Violence dans les médias et sur internet : comment faire face ?

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« Il faut que chacun d’entre nous comprenne que si le monde va mal, c’est à nous de l’améliorer, qu’il faut répondre à la violence par la douceur, à la haine par l’amour, à l’égoïsme par la solidarité. » Dans une émouvante lettre ouverte publiée le 30 juin, les parents du policier Jean-Baptiste Salvaing, assassiné trois semaines plus tôt avec sa compagne, par un djihadiste de Daech à leur domicile de Magnanville (Yvelines), invitent leurs concitoyens à ne pas se laisser entraîner dans le piège de la violence. « La mobilisation extraordinaire qu’a suscitée cette tragédie peut nous faire espérer que désormais chacun d’entre nous fasse le choix de la paix. C’est la seule voie possible. »

Comme ces parents endeuillés, beaucoup de Français cherchent de quelle manière répondre, individuellement ou collectivement, à cette violence multiforme et souvent imprévisible. Faut-il s’enfermer, ruminer sa douleur, répondre coup pour coup ? Comment se protéger et ne pas se laisser entraîner dans une spirale qui peut se révéler destructrice ? Nous avons posé la question à trois experts, auteurs de plusieurs ouvrages sur la question : Ariane Thiran-Guibert, formatrice en relations non violentes en Belgique, Françoise Keller, spécialiste de la communication non violente (CNV) à Lyon, et le philosophe Jean-Marie Muller. Voici leurs conseils.

Écouter ses propres émotions. En effet, le risque est d’être trop vite dans la réaction. Les actes de violence dont nous sommes les témoins ou les victimes, et les émotions qu’ils provoquent en nous, sont d’abord une occasion de nous interroger en profondeur. Quels sont mes besoins, mes valeurs ? À quoi je tiens le plus ? Quel monde ai-je envie de construire ? Et comment je fais pour mettre mes propres actes en conformité avec mes aspirations ? En ce sens, la violence peut nous inviter à plus de responsabilité, à plus d’engagement. Attention à ne pas rester seul. Quelle action collective vais-je pouvoir mener ? Quelle association vais-je pouvoir rejoindre ? 

Choisir et diversifier ses sources d’information… Méfions-nous de nos perceptions. Dans l’actualité, nous sommes beaucoup plus souvent attirés (fascinés ?) par ce qui va mal. Et ce n’est pas que le problème des médias, même s’il est vrai que ceux-ci nous entraînent souvent dans cette logique. Sur les réseaux sociaux, une vidéo violente a bien plus de chance d’être relayée qu’une initiative de paix, plus difficile à montrer, il est vrai. Attention au voyeurisme. 

Analyser les causes de la violence. Contrairement à une idée reçue, aucune violence n’est « gratuite ». Qu’elle vienne de Daech ou des casseurs de rue, elle a toujours des causes, des racines plus ou moins profondes, souvent liées à un sentiment d’injustice, de mépris ou d’humiliation. Chercher à comprendre (ce qui ne veut pas dire justifier) permet de prendre du recul et de ne pas rester dans un registre purement émotionnel. D’où la nécessité de se former et de s’informer. Cette réflexion peut aussi permettre de reconnaître la violence qui est en soi. 

Travailler sur soi-même. La violence n’est pas seulement un phénomène extérieur, elle est aussi à l’intérieur de nous-mêmes. Je peux cultiver en moi un espace de paix qui me rendra plus fort face aux aléas de la vie. Se retrouver avec des amis, prendre le temps de la convivialité, écouter de la musique, pratiquer un sport, marcher en montagne ou au bord de la mer… Autant d’activités qui peuvent nous permettre de prendre des moments de respiration, de ressourcement. Il ne s’agit pas de fuir la réalité, mais de prendre les forces nécessaires pour mieux l’affronter. Le jeûne médiatique (couper la radio, la télé, les réseaux sociaux) peut être aussi une réponse transitoire. Dans tous les cas, ne restons pas inactifs. Face à la peur et à l’insécurité générées par la violence, l’engagement personnel, qui nous fait sortir de la passivité, apparaît comme le meilleur rempart. Presque une thérapie !

Les automobiles auraient évolué comme les espèces vivantes

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L'évolution de l'automobile pourrait être appréhendé sous un éclairage darwinien (Domaine public)

L’évolution de l’automobile pourrait être appréhendé sous un éclairage darwinien (Domaine public)

Sous la pression constante du “dernier modèle” – d’iPhone ou smartphone, d’ordinateur, de téléviseur, de voiture, de drone, et autres – nous perdons de vue parfois l’aspect étrange de la technologie, phénomène inconnu ailleurs dans le monde du vivant.

Or des chercheurs de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA) et l’université de Gothenberg en Suède ont tenté de caractériser l’évolution de ce phénomène (pensée et activité humaines autant qu’objet physique) afin de mieux le cerner et, si possible, prévoir vers quoi il nous amène. Leur cible : les voitures.

Un Darwin dans le moteur des automobiles

Ils ont ainsi analysé les 3 575 modèles développés par 172 constructeurs différents qui ont constitué l’histoire de l’automobile américaine depuis 1896 jusqu’à 2014, à la recherche de lois.

Et ils ont découvert quelques particularités qui, sans être absolument révolutionnaires, leur ont donné des outils théoriques pour prévoir l’avenir – du moins une version possible. Ils ont surtout validé l’utilisation de la théorie de l’évolution des espèces de Darwin (1859) comme moyen d’interprétation du phénomène-objet technologique.

