La comète s’éveille sous le regard de Rosetta

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Des geysers de glaces et de poussières s'échappent de la comète Churyumov-Gerasimenko, une demie-heure après le coucher du Soleil sur le petit astre. Photo ESA.

Des geysers de glaces et de poussières s’échappent de la comète Churyumov-Gerasimenko, une demie-heure après le coucher du Soleil sur le petit astre. Photo ESA.

La sonde Rosetta continue à scruter la comète Churyumov-Gerasimenko, depuis son orbite de sécurité, située à environ cent kilomètres de distance. Si le module Philaé qui s’est posé dans des conditions peu orthodoxes à la surface de la comète, et qui ne donne plus signes de vie depuis sept mois, semble perdu, probablement vaincu par le froid, la sonde européenne, quant à elle, s’est remise de l’incident survenu fin mars dernier.

L'activité de la comète Churyumov-Gerasimenko augmente progressivement sous le regard de la sonde Rosetta, qui l'accompagne dans sa course autour du Soleil depuis le mois d'août 2014. Photo ESA.

L’activité de la comète Churyumov-Gerasimenko augmente progressivement sous le regard de la sonde Rosetta, qui l’accompagne dans sa course autour du Soleil depuis le mois d’août 2014. Photo ESA.

Aujourd’hui, c’est l’activité de la comète qui intéresse de plus en plus les scientifiques européens. En effet, plus la comète s’approche du Soleil, plus celle-ci s’échauffe, et libère progressivement les gaz demeurés jusqu’ici congelés à -100 °C, la température de la comète lorsqu’elle croise au delà de l’orbite de Jupiter.
La chevelure de gaz et de poussière s’étend désormais sur des centaines de kilomètres, la comète libérant environ 100 kilos de matière à chaque seconde. Eau, dioxyde de carbone, composés carbonés complexes, ammoniac, méthane, s’échappent par des évents creusés dans la glace, que Rosetta commence à repérer, dans différentes régions du petit astre, qui mesure 4 x 2 kilomètres et pèse dix milliards de tonnes.
Le 25 avril dernier, Rosetta a, pour la première fois, révélé que l’activité de la comète continue lorsque le Soleil est couché à sa surface… Celle-ci a emmagasiné suffisamment de chaleur pendant sa courte journée – six heures environ – pour continuer à éjecter à grande vitesse glaces et poussières dans l’espace… A cette date, la comète se trouvait à 270 millions de kilomètres du Soleil. Churyumov-Gerasimenko va continuer à s’approcher de notre étoile jusqu’à 13 août 2015, pour atteindre sa distance minimale de 185 millions de kilomètres.
Au plus près du Soleil, Churyumov-Gerasimenko recevra plus de deux fois plus de chaleur du Soleil que le 25 avril et les images de Rosetta montreront quels bouleversements provoquent dans les paysages miniatures de la comète cent geysers se dressant vers le ciel.
Serge Brunier

A la mi août 2015, la comète s'approchera jusqu'à 185 millions de kilomètres du Soleil et son activité sera maximale. La comète, jusqu'à la fin août pourrait expulser dans l'espace près d'une tonne de glaces, de gaz et de poussières à chaque seconde... Photo ESA.

A la mi août 2015, la comète s’approchera jusqu’à 185 millions de kilomètres du Soleil et son activité sera maximale. La comète, jusqu’à la fin août pourrait expulser dans l’espace près d’une tonne de glaces, de gaz et de poussières à chaque seconde… Photo ESA.

Un test sanguin permet de déceler tous les virus ayant déjà infecté une personne

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Des échantillons sanguins prélevés sur un donneur - Ph. By Vegasjon [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons

Des échantillons sanguins prélevés sur un donneur – Ph. Vegasjon [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons

Présenté dans un article de la revue Science ce jeudi, VirScan est un test sanguin ultra-performant qui promet de révolutionner les tests immunologiques. Soit ces examens biologiques qui permettent de définir quelle maladie affecte une personne, ou quelles maladies elle a contractées par le passé.

Actuellement, lorsqu’on passe un test sanguin, les examens immunologiques permettent de déceler dans le sérum (la partie liquide du sang, obtenue en le centrifugeant) les traces d’un seul virus ou bactérie à la fois. La rougeole, par exemple : les tests détectent la présence des anticorps que l’organisme a produits lorsqu’il a été infecté par le virus responsable de la maladie, ou lorsqu’il a été vacciné contre celui-ci.

Ce nouveau test remplace à lui seul 206 tests spécifiques de chaque virus

Problème : pour chaque virus que l’on veut rechercher, il faut exécuter un test spécifique. Ce qui suppose que le médecin prescrivant les examens ait une idée de la maladie à rechercher. VirScan, lui, permet, à partir d’une seule goutte de sang (1 microlitre), de déceler en une seule fois tous les virus qui ont infecté un patient au cours de sa vie ! C’est à dire tous les 206 virus connus qui s’attaquent à notre espèce, de la mononucléose à la grippe, en passant par Ebola — ainsi que leur 1000 souches différentes !

