Particule X : dans les pas du boson de Higgs – Le blog de Mathieu Grousson

Standard

En 2012, le boson de Higgs s’est d’abord manifesté - ici dans le détecteur CMS - sous la forme de deux photons, fruits de sa désintégration. Si elle est confirmée, la découverte du X empruntera le même canal.

En 2012, le boson de Higgs s’est d’abord manifesté – ici dans le détecteur CMS – sous la forme de deux photons, fruits de sa désintégration. Si elle est confirmée, la découverte du X empruntera le même canal.

Il y a un peu plus de 4 ans, précisément le 4 juillet 2012, dans le grand amphithéâtre du Cern, près de Genève, les physiciens du LHC annonçaient au monde la découverte du boson de Higgs. A priori, rien de commun avec le X, cette particule dont les premiers signes ont peut-être été observés fin 2015, et dont l’existence pourrait être confirmée tout prochainement. D’une part, le Higgs était attendu depuis des décennies, quand le « petit excès » rendu public le 15 décembre dernier a fait l’effet d’une véritable surprise. D’autre part si le premier signifiait que le modèle standard, l’actuelle théorie de l’univers élémentaire, était enfin complet, le second ouvrirait une nouvelle ère de l’exploration de l’infiniment petit.

Le cousin “obèse” du boson de Higgs ?

Et pourtant… Tout d’abord, selon certains théoriciens, si X il y a, celui-ci pourrait bien constituer une sorte de cousin obèse du boson de Higgs, cette particule qui, au sein du modèle standard, confère leur masse à toutes les autres.

Plus précisément, dans les années Soixante, une poignée de théoriciens parvient à fusionner sur le papier deux des quatre forces fondamentales : l’électromagnétique et l’interaction faible. Pour autant, contrairement au photon – la particule vectrice de l’électromagnétisme – les bosons W et Z, qui transmettent l’interaction faible, sont extrêmement massifs. Or cet embonpoint est incompatible avec une symétrie mathématique fondamentale (dite symétrie de jauge) sur laquelle la théorie électrofaible est fondée, au point de réduire cette dernière à un fatras d’incohérences mathématiques. Jusqu’à l’introduction d’une particule supplémentaire dans l’édifice, le boson de Higgs, dont l’effet dans les équations est de rendre compatible la symétrie de jauge avec la masse des W et Z.

La particule X pourrait être l’un des cinq bosons de Higgs prévus par certaines théories

Au-delà, les physiciens constatent que l’interaction de ces particules avec le Higgs revient à les affubler d’une masse. Ainsi, le “Higgs” ne rend pas seulement compatible les symétries de la théorie électrofaible avec le fait que le W et le Z ont une masse, il donne une raison à l’existence même de ces masses. Mieux encore : on se rendra compte par la suite qu’il explique de la même manière la masse des particules de matière, les quarks et les leptons.

Dans le cadre du modèle standard, une seule particule suffit pour remplir ce rôle. En revanche, plusieurs de ses extensions supersymétriques prévoient l’existence non pas d’un unique boson de Higgs, mais de cinq. Or selon plusieurs théoriciens, la particule X pourrait tout à fait constituer l’un d’entre eux.

Les premiers signes de la particule X ressemblent à ceux du boson de Higgs

Mais le lien entre les deux particules va au-delà. Ainsi, le signal naissant observé fin 2015 consiste en un petit excès de photons à l’origine d’une petite bosse dans les graphiques résumant les résultats expérimentaux. Or fin 2011, c’est exactement de la même manière que le boson de Higgs a commencé à se manifester. Et de même qu’aujourd’hui, il était alors impossible de dire si ces quelques particules de lumière surnuméraires constituaient les produits de désintégration d’une poignée de bosons de Higgs, ou bien une simple fluctuation des données. Ce n’est qu’à l’issue d’une prise de données supplémentaire que l’excès initial s’est transformé en un signal incontestable.

Faut-il y voir le signe que l’histoire est en train de se répéter, et que d’ici quelques semaines le X va finir de prendre corps dans le creuset de l’accélérateur géant ? « Il est impossible de nier qu’il y a une vraie proximité entre les deux observations, confirme un expérimentateur. D’où en partie l’excitation dans laquelle nous sommes depuis plusieurs mois. » Et dont tout le monde espère qu’elle explosera en apothéose dans le grand amphithéâtre du Cern avant la fin de l’été…

—Mathieu Grousson

 

Mathieu Grousson est un journaliste collaborateur de Science & Vie spécialiste de la physique fondamentale. Suivez son blog “Particule X” :

cartouche-particule-X

> En savoir plus :

Capture

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V / acheter :

S&V 1152 - LHC boson de Higgs

  • Pourquoi le boson de Higgs n’est pas la fin de l’histoireS&V n°1147 (2013) – Après la découverte du boson de Higgs, qui est venu compléter et confirmer le modèle standard des particules, certains s’interrogeaient sur la suite : est-ce la fin de la recherche en physique des particules ? Que non !

