Pourquoi le pastis devient trouble à l’ajout de l’eau ?

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Les chimistes parlent d'"effet pastis" pour décrire le phénomène d'un liquide qui se trouble en ajoutant de l'eau. - Ph. Cyclonebill / Flickr / CC BY SA 2.0

Les chimistes parlent d’”effet pastis” pour décrire le phénomène d’un liquide qui se trouble en ajoutant de l’eau. – Ph. Cyclonebill / Flickr / CC BY SA 2.0

Pour comprendre la réaction qui fait passer le célèbre apéritif d’une teinte cuivrée transparente à un jaune laiteux quand il est allongé d’eau, il faut examiner de près sa composition : 45 % d’alcool, 54,8 % d’eau et 0,2 % d’extraits de plantes aromatiques. C’est précisément dans ces derniers que se cache le responsable du trouble.

A savoir l’anéthol, une huile extraite des graines de fenouil et de badiane. Outre le fait qu’il donne au pastis son arôme anisé, l’anéthol, s’il n’est pas soluble dans l’eau (comme toutes les huiles), l’est en revanche dans l’alcool, du moins tant que sa concentration est supérieure à 45 % en volume. Dans la bouteille de pastis, la quantité d’alcool est suffisante pour que l’anéthol se dissolve dans le mélange : la boisson est donc transparente car les molécules d’eau, d’alcool et d’anéthol sont réparties de façon homogène.

L’ajout d’eau empêche à l’anéthol du pastis de rester en solution dans l’alcool

Cet équilibre est rompu dès que l’on ajoute cinq volumes d’eau pour un volume de pastis. La concentration en alcool passe alors bien en dessous de 45 % (à 7,5 %) et les molécules d’anéthol ne peuvent plus rester en solution dans l’alcool. L’huile se concentre alors en fines gouttelettes, de quelques micromètres de diamètre, en suspension dans la boisson, formant une émulsion. Comme le brouillard, ces gouttelettes diffusent la lumière dans toutes les directions et donnent ainsi au pastis son aspect laiteux.

C’est donc un phénomène physico-chimique complexe qui fait la magie du “petit jaune”. Les chercheurs ont d’ailleurs nommé cette réaction “l’effet pastis” !

—J.B.

D’après S&V Questions-Réponses n°16

 

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S&V 1156 alcool

  • L’alcoolisme, une toxicomanie nationaleS&V n°1019 (2002). Alors que l’alcool est assimilé à une drogue toxique depuis 1998, la tradition de le consommer pour le plaisir complique les politiques de prévention.

S&V 1019 alcoolisme

 

En attendant SKA, Première lumière pour Meerkat

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Le réseau SKA comptera à terme deux mille antennes de 13.5 mètres de diamètre. Meerkat compte 64 antennes, dont 16 viennent de produire leur toute première image. Illustration SKA.

Le réseau SKA comptera à terme deux mille antennes de 13.5 mètres de diamètre. Meerkat compte 64 antennes, dont 16 viennent de produire leur toute première image. Illustration SKA.

Ce sera, à n’en pas douter, l’un des instruments scientifiques les plus importants des prochaines décennies. Si le pharaonique projet SKA (Square Kilometre Array) va à son terme, ce réseau de radiotélescopes s’étendant de l’Australie jusqu’à l’Afrique du Sud permettra aux astronomes de percer le mystère de l’origine des étoiles, des trous noirs et des galaxies…
SKA est un projet de « big science » international à plus de un milliard d’euros, comme le LHC, Hubble, Alma ou les futurs JWST et E-ELT. Comme son nom l’indique, il vise à la construction d’un immense radiotélescope virtuel dont la surface atteindrait la valeur prodigieuse de… un kilomètre-carré !
La surface d’un télescope, c’est ce qui fait sa puissance. Si votre pupille, s’ouvre, la nuit, jusqu’à 6 mm de diamètre environ, sa surface avoisine 28 millimètres-carré, c’est suffisant pour contempler quelques milliers d’étoiles dans le ciel et voir les planètes comme des points brillants et colorés. Les miroirs géants actuels du Very Large Telescope, par exemple, offrent une surface de l’ordre de 52 mètres-carré, l’instrument est potentiellement capable d’observer des milliards d’étoiles et de galaxies…
Mais la puissance d’un instrument est aussi fonction de la longueur d’onde qu’il observe. L’œil humain, les télescopes d’amateurs, Hubble dans l’espace, etc, observent le rayonnement visible, situé entre 0,4 et 0,8 micromètre de longueur d’onde, même si désormais, la plupart des télescopes professionnels font des incursions dans l’infrarouge, entre 1 et 5 micromètres…

