Peut-on vraiment produire des nombres au hasard ?

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Le hasard ou l'aléatoire est une propriété de notre monde qu'il est bien difficile à appréhender (Ph. Gaz via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Le hasard ou l’aléatoire est une propriété de notre monde qu’il est bien difficile à appréhender (Ph. Gaz via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

La réponse paraît évidente : oui ! Il suffit de battre un jeu de cartes, ou de lancer un dé. La valeur de la carte au sommet de la pile ou la face supérieure du dé sont d’authentiques nombres aléatoires, au sens où il est impossible de les connaître à l’avance.

La qualité première d’un nombre aléatoire est d’être produit avec la même fréquence d’apparition que n’importe quel autre nombre parmi ceux au sein desquels s’effectue le tirage “au hasard”. Une règle d’“uniformité” qui se double, lorsqu’il s’agit de produire une séquence de nombres, par un impératif d’indépendance : l’apparition de chacun ne doit avoir aucun lien avec l’apparition d’aucun de ses prédécesseurs ou successeurs.

Le hasard : une opération fastidieuse

Sauf que lancers de dés et jeux de cartes ont un défaut : produire, ne serait-ce qu’une série de quelques dizaines de chiffres, devient très vite fastidieux. Inutilisable pour répondre à l’usage intensif du hasard au cœur d’activités comme l’industrie du jeu, la simulation de modèles complexes (météorologie, diffusion de virus, collisions de particules) et, surtout, la cryptographie.

De fait, crypter un message, c’est le transformer en une suite de caractères indéchiffrables pour un éventuel espion. Et pour s’assurer qu’aucun espion ne pourra décoder le message chiffré, l’idée est d’utiliser une “clé” de cryptage : une longue série de nombres aléatoires. Chaque caractère du message est alors transformé en un autre, par une opération mathématique prenant comme point de départ la suite aléatoire que représente la clé. Le message devient dès lors illisible, sauf pour le destinataire à qui a été transmise la clé et qui peut donc réaliser l’opération inverse.

Le hasard est un problème pour les ordinateurs

La production industrielle de hasard utilise donc de puissants ordinateurs. Solution étrange, quand on songe que l’informatique repose sur des machines bêtement déterministes, produisant des résultats attendus selon des calculs programmés.

Peut-on produire ainsi une “clé” vraiment aléatoire ? En théorie, non. En pratique, il faut donc se contenter de “pseudo-hasard”. De “simples” fonctions mathématiques suffisent à produire des séquences aléatoires assez longues pour qu’il soit impossible d’établir un lien entre le nombre de départ et le nombre obtenu.

Plusieurs types de hasard

Au point que le “pseudo-hasard” ressemble alors furieusement à sa version idéale : l’algorithme appelé “Mersenne Twister” donne des séquences démesurément grandes avant qu’elles ne commencent à se répéter : jusqu’à “219 937 – 1” nombres d’affilée (soit 4,315 suivi de plus de 6 000 zéros !). Inaccessible aux pirates… mais pas de quoi rivaliser avec la pureté hasardeuse d’un lancer de dés. D’autres générateurs, plus rarement utilisés, s’approchent cependant de cette qualité de hasard. Et, pas de mystère : l’informatique ne suffit pas. Ces systèmes s’appuient sur la mesure de phénomènes physiques, chaotiques ou quantiques.

Les phénomènes chaotiques sont le résultat d’événements dont on connaît, en théorie, la cause, mais dont l’état à l’instant “t”, dépendant de trop nombreux paramètres, échappe au calcul. Ils garantissent donc un signal imprévisible. La société Random.org utilise par exemple les signaux reçus par une antenne de radio, amplifiant le bruit électromagnétique produit dans l’atmosphère par les éclairs, pour produire des séries de nombres authentiquement aléatoires.

La physique quantique à la rescousse des ordinateurs

Les phénomènes quantiques, eux, sont fondamentalement indéterminés : avant qu’on mesure une de ses caractéristiques, un photon ou un atome ne se trouve dans aucun état précis. Une aubaine pour les cryptologues. Une équipe internationale de physiciens a ainsi montré, en avril dernier, qu’il était possible, en mesurant l’état quantique de deux atomes d’ytterbium émettant des photons, de produire des séquences de plusieurs dizaines de nombres purement aléatoires.

Un résultat modeste quant à la “quantité de hasard produite”, mais remarquable quant à la “pureté” du hasard issu d’un dispositif artificiel.

F.L.

 

>Lire aussi:

 

> Lire également dans le site des Grandes Archives de Science & Vie :

  • Pourquoi créer du hasard reste… aléatoire – S&V n°1036 – 2004. Le hasard est vu comme ayant moins de valeur que l’ordre et les lois physiques… Pourtant les machines ont le plus grand mal à produire de l’aléatoire.

