Peut-on hacker (pirater) un avion en vol ?

Standard
Selon certains spécialistes, une clé USB suffirait pour paralyser les systèmes de vol d'un avion (Ph. aafes49 via Flickr CC BY 2.0)

Selon certains spécialistes, une clé USB suffirait pour paralyser les systèmes de vol d’un avion (Ph. aafes49 via Flickr CC BY 2.0)

Selon un chercheur britannique spécialiste des réseaux et des systèmes radio, le risque qu’une « cyber-bombe » puisse être injectée dans le système de pilotage d’un avion, via une clé USB ou un ordinateur, doit désormais être pris en compte par les agences de sécurité aérienne. L’introduction d’un « malware » dans ce système pourrait entrainer son blocage et donc la perte de contrôle du vol par les systèmes informatiques embarqués.

Dans un article du quotidien The Guardian  paru le 4 novembre dernier, David Stupples, professeur à la City University de Londres et conseiller du gouvernement britannique dans le domaine de la cyber-guerre, considère en effet que les systèmes informatiques servant au pilotage de certains types d’avions modernes, comme l’A 320, l’A 350 ou encore le Boeing 787, ne sont pas étanches : ils peuvent être accessibles via l’infrastructure informatique dédiée aux passagers – celle qui permet de sélectionner les films ou de « plugger » une clé USB avec ses propres données.

L’arme absolue du hacker : un smartphone

Pour Stupples, et pour d’autres chercheurs travaillant dans le même domaine, il ne s’agit pas tant d’alerter sur une menace imminente que de faire prendre conscience aux constructeurs et aux agences d’aviation civile de l’ouverture d’une nouvelle brèche dans le front de la cyber-guerre, dont on sait qu’elle sera un terrain d’affrontements au cours du XXIe siècle. Comme un avion est piloté surtout par… des pilotes (deux par avion), l’idée est d’inclure dans leur formation et dans les procédures de vol le cas de figure d’une défaillance massive des systèmes informatiques de pilotage. Car toute situation critique et non prévue durant un vol peut entraîner une série de choix erronés conduisant à une catastrophe.

Stupples n’est pas le seul ni le premier à attirer l’attention sur ce nouveau type d’attaque, d’autres ont déjà exploré comment le piratage des systèmes d’un avion pouvait être réalisé à distance ou depuis la cabine par un spécialiste informatique. En particulier, il serait possible d’atteindre ces systèmes à distance via les communications relayées par des satellites, comme l’a exposé dans un document récent Ruben Santamarta, chercheur de la société de sécurité informatique IOActive. En 2013 déjà, un pilote et consultant en sécurité pour l’agence « n.runs AG » en Allemagne, Hugo Teso, avait carrément présenté une application pour smartphone capable selon lui d’obliger l’avion à exécuter certaines commandes de direction, d’altitude et de vitesse – testé il est vrai sur un simulateur de vol datant des années 1970.

Ces alertes, si elles restent encore ponctuelles, viennent néanmoins signifier que les cyber-attaques dont on prévoit l’augmentation dans les années à venir n’épargneront aucun secteur intégrant des systèmes informatiques complexes, soit toutes les activités humaines ou quasiment. Une nouvelle forme de guerre, certes plus propre et silencieuse que les anciennes, mais qui en fin de chaîne mettra toujours en danger la vie des populations.

Román Ikonicoff

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Objets connectés : tous piratables ! – S&V n°1163 – 2014 – Ordinateurs, tablettes, smartphones, mais aussi voiture, frigo, compteur électrique… Là où il y a de l’informatique, il y a l’ombre d’un pirate à l’affut.

sv1163

  • Cyberguerre, pourquoi elle ne ressemble à rien de connu – S&V n°1159 – 2014 – C’est une guerre qui ne fait ni bruit, ni fumées, ni flammes… Son champ de bataille ce sont les réseaux et les systèmes informatiques, mais elle peut désorganiser les structures d’un État et créer le chaos – bien réel celui-là.

S&V1159

  • Les virus ont-ils gagné ? – S&V n°1141 – 2012 – L’incroyable histoire des virus informatiques depuis leur naissance, en 1982, jusqu’à aujourd’hui… et demain.

S&V1141

 

 

 

 

La Station spatiale internationale a failli être détruite

Standard
La Station spatiale internationale a dû être remorquée pour éviter la collision (ESA/NASA)

La Station spatiale internationale a dû être remorquée pour éviter la collision (ESA/NASA)

L’Agence spatiale européenne (ESA) a rendu public le 4 novembre un incident survenu le 27 octobre qui aurait pu être fatal à la Station spatiale internationale (ISS) et à ses 6 membres d’équipage : l’arrivée sur sa trajectoire d’un gros débris à 28 800 km/h. Ce n’est que grâce à une manœuvre urgente de remorquage effectuée par le Véhicule automatique de transfert (ATV) Georges Lemaître, un vaisseau cargo spatial conçu par l’ESA et amarré à la Station, qu’elle a pu se dégager de l’orbite et éviter la collision. « C’est la première fois que les équipes de la Station internationale esquivent des débris spatiaux avec une telle urgence » précise le communiqué de l’ESA. Bref, il s’en est fallu de très peu.