La première image du ciel prise par seulement 16 antennes du réseau Merkaat donne une petite idée du cosmos qu'explorera SKA lorsque 2000 antennes seront en service... L'image, prise à 21 centimètres de longueur d'onde, révèle de lointaines galaxies actives, certaines montrant des jets de plasma brûlant s'échappant de leurs trous noirs géants. Photo SKA.

La première image du ciel prise par seulement 16 antennes du réseau Merkaat donne une petite idée du cosmos qu’explorera SKA lorsque 2000 antennes seront en service… L’image, prise à 21 centimètres de longueur d’onde, révèle de lointaines galaxies actives, certaines montrant des jets de plasma brûlant s’échappant de leurs trous noirs géants. Photo SKA.

Les radiotélescopes, eux, observent des ondes bien plus grandes, et porteuses de moins d’énergie, entre un millimètre et un mètre de longueur d’onde, disons, pour fixer les idées. Pour observer des astres faibles, et discerner des détails à leur surface, ils doivent être gigantesques… Les antennes d’Effelsberg et Greenbank, mesurant 100 mètres de diamètre, ont une surface de 7800 mètres-carré, les antennes fixes d’Arecibo et de FAST, respectivement de 30 000 et 70 000 mètres-carré…
C’est avec ces chiffres en tête qu’il faut tenter d’imaginer ce que sera SKA, et son kilomètre-carré de surface ! L’engin sera constitué de deux essaims d’antennes, l’un en Australie, l’autre en Afrique du Sud, lesquels pourront bien sûr être couplés entre eux et avec les autres radiotélescopes mondiaux pour synthétiser un télescope global, grand comme la Terre.
Il observera entre un centimètre et un mètre de longueur d’onde, et sera capable dans certaines configurations d’offrir des images plus de dix fois plus précises que les images données par Hubble.

La plupart des galaxies observées par Meerkat étaient inconnues des astronomes. Ici, une galaxie elliptique géante dévoile deux immenses jets s'échappant de son trou noir central. Photo SKA.

La plupart des galaxies observées par Meerkat étaient inconnues des astronomes. Ici, une galaxie elliptique géante dévoile deux immenses jets s’échappant de son trou noir central. Photo SKA.

En attendant SKA, les astronomes d’Afrique du Sud achèvent actuellement la construction de son embryon, Meerkat, un réseau de 64 antennes de 13,5 mètres de diamètre utilisant les mêmes technologies que le futur instrument géant.
La toute première image produite par ses seize premières antennes et publiée ici donne une idée de ce qui nous attend lorsque Meerkat fonctionnera à plein régime, puis quand le réseau intégrera SKA et ses 200 antennes dans une première phase puis 2000 dans une seconde phase. Avec, aujourd’hui, une surface équivalente à une antenne de 2200 mètres-carré, Meerkat a réalisé une image radio grand champ d’une région lointaine de l’Univers révélant des galaxies à noyaux actifs, certaines expulsant des jets de plasmas depuis leurs trous noirs centraux géants.
Un très grand champ de vision, et une résolution exceptionnelle, telles seront les caractéristiques de SKA dans le domaine radio. Sa capacité à obtenir des images du ciel sera comparable à celle des télescopes optiques, mais dans des longueurs d’onde un million de fois plus grandes !
L’Univers de SKA, ce sera le cosmos naissant, le monde tel qu’il existait quelques centaines de millions d’années après le big bang, voici plus de treize milliards d’années. SKA verra, espèrent les astronomes, émerger les premières étoiles et les premières galaxies du plasma d’hydrogène primordial, une observation qui semble désormais hors de portée des télescopes optiques, même aux géants du futur. SKA sera aussi capable d’observer avec une précision étourdissante les environnements des trous noirs géants galactiques, et comme la filiation entre trous noirs géants et galaxies semble s’affirmer au fil des années et des découvertes, c’est, peut-être, l’un des plus grands mystères cosmiques contemporains que l’engin géant lèvera…
Reste à construire SKA. Merkaat, son précurseur, va entrer en service l’an prochain, et, depuis cet embryon de réseau installé en Afrique du Sud, SKA va se déployer, à partir de 2018. L’engin devrait commencer à observer au cours des années 2020 et mériter son nom de « réseau de un kilomètre-carré » donc, au début des années 2030…
Serge Brunier

