Le travail de nuit accélère le vieillissement du cerveau

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Des ouvriers sur un chantier nocturne. / Ph. Kecko via Flickr - CC BY SA 2.0

Des ouvriers sur un chantier nocturne. / Ph. Kecko via Flickr – CC BY SA 2.0

En plus d’affecter la vie sociale, travailler à des horaires décalés compromet les capacités cognitives du cerveau. Dix ans passés à travailler en décalé reviennent à un vieillissement de… seize ans et demi ! C’est ce que montre une étude parue ce 3 novembre dans la revue Occupational and Environmental Medicine, qui a suivi, dix ans durant, 3000 salariés et retraités vivant dans le sud de la France.

La moitié de ces personnes travaillaient en horaires décalés au moins 50 jours dans l’année, l’autre moitié avait des horaires diurnes classiques. A deux reprises, cinq et dix ans après le début du suivi, ces personnes étaient soumises à de tests afin d’évaluer leur capacités cognitives : la mémoire, l’attention, la réactivité.

Résultats : le travail de nuit détériore les performances cognitives. Les chercheurs, combinant deux équipes françaises, une suédoise et une galloise, ont aussi constaté un effet de « dose » : plus les années travaillées en horaires nocturnes étaient nombreuses, plus le cerveau était atteint. Il pouvait aller jusqu’à réagir comme un cerveau de 6,5 ans plus vieux suite à 10 ans de travail décalé.

Heureusement, cette dégradation du cerveau est aussi réversible sur le long terme. Les travailleurs qui revenaient à des horaires de travail normaux, ou qui partaient à la retraite, recouvraient leurs capacités cognitives 5 ans plus tard.

Le travail de nuit, un « cancérigène probable » pour le Centre international de recherche sur le cancer

Ces nouveaux résultats ne font que s’ajouter à la liste des méfaits des horaires décalés. En perturbant les rythmes circadiens, les activités décalées dérèglent d’importantes fonctions biologiques, sans que les mécanismes ne soient encore bien compris.

Mais depuis 2007 déjà, le travail de nuit est classé comme « cancérigène probable » par l’IARC, le Centre international de recherche sur le cancer. Cette maladie implique en effet une perturbation de la division des cellules, une fonction biologique qui suit normalement un rythme biologique finement régulé, et qui, s’il est perturbé, peut se « détraquer ».

Fiorenza Gracci

> Lire dans les Grandes Archives de S&V :

  •  Le tempo des origines bat en nous - S&V n°1124. Découverte bouleversante en chronobiologie : l’horloge circadienne qui rythme la vie est la même pour tous les organismes vivants !

S&V 1124 tempo

S&V 1144 santé travail

 

 

 

« Interstellar » et « Particle fever » : trous noirs et particules à l’honneur au cinéma

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L'affiche du film "Interstellar" qui sort en salles ce 5 novembre. / Ph. Global Panorama via Flickr CC BY SA 2.0

L’affiche du film « Interstellar » qui sort en salles ce 5 novembre. / Ph. Global Panorama via Flickr CC BY SA 2.0

Deux films à haute teneur scientifique sortent aujourd’hui en salles en France. Deux épopées, l’une dans l’espace au-delà de notre galaxie, l’autre au cœur de l’infiniment petit, qui promettent de satisfaire la soif de science des spectateurs passionnés de physique et d’astrophysique. A l’écran, deux objets mythiques de ces disciplines seront à l’honneur : les trous noirs dans « Interstellar » de Christopher Nolan, et les particules fondamentales de la physique quantique dans « Particle Fever », documentaire de Mark Levinson tourné au CERN de Genève.

« Particle Fever », la traque du boson de Higgs vécue de l’intérieur du LHC

La caméra emmène le spectateur à l’intérieur du LHC, pour « Large hadron collider », grand collisioneur de hadrons, le plus grand accélérateur de particules au monde (et aussi la plus grande machine jamais construite par l’homme). Là, des centaines de physiciens du monde entier traquent depuis 2008 les particules fondamentales capables d’expliquer enfin le modèle standard de la physique des particules. Autrement dit, d’élucider la composition la plus intime de la matière qui forme l’Univers – rien de moins !

