Grandir ensemble et rêver au Foyer amitié

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Gâteau marbré, bol de lait et quelques carrés de chocolat sur une table en chêne. Théo et Lucas, frères jumeaux, prennent leur quatre heures dans la douceur du feu de cheminée, au sein de cette maison d’enfants à caractère social située près de Blois, qui accueille, depuis plus de 40 ans, 20 jeunes, placés sur décision d’un juge, accompagnés par 10 éducateurs, deux veilleurs de nuit et un enseignant. Théo palabre sur un budget serré à tenir impérativement : 9 euros par mois pour l’hygiène, 50 pour les vêtements et 20 pour l’argent de poche. Lucas se prend à rêver d’une Nintendo 3DS, forcément connectée pour se mesurer à des millions d’autres ados. « Reviens sur terre. À Chambon, il n’y a pas de réseau, pas de 3G », s’amuse Théo.


Steeven, stagiaire exemplaire


Steeven déboule et saisit sa guitare. Rangers noirs, deux sweats à capuche superposés et une crinière de « footeux ». Il a 17 ans et en a passé 14 à valdinguer entre foyers et familles…

À Taizé, la nouvelle vie de la famille al-Mansour 

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« Avant d’arriver, j’avais peur. Peur de tout. De l’avion, des gens, de la voiture, des escaliers mécaniques… C’est après un mois que j’ai commencé à me sentir bien. Ici, l’avenir de mes enfants est ouvert. Et la confiance est grande. » Fatima a atterri à Lyon le 27 avril 2016, avec son mari et ses quatre enfants. Originaires du village syrien d’al-Qusayr, au sud de Homs, ils arrivaient du camp de réfugiés de Tell Hayat (dans le nord du Liban). En Syrie, Abdul Sattar avait été touché par un éclat d’obus et rapatrié par la Croix-Rouge dans un hôpital libanais. Fatima, ses enfants sous le bras, l’y avait rejoint quelques semaines plus tard. 


Les al-Mansour ne sont pas les premiers à être accueillis par les moines de Taizé (comme eux, deux familles chrétiennes, une irako-égyptienne et une irakienne, ont été hébergées). Née sur des frontières en pleine Seconde Guerre mondiale, au début des années 1940, la…

Raconte-moi ta crèche…

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Installer la Sainte Famille entourée de santons chargés d’histoire dans des décors sortis de l’imagination : cette tradition, prisée aujourd’hui encore par les familles, remonte à François d’Assise, l’auteur de la première crèche vivante dans l’église de Greccio, en Italie, en 1223. Ces représentations de la Nativité ont ensuite pris place dans les églises. Interdites à la Révolution, elles se sont alors introduites chez les particuliers. Selon la coutume, elles occupent un lieu central de la maison dès le 4 décembre et jusqu’au 2 février. Le 24 décembre, à minuit, une main discrète viendra glisser dans une mangeoire de fortune, l’Enfant Jésus, le Sauveur fait homme. D’ici là, chacun prépare son cœur à sa venue, comme nous le racontent ces quatre familles qui nous ont ouvert leurs portes pour Noël.


Pour ce Noël, Jésus naîtra dans une cuisine



Raconte-moi ta crèche...
© Pierre Albouy pour La Vie


Une vieille balance de cuisine, un vrai âtre avec de vraies bûches, un mur de confitures, une nappe et des ardoises en guise d’assiettes. Ce décor niché sous l’escalier de la maison accueille depuis début décembre la crèche de la famille de Sophie et François-Xavier. Les santons y ont pris place avec une certaine gourmandise. C’est Monsieur qui, cette année, s’est activé au fourneau le premier pour donner corps à la « cuisine de Noël ».


Voilà plus de 25 ans qu’avec leurs sept enfants, Sophie et François-Xavier se concertent pour choisir le thème sur lequel ils déclineront la crèche. D’ailleurs, leur créativité a fait leur réputation auprès des amis et voisins. « Les thèmes sont toujours en lien avec l’actualité ou avec un événement qui a marqué la famille pendant l’année. Il y en a eu des plus fondateurs et des plus réussis que d’autres », précise Sophie, la maman, aujourd’hui heureuse grand-mère. Avant d’énumérer : celle du Petit Prince (avec des boules suspendues), celle sur les 100 ans du scoutisme (avec des feux de camps), ou encore celle des JO de Salt Lake City. « Une année, nous avions construit une église, dont les tuiles du clocher étaient peintes quand un enfant avait fait un effort. » 

