Reconnaître un visage humain n’a rien d’exceptionnel, même les poissons y arrivent

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Przemysław Malkowski

Ce poisson vous reconnaît. Toxote chatareus (Przemysław Malkowski via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

C’est à une bien curieuse expérience que se sont livrée des chercheurs d’Oxford : tester la capacité des poissons-archers (Toxotes) à distinguer un visage humain d’un autre. Et le résultat est encore plus étonnant : leur taux de reconnaissance faciale dépasse… les 80 %.

Sachant qu’il est peu probable que les toxotes soient amenés à exercer cette aptitude dans leur vie quotidienne, l’on se doute que ce résultat intéresse les chercheurs pour ses implications fondamentales sur les aptitudes cognitives humaines.

Cracher au visage d’un humain

L’expérience a consisté à soumettre des toxotes à des images représentant deux visages (sur un panel de 62 visages de femmes de type caucasien), en leur demandant lequel des deux était celui qu’ils avaient appris à reconnaitre durant une phase d’entrainement préalable.

Les chercheurs ont exploité le don de ces archers à viser et cracher vers un insecte pour le faire tomber de sa branche ou feuille : placés dans un aquarium face à un écran légèrement en surplomb au-dessus, ces petits poissons devaient ainsi cracher un jet d’eau vers la figure connue (ou ne rien cracher si aucune des deux ne l’était).

Un entrainement qui a pris en compte la personnalité de chaque poisson

L’entrainement avait consisté à habituer chacun des 8 toxotes testés à toujours cracher sur le portrait d’une femme particulière et à ne jamais cracher sur les autres, ce à grand renfort de petites croquettes alimentaires (apprentissage par renforcement). Selon la personnalité du poisson, il a fallu entre 2 et 14 séances d’essais pour les conditionner (une vingtaine d’essais par séance).

Deux tests ont alors été menés, avec quatre poissons chacun, le premier utilisant des photos en couleur légèrement traitées afin d’éliminer tout détail particulier pouvant aider à la reconnaissance (chevelure, vêtement, etc.), le second utilisant des visages « standardisés » : en noir et blanc, avec une luminosité homogénéisée et présentant le visage dans un ovale (voir figure).

Les deux types de tests effectués : à gauche visages légèrement retouchés, à droite forte homogénéisation. Dispositif expérimental (Newport, C. et al., Sci. Rep. 6, 2016).

Les deux types de tests effectués : (A) visages légèrement retouchés, (B) forte homogénéisation. (C) Dispositif expérimental (Newport, C. et al., Sci. Rep. 6, 2016).

Entre 81% et 86% de reconnaissance

Au test 1, les poissons ont obtenu un taux de reconnaissance  de 81% sur 44 visages nouveaux de femmes (et le visage connu), au test 2 le score a été de 86% avec 18 visages nouveaux. Un résultat impressionnant… mais qui nous apprend quoi au juste ?

Les sciences cognitives attribuent à une aptitude spécifique. En effet, les neurosciences ont pointé une zone spécifique de notre cerveau, le gyrus fusiforme situé dans le néocortex, supposé prendre en charge cette tâche complexe.

Gyrus fusiforme dans le cerveau humain (DP)

Gyrus fusiforme dans le cerveau humain (DP)

Départager deux hypothèses

L’une des hypothèses est que les neurones du gyrus ont été génétiquement programmés par l’évolution pour optimiser cette tâche. L’autre hypothèse est que ces neurones n’ont rien de particulier au départ, la capacité s’acquérant par l’expérience (ce qui influe sur la connectivité et la structure du réseau).

Des aptitudes semblables ont déjà été mises en lumière chez les pigeons, poulets, corbeaux, chevaux, moutons et chiens. Mais tous possèdent un néocortex (ou des neurones de ce type) et fréquentent depuis très longtemps les humains – ce qui peut impliquer qu’ils ont acquis cette aptitude par l’évolution. En revanche les toxotes n’ont ni néocortex, ni neurones spécifiques ni l’habitude de nous fréquenter. Cela favorise la deuxième hypothèse, bien que, soulignent les chercheurs, la reconnaissance d’un visage en situation réelle soit beaucoup plus complexe qu’une expérience sur des photos statiques.

