Le module Philaé s’est réveillé après sept mois d’hibernation !

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Cette image est historique... Elle montre la petite falaise rocheuse contre laquelle le module Philaé, dont on voit au premier plan l'un des pieds métalliques, s'est finalement arrêté. Photo ESA.

Cette image est historique… Prise le 12 novembre 2014, elle montre la petite falaise rocheuse contre laquelle le module Philaé, dont on voit au premier plan l’un des pieds métalliques, s’est finalement arrêté. Photo ESA.

C’est une surprise extraordinaire, et un véritable exploit réalisé par les ingénieurs et scientifiques européens : sept mois après sa mise en hibernation forcée, vaincu par le froid et la nuit, le module Philaé s’est réveillé, ce 14 juin 2015 ! Quarante petites secondes de transmission en direction de la sonde Rosetta, en attendant un nouveau contact, dans les heures ou les jours qui viennent. Les scientifiques commençaient à douter que le petit module de l’Agence spatiale européenne (ESA), gros comme une machine à laver, qui s’était posé en catastrophe et de guingois à la surface de la comète Churyumov-Gerasimenko, soit jamais retrouvé…
Reprenons, le module Philaé, embarqué à bord de la sonde Rosetta, a quitté la Terre il y a plus de dix ans, en mars 2004, à bord d’une fusée Ariane 5. Largué par Rosetta le 12 novembre 2014, il était censé se poser doucement à la surface de la comète, aidé par des moteurs, des patins spéciaux et enfin des grappins… Pourquoi ce luxe de précautions ? Si le module pèse sur Terre 100 kilos, à la surface de Churyumov-Gerasimenko, son poids atteint seulement 1 gramme. Se poser sur une comète dans ces conditions est un véritable défi… que n’a pas relevé Philaé. Comme c’était à craindre, le module a touché le sol, et rebondit plusieurs fois avant de s’arrêter, coincé contre un bloc de rochers. Avant de se mettre en hibernation, à cours d’énergie, Philaé a eu le temps de transmettre des données et des photos de la surface de la comète – une première – à Rosetta, qui les a transmises à son tour vers la Terre. Depuis, plus rien.

Le module Philaé, photographié par la sonde Rosetta, au début de sa descente vers la comète. Photo ESA.

Le module Philaé, photographié par la sonde Rosetta, au début de sa descente vers la comète. Photo ESA.

Depuis le 15 novembre, donc, les ingénieurs européens tentent de reprendre contact avec leur courageux petit module. Premier défi : retrouver Philaé, perdu dans le paysage titanesque de ce monde lilliputien… C’est chose faite seulement depuis quelques jours, lorsqu’un petit point blanc a été repéré sur la comète. Une fois trouvé Philaé, il devenait plus facile pour Rosetta de se mettre à l’écoute. Restait à espérer que le module spatial n’ait pas été vaincu par le froid de l’espace. A l’ombre de sa falaise et loin du Soleil, les ingénieurs ignoraient quand les panneaux solaires de Philaé seraient capables de recharger ses batteries. Leur seul espoir : l’approche progressive du Soleil de la comète Churyumov-Gerasimenko. Lorsque le contact avec Philaé a été perdu, la comète se trouvait à 450 millions de kilomètres environ de notre étoile. Aujourd’hui, cette distance a diminué de moitié : 215 millions de kilomètres seulement, ce qui signifie que Philaé reçoit quatre fois plus d’énergie. Chaque jour qui passe voit cette énergie augmenter, puisque la comète passera au plus près du Soleil, le 13 août 2015, à seulement 185 millions de kilomètres.

Juste avant de tenter d'atterrir sur la comète Churyumov-Gerasimenko, Philaé a pris cette photo de la surface, depuis une altitude de quarante mètres. Photo ESA.

Juste avant de tenter d’atterrir sur la comète Churyumov-Gerasimenko, Philaé a pris cette photo de la surface, depuis une altitude de quarante mètres. Photo ESA.

Mais dans quel état se trouve Philaé ? Nous n’en savons rien aujourd’hui. Le dialogue va reprendre entre les scientifiques et le module, via la sonde Rosetta. Les chercheurs de l’ESA vont vérifier l’état des différents instruments scientifiques du module, et, si tout va bien, les remettre en marche pour reprendre la campagne d’observation scientifique interrompue en novembre.
Nous pouvons désormais rêver de nouvelles images de l’environnement de Philaé, qui pourrait être bouleversé par l’activité de la comète, au moment de son passage auprès du Soleil dans deux mois.
Serge Brunier

une intelligence artificielle résout seule une énigme biologique

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Un algorithme a réussi à percer un mystère concernant le ver planaire (ci-dessus) et son étonnante capacité à régénérer sa tête et sa queue quand il est sectionné (Ph. Eduard Solà via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Un algorithme a réussi à percer un mystère concernant le ver planaire (ci-dessus) et son étonnante capacité à régénérer sa tête et sa queue quand il est sectionné (Ph. Eduard Solà via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Une découverte en Biologie moléculaire ou un nouvel exploit de l’Intelligence artificielle ? Un peu des deux ! Des chercheurs de l’Université Tufts (Massachusetts), ont permis à un algorithme « évolutionniste » de résoudre une énigme qui résistait aux biologistes depuis un siècle, à savoir : comment fait le Planaire,  un ver plat d’eau douce, pour réussir à régénérer son corps (tête et queue comprises) quand il est sectionné en plusieurs fragments ?