 





En 2015, après les attentats, le thème « #prayforparis » (« priez pour Paris ») s’est imposé : « Chaque enfant avait constitué un monument de la capitale. Cette année, nos filles se sont inspirées du sous-groupe Facebook familial sur la cuisine. On se fiche des proportions, ce qui est important, c’est la place qui sera donnée à la Sainte Famille, qui doit être mise en valeur ». La crèche appelle aussi à la prière, le soir, avec tous ceux qui sont présents, petits ou grands : « On se rassemble tous autour. » Dans la famille, où les traditions de Noël sont respectées à la lettre (la même bûche au dessert, les fruits déguisés préparés en écoutant la Pastorale des santons de Provence), la crèche est faite en premier « pour préparer les coeurs » et le sapin, plus tard dans la saison, « pour bien dissocier les deux, explique Sophie. Ce temps de préparation met du spirituel dans cette attente qui serait sans cela très matérielle. Et c’est toujours moi qui place l’Enfant Jésus juste avant de partir à la messe de minuit. »


Les enfants mettent la main à la pâte… à modeler



« Pour préparer Noël, on a fait une crèche en pâte Fimo et le sapin, raconte Anne-Sybille, 6 ans. C’est un peu comme de la pâte à modeler. On a fait Marie, et Joseph, et Jésus. On les a mis au-dessus de la cheminée. Hier, on a aussi ajouté cinq moutons, toujours en pâte Fimo. » Cette réalisation demande de la patience, les visages des santons sont un peu grossiers, mais le résultat est plutôt réussi et les enfants se montrent très fiers de « leur » crèche.


« J’aime beaucoup ce temps, l’atmosphère très particulière qui précède Noël, glisse Dominique, la maman. L’année dernière, j’étais en congé parental et j’ai lancé une activité par jour pendant l’Avent. » Sur fond de chants de Noël, les enfants s’installent autour de la table. Les petites mains ont ainsi confectionné un pain d’épices en forme de crèche, une guirlande d’anges, des dessins avec du plastique qui rétrécit et durcit au four, façon vitrail. « Ces activités manuelles nous font partager une heure tous les jours. Ce sont des moments privilégiés, où l’on s’émerveille ensemble. Ils créent une ambiance familiale apaisante », explique Dominique.


Pendant l’Avent aussi, chaque matin, un détail « magique » apparaît dans la crèche : santon, étoile clignotante, sapin tout blanc, ange, décoration… Au lever, les enfants sautent du lit afin de la scruter et de découvrir ce qui est nouveau. « Moi, ce que je préfère, c’est avoir des cadeaux, précise Gabriel, 4 ans. C’est Jésus qui les apporte. » Chez Dominique et Thibaut, le jour de Noël, quand le santon de l’Enfant Jésus est placé dans la crèche, les cadeaux apparaissent. « On a de la joie dans le coeur, explique la fillette. Tous les ans, on attend Noël pour chanter Il est né le Divin Enfant. » La longue attente est enfin récompensée.


Des santons transmis de génération en génération



Raconte-moi ta crèche...
© Patrice Terraz/Signatures pour la Vie


« Un Noël sans crèche, c’est comme un repas sans fromage. Il manque quelque chose. » Chez Chantal et Pierre, on ne plaisante pas avec la tradition. Originaire de Toulon, ce couple marié depuis 52 ans, qui a quatre filles et six petits-enfants, convoque chaque année pour Noël ses santons de Provence, transmis de génération en génération, dans une mise en scène faite maison, très attendue. 


« Certains ont plus de 100 ans ! Il y a deux villages en liège, des santons tout petits, d’autres de 10 cm de haut. Je les aime tous ! Parfois je refais les peintures de ceux qui sont ternis. Ils sont en terre séchée, explique Pierre. J’ai fait le moulin il y a 60 ans, avec un bout d’écorce. J’y ai installé un moteur électrique pour le faire tourner et l’illuminer. J’ai aussi fait des maisons avec des cagettes de légumes et une pâte en papier qui fait crépi. J’avais 7 ou 8 ans quand j’ai fait ma première crèche avec mes frères. On s’échangeait les santons. Cette tradition a perduré avec l’arrivée de nos filles et des petits-enfants ». Madame assure les finitions : « J’attends que le sable ait séché, on fait des collines, je choisis les santons qu’on y met. Ce temps vers Noël est un moment d’espoir, de réjouissance et de fête familiale. »





