Ce matériau absorbe la chaleur et ne la libère que si on le presse

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Un matériau synthétisé en laboratoire, dont la structure ressemble à ce cristal naturel de biotite, agit comme une éponge à chaleur (Ph. Didier Descouens via Wikicommons CC BY-SA 4.0)

Le nouveau matériau synthétisé en laboratoire, dont la structure ressemble à ce cristal naturel de biotite, agit comme une éponge à chaleur (Ph. Didier Descouens via Wikicommons CC BY-SA 4.0)

Une éponge à chaleur. C’est à cela que ressemblerait le nouveau matériau conçu par des chercheurs japonais de l’université de Tokyo, à ceci près qu’il est massif (pas de trous) et rigide. Pourtant, il suffit de l’exposer au Soleil ou à toute autre source de chaleur puis, plus tard, d’exercer une pression sur lui, pour qu’il libère la chaleur accumulée. Et pas qu’un peu !

Cette aptitude, liée à sa structure cristalline, pourrait en faire un récupérateur de la chaleur pour les dispositifs électroniques, les moteurs et autres systèmes techniques qui en gaspillent à foison.

Beaucoup de chaleur contre un peu de pression

Le chiffre est significatif : ce matériau classé dans la catégorie des céramiques (couches cristallines superposées) et au nom abscons de trititane pentoxide (de formule Ti3O5) est capable d’accumuler puis libérer 320 kilojoules (kJ) par volume de 10 cm3, de quoi faire bouillir 1/10 de litre d’eau.

C’est surtout le premier matériau capable de libérer sa chaleur à la demande : pour cela, il suffit d’exercer sur lui une pression de 600 bars (1 bar = pression atmosphérique), ce qui est facile à obtenir avec une petite presse mécanique.

La chaleur devient une énergie de structure

Le secret de cette “éponge” ? Sa structure microscopique : selon les chercheurs ce sont les atomes d’oxygène O et de titane Ti qui piègent la chaleur en l’utilisant comme énergie pour modifier leur disposition dans le réseau.

Le matériau est en effet cristallin : ses atomes O et Ti sont placés solidement en réseau selon un certain ordre (ici c’est une structure monoclinique du groupe C2/m) – plus précisément, ce sont non pas des atomes individuels qui occupent les nœuds du réseau mais des groupes d’atomes, par exemple 2 atomes de Ti ou 4 de O, etc. (voir figure).

Exemple de répartition des groupes d’atomes d’oxygène et de titane (les couleurs représentent la densité d’électrons. Crédit : Nature Communications)

De la chaleur mais aussi de l’électricité ou de la lumière

En chauffant, le matériau fait une “transition de phase” et change de structure. Cela est commun, mais lui reste bloqué dans cette position même quand on a cessé de le chauffer, à l’instar des matériaux à mémoire de forme. Et  quand on presse dessus, on “décoince” le cristal qui revient à sa structure initiale en relâchant l’énergie en surplus sous forme de chaleur.

C’est un peu comme si l’on générait des frictions internes en pressant, sauf que la chaleur dégagée dépasse de loin l’énergie mécanique (pression) appliquée. Et ce n’est pas tout : le matériau peut être alimenté non seulement en chaleur mais aussi en électricité ou en lumière, qu’il restituera toujours sous forme de chaleur.

Un cliché du matériau, une micrographie de sa structure, la représentation de la structure  monoclinique C2/m et un cristal naturel possédant ce type de structure : la biotite.

De gauche à droite : un cliché du matériau, une micrographie de sa structure (en couches), la représentation de la structure monoclinique C2/m et un cristal naturel possédant ce type de structure : la biotite.

 Une nouvelle source d’énergie renouvelable et propre

Pour les chercheurs, leur matériau serait idéal pour récupérer l’énergie thermique gaspillée par la plupart des engins mécaniques (moteurs) et électroniques (composants), qui habituellement est libérée dans l’atmosphère sans aucune utilité. Il pourrait même devenir un composant pour dispositifs électroniques réagissant à la pression.

Il est surtout le premier exemple, mais certainement pas le dernier, d’une nouvelle source d’énergie renouvelable et propre (hors le coût énergétique de sa fabrication).

