Les insecticides les plus utilisés comme antipoux et antimoustiques sont nocifs pour le cerveau des enfants

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Présents dans les insecticides et répulsifs en spray tout comme dans les shampooings anti-poux, les pyréthrinoïdes provoqueraient un déficit cognitif chez les enfants - Ph. AMagill via Flickr / CC BY 2.0

Présents dans les insecticides et répulsifs en spray tout comme dans les shampooings anti-poux, les pyréthrinoïdes provoqueraient un déficit cognitif chez les enfants – Ph. AMagill via Flickr / CC BY 2.0

Ils sont utilisés en agriculture pour combattre les nuisibles, par les vétérinaires pour éliminer les parasites, mais surtout à la maison pour se prémunir contre les moustiques et les poux. Les pyréthrinoïdes, une classe d’insecticides très répandus, affecterait les performances cognitives des enfants, selon une étude menée en Bretagne.

Les pyréthrinoïdes ont remplacé des formulations plus anciennes d’insecticides (les organochlorés, organophosphorés et carbamates), considérées comme plus dangereuses. A l’instar du DDT, employé massivement à partir de la Seconde guerre mondiale dans les zones infestées par le paludisme, la peste ou le typhus, mais aussi en agriculture. A partir des années 70, le DDT a été interdit dans de nombreux pays lorsqu’on a découvert qu’il était un puissant cancérigène, en plus de provoquer la disparition des oiseaux insectivores (mangeurs d’insectes).

Or, les pyréthrinoïdes ont été préférés à ces insecticides ravageurs en raison de leur très faible toxicité sur les mammifères, dont notre espèce fait partie. Aujourd’hui, on les retrouve ainsi dans de nombreux produits destinés à lutter contre les nuisibles en agriculture et en médecine vétérinaire, mais surtout, dans les répulsifs et moustiquaires imprégnées servant à éloigner (voire à tuer) les moustiques, dans des sprays insecticides pour usage domestique ainsi que dans les shampooings anti-poux.

Les insecticides pyréthrinoïdes ont une action neurotoxique

Cependant, ces substances ne sont pas tout à fait inoffensives. Les poissons, les amphibiens, mais aussi les chats y sont sensibles et peuvent mourir d’une intoxication avec ces insecticides. Ce qui n’est pas surprenant, étant donné leur mode d’action : il s’agit de neurotoxiques, soit des substances qui endommagent le système nerveux.

Partant de ce constat, l’Institut de Recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail (une unité de l’Inserm de Rennes) a voulu savoir si les pyréthrinoïdes pouvaient s’avérer dommageables pour la santé des enfants. Ces derniers y sont plus exposés que les adultes car étant plus petits, ils respirent davantage de poussières du sol (qui stockent les polluants), ils se portent plus souvent les mains à la bouche, et sont en contact avec des produits spécifiques, comme les shampooings anti-poux.

Les épidémiologistes de l’Inserm ont donc recruté près de 300 mères enceintes, parmi un groupe plus large appelé cohorte PELAGIE, comprenant 3000 paires mère-enfant vivant en Bretagne. Celles-ci ont été suivies entre 2002 et 2006 à la recherche des effets des perturbateurs endocriniens sur la santé.

Alors qu’elles étaient enceintes (entre 6 et 19 semaines de grossesse), ces mères ont eu des examens de leurs urines visant à rechercher des métabolites des pyréthrinoïdes (des substances issues de leur décomposition dans l’organisme, qui les élimine en 48 h par les reins). Puis, ces examens ont été répétés chez leurs enfants une fois qu’ils avaient atteint l’âge de 6 ans.

Un déficit cognitif a été constaté chez les enfants les plus exposés

A cette dernière occasion, deux psychologues appartenant au laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation (Université Rennes 2) se sont rendus au domicile de ces enfants. Alors que le premier faisait passer un test psychologique à l’enfant, le second prélevait des échantillons de poussière, l’urine, et notait les paramètres qui dans son environnement familial pouvaient influencer son développement mental.