En vrais Provençaux, Chantal et Pierre honorent les coutumes locales : « Le jour de Noël, autrefois, on mettait l’assiette du pauvre. On fait encore les 13 desserts ; et on plante du blé à la Sainte-Barbe, dans trois pots qui symbolisent la Trinité. Lorsque le blé monte, on l’attache avec un ruban rouge, la couleur de la Provence, et le 25 décembre, on pose les pots. » La crèche, installée début décembre, sera rangée le 2 février, pour la Chandeleur. L’enfant Jésus sera posé le jour de Noël et les Rois mages viendront l’adorer à l’Épiphanie.


Saint Nicolas et le village-crèche illuminé



Raconte-moi ta crèche...
© Jérémie Jung/Signatures pour La Vie


Sur une commode du salon de Sophie et Thibaut trône une crèche étonnante, composée de maisonnettes. « Petite, j’ai vécu dans la Forêt-Noire, explique Sophie. Nos parents ont rapporté en France cette tradition de crèche citadine. » Pour la réaliser, tout le monde s’y met : les 24 maisons sont découpées dans du carton, peintes, assemblées et collées. Des boîtes à chaussures recouvertes d’un drap blanc créent un relief. En haut du chemin est érigée l’église où trouveront refuge Joseph et Marie, le 24 décembre. Vêtus de feutrine, une vingtaine de cônes de bois, avec des cotillons en guise de tête, font office de santons. Il y a des bergers, un meunier et son sac de farine, une gardienne d’oies. 


L’un d’eux porte une mitre d’évêque : c’est saint Nicolas ! Il tient deux livres, l’un doré, l’autre noir. « Tous les soirs, à partir du 1er décembre, il chemine dans le village-crèche illuminé et frappe à la porte d’une maison, explique Sophie. L’enfant ouvre et l’évêque demande s’il a été sage. » Si oui, il trouve une petite surprise dedans ; si non, les parents ont glissé un mot sur lequel est inscrit un effort à faire le lendemain… « Hier soir, j’ai eu un bonbon, dit en souriant Gabriel, 8 ans. J’avais débarrassé le lave-vaisselle et mis la table pour aider maman. » Et pour la Saint-Nicolas, le 6 décembre, le santon apporte des petits cadeaux. 


Gabriel reprend : « À la porte, on a aussi accroché une couronne de l’Avent qu’on a fabriquée avec notre grand-mère. Quand je rentre de l’école, ça me fait penser qu’il faut se préparer à Noël. » Comment ? L’enfant répond du tac au tac : « En rendant des services, on avance vers Jésus. On se sent joyeux dans le coeur. Après Noël, j’essaierai de continuer… »

Desseins animés : la morale cachée de Disney

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« Je pense que l’esprit d’un enfant est comme un livre vierge. Durant les premières années de son existence, beaucoup sera écrit sur ces pages. La qualité de cette écriture affectera profondément sa vie. » Le moins que l’on puisse dire, c’est que Walt Disney – dont on commémore ce 15 décembre les 50 ans de la disparition – a affecté la vie de plusieurs générations, biberonnées à ses films. L’œuvre de ce conteur des temps modernes, ce « poète à l’usine » comme le surnommait Blaise Cendrars en 1936, aura suscité autant d’admiration que de rejet, encensée comme une création visionnaire par les uns, décriée comme une aseptisation de la culture par les autres.


Dès Blanche-Neige et les sept nains (1937), « l’oncle Walt » se lance dans une vaste réappropriation des contes et légendes d’Europe. Si la prouesse artistique, pionnière dans le cinéma d’animation, fait peu débat, la digestion de ces récits dans une ode à l’« American Way of Life », pétrie des valeurs conservatrices WASP (celles des protestants blancs d’origine anglo-saxonne), fait grincer quelques dents, en particulier sur le Vieux Continent, qui apprécie moyennement de voir son patrimoine littéraire ainsi recyclé à la gloire du Nouveau Monde. « Disney a toujours été en phase avec la morale de son époque, ni avant-gardiste, ni particulièrement rétrograde, rappelle Pierre Lambert, historien de l’animation, spécialiste de Walt Disney. Mais il s’est toujours défendu de vouloir délivrer une quelconque morale. »