La concurrence entre espèces Vs. les conditions de l’environnement

Ainsi, en considérant les dates d’apparition et de disparition d’un modèle (ou d’une “lignée” de modèles apparentés) comme s’il s’agissait d’une espèce vivante, les chercheurs ont observé les faits suivants :

1- Si les espèces ont tendance à se diversifier en période de croissance économique (et inversement en période de récession), et si elles sont également sensibles aux changements du prix du carburant, ces facteurs extérieurs jouent moins dans la diversification que la compétition entre espèces (ce qui revient à une compétition entre firmes).

Apparition d’espèces dominantes

2- En particulier, à partir de la Seconde Guerre Mondiale, la diversité a chuté drastiquement par rapport à la période précédente (1896-1939) par l’apparition de quelques espèces dominantes consommant toutes les ressources de l’environnement (c’est-à-dire le portefeuille des Américains).

Les auteurs expliquent la constance de ce phénomène par le fait que, lorsque que cette domination technologique s’est établie, il est devenu beaucoup plus économique pour les majors de poursuivre le développement des gammes existantes que d’investir sur des modèles (ou lignées de modèles) nouveaux.

Homogénéisation génétique

3- Depuis les années 1980, les espèces dominantes se sont homogénéisé – plus de grandes différences techniques entre les espèces-modèles – et le terrain de compétition s’est déplacé presque exclusivement sur les différences de prix.

4- Concernant les véhicules électriques et hybrides, qui représentent un changement technologique fondamental survenu ces dernières années, les chercheurs ont identifié un processus (naissant) de diversification semblable à celui des débuts de l’automobile à essence. Ce qui leur a permis d’extrapoler vers l’avenir.

Les voitures électriques et hybrides refont le monde

En effet, ils prévoient que dans les trois ou quatre décennies à venir, le marché de ces voitures connaître une grande diversité – avant que quelques espèces dominantes ne finissent par s’imposer.

Néanmoins, il nous semble que les rythmes des innovations technologiques entre la fin du XIXe siècle et ce début du XXIe n’étant pas du tout les mêmes, cela pourrait se résoudre bien plus vite. L’avenir le dira.

–Román Ikonicoff

 

> Lire aussi :

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • L’irrésistible extension de la théorie de l’évolution – S&V n°1159 – 2014 – Si Darwin a basé sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle sur l’étude de la morphologie des espèces, depuis 155 ans la théorie s’est enrichie, notamment elle a intégré la génétique (Théorie synthétique de l’évolution) dans les années 1930. Mais depuis quelques années, les principes découverts par Darwin s’appliquent également dans d’autres domaines, comme la technologie, la psychologie, la médecine, la culture voire même la cosmologie et la physique quantique.

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  • Et si on repensait toutes les machines – S&V n°1153 – 2013 – Achetez ce numéro en ligne. Un collectif a décidé de réinventer toutes les machines afin de refonder la technologie sur des bases plus claires et simples… et sortir du cercle de l’innovation et sophistication tout-azimut.

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  • “Objets connectés – Vers les interfaces gestuelles ?” – S&V n°1177 – 2015 – Achetez ce numéro en ligne. Les grandes firmes de la Toile, en particulier Google, se sont lancées dans les interfaces gestuelles, afin de dépasser le stade de l’écran tactile et de la souri-clavier. Ces technologies sont séduisantes, mais seront-elles adoptées par les utilisateurs ?

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Textos (SMS) : ils engendrent des ondes cérébrales jamais vues !

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Quand on écrit des textos (sms), le cerveau se met sur un mode particulier - du moins pour 20% d'entre nous (Ph. Jake Stimpson via Flickr CC BY 2.0).

Quand on écrit des textos (sms), le cerveau se met sur un mode particulier – du moins pour 20% d’entre nous (Ph. Jake Stimpson via Flickr CC BY 2.0).

Les mutants sont parmi nous ! Car voici une étude qui vient d’identifier des ondes cérébrales d’un nouveau type, jamais vues auparavant, chez 20% des usagers des textos (SMS) – nous tous (ou presque).

L’idée que la technologie numérique modifie profondément notre écosystème cognitif n’est donc plus une hypothèse. Et selon l’étude, cela concerne non seulement les jeunes qui sont nés le doigt sur l’écran (les “digital natives“) mais tout le monde, quel que soit l’âge et le genre.

Des ondes cérébrales nommées “rythme de textotage

Les chercheurs du Mayo Clinic College of Medicine et de l’université de Floride ont en effet découvert un nouveau mode dans la dynamique cérébrale qu’ils ont nommé “rythme de textotage” (texting rhythm).

Voici à quoi ressemble l'onde du rythme de textotage (William Tatum et al., Epilepsy & Behavior 2016).

C’est à cela que ressemble l’onde du rythme de textotage (William Tatum et al., Epilepsy & Behavior 2016).

En voici la définition technique, plutôt absconse : rythme thêta paroxystique généralisé monomorphique à prédominance frontocentrale à 5-6 Hz (et on en passe)…

Ce phénomène s’est manifesté chez 20% des volontaires

C’est en procédant à des mesures d’ondes cérébrales par électroencéphalographie (EEG) pendant une longue période (observations durant 16 mois) sur 129 personnes saines et atteintes de formes d’épilepsie que les auteurs de l’étude sont tombés sur ce phénomène : des trains d’onde électriques dont la forme ne coïncide avec aucune autre connue (figure ci-dessous).

Ondes EEG d'un des volontaires (jeune femme de 22 ans) présentant l'entrée mentale en "rythme de textotage" (capsules bleues) à deux occasions (William Tatum et al, Epilepsy & Behavior 2016).

Ondes EEG d’un des volontaires (jeune femme de 22 ans) présentant l’état mental de “rythme de textotage” (capsules bleues) : ici, ils se sont manifesté au début et à la fin de l’écriture d’un texto (William Tatum et al, Epilepsy & Behavior 2016).