Particule X : le dénouement approche – Le blog de Mathieu Grousson

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Si dans les prochains jours, le Cern annonce la tenu d’un séminaire spécial, tel que celui organisé pour l’annonce de la découverte du boson de Higgs, en 2012 (ci-dessus), on peut s’attendre à voir confirmée l’existence de la particule X. - Ph. © 2012-2016 CERN

Si dans les prochains jours, le Cern annonce la tenue d’un séminaire spécial, tel que celui organisé pour l’annonce de la découverte du boson de Higgs, en 2012 (ci-dessus), on peut s’attendre à voir confirmée l’existence de la particule X. – Ph. © 2012-2016 CERN

C’est désormais une question de jours. Sous peu, nous saurons si l’étrange signal découvert dans les données prises en 2015 au LHC, l’accélérateur géant du Cern, correspondait aux premières manifestations d’une nouvelle particule non prédite par les théories en vigueur et ouvrant par conséquent une nouvelle ère pour l’exploration de l’infiniment petit. Ou bien une malheureuse fluctuation des données sans la moindre signification.

Tout d’abord, il est désormais clair que suffisamment de données ont été accumulées par les deux détecteurs ATLAS et CMS pour trancher. Un simple doublement par rapport à 2015 aurait été suffisant quand quatre fois plus ont été gravées à ce jour dans la mémoire des ordinateurs du Cern.

Les physiciens connaissent peut-être déjà la réponse sur la particule X

Mieux, à ce jour, il n’est pas interdit de penser que les expérimentateurs eux-mêmes savent à quoi s’en tenir. Selon nos informations, il est possible que les données aient commencé à être passées à la moulinette des analyses ces jours derniers, si bien qu’au plus tard à la fin de la semaine, les dés auront été définitivement jetés. Si tel est le cas, on peut alors s’attendre à voir commencer la valse des rumeurs dans les tous prochains jours, tant le strict respect du blackout imposé par la direction des deux expériences est difficile à tenir s’agissant de collaborations comptant chacune plusieurs milliers de personnes.

Pour tenter de savoir à quoi s’en tenir avant l’annonce officielle, y aura-t-il quelques signes tangibles ? L’un des plus fiable sera probablement à lire dans le programme des conférences et séminaires des prochaines semaines. Ainsi, la prochaine grand-messe de la communauté des particules élémentaires aura lieu à Chicago du 3 au 10 août prochain. C’est d’ailleurs aujourd’hui à elle que renvoient les officiels interrogés sur le calendrier des annonces.