« L’oncle Walt » : Il était une fois Disney…


Le divertissement avant tout : voilà le credo du papa de Mickey, dont la vision transparaît nettement dans un article qu’il publie en 1953 dans le magazine Brief, intitulé « Pourquoi j’ai fait Peter Pan ». Il y explique vouloir « recréer un monde enfantin dans lequel les adultes se retrouveraient ». Mais permettre à chacun d’avoir une bulle d’enfance suppose, bien sûr, de bâtir un univers cohérent qui, inévitablement, traduit une certaine conception du monde.



Les codes des classes dominantes


Celle de Walt Disney commence presque toujours par le classique « Il était une fois », qui conduit aux abords d’un château ou d’un lieu de pouvoir, de préférence royal. Rien d’étonnant dans un conte, même si les films Disney ont cette capacité à gommer toute trace de conflit social. Car ces privilèges sont accessibles à tous les braves grâce à un ascenseur social en pleine forme, qui ne manque jamais d’illustrer la force du rêve américain. À condition, certes, d’adopter les codes des classes dominantes, à l’instar des chiens et chats errants qui intègrent finalement le confort bourgeois dans la Belle et le Clochard (1955) ou les Aristochats (1970)… À condition, aussi, d’avoir tout de même une certaine allure. Ainsi, lorsque les créateurs d’­Aladdin (1992) esquissent un personnage chétif – dont la bravoure ne serait donc que plus flagrante à l’écran –, les cadres du studio, qui gèrent l’héritage de Walt, refusent ce premier jet, et c’est finalement Tom Cruise qui servira de modèle au visage du jeune aventurier.


Ce diktat de l’apparence sévit encore plus fortement à l’endroit des héroïnes du studio, dont les traits distinctifs seront longtemps réduits à la couleur de leur robe et qui font preuve d’assez peu d’initiative en attendant de trouver le prince charmant. C’est la fameuse trilogie Blanche-Neige, Cendrillon, Belle au bois dormant, dont Disney parvient tout de même à briser la monotonie grâce à des partis pris graphiques sans cesse innovants.

Quand les “mères SOS“ recréent un foyer

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Chaque jour, à 11h30, Patricia Goffart va chercher les jumeaux à l’école. Le temps de garer sa Renault Scenic, et déjà les enfants accourent. Elyo et Lola (les prénoms des enfants ont été modifiés), 7 ans, lui sautent au cou. « Patou ! », crie le petit garçon aux cheveux fous, en lui collant un énorme baiser sur la joue, tandis que sa soeur Lola, jolie métisse aux yeux verts, glisse affectueusement sa main dans celle de Patricia. Une scène de tendresse habituelle devant l’école, sauf que Patricia n’est pas la mère des jumeaux, mais leur éducatrice familiale. Elle s’occupe d’eux depuis qu’ils ont 22 mois, lorsque le juge des enfants a décidé de leur placement dans le village d’enfants de Châteaudun (Eure-et-Loir).


Des liens sécurisants


Alternative au placement en foyer ou en famille d’accueil, les villages de l’association SOS Villages d’enfants favorisent le regroupement des fratries sous un même toit, auprès d’une « mère SOS » qui vit avec eux, et assume leur éducation. « Nous faisons le pari qu’il est possible de recréer des liens d’attachement solides et sécurisants grâce à la présence de référents éducatifs stables », explique Éric Bellin du Coteau, directeur de ce village composé de 10 maisons intégrées à un lotissement paisible du quartier Saint-Jean à Châteaudun. Cinquante enfants y sont accueillis.


Cela fait 17 ans que Patricia y travaille. En plus des jumeaux, cette célibataire de 53 ans s’occupe de leurs deux soeurs aînées, Léa 15 ans, et Clara 13 ans, ainsi que de Vincent, 12 ans, et de Pamela, 18 ans. Des enfants qui gardent très peu de liens avec leurs parents et qu’elle a vus grandir. Cette grande femme énergique mise sur la régularité des gestes du quotidien pour les aider à vivre avec leurs traumatismes. « Il ne suffit pas de donner de l’amour : il faut que l’enfant soit prêt à le recevoir. Installer une relation de confiance prend des mois, des années parfois. Cela commence par la nourriture, l’hygiène, des petits plaisirs, de jolis vêtements… » Dans la voiture, Elyo raconte sa matinée. Une familiarité lui échappe. « Je t’ai dit que je ne voulais pas entendre de grossièreté. Quand on est instruit, on ne dit pas de gros mots ! », rappelle fermement Patricia.