Ils ont ainsi constaté que chez les volontaires sains, entre 16% et 20% présentaient ce rythme si particulier, de manière reproductible : il s’exprime durant l’écriture d’un texto sur smartphone ou tablette et peut durer entre 2 secondes et plus de 10 secondes.

Mais qu’est-ce donc que cela ?!

Inconnu dans les annales, ce rythme de textotage (RT) ne s’est également pas manifesté quand les volontaires ont été soumis à d’autres activités sollicitant l’attention, la concentration, le calcul ou le raisonnement mathématique, l’usage des doigts, le mouvement des yeux, la parole ou le langage.

De quels composants élémentaires ce nouveau geste cognitif est-il formé ? Quelles sont fonctions ou aires cérébrales sollicitées dans ce nouveau circuit d’activation ? Pourquoi cela ne s’est manifesté que sur 1/5e des volontaires ?

Quelques hypothèses…

Cette première étude ne permet pas de répondre clairement, notamment parce que la technique d’EEG (une vingtaines d’électrodes posées sur le crâne) n’a pas un grand pouvoir de résolution. Et l’utilisation de l’IRM fonctionnelle sur quelques volontaires n’a pas apporté d’informations supplémentaires.

Mais les chercheurs ont d’ores et déjà quelques hypothèses, qui serviront de base de travail pour des recherches ultérieures.

Un mélange de concentration et d’affectivité

Selon eux, ce nouveau circuit d’activation cérébrale “reflète la combinaison d’un haut niveau de concentration [peut-être lié à la taille réduite d’un écran de smartphone] associé à une influence affective accrue.”

Il est vrai que l’envoi d’un sms n’est jamais anodin en termes de relation humaine et demande une belle concentration motrice pour réussir à écrire sur un si petit et virtuel clavier…

NE PAS TEXTOTER EN CONDUISANT !

Dans tous les cas, les chercheurs en tirent déjà un enseignement : la mise en évidence de ce nouveau circuit, focalisant les ressources cérébrales, justifierait l’interdiction de l’usage des sms en voiture – activité qui requière de garder la concentration sur l’environnement.

Il pourrait aussi expliquer pourquoi textoter en marchant n’est pas sans risque pour certains utilisateurs (comme moi) au vu du nombre de poteaux et autres obstacles qui se dressent sur notre chemin urbain.

–Román Ikonicoff

 

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  • Objets connectés, vers les interfaces gestuelles – S&V n°1177 – 2015. Les interactions entre l’homme et la machine sont loin d’être naturelles. Aussi, les constructeurs d’interfaces cherchent à naturaliser la machine, avec le risque de mécaniser un peu l’homme.

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  • Votre cerveau vous trompe – S&V n°1044 – 2004 – Notre cerveau présente des failles : mémoire trompeuse, fausses perceptions, raisonnements biaisés… Comment l’univers de la publicité en exploitent certaines (+ 20 expériences qui vous feront douter de vous-même).

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  • Libre arbitre : notre cerveau décide avant nous – S&V n°1057 – 2005 – L’un des grands apprentissages issues des sciences cognitives est l’importance des mécanismes inconscients et hyper-rapides dans notre être au monde. Au point de questionner notre libre arbitre.

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Juno est en orbite autour de Jupiter !

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Jupiter et ses quatre grands satellites, de gauche à droite Ganymède, Io, Callisto et Europa, vus par Juno le 29 juin, à une distance de 5,3 millions de kilomètres. Durant sa mission, la sonde américaine s'approchera toutes les deux semaines mille fois plus près... Photo JPL/Nasa.

Jupiter et ses quatre grands satellites, de gauche à droite Ganymède, Io, Callisto et Europa, vus par Juno le 29 juin, à une distance de 5,3 millions de kilomètres. Durant sa mission, la sonde américaine s’approchera toutes les deux semaines mille fois plus près… Photo JPL/Nasa.

Voilà, c’est fait ! La sonde américaine Juno a réussi à se satelliser autour de la planète géante Jupiter. Ce matin, à 4 h 50 min exactement, Juno est devenu le second satellite artificiel de Jupiter, après la sonde Galileo, en 1995.
Passée cette étape, la plus risquée de la mission après son décollage de la Terre le 5 août 2011, Juno entre dans une longue période de tests, sa mission scientifique proprement dite ne commençant qu’en octobre. D’ici là, Juno va stabiliser son orbite très elliptique autour de Jupiter, qui lui permettra de s’approcher à moins de 5000 kilomètres de sa surface gazeuse toutes les deux semaines.
Avant sa satellisation à haut risque, Juno a coupé tous ses instruments scientifiques, la dernière image publiée par la Nasa – voir ci-dessus – a été prise le 29 juin, à une distance de 5,3 millions de kilomètres. Cette image de qualité très modeste donne cependant une idée des photographies spectaculaires que Juno prendra lorsqu’elle sera… plus de mille fois plus proche de la planète géante !
Ces zooms vertigineux sur les nuées colorées de la planète-tempêtes seront pris pour la première fois à la fin du mois d’août. Ensuite, à chaque nouvelle orbite, les instruments scientifiques de la sonde devront supporter les radiations intenses du champ magnétique de Jupiter. Mais si tout va bien, ce seront parmi les plus belles images de toute l’histoire de l’exploration du système solaire qui nous seront offertes par la Nasa.
Serge Brunier

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V / acheter :

S&V 1181 - planetes geantes Jupiter

S&V 1167 - Europe vie extraterrestre

 

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Particule X : l’angoisse du vide – Le blog de Mathieu Grousson

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Le vide quantique fourmille d’énergie et de particules en devenir. Qui sait si le LHC parviendra finalement à y débusquer définitivement le X. - Crédit : CERN

Le vide quantique fourmille d’énergie et de particules en devenir. Qui sait si le LHC parviendra finalement à y débusquer définitivement le X. – Crédit : CERN

La révolution ou le vide. Telle est aujourd’hui la seule promesse inscrite dans le petit excès observé dans les données collectées en 2015 par le LHC, l’accélérateur géant du Cern, et rendu public le 15 décembre dernier. En l’absence d’indices suffisants, soit une nouvelle particule qu’aucune théorie n’avait prévu, synonyme d’entrée dans une nouvelle ère pour la physique des particules. Soit, aux dires des expérimentateurs, la plus diabolique fluctuation statistique de ces 30 dernières années, autrement dit, rien.

