Une étude dévoile 194 nouvelles aires dans notre cerveau !

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Tel est le nouveau paysage cérébrale révélé par l'étude (Glasser et al, Nature 2016).

Tel est le nouveau paysage cérébral révélé par l’étude (Glasser et al, Nature 2016).

Le cerveau humain, cet organe de quelque 1,4 kg consommant 20% de notre énergie (au repos!), est un territoire méconnu. Mais de moins en moins… Car une nouvelle étude basée sur plusieurs techniques d’imagerie et sur un algorithme d’intelligence artificielle vient de repousser très loin l’étendue de nos connaissances, ajoutant aux 166 régions déjà répertoriées du cortex cérébral, 194 régions nouvelles.

Basée sur des milliers de données issues du Human Connectome Project (HCP) – une initiative dédiée à l’étude du cerveau réunissant de nombreuses institutions -, l’étude marque une avancée majeure dans la connaissance et devrait servir à l’étude des pathologies cérébrales.

360 “pays” forment le cerveau humain

180 aires par hémisphère, soit 360 aires en tout. Tel est le principal résultat de l’étude publiée par des chercheurs de l’Université Washington à Saint-Louis (États-Unis). Pour les neurosciences, c’est un peu la découverte de l’Amérique car jusque-là on ne connaissait que 83 aires du cortex cérébral (par hémisphère) – cette “sur”-couche de matière grise que l’homme partage avec seulement quelques mammifères.

Dans cette nouvelle cartographie, chaque région est identifiée par son appartenance à l’un  des systèmes sensoriels – l’auditif, le somatosensoriel/moteur et le visuel – et par son implications dans des tâches de cognition.

Les 360 aires mis en lumière par l'étude. En rouge, les aires liées au système auditif ; en bleu, celles liées au système visuel ; en vert, celles du système somatosensoriel/moteur. Par ailleurs, les zones claires sont celles liées à des fonctions ((Glasser et al, Nature 2016).

En rouge, les aires liées au système auditif ; en bleu, celles liées au système visuel ; en vert, celles du système somatosensoriel/moteur. Les zones claires sont celles activées dans des tâches de cognition, les zones sombres sont celles qui ne s’activent pas (Glasser et al, Nature 2016).

Trois techniques d’IRM…

Pour obtenir un plan aussi détaillé, les chercheurs ont analysé des milliers d’informations provenant des bases de données du Human Connectome Project concernant 449 personnes ayant subi une étude d’imagerie à résonance magnétique complète : l’appareillage d’IRM permettant d’étudier le cerveau sous trois angles différents.

D’abord, par la technique de l’IRM fonctionnelle (IRMf), on peut identifier les aires activées lors d’une tâche cognitive, ce qui permet de relier la zone à une fonction. Ensuite, l’IRM sert à tracer la carte de la myéline qui gaine les fibres des neurones, ce qui permet d’identifier la structure ou architecture des différentes aires. Enfin, l’étude IRMf d’un cerveau au repos permet d’identifier les connections entre différentes aires.

Les trois techniques d'analyse IRM qui ont permis de découvrir les nouvelles aires : IRMf lors de tâches cognitives, la carte de la myéline, IRMf sur le cerveau au repos (Glasser et al, Nature 2016).

Les trois techniques d’analyse IRM qui ont permis de découvrir les nouvelles aires : IRMf lors de tâches cognitives, la carte de la myéline, IRMf sur le cerveau au repos (Glasser et al, Nature 2016).

… et un système IA

Ces milliers de données ont été injectées dans une IA : un réseau de neurones artificiel à plusieurs couches. Celui-ci peut reconnaître des similitudes entre tous les cerveaux étudiés par les trois techniques d’IRM, ce malgré l’extraordinaire variabilité entre les cerveaux et la présence irréductible de bruitage des signaux.

Après une phase d’apprentissage et de tests (sur la base des 83 aires cérébrales connues par hémisphère), le système a ainsi découvert 97 nouvelles aires, avec un taux d’erreur de 96,6%, – c’est ce qui ressort de la phase de tests sur la reconnaissance automatique des 83 aires connues.

L’exploration des nouvelles aires

Bien sûr, le résultat doit maintenant être corroboré par des études spécifiques confirmant le résultat du calcul IA (purement statistique), mais déjà l’on entrevoit les conséquences de cette nouvelle cartographie.