S&V1147

  • La matière va enfin parler S&V n°1129 (2011). Moment clou : tout le monde a les yeux rivés sur le LHC, qui confirmera enfin l’existence du boson de Higgs, des décennies après sa théorisation.

S&V 1129 - boson de Higgs LHC

> Lire également :

 

"Maman, je ne veux pas partir en colo !"

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Version imprimable

Les jolies colonies de vacances ? La première expérience peut être mal vécue par l’enfant. Elle peut faire surgir des peurs difficiles à maîtriser, voire insurmontables. Comment réagir en tant que parents ? Faut-il renoncer à l’envoyer ou faire la sourde oreille ? L’accompagnement varie, s’il s’agit d’une peur de l’inconnu (légitime) et d’une crainte passagère liée aux changements de repères ou bien d’un refus catégorique renvoyant à une angoisse de séparation qui n’aurait pas été prise en charge. Différentes techniques peuvent aider : l’écoute active, l’EFT (Emotional Freedom Techniques, technique de libération émotionnelle), qui stimule des points d’acupuncture et diminue le stress, ou bien la mémoire d’une séparation traumatisante. Psychologue, psychothérapeute et sophro-relaxologue nous livrent les clefs d’un dialogue réussi.

Ne dites pas…

« Tu es un bébé, tu es ridicule ! » 

Dites…

« Quand t’est-il arrivé d’avoir peur comme ça ? »

L’humiliation provoque des blessures et n’est jamais payante en matière d’éducation, comme la comparaison avec un frère ou un camarade plus téméraire. Évitez : « Tu verras, tu vas t’amuser, ça va vite passer. » Sans doute avez-vous raison, mais rassurer trop vite et trop tôt votre enfant empêche le dialogue. Vous cherchez à positiver cette aventure sans donner d’assurance concrète. C’est une façon de botter en touche et de nier ce qu’il ressent. Marie-Claire Penot, sophrologue et relaxologue, auteure de Je gère ! Les émotions de mon enfant (Solar), engage précisément les parents à explorer cette voie, même si elle est désagréable : « Toute émotion est un mouvement de vie. La peur de la séparation est normale, légitimez-la ! » Évoquez des moments difficiles où il a dû surmonter sa peur.

Cherchez avec lui des expériences plus ou moins traumatisantes : le trac ressenti lors d’un gala de fin d’année, la panique en réalisant qu’il s’était perdu dans un magasin, etc. Ajoutez : « Je sais que ça a été difficile pour toi. Comment as-tu réagi ? » « Il faut aussi souligner que la peur passe, ajoute Marie-Claire Penot, on ne l’éprouve plus dans l’action. » Insistez alors : « Te souviens-tu de ce que tu as ressenti lorsque nous nous sommes retrouvés ? » L’enfant cherchera : soulagement, fierté, légèreté, joie, etc. Une ressource sur laquelle il peut désormais s’appuyer pour affronter le prochain obstacle. « Si vous autorisez votre enfant à vivre sa peur, il développera du courage et de l’estime de soi, puisque vous l’aurez accueilli tel qu’il est. »

Ne dites pas…

« Pourquoi as-tu peur ? »

Dites…

« Que ressens-tu ? »

« Prenez votre enfant au sérieux, intime le psychothérapeute Jean-Michel Gurret, spécialiste français de l’EFT, auteur de Finis les chagrins, les peurs et les colères (Leduc.s, à paraître en août), écoutez ce qu’il essaie de vous dire. Laissez s’exprimer son émotion afin de ne pas la bloquer et l’enkyster. Autrement, on fabrique des personnes incapables de verbaliser ce qu’elles ressentent. »

Asseyez-vous tranquillement et prenez le temps de discuter avec votre enfant en évitant des questions telles que « mais de quoi as-tu peur ? », comme le prévient le thérapeute. « L’enfant ne peut répondre au “pourquoi”. Il ignore la raison de son ressenti. Ses structures du cortex préfrontal n’inhibent pas encore ses émotions. Il faut savoir que le cerveau n’est mature qu’à partir de 15 ans. » En revanche, il pourrait tout à fait vous répondre : « J’ai mal au ventre, la gorge serrée, l’estomac noué… » C’est déjà un début de maîtrise ! C’est alors aux parents de nommer l’émotion et d’ajouter : « C’est normal. C’est même important qu’elle sorte ainsi, autrement elle resterait bloquée en toi et s’exprimerait d’une autre manière, plus forte et psychosomatique. » Le thérapeute invite ensuite les parents à stimuler différents points d’acupuncture en pressant le bout des doigts de l’enfant, par exemple, ou le « point du karaté » (le flanc des mains). « C’est une technique très adaptée pour les enfants hyperactifs qui peinent à entrer dans des exercices de yoga ou de pleine conscience, poursuit-il. Ils y voient un jeu. Ils peuvent ensuite réaliser ces automassages pour se calmer, même s’ils sont loin de leurs parents. » L’émotion de l’enfant, ainsi légitimée, disparaîtra.