> Lire à ce propos :

Le rien qui, pour les spécialistes de l’infiniment petit, est bien la chose la plus inconfortable qui soit. Car c’est un fait, selon la théorie quantique des champs qui sert d’armature mathématique au modèle standard, le vide, loin d’être… vide, serait en réalité tout entier empli de particules fantômes appelées « fluctuations de point zéro » ou encore « énergie du vide ».

L’effet Casimir montre les fluctuations du vide

Pour étrange que soit cette idée, elle a pourtant des effets bien réels. L’un des plus spectaculaire est l’effet Casimir, du nom du physicien néerlandais qui l’a décrit en 1948. On l’observe en créant un vide intégral entre deux miroirs se faisant face. Précisément, d’après la théorie quantique, la cavité ainsi définie limite les possibilités de fluctuations du vide, un peu comme une corde de violon de longueur donnée ne peut vibrer qu’à certaines fréquences.

Or cette limitation n’a pas cours à l’extérieur de la cavité, où, pour filer la métaphore, les possibilités de vibration de la corde (ici aussi longue que l’espace entier) sont quasi infinies. Autrement dit, le vide est moins vide à l’extérieur de la cavité qu’à l’intérieur, d’où il résulte une pression s’exerçant sur les faces extérieures de la cavité. Résultat : les deux miroirs ont tendance à se rapprocher l’un de l’autre, tel qu’observé dès 1958.

Dont acte, le vide n’est pas rien ! Mais cette bizarrerie n’est pas grand chose en regard de l’absurdité à laquelle les physiciens font face dès lors qu’ils tentent de calculer précisément l’énergie contenue dans un mètre cube de vide dans le cadre des théories en vigueur : l’infini ! Une catastrophe telle que, comme l’exprime en plaisantant Alvaro de Rujula, au service de physique théorique du Cern, « chaque physicien qui ne consacre pas au moins une heure par jour à ce problème devrait être jeté en prison ! »

Une théorie au-delà du modèle standard

De l’avis général, la solution viendra le jour où une théorie au-delà du modèle standard, probablement fondée sur un socle différent de la théorie quantique des champs, verra le jour. Comme si finalement, la « catastrophe du vide » était le signe le plus flagrant de l’incomplétude de la vision que les physiciens donnent aujourd’hui de l’univers élémentaire.

La particule X sera-t-elle dans cette quête d’un quelconque secours ? Nul ne peut l’affirmer. A moins que s’évaporant en une simple fluctuation des données sans la moindre signification physique, elle renvoie les physiciens à un vide plus angoissant encore que celui de la théorie quantique…

—Mathieu Grousson

 

Mathieu Grousson est un journaliste collaborateur de Science & Vie spécialiste de la physique fondamentale. Suivez son blog “Particule X” :

cartouche-particule-X

> En savoir plus :

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> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

S&V 1152 - LHC boson de Higgs

  • La matière va enfin parler S&V n°1129 (2011). Moment clou : tout le monde a les yeux rivés sur le LHC, qui confirmera enfin l’existence du boson de Higgs, des décennies après sa théorisation.

S&V 1129 - boson de Higgs LHC

  • LHC, l’accélérateur de l’extrême S&V n°1013 (2002). L’impatience règne chez les physiciens : en cours de construction à cheval entre la France et la Suisse, le grand collisionneur de hadrons est le plus grand outil scientifique jamais réalisé, qui repoussera les frontières de la physique.

S&V 1013 - LHC

 

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Les risques de l’IA deviennent enfin un sujet sérieux !

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Plutôt que de spéculer sur une prise de pouvoir par les IA, des chercheurs ont identifié les véritables risques du futur déploiement des machines intelligentes (R.E. Barber Photography via Flickr CC 2.0).

Plutôt que de spéculer sur une prise de pouvoir par les IA, des chercheurs ont identifié les véritables risques du futur déploiement des machines intelligentes (R.E. Barber Photography via Flickr CC 2.0).

Souvenez-vous, c’était en mai 2014 : le physicien Stephen Hawking et d’autres scientifiques publiaient une lettre d’avertissement sur le risque que les IA ne déciment l’humanité. Ils craignaient un scénario à la “Terminator”, un brin tiré par les cheveux.

Mais ce catastrophisme très hollywoodien teinté de millénarisme a finalement eu un effet bénéfique : un article coécrit par des chercheurs des universités de Berkeley, de Stanford, de Google (eh oui!) et de l’association internationale OpenAI, expose enfin une réflexion sur les véritables risques de cette technologie. Là, ça devient constructif !

Cinq risques de l’IA classés en trois catégories

Dans l’article, dont on trouve un résumé (en anglais) sur le blog de Google, les auteurs listent cinq risques d’accidents, classés en trois catégories.

Ainsi, il y a les accidents liés à une mauvaise évaluation/programmation des objectifs d’un système IA par les concepteurs, les accidents liés à la saturation par les sollicitations des IA, et enfin les accidents liés aux comportements des IA mal ou insuffisamment “éduqués”.