L’annonce pourrait être donnée à Genève ou à Chicago

Sauf que comme l’expliquait Eckhard Elsen, directeur de la recherche et de l’informatique au Cern, lors d’une présentation donnée dans le cadre de la quatrième conférence annuelle du LHC, à Lund (Suède) en juin dernier, il est convenu que tout résultat important fasse d’abord l’objet d’une annonce lors d’un séminaire organisé dans l’enceinte genevoise. Ainsi, en juillet 2012, la découverte du boson de Higgs avait été annoncée depuis le grand amphithéâtre du Cern, en marge des grandes conférences d’été. Comme devrait l’être l’existence de la particule X, si tant est que particule il y ait…

Autrement dit, si le Cern annonce à court terme la tenue d’un séminaire spécial dans ses murs, il y a fort à parier que la physique fondamentale sera en passe de vivre une révolution comme il s’en produit quelques-unes par siècle. Si à l’inverse on s’achemine vers une annonce de résultats depuis la conférence internationale de physique des hautes énergies de Chicago, alors il est vraisemblable que ceux-ci doucheront les espoirs nés des deux petits excès rendus public le 15 décembre dernier.

—Mathieu Grousson

 

Mathieu Grousson est un journaliste collaborateur de Science & Vie spécialiste de la physique fondamentale. Suivez son blog “Particule X” :

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S&V 1152 - LHC boson de Higgs

S&V 1142 - Higgs blues physiciens

  • La matière va enfin parler S&V n°1129 (2011). Moment clou : tout le monde a les yeux rivés sur le LHC, qui confirmera enfin l’existence du boson de Higgs, des décennies après sa théorisation.

S&V 1129 - boson de Higgs LHC

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Attentats : Comment vivre quand tout le monde est une cible ?

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La barbarie a pris le pas sur la féérie. L’auteur de l’attentat ne pouvait ignorer que nombre de familles assistaient au feu d’artifice. Selon Nice-Matin, 54 mineurs ont été admis à l’hôpital pédiatrique Lenval depuis jeudi soir. En tout, dix enfants et adolescents ont été tués lors de l’attaque du camion. Or les enfants sont choqués à la mesure de leur identification aux victimes : ils auraient pu être à leur place.


En tant que parents, inutile de chercher à cacher notre effarement sur le coup, mais on doit assurer que c’est passager, insiste Angélique Kosinski Cimelière, psychologue clinicienne pour enfants. Quelques jours après, il est important de dire que notre peur est passée, mais qu’eux ont le droit d’éprouver ce qu’ils éprouvent et qu’il vaut mieux l’exprimer : « Le mot d’ordre, c’est de rassurer et d’expliquer. » Attention au flot d’informations violentes. « Particulièrement avant 10 ans, on les tient à l’écart des images, souligne la psychologue. Et surtout, on pense à débrancher, à être à la maison avec eux, à leur consacrer du temps. »


Comment expliquer les attentats aux enfants ?


Une menace qui échappe aux probabilités


Cet attentat, survenu le jour de la fête nationale, n’a rien d’anodin, les enfants le sentent bien. Il vise explicitement la France et ce en quoi elle croit. Fête nationale, feu d’artifice, insouciance et unité : « C’est un mode de vie, mais au-delà c’est un art de vivre à la française », analysait déjà le sociologue et sémiologue Alain Mergier à propos de l’attentat au Bataclan. Spécialiste des processus d’opinion, il a cosigné Janvier 2015 : le catalyseur (Fondation Jean Jaurès), une analyse de l’impact des attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher sur le vote des classes populaires. À nouveau, ces valeurs ont été visées : « Le café en terrasse, le match de foot, la musique, la mixité, l’insouciance. Tout cela crée du “nous”. Nous appartenons à cet art de vivre. Ce ne sont pas des valeurs abstraites, mais des valeurs de vie quotidienne qui sont en jeu. Nous y tenons, car elles nous tiennent ensemble. »


Prolongé de trois mois, l’état d’urgence marque la continuité avec cette réalité nouvelle « dans laquelle se reconfigure le rapport que le public entretient avec le danger, poursuit le sociologue. Nous passons d’une situation dans laquelle des attaques terroristes étaient probables, un risque à peu près mesurable, à une situation dans laquelle elles deviennent certaines, une menace qui échappe aux probabilités. C’est cela la guerre : le passage du risque à la menace, les actes terroristes ne sont plus exceptionnels, ils deviennent une dimension constitutive de la réalité ordinaire. »


Cette guerre aveugle est d’autant plus anxiogène qu’elle n’a ni contours, ni déclaration, ni front. Impossible de se mobiliser contre un ennemi visible, qui pratiquerait le respect de certains implicites : la trêve, la protection des civils, à plus forte raison les enfants. Les coups tombent sans prévenir. À quand le prochain ? Et où ? Plus grave encore : notre système de protection, pourtant paré à toute éventualité comme il l’était à Nice, s’avère totalement dérisoire et incapable d’éviter l’horreur. Comment maintenir leur sentiment de sécurité, quand n’importe qui semble pouvoir être la prochaine cible ?