Elle servira à mieux pister les racines cérébrales de certaines incapacités cognitives (apprentissage, parole, etc.) pour mieux les traiter, ou donner aux neurochirurgiens des informations sur le contexte cérébral d’une intervention (zones voisines, risques, etc.), ou encore à comparer notre cortex avec celui des grands singes pour comprendre comment notre cerveau a évolué…

–Román Ikonicoff

 

Lire aussi:

 

> Lire également dans le site des Grandes Archives de Science & Vie :

Cerveau : voici la première carte de nos idées – S&V n°1146 – 2013. La connaissance sur l’écosystème cérébral ne cesse de progresser, notamment grâce au mariage entre les système d’imagerie et l’analyse statistique numérique. Au point de pouvoir  tracer la carte de nos idées.1146

  • La science sait lire dans les pensées – S&V n°1098 – 2009. C’est dans la décennie 2000 que sont apparus les premiers résultats sur la reconstruction des pensées via le captage des signaux cérébraux, en particulier des images vues par l’individu.

1098

Votre cerveau vous trompe – S&V n°1044 – 2004 – Notre cerveau présente des failles : mémoire trompeuse, fausses perceptions, raisonnements biaisés… Comment l’univers de la publicité en exploitent certaines (+ 20 expériences qui vous feront douter de vous-même).1044

 

 

 

 

Une nouvelle formule évalue les chances que la vie puisse émerger ailleurs

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En attendant de tomber effectivement sur un petit bonhomme vert, les scientifiques affinent les outils théoriques pour détecter la vie extraterrestre (Ph. Adrian Wallett via Flickr CC BY 2.0).

En attendant de tomber effectivement sur un petit bonhomme vert, les scientifiques affinent les outils théoriques pour détecter la vie extraterrestre (Ph. Adrian Wallett via Flickr CC BY 2.0).

Les planétologues, les astronomes, ou encore les amateurs de science-fiction connaissent bien la célèbre “équation de Drake”. Imaginée par l’astronome américain Frank Drake en 1961, cette formule (voir en fin de ce post) est supposée donner les probabilités d’existence d’une civilisation extraterrestre. Mais si elle est bien jolie – et peut faire rêver – elle demeure très très théorique, voire stérile, et vise uniquement à distinguer les probabilités qu’il y ait dans la Galaxie une civilisation extraterrestre technologique.

Or un astrobiologiste de l’Université Columbia (États-Unis) et un chimiste de l’université de Glasgow (Royaume-Uni) viennent de commettre une nouvelle équation pour la vie extraterrestre, bien plus concrète et calculable, pour évaluer les chances qu’une exoplanète abrite non pas une civilisation technologique mais simplement une forme de vie alien – primitive ou pas. Elle devrait permettre d’orienter les observations astronomiques vers les planètes les plus intéressantes.

La formule de l’”abiogenèse”

La nouvelle équation ne manque pas de charme, et séduira certainement ceux pour qui ce type de formule agit comme une “preuve” de l’existence d’aliens  – ce qui est loin d’être le cas, l’équation n’étant que probabiliste. Mais elle a le mérite d’être plus calculable que celle de Drake. Elle s’écrit :

Formule établie par les deux chercheurs donnant la probabilité qu'une vie puisse émerger dans un certain contexte planétaire.

Formule établie par les deux chercheurs donnant la probabilité qu’une vie puisse émerger dans un certain contexte planétaire (Crédit : Scharf & Cronin, PNAS 2016).

Quel est le sens de ce hiéroglyphe moderne ? Détaillons un peu : l’équation porte sur une planète donnée, pour laquelle on se questionne sur ses chances de voir émerger la vie au cours d’une période de temps donné t. Ainsi :

  •  Capture

 

Ce terme représente la moyenne attendue du nombre d’”évènements” durant le laps de temps t sur cette planète. Par “évènements”, il faut entendre : l’abiogenèse, soit l’émergence d’entités vivantes (bactéries, algues, ou autre) à partir de matière inerte. C’est donc bien ce que l’on cherche à calculer.

  • Nb : nombre possible de briques élémentaires

Les astrobiologistes ont appris à distinguer plusieurs familles de molécules nécessaires à l’émergence de la vie, les molécules prébiotiques. Il s’agit des hydrates de carbone, des protéines, des acides nucléiques, des lipides, etc. Ce terme est donc censé donner le nombre total d’atomes de ces molécules présentes dans la planète (atmosphère, surface, océans et croûte planétaire). Par exemple, pour la Terre, Nb vaut 10^49

  • no: nombre moyen de briques élémentaires par “organisme”

Ce terme peut être compris comme le nombre minimal d’atomes (organisés en briques élémentaires) qu’il faut pour former un système vivant, c’est-à-dire capable de se maintenir dans l’environnement (homéostasie) et de se reproduire (avec nécessairement de microscopiques variations entre deux générations).  Par exemple, sur Terre, les organismes vivants les plus petits sont les bactéries, qui contiennent en moyenne 10^11 atomes.