En voici la liste, avec des exemples domestiques qui peuvent sembler anodins. Mais détrompez-vous, ils se généralisent aux IA de tout type : voiture autonome, robot-soldat, drones, etc. Et ils peuvent poser de vrais problèmes…

Mauvaise évaluation/programmation des objectifs d’un système IA

  • Prenons un robot-nettoyeur (version futuriste) dont la “fonction objectif” est de minimiser la poussière et les saletés. S’il est (mal) programmé pour cela, rien ne l’empêcherait de jeter toutes vos babioles décoratives (dont un vase de Chine authentique) car cela rend le nettoyage plus rapide et efficace.

Ce risque, nommé par les auteurs “effets secondaires négatifs“, est loin d’être anodin car s’il s’agissait d’un robot-infirmier devant veiller au bon repos d’un malade, ce même défaut pourrait pourrait l’amener à lui injecter régulièrement des somnifères.

  • Imaginez maintenant que votre robot-nettoyeur ait été programmé avec l’objectif de ne pas voir, après son travail, des traces de poussière – ce qu’on fait en lui intégrant une fonction de “récompense” qui lui donne une note de réussite de sa mission. Il pourrait alors décider d’éteindre sa caméra, ce qui lui permettrait d’obtenir le meilleur score…

Ce risque, de “détournement de récompense“, pourrait amener une IA à altérer des informations ou d’autres systèmes informatiques afin de maximiser sa fonction de récompense.

Saturation des humains ou des systèmes par un trop plein de sollicitations

  • Que se passerait-il si votre robot-nettoyeur passe son temps à s’activer pour nettoyer la moindre poussière qui arrive sur le sol ? Et si le robot-infirmier n’arrête pas de demander au patient s’il a besoin de quelque chose ? Et si votre agent virtuel à qui vous avez demandé de vous trouver les billets d’avion les moins chers pour vos vacances vous réveille à 4H du matin pour vous dire qu’il a trouvé ?

Ce type d’”effet de saturation” fait courir un risque aux réseaux et peut également conduire les humains à rejeter ces assistants trop communicants.

IA mal éduquées

Les IA sont programmées pour explorer l’univers des solutions possibles à un problème et pour améliorer leur efficacité – sinon, ce ne seraient pas des systèmes intelligents. Cette fonction d’exploration est souvent lié techniquement à des générateurs de nombres aléatoires (ou pseudo-aléatoires), qui leur permettent donc de varier leurs comportements, au-delà de ce qu’ils ont appris lors de leur phase d’apprentissage.

  • Mais que se passerait-il si votre robot-nettoyeur, qui se sert d’eau pour astiquer les sols, s’en sert pour faire reluire votre ordinateur, téléviseur et chaine Hi-fi ? Ce risque d’”exploration catastrophique” pourrait également conduire une voiture autonome à se jeter dans l’eau pour tenter d’optimiser le temps et la distance de parcours entre les deux rives du fleuve de votre ville…
  • Et quid des “situations totalement inconnues” ? Nous, les humains, avons la possibilité intellectuelle d’admettre notre ignorance et ne pas tenter, par exemple, de piloter un semi-remorque ou un avion – même si cela pourrait résoudre un problème. Mais qu’arriverait-il à notre nouveau poisson rouge ou chien, chat, perroquet si le robot-nettoyeur en voyait pour la première fois? Un drame, assurément.

Des solutions techniques

Bien évidemment, les auteurs ne se contentent d’une analyse qualitative. Leur article, basé sur les recherches en pointe en IA, esquisse des solutions techniques qui sont autant de voies de recherche à approfondir. Finalement, il s’agit d’une “feuille de route” pour les années à venir.

–Román Ikonicoff

 

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  • Robots : leur intelligence dépasse déjà la nôtre – S&V n°1166 – 2014 – Peu à peu et sans grandes vagues, l’intelligence artificielle et la robotique sont sorties de l’échec relatif des années 1980 pour finir par devenir des acteurs essentiels dans nos activités. Ils nous dépassent déjà.

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  • Robot : tu ne tueras point ! – S&V n°1133 – 2012 – Les robots font ce qu’on leur dit de faire. Mais ils n’ont aucune éthique ! Dans la perspective d’une arrivée massive de ces machines dans l’espace public et privé, les chercheurs tentent de les doter d’une morale, à l’aide de programmes inspirés par des principes philosophiques.

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La relativité d’Einstein a enfin été simulée

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Image d'une portion d'espace(-temps) selon les nouvelles simulations de l'équation d'Einstein (Ph. Mertens, xxx)

Image d’une portion d’espace(-temps) selon les nouvelles simulations de l’équation d’Einstein (Ph. James Mertens, Case Western Reserve University)

Cela fait 100 ans que les astrophysiciens jouent avec l’équation de la Relativité générale d’Einstein afin de connaître la structure et la dynamique de l’Univers, dans le passé, le présent et le futur. Mais tous les modèles tirés de cette équation reposaient jusque-là sur des approximations.

Or deux équipes des chercheurs, l’une italienne l’autre américaine, se sont mis à la tache de développer de nouveaux outils informatiques prenant en compte l’équation telle que le savant l’a exprimée. Et ont ainsi, chacun indépendamment, élaboré la plus précise simulation de l’Univers jamais obtenue.

R_{{\mu \nu }}\ -\ {\frac {1}{2}}\,g_{{\mu \nu }}\,R\ +\ \Lambda \ g_{{\mu \nu }}\ =\kappa T_{{\mu \nu }}

L’équation de la Relativité générale d’Einstein qui décrit comment la matière-énergie déforme l’espace-temps en un lieu donné (équation dite locale).