Le projectile qui a failli heurter la Station est un débris du satellite russe Cosmos-2251, « avoisinant la taille d’une main » selon l’ESA. Autant dire, une bombe qui aurait non pas endommagé mais pulvérisé la Station : à cette vitesse un objet de la taille et du poids d’un smartphone, disons 130 gr, possède la même énergie qu’une voiture d’environ une tonne, une citadine, roulant à 330 km/h (l’équation exacte est : Énergie = Masse x Vitesse²). La collision aurait été d’une violence inouïe !

Dégât occasionné par un débris d'à peine 3 mm de diamètre sur un cargo spatial (ESA-Stijn Laagland)

Dégât occasionné par un débris d’à peine 3 mm de diamètre sur un cargo spatial (ESA-Stijn Laagland)

 La station spatiale a réussi à se déporter de 1 km pour se mettre à l’abri

Toujours selon l’ESA, l’alerte a été donnée six heures avant l’heure estimée de la collision. Largement de quoi se mettre à l’abri ? Pas du tout. Dans l’espace il faut se débrouiller avec les moyens du bord disponibles, très restreints en matériaux mais surtout en énergie : faire bouger de son orbite un objet de 420 tonnes, poids de l’ISS,  en demande beaucoup car la force d’inertie (proportionnelle à la masse) s’oppose à tout changement de mouvement. La preuve : le véhicule ATV amarré à la station, qui a joué pour l’occasion le rôle de booster, a eu besoin de tout ce temps pour réussir à éloigner la Station spatiale à 1 km de la zone à risque – une distance minimale de sécurité étant donnée la méconnaissance de la trajectoire exacte du débris à cause de l’imprécision des radars et la complexité du calcul balistique.

Le cargo ATV-5 Georges Lemaître avant sa mise en service en 2014 (ESA–S.-Corvaja-2014)

Le cargo ATV-5 Georges Lemaître avant sa mise en service en 2014 (ESA–S.-Corvaja-2014)

Le cargo ATV-5 Georges Lemaître en approche de la Station spatiale (Photo : Roscosmos–O. Artemyev)

Le cargo ATV-5 Georges Lemaître en approche de la Station spatiale (Photo : Roscosmos–O. Artemyev)

 

 

 

 

 

 

 

 

Un satellite semblable à Cosmos-2251 (Rlandmann)

Un satellite semblable à Cosmos-2251 (Rlandmann)

 

 

 

 

 

 

 

Pour le remorquage, l’ATV a dû bruler son carburant pendant 4 minutes, ce qui représente dans « l’économie spatiale » une très grosse ressource : ce n’est que depuis 2012 que la Station dispose de ce type de moyen ! Une chance donc. Mais celle-ci pourrait ne pas se représenter : il y a dans l’orbite terrestre des dizaines de millions de débris spatiaux d’origine humaine dont 500 000 de plus de 1 cm de diamètre et 16 000 de plus de 10 cm, générés depuis le premier satellite artificiel, Spoutnik, en 1959. Ces derniers sont identifiés et suivis au radar depuis la Terre mais le comportement erratique de ces objets qui ne cessent de s’entre-choquer rend les calculs très longs – raison pour laquelle l’alerte a été donnée tardivement.

 

Collision-1a1(Rlandmann)Collision-20aCollision-50a

Représentation de la collision entre Cosmos-2251 et Iridium-33 en 2009 : la collision ; 20 minutes après ; 50 minutes après (Image : Rlandmann/ESA)

Pas encore de solution au problème des débris artificiels

Comme Science & Vie le signalait en 2011, un rapport de l’Académie des sciences américaine a dressé un rapport accablant sur la dangerosité et le risque d’accident majeur causé par ces débris. D’ailleurs, celui qui a failli avoir raison de la Station spatiale résulte lui-même d’un tel accident : la collision en 2009 du satellite Cosmo-2251, déjà hors d’usage et de contrôle, avec un satellite en fonctionnement, l’Iridium-33 (voir Science & Vie n°1099).

Représentation des débris spatiaux en orbite basse, la même que celle de l'ISS (ESA)

Représentation des débris spatiaux en orbite basse, la même que celle de l’ISS (ESA)

Sachant que le nombre de débris ne cesse d’augmenter naturellement à cause des chocs entre plus gros débris – la Terre serait la seule planète de l’Univers en passe de créer artificiellement un anneau de poussières comme ceux de Saturne ! – , et qu’il n’existe encore aucun dispositif pour nettoyer notre espace proche, malgré quelques projets, les systèmes spatiaux orbitaux et les spationautes sont plus que jamais en danger.

Román Ikonicoff

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

sv

sv1130

  • Que font les aiguilleurs de l’espace ? – S&V n°1099 – 2009 – Le satellite Iridium-33 a été détruit par sa collision avec le satellite russe Cosmos-2251 (hors d’usage). Comment font les « aiguilleurs de l’espace » pour prévenir ce genre d’accident ?

S&V1099

  • ISS : la station peau de chagrin – S&V n°1104 – 2001 – Après le rêve d’une station spatiale en forme de gigantesque roue, à l’image de celle mise en scène dans le film « 2001 – Odyssée de l’espace », le projet de l’ISS a été revu à la baisse maintes fois… Ce qui ne l’a pas empêchée de devenir un véritable lieu de rencontre entre spationautes de 15 nations différentes, d’expérimentation scientifique et d’observation.

sv1004