L’homme, un animal comme les autres

Si les réseaux de neurones de l’intelligence artificielle nous détrônent déjà dans cette tâche, la découverte des chercheurs devraient nous rendre plus humbles face à la croyance sur nos qualités exceptionnelles.  « Il est possible que la perception de la complexité de la reconnaissance faciale humaine découle d’un point de vue purement anthropogénique » concluent les chercheurs.

–Román Ikonicoff

 

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Météorites : le réseau de surveillance FRIPON va les traquer en France

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La caméra FRIPON installée sur le toit de l'observatoire de Paris. - Crédit : François Colas / observatoire de Paris / IMCCE

La caméra FRIPON installée sur le toit de l’observatoire de Paris. – Crédit : François Colas / observatoire de Paris / IMCCE

Tous les ans, il tombe une dizaine de météorites sur le sol français, dont à peine 1 % est récupéré ! Un gâchis pour les astronomes, qui lancent FRIPON, un réseau de surveillance destiné à traquer chacune d’entre elles en vue de les récupérer. Cent caméras connectées surveilleront le ciel sur tout le territoire métropolitain.

L’intérêt ? D’abord, ces pierres extraterrestres sont rares, la plupart des objets célestes se désintégrant en poussière lors de leur trajectoire dans l’atmosphère terrestre. Or, de ce bolide mesurant au départ quelques mètres, un fragment subsiste parfois, qui atteint le sol de notre planète : il prend le nom de météorite.

Un astéroïde peut donner naissance à une météore ou à un bolide, qui prennent le nom de météorite s'ils parviennent intacts sur le sol terrrestre. - Crédit : Observatoire de Paris / American Meteor Society

Un astéroïde peut donner naissance à une météore ou à un bolide, qui prennent le nom de météorite s’ils parviennent intacts sur le sol terrrestre. – Crédit : Observatoire de Paris / American Meteor Society

Les météorites permettent de reconstruire la formation du Système solaire

Et ces météorites recèlent une mine d’informations précieuses. Matériau brut provenant de l’espace, elles informent sur la composition des planètes et sur leur évolution, aidant ainsi à reconstruire l’histoire de la formation de notre Système solaire.

De manière étonnante, au XIXe siècle le taux de météorites récupérées par les scientifiques était 5 fois plus élevé qu’au XXe siècle ! Si de nombreux facteurs permettent de l’expliquer (notamment une pollution lumineuse croissante), FRIPON devrait permettre de ne plus en laisser filer une seule !

 

Cinq fois plus de météorites étaient récupérées au XIXe siècle - Crédit : Muséum national d'histoire naturelle

Cinq fois plus de météorites étaient récupérées au XIXe siècle – Crédit : Muséum national d’histoire naturelle (cliquer pour agrandir).

100 caméras connectées actives 24h/24

Il est composé d’un détecteur comprenant 100 caméras connectées (dont 60 déjà opérationnelles) et 25 récepteurs radio, distribués sur un maillage recouvrant toute la France tous les 50 à 100 kilomètres. Un petit nombre d’entre elles est placée à l’étranger (Italie, Autriche…).

Chacune de ces caméras, placée sur le toit des observatoires d’astronomie, des musées ou d’autres établissements partenaires, est dotée d’un objectif fisheye (en œil de poisson, soit de forme globulaire) enregistrant en une seule image toute la voûte céleste : aucun phénomène lumineux ne leur échappe. Ces informations visuelles sont intégrées par celles venant des radars météo et des sismographes.

Calcul de la trajectoire en temps réel

Tous ces détecteurs sont raccordés à des ordinateurs embarquant un logiciel spécialement mis au point par l’université Paris-Sud, en partenariat avec l’observatoire de Paris et le Muséum national d’histoire naturelle. Si celui-ci détermine qu’une météorite a été détectée, il transmet une alerte à un calculateur central, situé à Paris-Sud.

Là, le calcul de la trajectoire en 3D du météorite a lieu en temps réel, et une campagne de recherche est lancée dans les 24 heures sur le site d’impact estimé… c’est à dire une ellipse de 20 kilomètres carrés.

Qui seront les chasseurs de météorites sur le terrain ? Des bénévoles participant au programme de science participative Vigie-Ciel (coordonné par le Muséum) qui partiront en battue sur indication du réseau FRIPON. Des images sont disponibles en temps réel sur le site.

—Fiorenza Gracci

 

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