Les approximations de l’équation d’Einstein ont permis de belles trouvailles…

Big bang, trous noirs et trous de ver, accélération de l’expansion cosmique, énergie du vide, rayonnement de fond cosmologique… Toutes ces belles trouvailles sur la nature de notre univers ont découlé des équations de la théorie de la Relativité ou ont été confirmées par elles – lorsque la découverte provenait de la pure observation, comme dans le cas de l’accélération de l’expansion.

Mais jamais les astronomes n’ont eu accès à la description globale de l’Univers, dans l’espace et dans le temps, telle qu’elle découle réellement de ces équations, car celle-ci est très complexe. D’abord l’équation est “locale” : pour connaitre la structure de tout l’univers (et/ou son évolution), il faut procéder à des “intégrations” – opération mathématique complexe et pas toujours faisable.

… mais l’heure est venue de s’attaquer aux détails

Ensuite,  l’équation contient des paramètres, soit des valeurs numériques, qui dépendent de la distribution quasi-“microscopique” de la matière. Bref, jusque-là on s’en tenait à de grosses approximations, notamment en déclarant que la matière est répartie dans l’univers de manière homogène et que l’espace a les mêmes propriétés partout (isotropie) – ce qui n’est évidemment pas vrai.

Vue d'artiste du futur Square Kilometre Array (SKA, « Champ d'un kilomètre carré ») qui sera totalement opérationnel en 2024 (SKA Project Development Office and Swinburne Astronomy Productions via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Vue d’artiste du futur Square Kilometre Array (SKA, « Champ d’un kilomètre carré ») qui sera totalement opérationnel en 2024 (SKA Project Development Office and Swinburne Astronomy Productions via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Cela a néanmoins suffi pour découvrir des phénomènes et les expliquer. Mais voilà : de nouveaux télescope spatiaux et terrestres ultra-puissants sont en cours de construction, comme les télescopes SKA et Euclid, qui vont fournir des données extrêmement précises.

Vue d'artiste du futur télescope spatial Euclid de l'ESA, dont la mise en service est prévue pour 2020 (ESA).

Vue d’artiste du futur télescope spatial Euclid de l’ESA, dont la mise en service est prévue pour 2020 (ESA).

Débusquer l’énergie sombre et la matière noire dans l’équation

Le rêve des astronomes est que cette nouvelle génération de télescopes permette de résoudre les énigmes de l’indétectable énergie sombre et de l’invisible la matière noire, qui représentent ensemble 95,1 % de tout le contenu de l’Univers. Et pour cela, il faut en finir avec les approximations théoriques… puisqu’elles empêcheraient justement de relier les données obtenues avec les phénomènes décrits (implicitement) par l’équation.

En particulier, la question se pose de savoir en quoi des phénomènes gravitationnels locaux (galaxies) influent sur la totalité du profil gravitationnel de l’Univers en créant des perturbations (effet de “rétroaction”) capables d’éclairer d’une manière ou d’une autre ces énigmes. Les cosmologistes n’ont plus qu’à exercer leur vue sur ces simulations (et peut-être découvrir des phénomènes insoupçonnés) en attendant la mise en service des télescopes…

–Román Ikonicoff

 

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S&V 1134 Les premiers signes de l'au-delà

  • Qu’y avait-il avant le Big Bang ? – S&V n°1054. Remonter le temps avant le big bang : ce rêve d’astrophysicien n’est plus impossible grâce aux fabuleux télescopes spatiaux tels WMAP.

S&V 1054 Avant le Big Bang

  • Où sont les limites de l’Univers ? – S&V n°1009. Le tout dernier outil d’observation spatiale, Archeops, est français. Les astronomes repoussent de plus en plus le limites des connaissances sur l’Univers, une quête datant de l’origine de l’Homme lui-même.

S&V 1009 limites de l'univers

Mission à haut risque pour la sonde Juno, objectif : Jupiter

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L'exploration de Jupiter est une aventure américaine. Depuis 1973, sept sondes de la Nasa ont déjà visité ce mini système planétaire, en croisant au large de la planète géante et de sa soixantaine de satellites, ou en se satellisant autour d'elle, comme Galileo. Photos JPL/Nasa.

L’exploration de Jupiter est une aventure américaine. Depuis 1973, sept sondes de la Nasa ont déjà visité ce mini système planétaire, en croisant au large de la planète géante et de sa soixantaine de satellites, ou en se satellisant autour d’elle, comme Galileo. Photos JPL/Nasa.

Elle fonce à plus de 200 000 kilomètres par heure vers la planète géante, et elle n’aura pas de seconde chance. C’est une mission à haut risque qu’entame la sonde américaine Juno la semaine prochaine, en tentant de se satelliser autour de la plus grande planète du système solaire : Jupiter.
Ce sera, si tout va bien, ce mardi matin 5 juillet, à 5 h 20 min. Juno – l’épouse de Jupiter, dans la mythologie – frôlera les nuages de la planète géante à seulement 4300 kilomètres, appuiera des deux pieds sur les freins – elle utilisera ses moteurs à hydrazine, en réalité, pendant trente minutes – et se satellisera sur une orbite polaire très elliptique, l’amenant, toutes les deux semaines, à l’intérieur de la magnétosphère de Jupiter, puis la propulsant au delà du satellite Callisto.
La mission Juno est promise à accumuler les « premières » et les records. Ce sera la première fois qu’une sonde alimentée par panneaux solaires s’aventure aussi loin du Soleil : Jupiter se trouve à 780 millions de kilomètres de notre étoile. La première fois qu’une sonde s’approche aussi près de la planète géante et se satellise sur une orbite polaire, à l’intérieur même de son intense ceinture de radiations. Enfin, Juno prendra les images les plus précises jamais vues de la « planète tempête »…

Jupiter et trois de ses satellites, de gauche à droite, Ganymède, Io et Europe, photographiés par Juno le 28 juin 2016, à une distance de 6,2 millions de kilomètres. A partir de la fin août, Juno passera à moins de 6000 kilomètres de la surface jovienne, soit mille fois plus près ! Cela donne une idée de la qualité des photographies que sa caméra, si elle résiste aux radiations, nous transmettra... Photo JPL/Nasa.