Román Ikonicoff

 

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  • Voici les matériaux surnaturels – S&V n°1133 – 2012. Durant des millénaires, l’humanité s’est servie des matériaux offerts par la nature. Mais peu à peu, en apprenant à jouer sur leur composition d’abord, puis sur leur structure microscopique, nous sommes devenus des spécialistes de l’art de créer de nouveaux matériaux aux propriétés inédites.

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  • Diamants de synthèse : l’artifice atteint des sommets – S&V n°1053 – 2005. Un diamant ne se forme pas par magie mais il faut des conditions de température et de pression extrêmes pour y arriver, ce que les scientifiques savent de mieux en mieux faire dans les laboratoires.

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Scoutisme, les raisons d’un succès

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Nos mains sont plus primitives que celles des chimpanzés

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Un jeune chimpanzé dans un zoo suisse. / Ph. Tambako via Flickr – CC BY SA

Une nouvelle étude ayant analysé dans le détail la morphologie des mains d’un grand nombre de singes, de fossiles et d’hommes confirme que ce ne sont pas les nôtres qui sont les plus évoluées, mais celles de nos proches cousins.

La question fait débat depuis longtemps parmi les scientifiques : à quoi ressemblait notre dernier ancêtre commun avec les chimpanzés ? Cet être mystérieux a vécu avant la séparation, il y a 7 million d’années, entre ancêtres des chimpanzés et des hommes. Si on pouvait le rencontrer, aurait-il les apparences simiesques d’un chimpanzé — notre plus proche cousin, avec qui nous partageons 99 % de notre génome — ou, au contraire, lui trouverait-on déjà une forte ressemblance avec les Hominidés dont nous sommes ?

Marcherait-il sur ses poings comme Pan troglodytes (le chimpanzé) ou se dresserait-il sur ses pieds, comme Homo sapiens ? Et ses mains, seraient-elles plus adaptées à la manipulation d’objets, comme les nôtres, ou à saisir des branches pour se déplacer dans les arbres, comme celles des chimpanzés ?

 

La main du chimpanzé possède de long doigts et un pouce court. / Ph. Michele W via Flickr - CC BY SA

La main du chimpanzé possède de long doigts et un pouce court. / Ph. Michele W via Flickr – CC BY SA

Les fossiles d’hominidés apportaient déjà des preuves de la primitivité de notre main

Depuis l’an 2000 environ, de nouvelles preuves fossiles se sont accumulées indiquant que le fameux ancêtre commun arborait déjà des traits forts semblables à ceux des hommes : il était bipède (stature debout) et possédait des mains polyvalentes comme les nôtres.

Avec un pouce relativement long et des doigts plutôt courts, ce genre de main permet une manipulation très fine des objets, puisque la pointe du pouce peut toucher la pointe de tous les autres doigts. A l’inverse, la main des chimpanzés, avec son pouce court et ses autres doigts très allongés, permet une meilleure saisie des branches pour de déplacer dans les arbres.

C’est la main du chimpanzé la plus primitive, pensaient les paléoanthropologues il y a trente ans

Or, depuis les analyses génétiques réalisées dans les années 80 et 90, qui avaient montré la parenté entre hommes et chimpanzés, bon nombre de paléoanthropologues estimaient que la forme la plus primitive était celle de notre cousin. Autrement dit, notre ancêtre commun, estimaient-ils, devait plus ressembler à un grand singe qu’à un homme.

Rien de tout cela n’a été confirmé par les fossiles d’hominidés très anciens découverts ensuite. Au contraire, ils allaient peu à peu dessiner un portrait de l’ancêtre commun doté de mains humaines. A commencer par Toumaï, vieux de 7 millions d’années (découvert au Tchad en 2001), Orrorin (6 millions d’années, découvert en 2000 au Kenya) et Kenyanthropus platyops (3,5 million d’années, découvert au Kenya en 1999).

Le dernier ancêtre commun entre chimpanzés et hommes a vécu il y a environ 8 millions d'années. - © S&V n°1113.

Le dernier ancêtre commun entre chimpanzés et hommes a vécu il y a environ 8 millions d’années. – © S&V n°1113.

