est passée de 21 % en 1970 à 13 % aujourd’hui. En outre, seulement 7 % ou 8 % de la valeur de notre assiette vont au producteur. Tout le reste est transformé. C’est toute une philosophie de vie que nous sommes en train de retrouver : il ne s’agit pas seulement de manger mais d’habiter un pays, d’en connaître les terroirs ; de donner de notre temps et aussi de notre argent aux gens qui fabriquent ce que nous mangeons, en rencontrant les producteurs dès que possible, par exemple. Dans cette folie de la vitesse, il y a quelque chose qui nous fait passer à côté de la saveur de la vie. Quels paramètres puis-je prendre en compte dans mes comportements sociaux pour atteindre mes objectifs ? Suis-je au service de ma propre personne ou d’un ensemble de personnes ? »


> Mon conseil : S’arrêter cinq minutes pour s’interroger sur la qualité de son assiette, reprendre le temps de cuisiner, de rencontrer des producteurs.


« Entrons dans la “slow city”, la mobilité douce »


Martin Lesage, Membre du MCC, intervenant au congrès, fondateur et directeur de CitéLib (38).


« En créant Citélib (système de partage de voitures pour des usages personnels ou professionnels, ndlr), je souhaitais mutualiser les flottes automobiles, encombrer moins, polluer moins, améliorer notre qualité de vie. 50 % de notre chiffre d’affaires est réalisé avec des usages professionnels. Cette initiative rejoint la “slow city”, ou “mobilité douce”. Le but est de réduire l’accélération liée à la voiture, notamment en agglomération. Nous invitons les usagers à raisonner en termes plus collectifs et économiques. Il y a tellement de voitures qui “dorment” sur leur parking ! Avec l’autopartage, les utilisateurs substituent à la voiture, dès qu’ils le peuvent, des moyens de déplacement qui font gagner du temps dans les bouchons. On transforme ainsi de grosses accélérations en mouvements plus lents et plus réguliers. En général, chez nos clients, un changement de comportement s’opère et un autre type de vie s’ensuit. J’en ai moi-même fait l’expérience. Après que mes enfants ont cassé les deux voitures que je leur avais données et alors que je devais un jour réparer la dernière que nous avions, j’ai décidé de la mettre à la casse et de ne plus en racheter. Et je me suis mis à utiliser le vélo pour les courtes distances, et le train pour les trajets professionnels ; ou encore l’autopartage pour une urgence ou un trajet plus pratique en voiture. J’ai réalisé qu’il y avait toute une vie qui se passait dans ces temps de transports en commun : dans le train on travaille, on échange, on lit, on prie. À vélo ou à pied, je m’arrête et croise des amis. Je me suis mis à aller plus souvent au marché et dans les petits commerces, et à espacer les courses au supermarché, où, pour le coup, on croise moins les gens. Nous sommes en train de quitter un système urbain “déshumanisant”, qui consiste à séparer les zones d’activité et d’habitat. En privilégiant un système d’urbanisme mixte, on permet aux gens de recentrer leur vie quotidienne dans un lieu de vie où ils peuvent freiner leur consommation globale : essence, argent, temps, énergie, stress… et recréer du lien social. »


> Mon conseil : Raisonner son transport journalier en termes plus collectifs, recentrer sa vie quotidienne, ses achats sur son lieu de vie.


« Nous devons favoriser un sentiment de confiance »


Marc Mortureux, membre du MCC, Directeur général de la prévention des risques au ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer.


« Notre société n’est pas seulement en crise, elle se métamorphose profondément. Tout s’accélère sous l’impulsion des nouvelles technologies. Ce futur est plein de promesses mais fait germer de nouveaux risques : les ondes émises par les objets connectés qui nous envahissent, les milliers de substances chimiques nouvelles qui apparaissent chaque année, les nanoparticules dont nous connaissons mal l’impact sanitaire… Les risques accidentels sont aujourd’hui bien maîtrisés mais de plus en plus d’interrogations apparaissent quant aux risques “chroniques” (risques invisibles et qui portent sur le long terme, ndlr) engendrés par notre exposition quotidienne à toutes sortes de pollutions de notre environnement au sens large, de la qualité de l’air à nos habitudes de consommation. Nous étudions donc les liens, plus ou moins avérés scientifiquement selon les cas, avec la forte progression de pathologies graves qui frappent les personnes de plus en plus jeunes, comme certains types de cancer, le diabète, l’asthme, l’infertilité ou encore l’obésité. Mais nous devons aussi composer avec les libertés individuelles. Notre société entretient un rapport assez ambigu avec le risque. Nous sommes prêts à en prendre au niveau personnel mais nous ne supportons pas l’idée d’un risque subi par notre environnement. Prenons l’exemple des cabines de bronzage : on a la preuve scientifique que le rayonnement UV génère un haut risque de cancer de la peau. Il en va de même pour les excès de tabac ou d’alcool : où s’arrête la liberté individuelle, où commence le rôle de l’État ? Cette société en pleine mutation est très stimulante mais laisse beaucoup de gens au bord de la route, en manque de repères. Dans l’exercice de mes responsabilités, je crois beaucoup à la collégialité : ne jamais laisser seule une personne en train de se noyer et mettre en place un type de management qui libère la parole. Il y a une question d’éthique et d’équilibre qui se joue au coeur de l’accélération de notre monde, pour garder l’homme au centre. Tous les employés n’ont pas la même capacité de rythme de travail mais chacun a des compétences utiles, pour peu qu’on les valorise. Dans notre culture du travail “vite fait et bien fait”, les risques psychosociaux qui pèsent sur les personnes ne sont pas négligeables. Pas seulement à cause de la charge de travail mais aussi à cause de la responsabilité assumée lorsqu’on traite de risques majeurs, comme dans le secteur nucléaire ou industriel. À la Direction générale de la prévention du risque (DGPR), nous nous attachons à ne jamais laisser un inspecteur assumer seul ses responsabilités, qui peuvent apparaître vite écrasantes et paralysantes. Nous sommes globalement dans une société anxiogène. Nous devons favoriser un sentiment de confiance, fruit d’un travail d’équipe et de décisions assumées collectivement. »