Ils ont conçu une micro-fabrique de vin !

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Les chercheurs "micro"-trinquent avec leur vin fabriqué sur une puce (EPFL 2016).

Les chercheurs “micro”-trinquent avec leur vin fabriqué sur une puce (EPFL 2016).

Cela a été pensé dans un but scientifique : tester l’effet du climat et des levures sur la qualité des vins. Mais il faut appeler un chat “un chat” : des chercheurs ont mis sur pied une micro-fabrique de vin en continu délivrant le divin breuvage au goutte à goutte (1 millilitre par heure), soit un ballon de rouge (12,5 cl) tous les 5 jours, soit une bouteille par mois environ…

Si les chercheurs, de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse) et de l’université d’État de l’Iowa (États-Unis), avouent que “le résultat n’est pas aussi bon que du vin normal“, leur invention intéresse les organismes viticoles et le secteur de la pharmacologie.

Dans des micro-circuits, le jus de raisin devient vite du vin

Leur système fait partie du domaine scientifique de la microfluidique, qui s’intéresse au comportement des fluides dans des structures microscopiques (capillaires, membranes semi-perméables, etc.).

Exemple de dispositif microfluidique. Les canaux en serpentin font entre 50 micromètres d’épaisseur (iX-factory via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Gravé sur une puce, le système contient notamment un micro-canal par lequel circule du jus de raisin, et dans un micro-compartiment adjacent de la levure est stockée. Le compartiment communique avec le canal via une membrane nano-poreuse, si bien que la levure peut  entrer en contact avec le fluide.

Les levures et le jus en contact au travers d’une membrane poreuse

Les levures effectuent alors leur travail de fermentation alcoolique : absorber et digérer le sucre (glucose), en produisant de l’alcool (principalement de l’éthanol), du gaz carbonique (CO2) et de l’énergie (qui lui sert à vivre et à se reproduire).

Le résultat de cette réaction intègre le canal si bien que le fluide sortant a les caractéristiques du vin (eau, alcools, sucres, acides), certaines provenant de la digestion des levures, d’autres contenues dès le départ dans le jus de raisin.

Le secteur viticole français en crise climatique

L’intérêt du système est sa rapidité de fonctionnement : à l’échelle du micron, les réactions chimiques se produisent bien plus rapidement que dans une cuve à vin. L’inconvénient étant bien sûr que le résultat se mesure en millilitres par heure.

S’il est évident qu’un tel moyen de production n’entre pas en concurrence avec les techniques traditionnelles, il constitue un extraordinaire outil de recherche pour l’industrie vinicole, confrontée depuis quelques années aux effets de la crise climatique.

Revoir les processus de fabrication

Car le réchauffement climatique a altéré les processus traditionnels de production de vin en France, comme l’a révélé un récent article de la revue Nature. Les grappes de raisin murissent plus vite, et la teneur d’alcool tend à augmenter dans le produit final (ainsi que d’autres variations de composants).

Les industries viticoles cherchent donc à adapter les traitements de fermentation à ces modifications (types de levures, concentrations, températures, etc.).

Vin et médicaments

Or disposer la micro-fabrique suffit pour tester de nouvelles solutions pour le processus de vinification, ce sur le terrain et en temps réel (car le climat et la météo demandent une capacité de réaction rapide).

Selon les chercheurs, l’industrie pharmaceutique cherche également à disposer d’outils de test rapide sur les levures et autres champignons ou bactéries pour la synthèse de nouvelles substances – mais dans ce cas, il faudra s’abstenir de trinquer avec.