Ces fossiles sont venus enrichir un tableau de famille qui ne comportait auparavant que des australopithèques comme la célèbre Lucy (découverte en 1974 en Ethiopie), âgés de 4 à 2 millions d’années, des Paranthropus (2 à 1 million d’années) et des Homo (2 millions d’années).

Enfin, la preuve la plus significative est venue de l’analyse, en 2009, d’un fossile exceptionnellement conservé, surnommé “Ardi”. Il s’agit d’un Ardipithecus ramidus (5 million d’années environ), découvert en Ethiopie en 1990. Complet à 40 %, le squelette a fourni des preuves particulièrement solides à l’équipe de Tim White (université de Californie à Berkeley) : “Ardi”, était bel et bien doté de mains de type humain.

Une nouvelle étude portant sur les singes vivants aujourd’hui fournit de nouvelles preuves

Si certains n’étaient toujours pas convaincus du caractère primitif de nos mains à doigts courts et pouce long, une nouvelle étude réalisée par des paléoanthropologues espagnols et américains, et publiée dans Nature Communications, vient apporter des éléments nouveaux, qui laissent peu de place au doute.

Sergio Almécija et ses collègues ont examiné par des statistiques très fines la morphologie des mains de 270 espèces : tous les grands singes (homme, chimpanzé, bonobo, gorille, orang-outan, gibbon), de nombreux singes du vieux et du nouveau continent, et tous les fossiles d’hominidés disponibles, de Lucy à Ardi.

La main d'un chimpanzé à gauche, celle d'un homme à droite. Dans le schéma, les résultats pour différentes espèces de grands singes, du rapport entre pouce et quatrième doigt. / Nature Communications - CC-BY-SA.

La main d’un chimpanzé à gauche, celle d’un homme à droite. Dans le schéma, les résultats pour différentes espèces de grands singes, du rapport entre longueur du pouce et du quatrième doigt. / Tiré de Almecija et al., Nature Communications – CC-BY-SA.

Résultats : premièrement, la main de l’homme fait partie des formes les plus primitives et peu spécialisées que l’on retrouve chez les hominidés. Deuxièmement, il existe parmi les espèces étudiées et leurs ancêtres une grande diversité de formes, qui correspondent à divers chemins de spécialisation.

Par exemple, les chimpanzés, ainsi que les orangs-outans, ont développé au cours de l’évolution des mains semblables car répondant au même besoin : celui de la vie arboricole et frugivore, qui demande de s’accrocher aux banches pour aller chercher des fruits dans les arbres.

A l’inverse, les gorilles comme les hominidés ont gardé une main plus primitive, adaptée à leur vie au sol. Ils exploitent leur grande dextérité pour se nourrir d’une vaste gamme d’aliments.

L’invention des outils, elle, n’aurait pas joué un rôle moteur dans l’évolution des mains : celles-ci avaient déjà la forme actuelle chez nos ancêtres les plus anciens, tels qu’Orrorin (5 millions d’années), à une époque où aucun outil n’est connu ! Plutôt que la main, les spécialistes pensent que l’évolution a davantage influencé le cerveau : progressivement, il aurait acquis une meilleure maîtrise des mouvements, qui nous a permis de développer des outils.

—Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  • Le mystère des cinq crânes — S&V n°1157, 2014. Découverts en Géorgie, ces crânes mêlent différents caractères d’espèces d’Homo théoriquement éloignés. Et floutent un peu plus le tableau de nos origines. Comment les paléoanthropologues vont-ils les interpréter ?

S&V 1157 - le mystere des 5 cranes

  • D’où venons-nous ? — S&V n°1113, 2010. Les nouvelles découvertes fossiles bouleversent complètement l’histoire des origines humaines. Ardi, Orrorin, Toumaï… voici comment elles recomposent le puzzle de notre phylogénétique.

S&V 1113 - d'ou venons nous

  • Australopithèques : cherchez l’ancêtre ! — S&V n°996, 2000. Alors qu’on remet un peu d’ordre dans la famille des australopithèques dont la célèbre Lucy, on se demande encore comment classer Ardi (Ardipithecus ramidus).

S&V 996 - australopitheques

 

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