Jupiter et trois de ses satellites, de gauche à droite, Ganymède, Io et Europe, photographiés par Juno le 28 juin 2016, à une distance de 6,2 millions de kilomètres. A partir de la fin août, Juno passera à moins de 6000 kilomètres de la surface jovienne, soit mille fois plus près ! Cela donne une idée de la qualité des photographies que sa caméra, si elle résiste aux radiations, nous transmettra… Photo JPL/Nasa.

Objectif de Juno : mieux comprendre l’origine de la principale planète du système solaire, et de son immense atmosphère. Ses instruments – un radiomètre millimétrique, des spectrographes, des analyseurs de particules lourdes – étudieront son champ magnétique létal – la magnétosphère de Jupiter est vingt mille fois plus intense que celle de la Terre ! – et ses couches gazeuses profondes.
Juno a quitté la Terre il y a cinq ans, en août 2011. Ce gros robot à un peu plus de un milliard de dollars pèse 3,6 tonnes, mesure 3,5 mètres de diamètre et de hauteur. Avec ses trois panneaux solaires déployés, Juno forme un élégant pétale spatial de 20 mètres d’envergure.
L’instrument le plus médiatique de Juno n’est pas scientifique : la Nasa a intelligemment équipé sa sonde d’une petite caméra dont les chercheurs n’avaient pas vraiment besoin. Mais cette caméra, à chaque passage de Juno près de la planète géante, prendra les meilleures images jamais vues de son immense atmosphère… Qu’on en juge : les plus fins détails visibles dans ces nuages grands comme des planètes mesureront environ 25 kilomètres. Pour comparaison, les plus petits détails perceptibles sur Jupiter par les astronomes amateurs depuis la Terre mesurent 1500 kilomètres, 160 kilomètres pour le télescope spatial Hubble, 60 kilomètres pour la sonde Cassini qui a croisé Jupiter en l’an 2000…
Nul doute que les spécialistes de l’atmosphère jovienne seront heureux de profiter des images de ce petit instrument de « vulgarisation scientifique »…
Mieux, à partir de novembre, la Nasa proposera aux astronomes amateurs, comme au grand public, de participer à la mission Juno en choisissant les zones nuageuses que la caméra de la sonde devra pointer
A raison d’une séance de prises de vues à très haute résolution toutes les deux semaines, les ingénieurs américains ignorent quelle sera la longévité de leur caméra. Quoique protégée des radiations joviennes, elle ne devrait pas résister au puissant champ magnétique de Jupiter plus de quelques mois…
Quant à la sonde Juno, après ses trente sept rases-mottes sur les nuages de Jupiter, elle devrait plonger dans la planète tempête en février 2018, et s’y volatiliser…
Juno, comme avant elle Pioneer 10 et 11, Voyager 1 et 2, Galileo, Cassini et New Horizons, aura des successeurs : la sonde européenne Juice, qui doit quitter la Terre en 2022, et la sonde américaine Europa Mission, qui doit s’envoler en direction du système de Jupiter en 2023.
Serge Brunier

OGM : Cent Prix Nobel prennent position en faveur de ces biotechnologies

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Les Grandes Archives de S&V : les OGM

Par une lettre ouverte, un groupe de scientifiques de renommée mondiale s’exprime aujourd’hui en faveur des OGM agricoles. Plus de cent lauréats du prix Nobel appellent l’organisation Greenpeace à cesser sa campagne contre ces biotechnologies utilisées en agriculture notamment pour leur productivité, leur résistance aux nuisibles et aux herbicides. Les 107 signataires, dont quatre Français, pointent en particulier l’intérêt du Riz Doré, un riz génétiquement modifié pour contenir de la vitamine A et ainsi lutter contre la cécité dont souffrent des centaines de milliers d’enfants, surtout en Asie.

Dans leur lettre (à lire ci-dessous) les Prix Nobel appellent les gouvernements du monde entier à accélérer le développement des biotechnologies en agriculture. Ils estiment que les OGM sont un outil indispensable pour répondre aux besoins agricoles croissants auxquels la population mondiale doit faire face. Une prise de position qui relance un débat qui fait rage depuis l’introduction de cette technologie.

> Lire sur le riz doré : Questions sur un OGM pas comme les autresS&V n°1162 (2014) – acheter ce numéro.

S&V 1162 - riz dore

Depuis leur conception, les OGM font polémique

En effet, depuis la création en 1973 de la première bactérie génétiquement modifiée dans un laboratoire californien, cette biotechnologie suscite d’âpres polémiques, y compris au sein de la communauté scientifique. En 1975 déjà, les généticiens se réunissaient à la Conférence d’Asilomar (Californie), pour convenir d’une réglementation visant à prévenir d’éventuels risques découlant de la modification du vivant.

Par la suite, l’enthousiasme a prévalu : la recherche en ingénierie génétique a beaucoup progressé, aussi bien sur le volet agronomique que médical. Les biotechnologies agricoles ont conquis de nombreux marchés à partir des années 90, profitant largement aux grandes industries de l’agrochimie, pour qui elles ont représenté un vecteur majeur de développement.