> Mon conseil : Favoriser la prise de responsabilité collégiale et le travail d’équipe face à un monde anxyogène.


 


Le MCC vous donne rendez-vous :

Les 12 et 13 novembre, le MCC propose aux Docks de Paris, à Saint-Denis (93), deux jours de réflexion et d’échange, ouverts à tous, sur le thème : « Accélérer, jusqu’où ? L’homme au coeur du mouvement. » o Avec le physicien Étienne Klein, le jésuite Alain Thomasset, la directrice de l’Ena Nathalie Loiseau, le philosophe Hartmut Rosa… http://congres.mcc.asso.fr

Comment éduquer les jeunes à l’environnement

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Les forestiers connaissent bien les marteloscopes : à l’aide de plans et de tableaux de calcul, ils s’exercent sur ces parcelles à choisir les arbres qu’ils couperaient ou préserveraient. À Frohmuhl, dans le Parc national des Vosges du Nord, l’un de ces terrains sert également à éduquer collégiens et lycéens à l’environnement.


Vingt minutes de marche sur des chemins larges, le long d’un étang et à travers les futaies, en permettent l’accès. En cette fraîche matinée d’octobre, Romain Cantat, animateur de la Maison de…

“Tamara“ : un (bon) film et des (bons) conseils

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L’héroïne du film, Tamara, a quelques kilos en trop qui la complexent. Pourquoi le regard des autres est-il si important à cette période ?


Le film montre bien qu’à l’adolescence, la recherche d’identité passe d’abord par le corps. Les garçons traversent un passage narcissique qui est une remise en question profonde. Pour les filles, c’est encore plus difficile, car c’est l’âge où l’on veut commencer à plaire. Les attaques sur le physique sont donc particulièrement mal vécues. De plus, notre époque a vraiment figé des canons de beauté qui valorisent la minceur, voire la maigreur. Ne pas correspondre à cette image demande beaucoup d’énergie. Pour calmer le jeu, l’adulte doit exprimer ce message simple : « Ce qui compte, c’est ce que tu as en toi. Les kilos, tu les perdras quand tu le décideras. Ta personnalité ne se résume pas à cela ! » La preuve en est que le premier motif de consultation psy chez les jeunes, ce n’est pas le surpoids, mais le mal-être et les problèmes relationnels !


D’ailleurs, Tamara assume ses kilos…


Les kilos en trop ne sont pas forcément le signe d’une pathologie lourde, de type boulimie. Trop manger, c’est compenser un manque par la nourriture. Pour Tarama, le surpoids vient plutôt d’une alimentation déséquilibrée et d’une mauvaise hygiène de vie. Son défi consiste à s’accepter comme elle est. Autre défi : se faire accepter par son entourage. Elle cherche à séduire le plus beau garçon du lycée. Et elle y parviendra, en mettant en avant sa personnalité.


Dans le film, la maman de Tamara lui prodigue force compliments et encouragements, y compris sur son physique. Est-ce une bonne attitude ?


Oui ! L’ado a besoin de se trouver belle ou beau dans le regard de quelqu’un. C’est capital pour qu’il parvienne à construire son capital de confiance en soi et se doter d’assises narcissiques solides. Ainsi, il deviendra capable de s’apprécier.


 


À voir : Tamara, la revanche d’une ronde ! en salles. À partir de 13 ans.
À lire : Tamara, de Darasse et Zidrou, Dupuis. 14 tomes. Et un numéro spécial à l’occasion de la sortie du film.