Des « mangroves » magnétiques recouvriraient la surface du Soleil

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Les lignes du champ magnétique du Soleil : en rouge, elles sortent de l'astre, en vert, elles y entrent. – Ph. © Nature

Les lignes du champ magnétique du Soleil : en rouge, elles sortent de l’astre, en vert, elles y entrent. – Ph. © Tahar Amari / Centre de physique théorique – S. Habbal / M. Druckmüller.

Un mystère astrophysique questionne les spécialistes du Soleil depuis longue date : comment se fait-il que la couronne solaire (son atmosphère) soit plus chaude que sa surface ? Cette dernière se situe à quelque 6000 degrés, tandis que la couronne solaire culmine à la bagatelle de… 2 millions de degrés !

Par un article publié dans la revue Nature, l’équipe de Tahar Amari, Jean-François Luciani (Centre de physique théorique de l’École Polytechnique) et Jean-Jacques Aly (CEA – université Paris Diderot) propose une solution qui semble résoudre l’énigme.

Grâce à leurs modélisations informatiques et à des calculs extrêmement complexes, qui ont mis à contribution le supercalculateur IDRIS (CNRS), les chercheurs ont mis en lumière la formation, à la surface du Soleil, d’une sorte de système de mangroves magnétiques.

Les "mangroves" magnétiques (en vert) à la surface du Soleil émergent de leurs "racines", soit des champs magnétiques de surface (rouge et bleu).  - Ph. Tahar Amari / Centre de physique théorique.

Les « mangroves » magnétiques (en vert) à la surface du Soleil émergent de leurs « racines », soit des champs magnétiques de surface (rouge et bleu). – Ph. Tahar Amari / Centre de physique théorique.

La couronne solaire serait formée par des mangroves magnétiques

Rappelant les palétuviers des côtes tropicales, ces arbres qui vivent les pieds dans la vase et se dressent par-dessus de hautes racines, le plasma  de notre étoile, en ébullition permanente, donnerait lieu à un champ magnétique à la ramification très intriquée, telle que celle des mangroves.

Leurs racines formeraient la chromosphère (couche en-dessous de la couronne) et leurs troncs, la couronne solaire. S’étendant en altitude dans l’atmosphère solaire, ces troncs sont constitués tout simplement de l’énergie électrique et magnétique du soleil. Une énergie qui atteint la valeur calculée, au niveau de la chromosphère, de 300 watts par mètre carré, et au niveau de la couronne, de 4500 watts par mètre carré… exactement comme ce qu’indiquent les observations.

Et la chaleur ? Elle serait dissipée par ces ondes électro-magnétiques à mesure qu’elles se propagent vers le haut de la couronne solaire. Expliquant ainsi pourquoi la température est immensément plus élevée dans la couronne solaire qu’à la surface du Soleil.

La vidéo ci-dessous illustre le système des mangroves tel que reconstitué par la réalité virtuelle.

Ce modèle de la couronne solaire n’est que le dernier d’une longue série

Ce n’est pas la première fois qu’une solution est présentée pour expliquer la température de la couronne solaire. L’une d’entre elles avait été présentée dans la même revue, Nature, en 2011. Mais toutes les autres hypothèses émises, d’abord convaincantes, se sont révélées trop partielles, même si chacune représente un élément de la mosaïque générale. Reste donc à voir si les résultats de l’équipe française résisteront aux vérifications, et seront retenues comme la solution définitive de l’énigme.

–Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V 1142 - couronne solaire

  • Soho voit battre le coeur du Soleil – S&V n°943 − 1996. Le satellite européen Soho a rejoint un point d’observation d’où il envoie des images de l’astre du jour. Déjà, la question de la température de la couronne solaire émerge.

S&V 943 - satellite Soho Soleil

 

Dans la guerre contre les débris spatiaux, l’Agence spatiale européenne a besoin de vous !

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L'une des idées de l'ESA est le remorquage de gros débris à l'aide d'un filet (crédit : ESA)

L’une des idées de l’ESA est le remorquage de gros débris à l’aide d’un filet (crédit : ESA)

Le 11 juin dernier l’Agence spatiale européenne ESA a lancé un appel public à contribution par internet pour la meilleure idée de nettoyage de l’espace entourant la Terre. Objectif : se débarrasser des dizaines de milliers de gros débris qui menacent les satellites actifs, la Station spatiale internationale et finalement les astronautes.