–Román Ikonicoff

 

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  • Climat : le tour de France des régionsS&V n° 1178 – 2015 – Comment le changement climatique va-t-il se traduire au niveau local en France ? A quoi ressembleront nos régions en 2050 ? En 2100 ? Science & Vie s’est lancé dans une vaste enquête. Du vin de bordeaux à la pêche en Bretagne et des neiges alpines à la betterave du Nord ou les cigognes d’Alsace, voici 66 défis.
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  • Alimentation : enquête sur les nouveaux interdits – S&V n°1158 – 2014. Avec les progrès de la recherche médicale, de plus en plus d’études démontrent les bienfaits ou les inconvénients d’aliments pour lesquels jusqu’à récemment on ne se posait pas de questions. Un point sur ces nouveaux dogmes et interdits alimentaires.

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Le “test de Turing” censé déceler l’intelligence d’une machine est vraiment faillible

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Le test de Turing pour déterminer l'intelligence d'une machine est-il faillible ? (Matt Chan via Flickr CC BY 2.0).

Le test de Turing pour déterminer l’intelligence d’une machine contient un bug fondamental (Matt Chan via Flickr CC BY 2.0).

Cela fait 66 ans qu’on n’a pas trouvé mieux que le test imaginé en 1950 par l’Anglais Alan M. Turing. Celui qui fut, entre autres !, le précurseur de l’Intelligence artificielle (IA) trouva en effet une manière de mesurer l’intelligence d’une machine malgré le manque de définition scientifique claire et univoque de ce concept (ce qui est encore le cas).

Mais deux spécialistes de l’IA viennent de publier un article dans le Journal of Experimental & Theoretical Artificial Intelligence révélant les limites de ce test, alors que les progrès et la diffusion de l’IA dans de nombreux secteurs dont la sécurité rend absolument nécessaire l’évaluation de leur niveau d’intelligence.

Une machine qui bugge peut donner l’illusion d’être intelligente

La trouvaille des auteurs n’est pas technique, et peut même sembler franchement anecdotique. Mais elle a l’avantage d’enterrer un peu plus ce test basé sur le jugement humain et non pas sur une définition scientifique de l’intelligence.

Les auteurs montrent en effet comment plusieurs systèmes IA ont gagné au test tout simplement en buggant et donc en ne répondant pas aux questions des évaluateurs.

Le test de Turing

Le “jeu de l’imitation”, comme l’a nommé Turing dans son article originel, est très simple. Il suffit d’enfermer dans une salle une personne (le “juge”) munie d’un terminal d’ordinateur en lui permettant de communiquer avec une autre personne et l’IA qu’on veut tester – aucun ne voit l’autre.

Animation représentant le fonctionnement du test de Turing (Holly Bellman via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Animation représentant le test de Turing (Holly Bellman via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Par des questions, le juge doit déterminer lequel est humain et lequel est une machine. Dans une version plus simple (ou “dégradée”) utilisée généralement, le juge fait face (caché) à un seul interlocuteur dont il ignore s’il est humain ou machine.

Pour une machine donnée, quand plus de 30% des juges ne peuvent décider si les réponses proviennent d’un humain ou d’une machine, alors la machine remporte le test – et elle est donc supposée avoir une intelligence comparable à la nôtre. CQFD

Des concours de tests de Turing peu concluants

Or l’un des auteurs de l’article, Kevin Warwick a co-organisé plusieurs concours de tests de Turing, notamment celui de 2014 à la Royal Society de Londres pour les 60 ans de la mort (par suicide) d’Alan Turing en 1954.

Et Warwick a observé que plusieurs cas de disfonctionnement des IA avaient conduit à un mauvais jugement : celles-ci ne répondaient plus au juge, lequel ne pouvait donc pas trancher. Or quand le juge ne peut trancher, a dit Turing, c’est que l’intelligence de la machine ne peut être distinguée de la nôtre.