On comprend donc facilement le gain de temps qu’un tel outil représente. Les chercheurs qui l’ont mis au point, Stephen Elledge et ses collègues à l’Howard Hugues Medical Institute (Maryland, États-Unis), estiment que 100 échantillons sanguins peuvent être analysés en 2 ou 3 jours seulement. Et ce, pour un coût de fabrication de seulement 25 $ l’unité (22,30 €).

Puce à ADN de souris – Ph. Louis M. Staudt [domaine public], via Wikimedia Commons

Le principe ? Il s’agit en fait d’une puce à ADN, renfermant 93 000 fragments d’ADN encodant pour des segments de protéines virales, couplée à des bactériophages. Ces derniers sont des petits virus attaquant d’ordinaire des bactéries, que les biologistes ont appris à maîtriser pour leur faire fabriquer des substances de leur choix.

Dans le cas présent, les bactériophages expriment ces petits fragments d’ADN viral, produisant chacun à leur surface un bout de protéine (peptide) appartenant à un certain virus. Et pris dans l’ensemble, ces 93 000 peptides représentent un bon fac-simile de tous les virus connus susceptibles d’infecter l’espèce humaine.

Au contact avec le sang à analyser, les anticorps présents dans celui-ci trouvent les bactériophages correspondants et s’y lient : les immunologistes n’ont plus qu’à regarder lesquels ont été attaqués par les anticorps pour savoir contre quels virus la personne est immunisée.

 

Schéma de fonctionnement de VirScan - Ph. © Science

Schéma de fonctionnement de VirScan. Chaque ligne correspond à une série de peptides d’un certain virus. Ceux qui ont été visés par les anticorps présents dans le sang analysé se présentent en rouge, indiquant que la personne est immunisée contre le virus en question. – Ph. © Science

En moyenne, chacun a été infecté par 10 virus au cours de sa vie

Non seulement VirScan recèle la promesse d’accélérer de manière faramineuse les diagnostics médicaux, il pourrait permettre de comparer la diffusion de certaines maladies dans des populations entières, éclairant les recherches des épidémiologistes.

Déjà, les immunologistes qui l’ont mis au point on fait d’intéressantes découvertes en le testant. Ces premiers essais, destinés à évaluer l’efficacité de VirScan, ont été menés sut 569 personnes dans 4 pays : États-Unis, Afrique du Sud, Thaïlande et Pérou.

Pour confirmer sa validité, les chercheurs ont d’abord vérifié que le test détectait correctement les infections connues chez les personnes examinées : par exemple, le virus du sida (VIH) ou le virus de l’hépatite C (VHC). Ce que VirScan faisait avec une très bonne sensibilité, de 95 à 100 %. Ils se sont aussi assuré qu’il ne donnait pas de « faux positifs », c’est à dire qu’il ne signalait pas la présence d’un anticorps alors que celui-ci n’était pas véritablement présent.

Ensuite, ils ont compté le nombre d’infections détectées, découvrant qu’en moyenne, chaque patient portait dans son sang les traces du passage 10 virus. En dehors des États-Unis, le nombre d’infections virales contractées était légèrement supérieur, de même que chez les séropositifs au VIH, atteignant le nombre incroyable de 84 chez deux personnes !

Mais le résultat le plus surprenant de cette recherche préliminaire est que, d’une personne à l’autre, les armes développées contre une même maladie étaient étonnamment semblables. Une grande partie des anticorps ciblaient exactement les mêmes sites des protéines présentes à la surface des virus ! Les immunologues ignoraient l’existence de ces « domaines publics » chez les agents pathogènes, qui laissent supposer qu’un bon nombre d’anticorps diffèrent peu entre individus.

D’après Elledge, VirScan va aller en s’améliorant encore à mesure qu’elle sera testée sur de nouveaux patients. Il pourra servir à élaborer des anticorps pour lutter contre le cancer et à mieux comprendre les maladies auto-immunes, ainsi qu’à rechercher de nouvelles méthodes pour fabriquer des vaccins.

—Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

 

  •  La filière géorgienne des virus qui soignent — S&V n°1060 – 2006. Agissant comme des chevaux de Troie contre les bactéries, les phages sont également utilisés pour la lutte contre les maladies bactériennes, même résistantes aux antibiotiques. La Géorgie est à la pointe dans ce domaine de recherche.