Après plus de deux décennies à s’inquiéter du problème, et à la faveur de plusieurs incidents graves survenus ces dernières années, l’ESA (tout comme la NASA) a décidé de passer à la vitesse supérieure en prévoyant le lancement d’un nettoyeur spatial, e.Deorbit, à l’horizon 2021. Si des stratégies de nettoyage ont déjà été imaginées par les ingénieurs spatiaux, l’ESA veut élargir la réflexion en soumettant la question à tous les internautes de bonne volonté, via son site collaboratif (500 000 euros aux gagnants).

 Les débris spatiaux on créé de véritables « no-go zones » dans la banlieue terrestre

Le constat alarmant ne surprend plus personne, tant le problème est connu : avec les 5 000 satellites et les quelque centaines de sondes envoyés dans l’espace depuis le tout premier d’entre eux, Spoutnik, en 1957, il s’est créé autour de la Terre des couches de débris d’origines diverses – restes de lanceurs et étages de fusées, réservoir (presque) vides, satellites en panne abandonnées, etc. – qui de collisions en collisions ont créé de véritables « no-go zones  » (zones dangereuses), en particulier sur les orbites situées à moins de 2000 km d’altitude (orbites basses).

Une histoire des débris spatiaux (en anglais, crédit : ESA)

Ainsi, selon les évaluations, il y aurait entre 15 000 et 23 000 débris de plus de 10 cm et entre 200 000 et 500 000 de plus de 1 cm pouvant heurter des satellites actifs, des lanceurs et navettes, voire la Station spatiale internationale (ISS) à une vitesse dépassant parfois les 40 000 km/h. Avec une telle énergie, une bille de 1 cm de diamètre est pire qu’une grenade à main…

Un risque matériel et humain devenu bien concret

Derrière ces grands chiffres se cachent de vrais risques matériels et humain : en 2009, le satellite Cosmo-2251, hors d’usage et de contrôle, avait heurté le satellite de télécommunication Iridium-33, le pulvérisant littéralement (ses débris sont alors venus rejoindre les autres). Et en novembre 2014, l’ISS a dû manœuvrer en urgence pour éviter à son tour d’être détruite – avec ses astronautes.

Aussi, l’idée d’un « aspirateur spatial » a fait son chemin depuis une vingtaine d’année, et aujourd’hui l’ESA invite les internautes à soumettre leurs idées en prévision du vote définitif de la mission de nettoyage par le Conseil européen en décembre 2016 – pour un lancement prévu en 2021.

Les différentes stratégies face aux débris spatiaux en orbite basse

De fait les stratégies sont de deux ordres : le remorquage des plus gros débris vers l’atmosphère afin de les y faire brûler ou l’éloignement de ceux-ci vers des orbites peu usuelles, au-delà des 2000 km d’altitude et en-deçà des 36 000 km d’altitude (satellites géostationnaires). Mais la mise en pratique de ces stratégies s’annonce très délicate à cause des vitesses en jeu, du manque de gravité et du prix à payer.

Jusqu’ici, quelques solutions ont été esquissées sur la base d’un engin spatial « nettoyeur », comme le montre la vidéo ci-dessous : de la capture directe de gros débris via un bras articulé au bombardement du débris par des ions accélérés (pour modifier son orbite) en passant par la projection sur le débris d’un petit module contenant une voile solaire qui, une fois dépliée, le propulserait grâce au vent solaire…

Une animation montrant les différentes solutions envisagées (en anglais, crédit : ESA)

 Dans cette Phase B du projet – la Phase A ayant consisté à définir les grands principes du nettoyage – l’ESA compte définir plus concrètement le futur système e.Deorbit afin de pouvoir se lancer dans sa construction dès 2017. Et pour cela elle a besoin de toute la matière grise disponible via les réseaux.

Román Ikonicoff

 

> Lire aussi:

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

sv1130

  • Que font les aiguilleurs de l’espace ? – S&V n°1099 – 2009 – Le satellite Iridium-33 a été détruit par sa collision avec le satellite russe Cosmos-2251 (hors d’usage). Comment font les « aiguilleurs de l’espace » pour prévenir ce genre d’accident ?

S&V1099