Ce résultat issu de la Bioinformatique intéresse surtout un domaine de pointe, la Médecine régénérative, qui vise à soigner via la régénération d’organes et de tissus… Et selon les chercheurs, leur algorithme peut traiter toute une classe de problèmes biologiques, voire plus. Un exemple heureux de la coopération humain-machine en sciences.

La biologie comme moteur de l’intelligence artificielle

D’abord, l’aspect biologique de l’exploit. Décrit pour la première fois en 1776, le ver planaire peut régénérer des parties de son corps quand on le sectionne, y inclus sa tête et sa queue lorsqu’on le coupe en trois ou quatre morceaux, au point de pouvoir donner naissance à un clone, comme le montrent les schémas ci-dessous.

Hans Meinhardt Cold Spring Harb Perspect Biol 2009

Le ver planaire est capable de régénérer sa tête et sa queue… et plutôt deux fois qu’une ! (Crédit : Hans Meinhardt – Cold Spring Harb Perspect Biol 2009)

Le problème avec ces processus de régénération, qui concernent des espèces comme le planaire, le lézard, la salamandre, etc., c’est qu’ils soulèvent l’une des questions les plus complexes de la biologie : comment les cellules souches du ver peuvent-elles reconstruire une à la structure complexe et fonctionnelle du corps dans les trois dimensions de l’espace ? Ce qui fascine c’est l’extraordinaire connaissance du plan global du corps qu’ont ces cellules et la manière dont chacune sait le rôle qu’elle a dans l’organisation générale.

Tout cela se joue au niveau des gènes contenus dans les noyaux cellulaires : ceux-ci produisent des protéines qui, via une cascade de réactions chimiques et de mécanismes physiques, modifient le comportement de la cellule et lui permettent également de communiquer avec les autres cellules (émission/réception de protéines transmembranaires). Une cascade d’évènements si complexe que les chercheurs étaient jusqu’ici bien en peine d’appréhender et de décrire dans sa globalité.

 Des interactions biologiques trop complexes pour l’intelligence humaine…

La complexité vient de ce que des centaines d’interactions se produisent simultanément dans le milieu biologique (activation d’autres gènes, inhibitions, etc.) pour au final conduire les cellules à reformer la partie détruite du corps. C’est ce réseau d’interactions biochimiques, décrits par des milliers de paramètres interdépendants et fluctuant dans le temps au gré de l’état des cellules, que les biologistes doivent arriver à identifier.

Comme ce type de processus dépasse souvent les capacités limités du cerveau humain, les chercheurs de l’Université Tufts ont demandé à un logiciel de s’en charger, grâce aux données génétiques, biologiques et physiologiques du planaire, extraites de publications et d’expériences antérieures. Et il l’a fait.

… mais traitables par une intelligence artificielle bien formée

Les chercheurs ont fait appel à une technologie d’intelligence artificielle, les algorithmes évolutionnistes (ou évolutionnaires), pour générer le bon modèle d’interactions chimiques menant de la production de protéines par l’ADN à la reconstitution du corps. Un tel algorithme produit des « lignées » de modèles qui s’affrontent : ceux qui rendent le mieux compte de tous les résultats expérimentaux (16 expériences décrites dans une dizaine d’articles préalables) sont sélectionnés.

Au cycle suivant, l’algorithme génère de nouveaux modèles sur la base de ceux sélectionnés, en « accouplant » certains et en introduisant de petites variations aléatoires (mutations) : la nouvelle population de modèles est à son tour mise en concurrence. L’algorithme sélectionne à nouveau ceux qui coïncident le mieux avec les résultats expérimentaux, et un nouveau cycle de concurrence/sélection/mutation démarre, et ainsi de suite. Quelques centaines de cycles plus tard, les chercheurs ont vu émerger un nouveau modèle de « cascade biochimique » qui satisfaisait tous les résultats obtenus dans les expériences.

Du ver planaire à l’embryon et aux robots auto-réparateurs

Ainsi, sans même « comprendre » la biologie moléculaire, l’algorithme leur a fourni un modèle unique expliquant tous les processus en œuvre chez le planaire… Les chercheurs ont alors testé ce modèle, en lui faisant prévoir le résultat d’une nouvelle expérience et en le comparant avec celui de l’expérience réelle (qu’ils ont effectué). Le modèle a alors produit un résultat en parfait accord avec l’expérience, prouvant la validité du modèle.

Les chercheurs assurent que leur méthode est universelle et fonctionnerait avec tout type de cascade biochimique. Elle pourrait ainsi clarifier les mécanismes de croissance des embryons et permettre à la médecine de mettre au point des traitement génétiques impliquant une régénération d’organes ou de tissus. Mieux : elle permettrait de générer des modèles pour tout processus complexe mettant en jeu des réseaux d’interactions entre unités (cellules ou autres), par exemple un modèle d’autoréparation d’un robot, objectif âprement cherché par les roboticiens.

Román Ikonicoff

 

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  • Robots : leur intelligence dépasse déjà la nôtre – S&V n°1166 – 2014 – Peu à peu et sans grandes vagues, l’intelligence artificielle et la robotique sont sorties de l’échec relatif des années 1980 pour finir par devenir des acteurs essentiels dans nos activités. Ils nous dépassent déjà.

1166

S&V 1120 cellules souches