Conversations buggées

Voici un exemple de test mené en 2008, présenté dans l’article :

  • [13:12:39] Juge: Avez-vous déjà écouté du mozrt ? Qu’avez-vous ressenti ?
    [13:13:11] Entité:
    [13:13:34] Juge: Avez-vous écrit quelque chose ? Je ne le vois pas ?
    [13:14:05] Entité:
    [13:14:50] Juge: Vous ne dites toujours rien, un problème d’ordinateur ?
    [13:15:22] Entité:

Après 5 minutes de ce dialogue de sourds, le juge n’a fait d’autre commentaires que : “incertain”. Du coup la machine a “remporté” cette manche. Les auteurs de l’article multiplient les exemples de ce type, montrant la faillibilité du test imaginé par Turing.

Une limite de la science ?

Les critiques au test de Turing sont légions depuis soixante ans. Mais l’inexistence d’une alternative – autre que trouver enfin une hypothétique définition exacte et technique de l’intelligence – a un moment où les IA débarquent rend le problème vraiment sérieux.

–Román Ikonicoff

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  • Test : êtes-vous une machine ? S&V n°1028 (2003). Sur internet, un test vise à essayer de faire la différence entre une intelligence humaine et une artificielle. Comme l’avait imaginé le mathématicien Alan Turing en son temps.

S&V 1028 - test Turing IA

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Attentats : “Pour les enfants, la réalité est moins angoissante que les fantasmes“

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Comment expliquer les attentats aux enfants ?


Une nouvelle fois, la France a été frappée. On avait pourtant dit aux enfants qu’on ferait tout pour éviter cela… Que leur dire, cette fois-ci ?


La première chose, c’est qu’effectivement mieux vaut « dire » que montrer des images. J’invite à protéger les enfants d’un bain continu d’images, qui ont un réel impact traumatique, surtout lorsqu’elles passent en boucle.

Ensuite, cet…

Hubble observe une nébuleuse bien plus jeune que l’humanité

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Le télescope spatial Hubble a réalisé une nouvelle image du cœur de la nébuleuse du Crabe, dans la constellation du Taureau. Au centre de la nébuleuse, le vestige de l'étoile supergéante rouge qui a explosé s'éteint lentement, mais cette étoile à neutrons brille encore autant que notre Soleil ! Le champ de cette image mesure environ 3,3 années-lumière, les plus fins détails mesurent 1,5 milliard de kilomètres. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Le télescope spatial Hubble a réalisé une nouvelle image du cœur de la nébuleuse du Crabe, dans la constellation du Taureau. Au centre de la nébuleuse, le vestige de l’étoile supergéante rouge qui a explosé s’éteint lentement, mais cette étoile à neutrons brille encore autant que notre Soleil ! Le champ de cette image mesure environ 3,3 années-lumière, les plus fins détails mesurent 15 milliards de kilomètres. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Les astronomes de l’Institut du télescope spatial Hubble viennent de rendre publique une image prise avec le célébrissime instrument, satellisé en 1990, et qui ne cesse depuis un quart de siècle de nous offrir des images du ciel d’une sidérale netteté. La dernière image produite par Hubble nous conte une histoire récente, à l’échelle du cosmos, tellement récente que l’astre que le télescope a photographié est bien plus jeune que l’humanité…
Au matin du 4 juillet 1054, il y a 962 ans, une étoile apparut soudainement dans la constellation du Taureau. Visible en plein jour, cent fois plus lumineux que les étoiles les plus éclatantes de cette région du ciel, Aldébaran, Capella, Procyon, Bételgeuse et Rigel, cet astre extraordinaire était plus brillant que la planète Vénus ou un croissant de Lune ! Cet événement marqua profondément l’humanité en ce début de second millénaire et les chroniqueurs, en Asie et en Europe, le rapportèrent dans leurs mémoires. Quelques mois plus tard, l’astre disparut, la constellation du Taureau reprit son aspect habituel, et « l’étoile invitée » fut oubliée…
Oubliée presque mille ans. C’est en 1950 que les astronomes contemporains retrouvèrent dans les chroniques chinoises de la dynastie Song l’extraordinaire phénomène céleste de juillet 1054 et firent le rapprochement avec un objet énigmatique, appelé nébuleuse du Crabe, se trouvant aujourd’hui dans la même région de la constellation du Taureau. Ils comprirent très vite, en étudiant la nébuleuse du Crabe, qu’il s’agissait des restes d’une étoile disparue : l’astre d’une luminosité inouïe observé en 1054 était une supernova, l’explosion signant la fin cataclysmique d’une étoile supergéante.

