Découverte : des volcans en activité sur Vénus !

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Vénus a presque la même taille et la même masse que la Terre. Mais son atmosphère épaisse de gaz carbonique et sa proximité au Soleil ont emballé un effet de serre qui porte aujourd'hui sa température moyenne à 465 °C. La surface de la planète est invisible, cachée par cent kilomètres de brume et de nuages. Seuls les radars, et dans une moindre mesure les caméras infrarouges, permettent de voir ce qui se passe à la surface de la planète. Photo Venus Express, ESA.

Vénus a presque la même taille et la même masse que la Terre. Mais son atmosphère épaisse de gaz carbonique et sa proximité au Soleil ont emballé un effet de serre qui porte aujourd’hui sa température moyenne à 465 °C. La surface de la planète est invisible, cachée par cent kilomètres de brume et de nuages. Seuls les radars, et dans une moindre mesure les caméras infrarouges, permettent de voir ce qui se passe à la surface de la planète. Photo Venus Express, ESA.

C’est la planète des enfers, un monde d’une hostilité absolue, inouïe, caché par un voile éternel de nuages, et qui porte bien mal son nom de déesse de la beauté et de l’amour. Si les Anciens, qui ont baptisé la seconde planète à partir du Soleil, avaient su ce qu’est en réalité ce monde, ils l’auraient probablement appelé Pluton…
Vénus, jusqu’au début du XX e siècle, a été considérée comme une sœur jumelle de la Terre, une planète accueillante, vivante, luxuriante, même. Même taille ou presque, même masse approximativement, une atmosphère, comme notre planète : Vénus ne semblait différer de la Terre que par sa distance moyenne au Soleil, 108 millions de kilomètres, contre 149,6 millions de kilomètres pour la planète bleue… On ne savait rien de plus d’elle, alors les astronomes projetaient leur désir d’y voir, comme la Terre, une planète habitable, une planète habitée…
Las ! Une quinzaine de sondes spatiales, lancées à la fin du XX e siècle, ont refroidi les ardeurs. Vénus est la planète la plus hostile du système solaire. Une atmosphère épaisse, brûlante, composée de dioxyde de carbone (le gaz carbonique, CO2) principalement, un paysage plongé dans un crépuscule perpétuel, noyé dans la brume, surchauffé, battu par des pluies d’acide sulfurique… La température, à la surface de Vénus, ne change pratiquement pas, nuit et jour : 465 °C en moyenne, un record, dans le système solaire.

Le paysage vénusien, photographié le 5 mars 1982 par la sonde soviétique Venera 14. La sonde a résisté 57 minutes aux conditions effroyables de pression, de température et de corrosion de la planète. La sonde a mesuré la température (457 °C), analysé la nature du sol, a pris quelques images, a transmis ses informations vers la Terre et c'est tue. Photo Russian Academy of Sciences/Ted Stryk.

Le paysage vénusien, photographié le 5 mars 1982 par la sonde soviétique Venera 14. La sonde a résisté 57 minutes aux conditions effroyables de pression, de température et de corrosion de la planète. La sonde a mesuré la température (457 °C), analysé la nature du sol, a pris quelques images, a transmis ses informations vers la Terre et s’est tue. Photo Russian Academy of Sciences/Ted Stryk.

La surface de Vénus est une immense plaine de lave solidifiée, ponctuée de grands édifices volcaniques aux formes étranges, érodées, arrondies, déformées, peut-être, par la plasticité du sol porté à de hautes températures. Une surface remarquablement jeune, presque dénuée de cratères d’impacts ! En absence de tectonique des plaques, comme sur Terre, les planétologues supposent que Vénus est une cocotte-minute géante : elle accumule une énergie interne colossale sous sa croûte, et, régulièrement, tous les trois cents ou cinq cents millions d’années, elle libère cette énergie sous forme d’épisodes de volcanisme globaux, à l’échelle planétaire.

Une autre image du paysage vénusien, photographié le 5 mars 1982 par la sonde soviétique Venera 14. Aucune sonde ne s'est posée sur Vénus depuis 33 ans, quand Mars est arpentée en tous sens par des sondes des années durant, depuis une quinzaine d'années... N'est-il pas temps de renvoyer des robots sur la mystérieuse et fascinante Vénus ? Photo Russian Academy of Sciences/Ted Stryk.

Une autre image du paysage vénusien, photographié le 5 mars 1982 par la sonde soviétique Venera 14. Aucune sonde ne s’est posée sur Vénus depuis 33 ans, quand Mars est arpentée en tous sens par des sondes des années durant, depuis une quinzaine d’années… N’est-il pas temps de renvoyer des robots sur la mystérieuse et fascinante Vénus ? Photo Russian Academy of Sciences/Ted Stryk.