Un climat chaleureux


En rentrant de l’école, les jumeaux sont fiers de faire visiter leur maison. Sur le mur couleur cerise de la cuisine, au-dessus du plan de travail, s’étale en grosses lettres grises le mot « gourmandise ». Sur le frigo, sont aimantés des dessins, la liste des cadeaux de Noël, le calendrier de la semaine pour les tours de table, un mot aux lettres hésitantes : « Maman, je t’aime bien ». Dans le salon aux larges baies vitrées, trône un immense sofa, face à la télévision. Tout est fait pour créer un climat familial chaleureux.


Un peu plus loin dans la rue, Martine Delpech occupe un pavillon similaire à celui de Patricia. À 61 ans, elle aussi cumule de longues années d’expérience en tant qu’éducatrice. Ce jour-là, Martine a invité Patricia à déjeuner avec les jumeaux. Il n’est pas rare qu’elles se donnent des conseils ou des coups de main pour garder l’un ou l’autre des enfants. La cuisine embaume d’un lapin en sauce qu’elle a mijoté pour l’occasion. Elyo se pelotonne contre Patricia. « Tu n’es pas obligé de me coller, je ne vais pas m’en aller », le rassure-t-elle. Alexia, 7 ans, petite blonde à lunettes roses, affiche un grand sourire édenté en attaquant le contenu de son assiette. Cela fait à peine six mois qu’elle est placée auprès Martine. « Ne mange pas si vite, lui dit-elle. Je n’ai même pas fini de couper ta viande ! » C’est que la nourriture joue un rôle important pour ces enfants. « C’est une façon de compenser un manque d’affection. J’essaie de toujours préparer quelque chose qu’ils aiment, tout en maintenant des repas équilibrés », détaille Martine, même si son emploi du temps est chronométré. Elle doit en effet accompagner chaque jour à l’école quatre des cinq enfants dont elle a la charge. Sans compter les multiples rendez-vous médicaux, et les devoirs qu’il faut superviser, notamment pour Alexia qui présente des difficultés de langage. « Il n’a pas été facile pour les autres de l’accepter. Ils sont très possessifs. Quand un nouveau arrive, je dois l’aider à trouver sa place, et à exiger le respect », insiste-t-elle.


Un peu plus tard dans l’après-midi, Martine entame sa tournée quotidienne pour aller chercher les plus grands. Maya, 11 ans, termine le collège la première. Sa fine silhouette apparaît. Elle ouvre la porte et s’engouffre à l’arrière du monospace. Dans un flot de paroles, elle retrace sa journée en faisant danser ses cheveux bouclés, coupés au carré. Cela fait cinq ans que Martine s’occupe d’elle et de sa grande soeur. Il ne faut pas la prier pour raconter ses souvenirs d’été. « Tu te souviens des dunes du Pilat, quand on est monté tout en haut ? », demande-t-elle, la mine réjouie.


Des regards affectueux


Martine a organisé ces vacances en camping avec tous les enfants du pavillon pour créer des souvenirs communs, car les trois plus anciens repartent chaque week-end chez leurs parents. « L’été, c’est comme une vie de famille, on va à la plage, il n’y a pas d’horaire », raconte Martine qui apprécie la liberté de ce travail. Dans la voiture, le temps presse pour être à l’heure chez l’orthophoniste. Martine, inquiète, s’assure qu’elle n’a pas oublié le goûter d’Alexia. « Je fais beaucoup pour eux. Peut-être trop ? Ils ne le voient pas toujours… », glisse-t-elle. Les regards affectueux des enfants semblent la contredire. « Elle m’a appris la compassion, à aider les autres, et quelques bonnes manières », fait valoir Norah, la plus grande. Pour Maya, elle est comme sa « mamie ». Une grand-mère « toujours juste ». Quant à Jérémy, un grand adolescent au regard doux, c’est de l’amour qu’il dit éprouver pour celle qui lui a appris « à respecter les autres… et à ranger sa chambre ». À les entendre, le voeu de Martine d’offrir à ces enfants « une vie normale et des valeurs » est bel et bien exaucé.