  • fp.fa.fe : fraction de briques élémentaires disponible durant le laps de temps t

Seule une fraction des briques élémentaires contenues dans la planète est disponible durant un certain laps de temps. Cette disponibilité peut être de trois sortes. (fp) : il s’agit des molécules libres c’est-à-dire non liées à d’autres ;  (fa) : nombre de ces molécules mobiles (dans l’atmosphère, l’eau liquide, etc.) ; (fe) : molécules ayant une affinité chimique les rendant capable de se lier à d’autres naturellement. Par exemple, la fraction de ces molécules disponibles sur Terre est de l’ordre de 10^(-14) : seul un 100 000-milliardième de la masse de molécules prébiotiques contenues dans l’atmosphère, le sol, les océans et le sous-sol terrestres est disponible pour interagir avec d’autres.

  • Nl no

Au calcul précédent, il faut soustraire le nombre de molécules prébiotiques déjà “séquestrées” par un organisme vivant et ne pouvant donc pas participer à l’abiogenèse.

  • Pa : probabilité d’assemblage par unité de temps.

Il ne suffit pas d’avoir les ingrédients nécessaires, encore faut-il que ceux-ci s’assemblent. Ce terme indique donc la probabilité qu’une assemblée de briques élémentaires réagisse afin de créer un organisme vivant. Bien sûr, cette donnée est inconnue, car on ne sait toujours pas comment la vie a émergé sur Terre. Mais l’on sait qu’elle est apparue entre 0,5 et 1 milliards d’années après la formation de la Terre, voici 4,6 milliards d’années. Ce qui a conduit les chercheurs à évaluer que cette probabilité était comprise entre 10^(-36) et 10^(-30) sur Terre.

Limites de l’équation

Les chercheurs signalent qu’ils n’ont pas tenu compte de la possibilité de transfert de molécules prébiotiques entre deux planètes d’un même système solaire à l’occasion de gros impacts de météorites. Ils précisent également qu’ils s’appuient sur l’exemple de la vie terrestre, et que l’équation ne tient pas compte du cas où d’autres types de systèmes chimiques (briques élémentaires, solvants, etc.) pourraient également produire de la vie.

L'équation de Drake (1961). La nouvelle équation viendrait donner la valeur du paramètre "fl".

L’équation de Drake (1961). La nouvelle équation viendrait donner la valeur du paramètre “fl”.

Néanmoins cette équation devrait permettre aux exobiologistes de cibler a priori des systèmes planétaires plus à même de remplir les conditions pour l’émergence de la vie. Mais tout cela demeure probabiliste, et il ne sera possible d’affirmer l’existence d’une vie autre que terrestre que le jour où on la détectera effectivement.

–Román Ikonicoff

 

> Lire également :

 

Lire également dans les Grandes Archives de S&V :

  • Vie extraterrestre : l’espoir – S&V n°1167 – 2014. Il y a Titan, et il y a Europe, une lune de Jupiter totalement gelée en surface mais avec un océan intérieur alimenté en chaleur par le noyau de la lune. Bref, le Système solaire est un terrain d’exploration pour les exobiologistes bien plus accessible que les exoplanètes lointaines.

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  • Origine de la vie : l’expérience de Miller refait parler d’elle – S&V n°1099 – 2009. En 1953, le chercheur américain Stanley Miller avait montré dans une expérience que certaines molécules complexes nécessaires à la vie pouvaient se former spontanément dans la soupe primitive de la Terre, voici 3,7 milliards d’années. Plus d’un demi-siècle après, l’expérience intéresse encore les chercheurs…

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  • Ils ont créé des êtres presque vivants – S&V n°1157 – 2014 – C’est un fait : il y a 3,7 milliards d’années des organismes vivants ont commencé à émerger de l’inerte. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain : des dizaines de millions d’années durant lesquelles des formes intermédiaires, ni vivantes ni inertes, ont crû dans les océans. Les scientifiques tentent de comprendre et reproduire cette étape en laboratoire.

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  • Kepler 186f : la terre a une jumelle – S&V n°1161 – 2014 – Depuis la mise en service du télescope spatial Kepler par la Nasa en 2009, les surprises n’ont pas manqué : plusieurs exoplanètes similaires à la Terre ont été détectées, dont l’exoplanète Kepler-186f, découverte en 2013, qui semble réunir les conditions propices à la vie. Sera-t-elle parmi les nouvelles nommées ?

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