Cependant, la plupart des pays de l’Union européenne a choisi d’interdire la culture de plants OGM à de fins alimentaires sur leur sol. Les craintes ? A la fois le risque de diffusion des gènes modifiés dans l’environnement et celui d’une toxicité transmise par l’alimentation. Sur ce point, à ce jour, aucune des très nombreuses publications scientifiques n’a permis de démontrer l’existence de tels risques. En outre, certains opposants aux OGM et scientifiques pointent une plus grande consommation de pesticides par les cultures OGM.

> Lire sur la toxicité des OGM : Sont-ils dangereux ? S&V n°1082 (2007).

S&V 1082 - OGM

La technologie CRISPR de modification génétique va relancer le débat

Des polémiques qui ne risquent pas de se dissiper. Car aujourd’hui, une nouvelle génération d’OGM est en train de naître. Grâce à un nouvel outil génétique appelé CRISPR-Cas9 les chercheurs disposent d’un moyen incroyablement simple pour remplacer, pile à l’endroit souhaité, une séquence génétique par une autre, introduisant ainsi une nouvelle propriété dans un organisme.

La Commission européenne travaille actuellement à déterminer si les plants modifiés à l’aide de CRISPR rentrent dans la définition classique des OGM et doivent donc faire l’objet des mêmes restrictions que ces derniers. Une décision très attendue tant par les industriels, que par les chercheurs et les opposants aux OGM.

> Lire sur CRISPR : Bricoleurs du vivant S&V n°1180 (2016) – acheter ce numéro.

S&V 1180 - CRISPR

Fiorenza Gracci

 

Voici la lettre des Prix Nobel, diffusée en France par l’AFIS, association française pour l’information scientifique.

A l’attention des dirigeants de Greenpeace, des Nations Unies et des Gouvernements à travers le monde.

L’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture a noté que la production mondiale de denrées alimentaires, d’aliments pour animaux et de fibres aura quasiment besoin de doubler d’ici 2050 pour répondre aux besoins d’une population mondiale croissante. Les organisations opposées à la sélection végétale moderne, avec Greenpeace à leur tête, ont constamment nié ces faits et se sont opposées aux innovations biotechnologiques dans l’agriculture. Elles ont déformé leurs risques, leurs avantages et impacts, et ont soutenu la destruction criminelle des essais sur le terrain approuvés et des projets de recherche.

Nous exhortons Greenpeace et ses partisans à réexaminer l’expérience acquise par les agriculteurs et les consommateurs du monde entier avec des cultures et des aliments améliorés grâce aux biotechnologies, à reconnaître les résultats des organismes scientifiques compétents et des agences en charge de la réglementation, et d’abandonner leur campagne contre les «OGM» en général et contre le Riz Doré en particulier.

Toutes les agences scientifiques et réglementaires à travers le monde ont établi de manière répétée et cohérente que les cultures et les aliments améliorés grâce aux biotechnologies sont aussi sûrs, sinon plus, que ceux provenant de toute autre méthode de production. Il n’y a jamais eu un seul cas confirmé d’un résultat négatif sur la santé pour les humains ou les animaux dû à leur consommation. Il a été montré à plusieurs reprises que leurs impacts environnementaux sont moins dommageables pour l’environnement et qu’ils représentaient une opportunité pour la biodiversité dans le monde.

Greenpeace a été le fer de lance de l’opposition contre le Riz Doré, qui a le potentiel de réduire ou d’éliminer la plupart des décès et maladies causées par une carence en vitamine A (CVA), dont l’impact est le plus fort sur les populations les plus pauvres en Afrique et en Asie du Sud-Est. L’Organisation mondiale de la Santé estime que 250 millions de personnes souffrent de cette carence en vitamine A, et 40% des enfants de moins de cinq ans dans les pays en développement. Sur la base des statistiques de l’UNICEF, un total de un à deux millions de décès évitables surviennent ainsi chaque année parce que la carence en vitamine A compromet le système immunitaire en mettant les bébés et les enfants en grand danger. La carence en vitamine A elle-même est la principale cause de cécité infantile affectant globalement 250.000 à 500.000 enfants chaque année. La moitié d’entre eux meurent dans les 12 mois du fait de la perte de vision.

NOUS APPELONS GREENPEACE à cesser sa campagne contre le Riz Doré en particulier et contre les cultures et les aliments améliorés grâce aux biotechnologies en général.

NOUS APPELONS LES GOUVERNEMENTS DU MONDE ENTIER à rejeter la campagne de Greenpeace contre le Riz Doré en particulier et contre les cultures et les aliments améliorés grâce aux biotechnologies en général et de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour s’opposer aux actions de Greenpeace et accélérer l’accès des agriculteurs à tous les outils de la biologie moderne, en particulier des semences améliorées par les biotechnologies. L’opposition basée sur l’émotion et le dogme, et contredite par les faits, doit être stoppée. Combien de pauvres gens dans le monde doivent mourir avant que nous considérions cela comme un crime contre l’humanité ?

Cordialement.

La liste des signataires est ici. Y figurent quatre Français : Claude Cohen-Tannoudji, Roger Guillemin, Serge Haroche et Jean-Marie Lehn.

 

> Lire aussi :

 

> Lire également dans les Grandes Archives de S&V :

  • Bricoleurs du vivant S&V n°1180 (2016) – acheter ce numéro. Ils ont trouvé l’outil ! Pour réparer, soigner ou même améliorer les gènes, CRISPR se présente comme l’instrument rêvé des généticiens.

S&V 1180 - CRISPR

S&V 1162 - riz dore

  • OGM : sont-ils dangereux S&V n°1082 (2007). Toxiques pour la santé ? Désastreux pour les
    cultures ? Trop de paramètres sont intriqués, et les spécialistes sont en désaccord.

S&V 1082 - OGM

 

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