De fait, aucune éruption volcanique contemporaine n’avait jusqu’ici été détectée sur Vénus. Ni les huit sondes soviétiques qui sont parvenues jusqu’au sol, ni la demie douzaine de satellites soviétiques, américains et européen en orbite, Venera 15 et 16, Vega, Pioneer Venus, Magellan, Venus Express, n’ont rien vu, handicapés, il est vrai, par une atmosphère opaque, épaisse de près de cent kilomètres… Pourtant, un indice laissait à penser que cette activité volcanique, même discrète, existait bel et bien : durant sa mission, entre 2006 et 2014, la sonde européenne Venus Express a enregistré dans l’atmosphère vénusienne une brusque augmentation de la quantité de dioxyde de soufre (SO2). C’était en 2008, et cette brutale injection de SO2 dans l’atmosphère est un indice fort d’une éruption volcanique. Puis, l’an dernier, des chercheurs ont annoncé officieusement avoir découvert des points chauds sur Vénus. Date de l’observation ? Juin 2008…

Cette observation est décisive : alors que la camera VRM (Venus Monitoring Camera) mesure en infrarouge la température du sol de Vénus, en 2008, elle détecte un point chaud à la surface, dont l'emplacement ne varie pas, contrairement aux structures nuageuses. Deux autres points chauds dans cette même région vénusienne confirment l'activité volcanique de Vénus. Sur cette série d'images infrarouges, le point chaud (object A) apparaît le 22 juin, est mesuré le 24 à sa température maximale de 830 °C, puis, en octobre 2008, il a disparu. Photos ESA.

Cette observation est décisive : alors que la camera VRM (Venus Monitoring Camera) mesure en infrarouge la température du sol de Vénus, en 2008, elle détecte un point chaud à la surface, dont l’emplacement ne varie pas, contrairement aux structures nuageuses. Deux autres points chauds dans cette même région vénusienne confirment l’activité volcanique de Vénus. Sur cette série d’images infrarouges, le point chaud (object A) apparaît le 22 juin, est mesuré le 24 à sa température maximale de 830 °C, puis, en octobre 2008, il a disparu. Photos ESA.

Aujourd’hui, c’est officiel : dans un article publié dans la revue Geophysical Research Letters, Eugene Shalygin, Wojciech Markiewicz et leurs collaborateurs détaillent l’observation de ces trois points chauds découverts dans la région de Ganis Chasma, un réseau de fractures jouxtant la plaine de Ganiki, et situé non loin des grands volcans Ozza Mons et Maat Mons. L’analyse des données a été très longue et complexe, car il était difficile pour les chercheurs de discriminer les contributions infrarouges du sol de celles des nuages de Vénus. Mais cette fois-ci, l’Agence spatiale européenne (ESA) semble sûre d’elle : sa sonde Venus Express a bien découvert « les preuves d’une activité volcanique actuelle sur Vénus »… En effet l’un des points chauds découverts par Venus Express est visible sur plusieurs enregistrements de la sonde, il ne s’agit donc pas d’une erreur aléatoire de mesure, ni d’une structure atmosphérique. Sa température est très supérieure à celle du sol : 830 °C environ ! Sur Terre les coulées de lave sont portées à des températures de 700 °C à 1200 °C…
Conclusion de Hakan Svedhem, membre de l’équipe scientifique de Venus Express : « Il semble bien que nous puissions finalement inclure Vénus dans le petit club des mondes volcaniques actifs du système solaire ». Petit club ? Oui, seules la Terre et Io connaissent actuellement des éruptions volcaniques quotidiennes…
Serge Brunier

Voyez les hallucinations d’une Intelligence artificielle !

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Voilà ce qu'imagine un réseau de neurones artificielles quand on lui montre une image faite de pixels aléatoires (image : Google)

Voilà ce qu’imagine un réseau de neurones artificielles quand on lui montre une image faite de pixels aléatoires (image : Google)

C’est un carnaval d’inventions visuelles créées par un système d’intelligence artificielle, plus étranges les unes que les autres, que les chercheurs de Google ont révélé dans leur Blog… Il s’agit tout simplement des « pensées intérieures » d’un réseau de neurones artificiel conçu pour la reconnaissance automatique des images.

Outre l’aspect esthétique qu’elles revêtent à nos yeux, ces « créations » exposent au grand jour la manière dont ce type de système forme des « concepts » à partir des myriades d’images que les chercheurs leurs soumettent durant la phase dite d’apprentissage.

Un système d’intelligence artificielle qui joue les artistes

De fait, les informaticiens adorent jouer avec leurs systèmes en les poussant dans leurs retranchements, non sans arrière-pensée scientifique… Ici, le questionnement de départ des chercheurs de Google était le suivant : que se passe-t-il quand on montre à un système de reconnaissance visuelle surentrainé une image sans aucun sens (pixels générés de manière aléatoire) ? – ceci pour l’aspect jeu. Et : que nous apprend le résultat sur le fonctionnement interne de ces systèmes ?- cela pour l’aspect scientifique.

Là où il n'y a que du bruit (aléatoire), le système voit des bananes (crédit : Google).

Là où il n’y a que du bruit (aléatoire), le système voit des bananes cubistes (crédit : Google).

En substance, la manip décrite dans le blog de Google (adossée à quelques articles plus techniques versés dans le site arXiv.com) a été la suivante : d’abord les chercheurs ont appris à leur réseau de neurones artificielles à plusieurs couches (plus d’une dizaine) à reconnaître des images via un entrainement sur plusieurs millions de photos extraites d’une base de données.