 


60 ans au service des fratries 

L’association SOS Villages d’enfants est née de la colère de Gilbert Cotteau, frappé par l’injustice dont sont victimes les fratries d’orphelins de la Seconde Guerre mondiale, séparées par l’État. S’inspirant d’un village autrichien, qui rassemble sous un même toit les enfants de familles nombreuses, aux côtés d’une « mère », cet instituteur construit en 1956 le premier village SOS dans le Nord. Pour épauler l’éducatrice, chaque village qui est financé par le conseil départemental, au titre de la protection de l’enfance, dispose d’une équipe d’éducateurs spécialisés, psychologues, animateurs… L’ONG gère 13 villages en France et 44 autres, ailleurs dans le monde. Et projette une nouvelle ouverture, en Moselle.


> À lire 


Ma vie de Courgette, P’tit Glénat, 14,50 EUR. Ce livre pour enfants est adapté du film éponyme qui a remporté le Grand Prix du Festival d’Annecy, lui-même adapté du roman de Gilles Paris, Autobiographie d’une courgette (Plon). 


> À écouter 


Les mordus du cosmos : pourquoi le ciel fait-il toujours autant rêver ? 

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Laurent Aznar, 50 ans, a grandi le nez en l’air. Et les yeux écarquillés, sous le ciel de Toulouse. « La fascination pour le spatial s’inscrit dans la continuité de l’histoire de l’humanité. Quand l’homme préhistorique a vu un cours d’eau, il a eu envie de le franchir. Puis il a traversé les montagnes et les océans, il a commencé à voler… C’est dans sa nature d’aller voir ce qu’il y a derrière la colline ! », explique avec flamme ce collectionneur d’autographes d’astronautes. Pour lui, c’est une façon de philosopher : « Pouvoir observer la Terre depuis là-haut peut donner une idée de la fragilité de notre planète. Cela permet de comprendre que les frontières n’existent pas et que nous sommes tous embarqués sur le même vaisseau ! » L’un de ses amis, Didier Capdevila, est un autre assoiffé d’horizon. Il vit à Sisteron, dans les Alpes-de-Haute-Provence. 


« Je me souviens du premier vol de la navette Columbia, en…

Cuisine et sacré : les tables de la foi

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Et si nous passions à table ? Non sans avoir regardé de plus près le contenu de nos assiettes : du chocolat en robe de moine, l’huile du temple dans la friture d’un beignet, une sainte dans un doigt d’amande, une prière pour les ancêtres dans une bûche glacée…. Nos mets et plats de fêtes restent truffés de symboles et de références religieuses. Les uns puisent leur source dans des traditions toujours vivantes et transmises de génération en génération – par exemple les beignets juifs d’hanoukka. Tandis que d’autres, tels les 13 desserts provençaux de Noël (13 comme Jésus et ses12 apôtres !), trouvent leurs origines dans la nuit des récits et croyances populaires. Mais la référence spirituelle va bien au-delà de ces plats institués. 


Partout, quand approchent les fêtes, on entre un peu en cuisine comme en sacerdoce. Le gourmet se voue sans partage à ses fourneaux et tout, de l’art de la table aux recettes immuables, de la communion des convives aux rites de célébration, des bons crus et des mets fins nous rappellent que la cuisine a toujours à voir avec le don de soi et l’identité culturelle. Une identité enrichie de saveurs éclectiques. De la nourriture casher aux cuisines monastiques, du restaurant halal new look aux recettes bibliques du Padre, vedette des émissions culinaires italiennes, notre dégustation interreligieuse et littéraire, quelques semaines avant Noël, veut nous mettre l’eau à la bouche. Nous rappeler aussi que cet art culinaire, d’où qu’il vienne, a tout d’un acte d’amour… destiné in fine à élever les âmes.