1036

  • Le hasard est-il le maître de l’univers ? – S&V n°1003 – 2001. Dans la nature, le hasard joue un grand rôle : que ce soit dans les processus d’évolution ou dans le fonctionnement de l’Univers. Pourtant nous sommes loin de le comprendre et encore plus loin de savoir le définir vraiment.

1003

 

 

On a compris comment le cerveau reste concentré face aux distractions

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Pour maintenir la concentration face aux distractions, le cerveau mobilise le cortex préfrontal. - Ph. Stemonx via Flick / CC BY 2.0

Pour maintenir la concentration face aux distractions, le cerveau mobilise le cortex préfrontal. – Ph. Stemonx via Flick / CC BY 2.0

Lorsqu’on est concentré, il est parfois agaçant d’être interrompu. Car les distractions interfèrent avec la mémoire de travail du cerveau. Mais pas toutes de la même manière… Pourquoi le bruit d’un marteau piqueur empêche-t-il plus de réfléchir qu’une mélodie à la radio ?

Des chercheurs espagnols viennent de montrer que si la distraction est désagréable (suscitant une émotion négative), le cerveau mobilise, pour rester concentré, des circuits particuliers — ce qui n’est pas le cas si la distraction est agréable ou neutre.

L’équipe, formée par des psychologues et neuroscientifiques de l’université complutense de Madrid, a mis en lumière les trois phases de ce processus de distraction… qui ne dure par plus d’une seconde dans le cerveau ! Leurs résultats dévoilent que le cerveau réagit plus intensément lorsqu’il doit faire face à une distraction négative. Comme s’il était plus facile de rester concentré si on est interrompu par quelque chose d’agréable ou de neutre.

Une tâche simple : reconnaître un visage… suite à une petite distraction

Comment les chercheurs ont-il procédé ? Ils ont recruté 19 participants parmi les étudiants de l’université et les ont soumis à une magnétoencéphalographie (MEG). Soit une sorte d’électroencéphalogramme, où des magnétomètres remplacent les électrodes placées sur le cuir chevelu. Ces outils, qui se présentent comme un gros casque, mesurent cette fois les champs magnétiques résultant de l’activité électrique des neurones du cerveau.

Avantage par rapport à l’IRM fonctionnelle : cette technique permet de suivre l’activité du cerveau en temps réel, avec une très grande résolution temporelle, de l’ordre des millisecondes. C’est à dire qu’elle enregistre les variations d’activité des neurones avec une grande finesse et rapidité, décelant des processus qui échappent à des mesures faites, par exemple, par l’IRM ou le PET-Scan.

Alors qu’ils étaient coiffés d’un casque MEG, les participants devaient exécuter une tâche simple : reconnaître un visage. Deux photos de visages côte à côte leur étaient présentées pendant 2 secondes et, après quatre secondes d’intervalle, une photo d’un visage apparaissait à nouveau à l’écran pendant 1,5 seconde. Il fallait reconnaître s’il s’agissait d’un des deux visages précédents.

Seulement, il y avait une difficulté : pendant l’intervalle, alors que le participant essayait de mémoriser les visages vus, une image « distrayante » apparaissait à l’écran durant 2 secondes. Il s’agissait d’une photo (parmi un lot de 144 couramment utilisées dans les tests cognitifs de ce type) évoquant soit une émotion agréable, soit désagréable, soit neutre. Tout ce déroulé était exécuté 96 fois de suite.

Le cortex préfrontal est la clé du contrôle des distractions

Résultats : la magnétoencéphalographie a montré que le cerveau réagit à la distraction émotive par le cortex préfrontal. Grâce à des études précédentes, on sait que cette structure, placée à l’avant du cerveau (juste derrière le front et les yeux), joue un rôle clé pour maintenir la concentration et ne pas se laisser emporter par les émotions.

Lors de cette expérience, les chercheurs ont identifié trois phases de réaction. Tout d’abord, aussi rapidement que 70 à 130 millisecondes après la photo distrayante, le cortex préfrontal s’active, détectant le stimulus. Ensuite, il s’allume à nouveau entre 280 et 320 millisecondes, puis entre 360 et 455 millisecondes après le stimulus distrayant.

Or, à ces trois moments, les chercheurs ont remarqué que l’activation concernait des aires plus étendues lorsque l’émotion distrayante était désagréable… comme si maintenir la concentration demandait plus de ressources cérébrales dans face à des émotions négatives. Pour preuve, plus l’activation dans ces aires (cortex préfrontal dorsolatéral, médial et cortex orbitofrontal) était intense chez un participant, mieux il arrivait à reconnaître le visage qui lui était présenté après la distraction.

D’après les chercheurs, ces résultats suggèrent que pour maintenir la concentration, le cerveau doit immédiatement capter la teneur d’un stimulus distrayant et le maintenir sous contrôle grâce au cortex préfrontal. Ce qui n’est pas une mince affaire, étant donné que les informations émotives provoquent une grande réaction du cerveau, et sont plus facilement retenues en mémoire. Pas étonnant, vu que la survie d’un individu peut parfois dépendre de ce type d’informations… surtout si elles sont chargées négativement, comme dans le cas d’une agression.

—Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de Science&Vie :

S&V 1173 - coloriages

S&V 1162 - cauchemars

 

Comment le cerveau réagit aux distractions

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Pour maintenir la concentration face aux distractions, le cerveau mobilise le cortex préfrontal. - Ph. Stemonx via Flick / CC BY 2.0

Pour maintenir la concentration face aux distractions, le cerveau mobilise le cortex préfrontal. – Ph. Stemonx via Flick / CC BY 2.0

Lorsqu’on est concentré, il est parfois agaçant d’être interrompu. Car les distractions interfèrent avec la mémoire de travail du cerveau. Mais pas toutes de la même manière…

Des chercheurs espagnols viennent de montrer que si la distraction est désagréable (suscitant une émotion négative), le cerveau mobilise, pour rester concentré, des circuits particuliers — ce qui n’est pas le cas si la distraction est agréable ou neutre.

L’équipe, formée par des psychologues et neuroscientifiques de l’université complutense de Madrid, a mis en lumière les trois phases de ce processus de distraction… qui ne dure par plus d’une seconde dans le cerveau ! Leurs résultats dévoilent que le cerveau réagit plus intensément lorsqu’il doit faire face à une distraction négative. Comme s’il était plus facile de rester concentré si on est interrompu par quelque chose d’agréable ou de neutre.

Une tâche simple : reconnaître un visage… suite à une petite distraction

Comment les chercheurs ont-il procédé ? Ils ont recruté 19 participants parmi les étudiants de l’université et les ont soumis à une magnétoencéphalographie (MEG). Soit une sorte d’électroencéphalogramme, où des magnétomètres remplacent les électrodes placées sur le cuir chevelu. Ces outils, qui se présentent comme un gros casque, mesurent cette fois les champs magnétiques résultant de l’activité électrique des neurones du cerveau.

Avantage par rapport à l’IRM fonctionnelle : cette technique permet de suivre l’activité du cerveau en temps réel, avec une très grande résolution temporelle, de l’ordre des millisecondes. C’est à dire qu’elle enregistre les variations d’activité des neurones avec une grande finesse et rapidité, décelant des processus qui échappent à des mesures faites, par exemple, par l’IRM ou le PET-Scan.

Alors qu’ils étaient coiffés d’un casque MEG, les participants devaient exécuter une tâche simple : reconnaître un visage. Deux photos de visages côte à côte leur étaient présentées pendant 2 secondes et, après quatre secondes d’intervalle, une photo d’un visage apparaissait à nouveau à l’écran pendant 1,5 seconde. Il fallait reconnaître s’il s’agissait d’un des deux visages précédents.

Seulement, il y avait une difficulté : pendant l’intervalle, alors que le participant essayait de mémoriser les visages vus, une image « distrayante » apparaissait à l’écran durant 2 secondes. Il s’agissait d’une photo (parmi un lot de 144 couramment utilisées dans les tests cognitifs de ce type) évoquant soit une émotion agréable, soit désagréable, soit neutre. Tout ce déroulé était exécuté 96 fois de suite.

Le cortex préfrontal est la clé du contrôle des distractions

Résultats : la magnétoencéphalographie a montré que le cerveau réagit à la distraction émotive par le cortex préfrontal. Grâce à des études précédentes, on sait que cette structure, placée à l’avant du cerveau (juste derrière le front et les yeux), joue un rôle clé pour maintenir la concentration et ne pas se laisser emporter par les émotions.

Lors de cette expérience, les chercheurs ont identifié trois phases de réaction. Tout d’abord, aussi rapidement que 70 à 130 millisecondes après la photo distrayante, le cortex préfrontal s’active, détectant le stimulus. Ensuite, il s’allume à nouveau entre 280 et 320 millisecondes, puis entre 360 et 455 millisecondes après le stimulus distrayant.

Or, à ces trois moments, les chercheurs ont remarqué que l’activation concernait des aires plus étendues lorsque l’émotion distrayante était désagréable… comme si maintenir la concentration demandait plus de ressources cérébrales dans face à des émotions négatives. Pour preuve, plus l’activation dans ces aires (cortex préfrontal dorsolatéral, médial et cortex orbitofrontal) était intense chez un participant, mieux il arrivait à reconnaître le visage qui lui était présenté après la distraction.

D’après les chercheurs, ces résultats suggèrent que pour maintenir la concentration, le cerveau doit immédiatement capter la teneur d’un stimulus distrayant et le maintenir sous contrôle grâce au cortex préfrontal. Ce qui n’est pas une mince affaire, étant donné que les informations émotives provoquent une grande réaction du cerveau, et sont plus facilement retenues en mémoire. Pas étonnant, vu que la survie d’un individu peut parfois dépendre de ce type d’informations… surtout si elles sont chargées négativement, comme dans le cas d’une agression.

—Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de Science&Vie :

S&V 1173 - coloriages

S&V 1162 - cauchemars