Ne dites pas…

« Arrête d’en faire tout un plat ! »

Dites…

« Je vais continuer à t’aimer, même quand je serai loin. »

Si sa réaction vous semble disproportionnée (pleurs récurrents, cauchemars, tics), sans doute l’enfant est-il renvoyé à un vécu antérieur traumatisant. « Ce traumatisme trouve sa source dans la toute petite enfance », précise la psychologue Véronique Lemoine Cordier, cofondatrice de l’association Mieux connaître l’angoisse de séparation (mcads.org). Elle encourage les parents à en « faire mémoire » avec l’enfant et à mettre des mots dessus.

Revenez sur l’événement (par exemple, un week-end seul chez ses grands-parents ou une soirée loin de vous) et expliquez-lui qu’il a pu penser que vous l’abandonniez en certaines occasions, mais que ce n’était que quelques heures et que vous êtes revenu. L’enfant a ressenti que vous ne l’aimiez plus. Dites-lui que cela n’a jamais été le cas, pas plus hier que maintenant. Et que demain, ce sera pareil. Préparez l’enfant à cette nouvelle séparation en plusieurs étapes, en essayant de détailler ce qu’il va affronter : « Tu vas partir dans un lieu que tu ne connais pas encore, avec des animateurs qui ne sont pas tes parents, je sais que ce qui est nouveau pour toi est inquiétant. Ça peut te rappeler ce que tu as vécu bébé. Mais tout ce que tu as cru alors, tu sais maintenant que ce n’était pas vrai. »

Auteure du Guide de survie à l’usage des parents (Quasar), la thérapeute invite alors à revenir sur les trois angoisses vécues : abandon, perte d’amour et angoisse de mort. « Pendant que tu seras en colonie, je vais continuer à t’aimer. Si on te confie à ces personnes, c’est parce qu’on sait que tu y seras en sécurité. Autrement, on ne t’y enverrait pas. Tu sais qu’on se retrouvera dans six jours. » Et d’assurer : « Ces paroles sont l’antidote à son traumatisme. »

Une séparation bien vécue fait grandir. « Savoir se séparer permet d’être ajusté dans ses relations : ni dans la fusion, qui entraîne la confusion, ni dans une volonté farouche d’indépendance qui coupe de l’autre, conclut-elle. Affronter l’inconnu, quitter ses repères, les personnes que l’on aime, sont des signes d’une maturité affective. » Dès lors, tous les ans, il voudra que ça recommence.

 

> Astuces de parents :

« L’an dernier, notre fils de 12 ans a annulé son départ en colonie de vacances. Nous avons choisi de ne pas le forcer. Cette année, son groupe de scouts organisait un camp d’été de trois semaines et il refusait d’y aller. Il avait peur de partir seul, d’être obligé de réaliser des activités qui ne l’attiraient pas. Je l’ai invité à en parler avec la responsable du groupe. Il lui a posé des questions et a pu discuter avec des anciens. Cela l’a rassuré. Il a aussi vérifié que certains de ses amis y allaient. Et je lui ai offert un couteau suisse. » Un beau symbole de sa prise de risque et de son autonomie.
Natacha, 2 enfants, Clermont-Ferrand.

> À lire :
Je gère ! Les émotions de mon enfant, de Marie-Claire Penot, Solar, 12,90€.
Finis les chagrins, les peurs et les colères,
de Jean-Michel Gurret, Leduc.s, 16€ (à paraître).
Guide de survie à l’usage des parents, de Véronique Lemoine Cordier, Quasar, 20€.

Sur le terrain, l’intelligence collective mène le jeu

Standard
  • Partager par Facebook
  • Partager sur Twitter
  • Envoyer par email
  • Pour imprimer cet article, vous devez être abonné

Surnommé le « Mage de Fusignano », sa ville natale, le stratège italien Arrigo Sacchi a révolutionné le football. Le Transalpin était animé par une conviction, qu’il assénait à ses joueurs : « Le collectif est meilleur que l’individu. » Entraîneur du Milan AC, avec lequel il remporta deux Coupes d’Europe des clubs champions, en 1989 et 1990, sélectionneur de l’Italie de 1991 à 1994, Sacchi l’affirmait : « J’ai toujours pensé que le football naît du cerveau, et non des pieds. » [...]