S&V 1060 - phages

S&V 1016 - puce ADN

 

  • Virus : la fin de l’homme ? – S&V n°934. Le « péril viral » est annoncé pour le troisième millénaire. Aux nombreux virus déjà connus s’ajoute en effet la menace d’une multitude d’autres…

S&V 934 virus

 

Le chimpanzé serait autant prédisposé que l’homme à… cuisiner

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Chez les chimpanzés, nul besoin de maîtriser le feu pour être un cordon bleu (Ph. Derek Keats via Flickr CC BY 2.0)

Chez les chimpanzés, nul besoin de maîtriser le feu pour être un cordon bleu (Ph. Derek Keats via Flickr CC BY 2.0)

C’est une étude qui bat en brèche deux idées bien établies, à savoir que les humains seraient la seule espèce à posséder les aptitudes cognitives pour faire cuire des aliments avant de les ingérer, et que ces aptitudes seraient apparues après la maîtrise du feu par nos ancêtres. De fait, un article paru dans les Proceedings of the Royal Society montre que nos cousins les chimpanzés préfèrent les aliments cuits et savent planifier des stratégies pour les obtenir, même s’ils ne maîtrisent pas le feu. Des conclusions qui remettent en question le scénario admis jusqu’ici dans l’histoire de l’évolution de notre espèce.

Certes, ce n’est pas demain la veille qu’on verra un chimpanzé se préparer une frisée au crottin de Chavignol ou une crème brulée, mais l’étude publiée par des chercheurs du Département de psychologie de l’université de Harvard (Cambridge, Angleterre) prouve que nos cousins possèdent un ensemble d’aptitudes cognitives caractérisant l’acte de cuisiner.

Chimpanzés : cinq prérequis cognitifs pour savoir cuisiner

Ces aptitudes peuvent être résumées en cinq point, à savoir : 1) leur préférence pour les aliments cuits, 2) leur compréhension de la transformation entre un aliment cru et cuit, et leur capacité à généraliser cela à tous les aliments, 3) leur capacité à garder un aliment sans le manger en attendant qu’il soit cuit, 4) leur capacité à renoncer à la possession d’aliments crus afin de les transformer, 5) leur capacité à transporter des aliments crus, et à les garder, en anticipant les opportunités futures de les faire cuire.

C’est donc plus qu’une simple question de goût : les aptitudes cognitives pour la cuisine impliquent la capacité à généraliser (le processus de cuisson), à temporiser (la possession d’aliments) et à anticiper la possibilité d’une meilleure récompense alimentaire. Ces compétences culinaires des chimpanzés ont été mises en lumière par les chercheurs à l’aide de neuf expériences menées depuis 2011 sur des chimpanzés nés en liberté au Sanctuaire de Tchimpounga (République du Congo) mis en place par l’Institut Jane Goodall.

 Cérébralement armés pour devenir des cordons bleus

Dans ces neuf expériences (voir les vidéos), les chercheurs ont ainsi confronté les chimpanzés à des tests, comme leur donner le choix entre manger un morceau de patate douce crue ou attendre quelques minutes qu’il soit cuit dans un cuiseur installé dans leur enclos, leur fournir des aliments inconnus (des carottes) pour voir s’ils pouvaient généraliser le principe de la cuisson, leur proposer un morceau d’aliment et un morceau de bois pour voir s’ils faisaient cuire les deux, éloigner le cuiseur afin d’obliger les chimpanzés à transporter l’aliment cru sur plusieurs mètres sans céder à la tentation de les manger immédiatement, etc.

Les résultats de l’étude sont statistiques, plus de 50 singes ont été testés durant les 3 ans de l’étude, car tous les individus n’ont pas les mêmes compétences culinaires  – comme chez nous – , mais ils indiquent clairement que nos cousins sont cérébralement armés pour devenir des cordons bleus. Et cela remet pas mal de choses en question.

Cuistots depuis 6 millions d’années au moins

En effet, il est admis que l’acte de cuisiner a joué un rôle clé dans l’évolution humaine, car il a rendu les aliments plus faciles à digérer et a donc permis aux humains d’extraire plus d’énergie de leur régime alimentaire. Mais cela s’est fait au prix d’aptitudes cognitives sophistiquées impliquant le raisonnement causal, le self-contrôle et la planification anticipatrice. Réciproquement, l’extraction d’énergie supplémentaire aurait permis à nos ancêtres de développer des cerveaux plus grands (via la sélection naturelle).

Certains modèles postulent même que cette aptitude s’est développée chez homo erectus à la suite de la domestication du feu – compétence que ne possèdent pas les chimpanzés – voici quelque 350 000 ans. Or l’étude des chercheurs de Harvard tend à prouver que le cerveau de nos ancêtres possédait déjà cette compétence puisque l’ancêtre commun entre le chimpanzé et l’homme, un hominidé, remonte à environ 6 millions d’années… Pourquoi et comment de telles compétences se sont développées si tôt ? La question est maintenant posée.

Román Ikonicoff

 

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

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  •  L’intelligence des plantes enfin révélée – S&V n°1146 – 2013 – Les compétences que l’on croyait réservées aux humains sont parfois partagées par tout le règne du vivant, plantes incluses : elles ont le sens de l’ouïe, savent communiquer, ont l’esprit de famille et même de la mémoire. Les biologistes découvrent à peine ce que les pantes savent faire.

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