Cette « fièvre pour les particules » emporte rapidement le spectateur, qui vivra le suspense vécu par les chercheurs eux-mêmes, au fil des témoignages. Des ingénieurs et techniciens ayant construit ce monstre d’électronique qu’est le LHC, aux physiciens théoriques de différents courants de pensée, en passant, surtout, par les physiciens expérimentaux, postés aux manettes de l’accélérateur de particules et derrières les écrans de gigantesques ordinateurs analysant les résultats.

La fin est annoncée, et heureuse : celle qu’on peut définir comme la plus grande expérience scientifique de tous les temps a été couronnée d’un succès phénoménal en 2012 avec la découverte du fameux boson de Higgs, dont l’existence avait été postulée en 1964. Parfois définie la « particule de Dieu », il permet d’expliquer pourquoi certaines particules possèdent une masse. Il a valu à ses concepteurs François Englert et Peter Higgs, incrédules d’avoir vécu de leur vivant la confirmation de leurs théories, d’être récompensés par le prix Nobel de Physique en 2013.

« Particle Fever » parvient à expliquer clairement les enjeux des expériences menées au LHC, ainsi que les efforts accomplis par les chercheurs pour les mener à bien. Un conseil cependant : préférez la version originale à la version doublée en français, qui produit un étrange effet de décalage par rapport à la parole des chercheurs.

« Interstellar », un voyage spatio-temporel à travers les trous noirs et les trous de ver

Le deuxième film sortant en salles ce 5 novembre est un blockbuster hollywoodien qui raconte une mission spatiale de la dernière chance, à la recherche d’une autre planète habitable par l’humanité, depuis qu’une maladie décime les plantes de la Terre entière, condamnant les êtres vivants à l’asphyxie. Son scénario a été co-écrit par les frères Christopher et Jonathan Nolan (Memento, Inception, Batman…) et par l’astrophysicien Kip Thorne, titulaire de la prestigieuse chaire Feynman à l’Université de Californie.

Au-delà de l’histoire centrée sur les gestes de l’astronaute protagoniste, qui pour accomplir sa mission doit traverser un trou de ver (une faille spatio-temporelle) le menant vers une autre galaxie, « Interstellar » maintient la promesse faite à Kip Thorne d’être scientifiquement fiable à 100 %.

Mieux : ce film ne se limite pas à montrer des images de trous noirs comme on les a jamais vues. Comme l’a expliqué le scientifique lui-même à Science&Vie, le tournage a été l’occasion de réaliser de nouvelles simulations des trous noirs, qui ont été jusqu’à faire émerger de nouvelles données scientifiques !

En effet, le scientifique a profité des puissants calculateurs disponibles dans les studios cinématographiques destinés à réaliser des effets spéciaux pour réaliser des simulations inédites de trous noirs, comme dans un laboratoire d’astrophysique. Non seulement il a obtenu des images avec une résolution inégalée auparavant,  il a aussi observé des effets jamais vus. Par exemple, en simulant un trou noir tournant très vite sur li-même, présent au scénario du film, il a assisté à la formation de motifs lumineux étranges (fruits de ce qu’on appelle l’effet de lentille gravitationnelle). Deux publications scientifiques sont en préparation pour faire état de ces nouvelles découvertes.

Fiorenza Gracci

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  •  Interstellar. Le film qui fait voir les trous noirs pour de vrai - S&V n°1166. Dans un futur proche, sur une Terre exangue, un groupe d’explorateurs utilise une faille récemment découverte dans l’espace-temps afin de parcourir des distances astronomiques et trouver une nouvelle planète habitable à coloniser pour l’humanité. »

S&V 1166 Interstellar

couverture-science-et-vie-1131-juin-au-dela-du-reel

S&V 1088 boson de Higgs

  • Trous noirs : ils sont bien les maîtres du Cosmos – S&V n°1085. Ils ne font pas qu’avaler tout ce qui passe à leur portée : ils génèrent des étoiles, crachent de la matière vers les galaxies voisines… et pourraient être la clé des portes de l’espace-temps !

S&V 1085 trous noirs