Le test psychologique utilisé, appelé échelle WISC (Wechsler intelligence scale for children), est le test d’intelligence infantile le plus courant et le plus reconnu par les psychologues en sciences cognitives. Chez les enfants étudiés, il a servi à évaluer d’une part leur compréhension verbale (leur capacité à raisonner avec les mots), et d’autre part leur mémoire de travail, c’est à dire la capacité à garder en mémoire des concepts pour un usage immédiat dans le raisonnement.

Résultats : la présence, même à des niveaux faibles, des métabolites 3 PBA et cis-DBCA dans l’urine des enfants était associée à des performances plus faibles dans le test cognitif, ce qui indique un effet nocif des pyréthrinoïdes sur le cerveau en développement. En particulier d’un des insecticides de cette classe, appelé deltaméthrine, qui est à l’origine du cis-DBCA. Par contre, lorsque c’était la mère enceinte qui présentait une concentration plus importante de ces produits, aucune baisse des performances cognitives n’était enregistrée sur son enfant.

L’auteure principale de l’étude, Cécile Chevrier, souligne que d’autres expériences sont nécessaires pour confirmer ces conclusions. Reste que « les conséquences d’un déficit cognitif de l’enfant sur ses capacités d’apprentissage et son développement social constituent un handicap pour l’individu et la société. Les efforts de recherche doivent se poursuivre afin d’identifier des causes qui puissent faire l’objet de mesures de prévention » comme l’exprime Jean-François Viel, co-auteur de ces travaux.

—Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives :

Pourquoi la toxicité des substances chimiques nous échappe - S&V 1140

  • Les insectes font de la résistance — S&V n°942 – 1996. Un autre problème des insecticides, c’est qu’ils stimulent l’émergence, chez les insectes qu’ils visent, de résistances. Obligeant à chercher des molécules toujours nouvelles.

S&V 942 - insecticide

 

Seulement 4,3 % des personnes dans le monde n’ont aucune maladie ni handicap

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La Terre assailli de douleurs... La population mondiale (représentée ici par pays à l'aide de pictogrammes) est à 95,7 % malade ou diminuée (Ph. Anders Sandberg via Flickr CC BY 2.0)

La Terre assailli de douleurs… La population mondiale, représentée ici par pays à l’aide de pictogrammes, est à 95,7 % malade ou diminuée (Ph. Anders Sandberg via Flickr CC BY 2.0)

Le chiffre est aussi précis que désarmant : en 2013, 95.7 % des êtres humains portaient le fardeau d’une maladie aiguë ou chronique, ou encore d’une blessure, une lésion ou un dommage physique. Tel est en résumé l’état de santé du genre humain qui ressort de l’Étude globale du fardeau de la maladie en 2013 (Global Burden of Disease Study 2013) menée auprès de 188 pays et publiée le 8 juin dans la revue The Lancet.

Ainsi, ce sont seulement 4,3 % des êtres humains qui ne souffrent d’aucune atteinte d’aucune sorte, ni biologique, ni physiologique, physique ou mentale. L’état de santé absolu est donc une aberration statistique, confirmant que la maladie est à la vie ce que le coté face est au coté pile d’une pièce, un élément constitutif. Et si vous faites partie de ce club très fermé, sachez que vous êtes donc un oiseau rare… et que cela pourrait changer très vite.

 Le « paysage » de la maladie dans l’espèce homo sapiens en 2013

L’étude, fruit d’une collaboration internationale regroupant plusieurs centaines de scientifiques financée par la Fondation Bill & Melinda Gates, expose donc le « paysage » des maladies dans l’espèce sapiens et donne un tableau exhaustif de son évolution globale de 1990 à 2013 – grâce à des myriades de données sur la santé des populations des 188 pays concernés, collectées massivement et passées au crible de modèles statistiques et épidémiologiques, ainsi qu’à une extrapolation à l’ensemble des 7 milliards d’êtres humains.

De fait, 301 maladies et atteintes physiques, chroniques ou passagères, ainsi que 2337 séquelles invalidantes ont été prises en compte – de l’acné, les caries et le syndrome pré-menstruel aux pathologies cardiaques, le diabète et le cancer – à l’aide d’informations provenant de 35 620 sources différentes (hôpitaux, ministères de la Santé, organisations internationales, etc.).