Comment le système crée des concepts

Cet aspect préparatoire est « surveillé » : le système est censé identifier dans les photos les objets représentés (table, oiseau, banane, etc.), voire identifier la scène globale représentée. A ce stade, les chercheurs aident le système à bien fonctionner en lui indiquant à la fin de chaque itération quels sont les bonnes réponses – ce que le système intègre en ajustant ses millions de paramètres intérieurs (tout ce processus est automatisé).

Ainsi, le système enregistre dans ses paramètres un schéma général (probabiliste) de ce qu’est une table, un oiseau, une banane, par-delà leurs caractéristiques particulières – couleur, orientation, forme, hauteur, etc. On dit qu’ils forment des « concepts » abstraits pour chaque objet, concepts qui sont invisibles aux yeux des opérateurs car inscrits sous forme numérique sur l’ensemble des neurones du système.

 Un horizon devient une pagode, un arbre se métamorphose en cathédrale

Puis vient la phase d’expérimentation elle-même. Si le cas de l’image aléatoire est le clou du spectacle, en réalité les chercheurs ont procédé à plusieurs types tests. Par exemple, ils ont montré une photo de nuages au système en ayant pris soin préalablement de l’entrainer préférentiellement sur des images d’animaux (entrainement orienté). Ils ont alors « obligé » le système à identifier la scène c’est-à-dire à l’associer aux concepts formés durant l’entrainement, puis lui ont demandé de rectifier l’image en y imprimant le résultat de leur analyse, comme le montre la figure ci-dessous (pour une meilleure définition, voir la galerie de Google). Surprise : le ciel nuageux s’est peuplé de drôles d’oiseaux représentant la meilleure solution probabiliste liée simultanément à l’image vue et au concept interne d’ »oiseau ».

Que voit dans le ciel un système entrainé à reconnaitre des oiseaux ? De drôles d'oiseaux (crédit : Google).

Que voit dans le ciel un système entrainé à reconnaitre des oiseaux ? De drôles d’oiseaux (crédit : Google).

Autres étranges créatures "imaginées" par le système (crédit : Google).

Autres étranges créatures « imaginées » par le système (crédit : Google).

Les autres expériences sont du même acabit : un entrainement légèrement orienté et une image formée d’objets inconnus ou peu connus du système. Pour certains, une étape supplémentaire a été ajoutée : réinjecter le résultat de l’analyse comme s’il s’agissait de la photo originale pour pousser le système à s’enferrer chaque fois plus dans sa propre interprétation de l’image – cette boucle étant répétée plusieurs fois. Résultat (voir figures ci-dessous) : un horizon est devenu des tours et des pagode, un arbre s’est métamorphosé en une cathédral, une feuille a engendré une sorte de poule-insecte… Enfin, ils ont demandé au système de s’exercer sur des images aléatoires. Résultat artistique assuré !

Un horizon, un arbre et une feuille interprétés par un système sur-entraîné (crédit : Google).

Un horizon, un arbre et une feuille interprétés par un système sur-entraîné (crédit : Google).

 Cela éclaire-t-il nos propres processus de création ?

La manip est amusante, et le résultat mérite d’être montré au grand public curieux. Mais nous apprend-t-elle quelque chose d’intéressant ? D’un point de vue technique, elle éclaire le fonctionnement interne des réseaux de neurones et comment ils forment des concepts, et plus généralement comment « pensent » ces IA – car s’ils sont une création humaine, leur fonctionnement interne (soit les intermédiaires de calcul) sont à nos yeux des « boites noires » dont on n’appréhende que le résultat à cause des millions et milliards de calculs qu’on ne peut pas suivre pas à pas.

D’un point de vue plus général, les chercheurs de Google suggèrent qu’ils pourraient éclairer les processus créatifs chez les humains, ce à cause des formes originales, jamais vues durant l’entrainement. Cette idée est d’autant plus séduisante que les réseaux de neurones artificiels sont, comme leur nom l’indique, inspirés du vivant.

Google maître de l'expressionnisme ? (Crédit : Google)

Google maître de l’expressionnisme ? (Crédit : Google)

Mais du fait que cette inspiration découle d’une interprétation très libre, partielle et réductionniste du mode de fonctionnement de nos propres circuits neuronaux (dont on ignore encore bien des choses), elle ne semble pas plus éclairer les processus de création humaine – sauf preuve scientifique du contraire –  que ne le ferait un dessin résultant du passage sur une feuille blanche d’un chat dont on aurait (nous humains) attaché à sa queue un pinceau gorgé de peinture. Les mots « concept » ou « neurone » utilisés pour ces réseaux, qui sont des conventions adoptés par le domaine de l’IA, ne doivent pas nous faire prendre des vessies pour des lanternes, ni des nuages pour des oiseaux.

Román Ikonicoff

 

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  • Robots : leur intelligence dépasse déjà la nôtre – S&V n°1166 – 2014 – Peu à peu et sans grandes vagues, l’intelligence artificielle et la robotique sont sorties de l’échec relatif des années 1980 pour finir par devenir des acteurs essentiels dans nos activités. Ils nous dépassent déjà.

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