 

Hors-série La Vie : Êtes-vous intelligent ?

L’intelligence analytique, l’intelligence artificielle, l’intelligence émotionnelle, l’intelligence de situations, les phénomènes d’intelligence (les performances)… À chacun sa forme d’intelligence. Pour autant, ceux qui réussissent sont-ils intelligents ? L’élitisme républicain a t-il disparu ? Le discernement, forme supérieure de l’intelligence ?
> 68 pages. 6,90€. À commander sur notre boutique en ligne.

 

 

 

 

Nous partageons nos aptitudes sociales avec les abeilles, affirme une étude

Standard

La communication verbale des humains et celle par phéromones des abeilles pourraient provenir d'une même source génétique (Lestat via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

La communication verbale des humains et celle par phéromones des abeilles pourraient provenir d’une même source génétique (Lestat via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Se pourrait-il que les aptitudes sociales des humains, notamment la communication verbale, aient les mêmes fondements génétiques que celles des insectes dits sociaux, comme les abeilles ?

Alors que le dernier ancêtre commun entre insectes et mammifères (dont Homo sapiens) a vécu il y a 670 millions d’années, une étude met en lumière pour la première fois un groupe de gènes communs entre ces deux branches du vivant qui, chez les humains, serait impliqué dans le développement du langage.

Une structure partagée entre insectes et mammifères

En vérité, cette étude de “génomique sociale” (social genomics) ne concerne pas seulement les humains mais des dizaines d’espèces, aussi bien d’insectes sociaux et non sociaux que de mammifères (dont les humains), toutes comparées aux abeilles (Apis mellifera), prises comme espèce de référence.

De plus, le résultat est un peu plus subtil qu’annoncé ci-dessus : il s’agit non pas à proprement parler d’un réseau de gènes identiques partagés par les abeilles et les mammifères, mais d’un motif commun de “régulation” entre gènes – les gènes eux-mêmes étant assez différents, car ils ont varié d’espèce en espèce au cours du temps.

Phéromones et fonctions cérébrales

Plus précisément, les abeilles et les mammifères partageraient un même type de dynamique biochimique entre des gènes intervenants, pour les premiers, dans la production et l’émission de phéromones spécifiques (phéromones d’alerte), pour les autres dans les structures cérébrales liées à des fonctions de communication avec leurs semblables.

Les chercheurs en ont déduit d’abord que les aptitudes sociales observées chez les insectes sociaux et chez les mammifères proviennent de leur dernier ancêtre commun – contrairement à l’hypothèse qu’elles se seraient développées indépendamment après la scission entre ces deux grandes branches (évolution convergente).

Entre abeilles et humains, un héritage commun ?

C’est ensuite, en guise de conclusion, que les chercheurs ont émis l’hypothèse osée d’un lien entre cet héritage génétique et le développement du langage chez les humains.

Une hypothèse basée sur une analyse de la nature de ce groupe de régulation génétique, mettant en jeu quelque 25 gènes, notamment son implication dans le développement de certains circuits cérébraux.

Les circuits sous-tendant le langage chimiques des abeilles à miel et le langage verbal humain pourraient être des analogues génétiques” disent les chercheurs. Il reste à transformer cette hypothèse en certitude (ou à la contredire).

–Román Ikonicoff

 

> Lire également :

 

Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  • Les Grandes Archives de S&V : l’évolution. Formulée par Darwin au milieu du XIX° siècle, la théorie de l’évolution décrit l’histoire du vivant à partir de deux principes : la descendance avec transformation et la sélection naturelle. Les espèces qui vivent aujourd’hui sur terre partagent donc toutes des ancêtres communs. Celles qui ont disparu n’était plus adaptées à leur milieu.

 

  • Les nouveaux mystères de l’ADN – S&V n°1145 – 2013 – Depuis la découverte de la structure de l’ADN, en 1953, les biologistes ne cessent de s’étonner de la sophistication de cette minuscule machinerie qui contient toutes les informations pour faire fonctionner un organisme vivant. C’est un véritable langage, dont les paroles sont des protéines, qui est loin d’avoir été parfaitement déchiffré.

1145bis

  • A quoi pensent les invertébrés – S&V n°1144 – 2013. Ils éprouvent des émotions, sont sensibles à la douleur, voire ont une vie intérieur… Qui donc ? Les invertébrés.

S&V 1444 invertébrés