En haut du classement : caries et mal de dents, céphalées, infections respiratoires…

Outre les 4,3 % de personnes absolument saines, l’étude fournit une large collection d’autres chiffres. Par exemple, l’on apprend que dans les pays développés, 64 % des enfants âgés de moins de 5 ans ont un problème de santé, tandis que les personnes âgées de plus de 80 ans voient ce pourcentage passer à 99,98 – dont les deux-tiers cumulent plus de 9 maladies.

2,4 milliards de personnes souffrent de caries ou de trous dans les dents, 1,6 milliards subissent des céphalées de tension, et ainsi de suite : anémies ferriprives, pertes auditives ou herpès génital, chacune de ces maladies touche plus de 10 % de la population mondiale. Par ailleurs, on a recensé pour 2013 18 milliards de cas d’infections respiratoires (plusieurs par personne) et 2 milliards d’épisodes de diarrhées de type infectieux. Mal de dos et douleur du cou, dépression majeure, migraine, diabète et désordres de l’anxiété sont devenues les principales causes mondiales d’invalidité (professionnelle et sociale).

Vivre plus longtemps, certes, mais à quel prix ?

Globalement, le nombre de personnes vivant avec un handicap ou une maladie a crû de 537,6 millions en 1990 à 764,8 en 2013 (+ 42 %). De fait, le plus souvent une personne cumule plusieurs atteintes : 2,3 milliards en ont ainsi plus de 5 à la fois. Et l’espérance de vie en bonne santé a tendance à stagner malgré les progrès médicaux faits ces 25 dernières années, ce que les chercheurs expliquent par la croissance de la population mondiale et son vieillissement.

Finalement, indique l’étude, les efforts de santé publique se sont jusqu’ici focalisés (avec succès !) sur la réduction de la mortalité, mais avec le vieillissement de la population, il faut désormais prendre en considération le prix payé en douleurs et handicap. Vivre plus longtemps, c’est bien, encore faut-il ne pas passer ce surplus de temps à l’hôpital assailli par les douleurs..

Román Ikonicoff

 

>Lire aussi:

 

> Lire également dans les Grandes Archives de S&V :

  • Espérance de vie en bonne santé : elle baisse ! – S&V n°1149 – 2013. En France, l’allongement de la durée de vie ainsi que le vieillissement de la population (les baby-boomers sont aujourd’hui des papy-boomers) ont conduit à une stagnation voire une baisse de l’espérance de vie en bonne santé.

1149

S&V 1124 particules fines

  •  Allergies : vers un fléau du XXIe siècle ? – S&V n°1076 – 2007. Les polluants et particules fines, les additifs alimentaires, les produits chimiques… et paradoxalement notre tendance à tout aseptiser (en particulier autour des bébés et enfant) rendent les humains de plus en plus sujets à l’allergie. Un fléau annoncé…

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Se soigner par les plantes

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Pommades, décoctions, bains thérapeutiques… Il y a 5 000 ans, les premiers écrits médicaux témoignent d’une médecine par les plantes déjà bien évoluée. À Sumer, en Mésopotamie (Irak actuel), on a retrouvé des centaines de tablettes médicales contenant de nombreuses listes de plantes (myrrhe, jusquiame, opium, cèdre…) avec indications, recettes et modes d’administration précis pour des pathologies aussi diverses que les problèmes oculaires, intestinaux, urinaires, mais aussi psychiatriques !

En Égypte, les plantes occupent aussi une place de choix : médecins et prêtres ne font qu’un, et chaque plante est liée à un dieu. Le célèbre papyrus découvert par l’égyptologue Georg Ebers est l’un des plus anciens témoignages (1600 av. J.-C.) de ces savoirs et contient des incantations, des références à environ 200 plantes (genévrier, menthe, encens, carvi…) et près de 2 000 prescriptions.

Botanique et chimie végétale

Ce creuset de connaissance sera ensuite organisé par les Grecs, puis les Arabes. « Avec Hippocrate d’abord, au Ve siècle av. J.-C., s’ouvre l’approche scientifique, commente Jean-Michel Morel, médecin et président du Syndicat national de la…

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