(Cliquez sur la photo pour lire l’article)










Cinéma, musée, BD : la danse multiplie les pas de côté

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L’opéra n’a pas le monopole de la danse ni des chorégraphes. Cet automne, on a vu plusieurs d’entre eux valser vers d’autres territoires de création, du ciné au musée. Avec la réalisatrice Valérie Müller, sa compagne, Angelin Preljocaj a donné vie à Polina (en salles depuis le 16 novembre), film adapté de la BD multi-récompensée de Bastien Vivès. De son côté, Benjamin Millepied, l’ex-directeur du ballet de l’Opéra de Paris qui avait signé en 2010 les chorégraphies du film Black Swan, assure le rôle de commissaire de l’exposition Corps en mouvement – La danse au musée, actuellement au Louvre. Le 14 décembre, on découvrira enfin le travail d’Aurélie Dupont derrière les prouesses de Félicie, l’aspirante ballerine du film d’animation franco-canadien Ballerina.


La danse a toujours été un matériau de choix pour les peintres, les sculpteurs, les dessinateurs et les réalisateurs. Doublé d’un incomparable défi technique. Pour réaliser Polina, Valérie Müller et ­Angelin Preljocaj – qui parlent de « chorégraphie de séquences » – ont sans cesse adapté le cadre à la dramaturgie : les passages fantasmés où l’héroïne pirouette dans la nature ou dans la rue sont filmés en grands travellings laissant toute liberté au corps. Les cours et entraînements sont rendus en plans serrés (« Quand les danseurs travaillent, ils doivent ressentir chaque partie de leur corps », dit Valérie Müller). 


Le puissant pas de deux final a été filmé avec une grue. Avec cette caméra qui adopte le point de vue des danseurs comme des spectateurs, « le duo devient un trio ». Comme dans un film de Fred Astaire, si doué pour danser avec l’objectif, une référence pour les coréalisateurs. Ce travail de re-création permet ici de s’affranchir des contraintes ­habituelles : « Le cinéma apporte un regard très décalé de ce que l’on verrait dans un théâtre, note Angelin ­Preljocaj. Pour capter l’intensité dramatique d’une pointe qui frotte le sol, il faudrait être au ras de la scène. Ici, on n’en rate rien. »



Animer la matière figée


Au Louvre, l’exposition de la Petite Galerie joue avec les paradoxes : comment représenter un art vivant par des œuvres figées ? Quelle influence la danse statufiée peut-elle bien avoir sur les chorégraphes ? Une salle y aborde « la révolution de la fin du XIXe au début XXesiècle, quand Isadora Duncan, Loïe Fuller, Vaslav Nijinski ont rompu avec les gestes du ballet classique en s’inspirant d’œuvres antiques, en écho avec les avant-gardes en arts plastiques », explique Florence Dinet, la chef de projet. Une période d’expérimentations récemment portée à l’écran par Stéphanie Di Giusto dans la Danseuse, aussi bien que dans la bande dessinée Il était une fois dans l’Est (de Julie Birmant et Clément Oubrerie, Dargaud) consacrée à Duncan.


Si des figures de danseurs comme le Nijinski de Rodin ou un bronze de Degas sont exposés à la Petite Galerie, le visiteur est surtout invité à capter l’esprit de la danse derrière des mouvements a priori non chorégraphiés, interrogeant la capacité de la matière à s’animer. « L’intérêt d’une œuvre figée, c’est de faire travailler l’imagination », admet Florence Dinet. Et Preljocaj ne dit pas autre chose au sujet de Polina : « Les personnages peuvent danser explicitement, avec un corps tonique. Mais le corps abandonné sur un lit ou un parquet continue à danser, comme la petite flûte entrecoupée de silences par rapport à l’orchestre symphonique. »

Les produits monastiques, c’est chic

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À la fin des années 1980, une publicité à la télévision fait sourire dans les chaumières : on y voit des moines gourmands dans le plus pur style rabelaisien, tonsure et corde de bure, quitter précipitamment leurs activités pour se jeter sur un petit fromage, le Chaussée aux Moines, tandis que la voix off murmure, l’air faussement coupable : « Pardon, mais c’est trop bon. » En réalité, le fromage n’a de monastique que le nom et si son étiquette arbore l’effigie d’un moine, l’index collé sur la bouche, prêt à s’adonner discrètement mais sûrement au péché de gourmandise ou, pire, à induire l’acheteur en tentation, l’objet de toutes les convoitises est un fromage industriel dont la marque appartient au groupe Lactalis, géant de l’agroalimentaire. Quant à Chaussée aux Moines, c’est le nom de la route où se trouve le lieu de fabrication, près de Laon (Aisne), à deux pas du monastère Saint-Clément. 


L’image des moines fait vendre, et Lactalis…