La nébuleuse du Crabe, vue à gauche par le Very Large Telescope européen, mesure une douzaine d'années-lumière et est distante de 6500 années-lumière environ. Les filaments de gaz issus de l'explosion de la supernova de l'an 1054 filent à mille kilomètres par seconde dans le cosmos. Dans quelques dizaines de milliers d'années, la nébuleuse, diluée et refroidie, se sera fondue dans le milieu interstellaire, qu'elle aura enrichie de ses éléments lourds, carbone, oxygène, silicium, fer, or... Photos ESO/Nasa/ESA/STSCI.

La nébuleuse du Crabe, vue à gauche par le Very Large Telescope européen, mesure une douzaine d’années-lumière et est distante de 6500 années-lumière environ. Les filaments de gaz issus de l’explosion de la supernova de l’an 1054 filent à mille kilomètres par seconde dans le cosmos. Dans quelques dizaines de milliers d’années, la nébuleuse, diluée et refroidie, se sera fondue dans le milieu interstellaire, qu’elle aura enrichie de ses éléments lourds, carbone, oxygène, silicium, fer, or… Photos ESO/Nasa/ESA/STSCI.

La nébuleuse du Crabe se trouve à 6500 années-lumière de la Terre. Cette coquille de gaz expulsée lors de l’explosion de la supernova de 1054 s’échappe à plus de mille kilomètres par seconde du lieu de l’explosion, c’est à dire cent fois plus vite qu’une fusée terrestre en partance pour l’espace ! En un peu moins de mille ans, ses filaments d’hydrogène, d’hélium, d’oxygène, d’azote ont déjà parcouru une demie douzaine d’années-lumière, soit plus de soixante mille milliards de kilomètres. La nébuleuse s’étend progressivement, s’agrandissant d’environ cinquante milliards de kilomètres par an. Sur les photographies prises depuis les années 1950, les astronomes peuvent suivre son évolution…
Il est très probable que l’étoile qui a explosé en 1054 était une supergéante rouge, ressemblant à Bételgeuse d’Orion ou Antarès du Scorpion. Cette supergéante, vue sa distance, devait être visible à l’œil nu mais briller modestement, comme ses voisines du Taureau, à l’exception de la brillante Aldébaran. Si l’explosion de 1054 a complètement détruit cette étoile, il demeure cependant, au centre de la nébuleuse du Crabe, un minuscule résidu, appelé étoile à neutrons par les astronomes. Il s’agit de l’ancien cœur nucléaire de la supergéante.
Cet astre dense et brûlant a des caractéristiques surréalistes, dignes d’un roman de Lewis Carroll. Il faut tenter d’imaginer une sphère parfaite, aveuglante, tournant trente fois par seconde sur elle-même. Cette sphère est constituée de neutrons presque collés les uns contre les autres, conférant à la sphère une solidité dix milliards de fois supérieure à celle de l’acier et une densité de l’ordre de un million de milliards : un dé à coudre de cette matière extraterrestre pèserait sur Terre un milliard de tonnes…
De fait, ce vestige de cœur d’étoile qui s’éteint lentement ne mesure qu’une vingtaine de kilomètres de diamètre, pour une masse environ deux fois supérieure à celle du Soleil !
Une extinction toute relative, cependant, car ce minuscule cœur stellaire dénué de réactions nucléaires est aujourd’hui toujours aussi brillant que le Soleil…

Serge Brunier