Volcans et météorites ont tué les dinosaures en même temps

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Le crâne d'un Tirannosaurus rex conservé au Muséum d'histoire naturelle de Londres - Ph. Gareth1953 / Flick / CC BY 2.0

Le crâne d’un Tirannosaurus rex conservé au Muséum d’histoire naturelle de Londres – Ph. Gareth1953 / Flick / CC BY 2.0

Qui a tué les dinosaures ? Une météorite, répondrez-vous, selon la théorie scientifique qui domine depuis les années 70. D’autres prétendaient que les éruptions volcaniques étaient les vraies responsables. Publiée le 1er octobre dans Science, une nouvelle étude veut mettre un point final au débat en confirmant que les deux causes ont concouru à la célèbre extinction des grands lézards.

Tout d’abord, l’hypothèse de la météorite. En impactant la surface de la Terre il y a 65 millions d’années, un bolide tombé du ciel à une vitesse de 150 000 km/h aurait projeté dans l’atmosphère une quantité faramineuse de poussières et de débris incandescents, si énorme que les forêts auraient pris feu, et le Soleil aurait été obscurci pendant des années.

Plongés dans l’ombre et dans le froid, privés de leur ressource principale, la lumière, les végétaux auraient succombé en masse, la photosynthèse étant réduite à peau de chagrin. Dès lors, ce fut une famine de dimensions planétaires pour les dinosaures et autres animaux herbivores. Entraînant, à son tour, la disparition des carnivores affamés. Au final, 85 % des espèces terrestres ont péri dans ce cataclysme.

A la fin des années 70, pour expliquer l’extinction des dinosaures, émerge la théorie de la météorite

Voilà donc l’histoire de l’une des plus grandes extinctions de masse que la Terre ait connues, qui a mis fin à l’ère géologique du Crétacé et a marqué le début du Tertiaire. Émise en 1981 par Luis Alvarez, prix Nobel de physique 1968, avec son fils Walter, géologue à l’université de Californie à Berkeley, cette théorie a été confirmée en 1991.

Les Alvarez s’étaient aperçus, lors d’une visite en Italie en 1977, de la présence, au sein de la couche d’argile sédimentée dans la croûte terrestre à la fin du Crétacé, d’étranges quantités d’iridium — un élément pourtant rarissime sur notre planète. Ils avaient ainsi songé à la possibilité d’une origine extraterrestre de ce métal “noble”, puis avaient poussé plus loin la théorie, jusqu’à présenter leur audacieuse explication au public en 1981 : un formidable impact avec un corps céleste aurait signé l’arrêt de mort des dinosaures il y a 65 millions d’années.

Carte gravimétrique du cratère de Chicxulub - Ph. Wikimedia Commons / domaine public.

Carte gravimétrique du cratère de Chicxulub – Ph. Wikimedia Commons / domaine public.

Le cratère formé par la météorite a été découvert par satellite au Mexique en 1991

Cet impact, le satellite d’observation Landsat en a découvert les restes en 1991, près d’un petit village mexicain, Puerto Chicuxclub, dans la péninsule du Yucatan. Et quelle preuve ! Un cratère de 150 kilomètres de large, formé par une météorite mesurant environ 10 kilomètres, qui a dégagé une force comparable à 10 millions de bombes H !

En 2007, la météorite en question a même été identifiée par une équipe tchéco-américaine d’astrophysiciens dirigée par Bill Bottke : il s’agit d’un astéroïde. Celui-ci qui a quitté la ceinture d’astéroïdes située entre Mars et Jupiter il y a 160 millions d’années, suite à une collision survenue dans sa “famille” d’astéroïdes (groupe d’une même origine), dénommée Baptistina.

Si la preuve de l’impact meurtrier est donc irréfutable, une explication supplémentaire a été émise depuis par des géologues : celle du volcanisme. Le suspect numéro un dans ce cas ? Ce sont les trapps du Deccan, des plateaux de l’ouest de l’Inde formés de couches de lave superposées, prenant une forme appelée trapp en géologie (“échelle” en suédois).

Une vue des trapps du Deccan - Ph. via Wikipedia / CC BY 3.0

Une vue des trapps du Deccan – Ph. Wikimedia Commons / CC BY 3.0

Une immense éruption a suivi de près l’impact avec la météorite

Dans une étude parue ce 1er octobre, le géochronologue Paul Renne (université de Californie à Berkeley) ainsi que des collègues américains et indiens, datent avec une précision jamais égalée auparavant l’éruption de cette énorme quantité de lave (plus d’un million de kilomètres cubes). Pour ce faire, ils ont examiné le rapport, dans la lave du Deccan, entre deux isotopes de l’argon (deux variantes chimiques du même élément, comptant 39 et 40 particules dans son noyau, respectivement), ainsi que le rapport entre uranium et plomb.

Résultat : cette lave est sortie de terre seulement 50 000 ans plus tard que l’impact avec la météorite de Chicuxclub. C’est une intervalle très courte à l’échelle de la géologie… si courte que ces événements ont forcément eu tous deux un effet dévastateur sur l’extinction massive de la fin du Crétacé. Les débris de la météorite auraient étouffé une grande partie de la planète, puis l’éruption du Deccan, qui a pu s’étendre sur 500 000 ans, a lentement achevé d’exterminer la majorité des êtres vivants sur la face de la Terre.

Les géologues américains vont jusqu’à calculer que le choc avec la météorite aurait provoqué des ondes sismiques d’une magnitude de 11, secouant à tel point la croûte terrestre qu’elles auraient déclenché elles-mêmes l’éruption du Deccan quelques temps plus tard.

Comme ils l’écrivent en conclusion de leur article :

“Les ondes sismiques produites par l’impact ont pu déclencher le volcanisme. L’étroite coïncidence temporelle de l’impact et de l’accélération du volcanisme fait qu’il est difficile de détricoter les perturbations environnementales attribuées à chaque mécanisme. Les extinctions de la fin du Crétacé ont probablement résulté des effets superposés des deux phénomènes.”

—Fiorenza Gracci

 

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S&V 1083 - asteroide dinosaures

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S&V 886 - meteorite dinosaures

 

Oui, les virus sont bien des êtres vivants !

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Un rotavirus représenté en 3D (Ph. Graham Beards & Graham Colm via Wikicommons CC BY 3.0)

Un rotavirus représenté en 3D (Ph. Graham Beards & Graham Colm via Wikicommons CC BY 3.0)

A l’ère de la génétique tout azimut, où faire séquencer son génome ne coûte qu’une poignée d’euros (100 environ), la lacune de compréhension sur la nature des virus faisait désordre. Sont-ce des êtres vivants ou bien simplement des structures biochimiques toxiques produites par les cellules ? Les biologistes ne pouvaient pas répondre rigoureusement à cette question, même s’ils penchaient clairement vers la première alternative.

Aujourd’hui, une équipe des chercheurs de l’université de l’Illinois semble avoir comblé cette lacune en démontrant l’enracinement de plain-pied des virus dans l’arbre de la vie. Un résultat important qui éclaire d’une lumière nouvelle cette zone sombre de la connaissance où s’accomplit la séparation entre les règnes de l’inanimé et du vivant.

 Les virus, entités entre la vie et l’inerte

A ceux qui s’étonneraient que l’on puisse douter de la nature vivante des virus, ces “petites bêtes” dont l’humanité ne cesse de se défendre (SRAS, HIV, Ebola, Grippe saisonnière ou aviaire, etc.), il faut rappeler que la définition du vivant par les biologistes contient des clauses que les virus ne semblent pas remplir, comme de posséder un métabolisme. Par ailleurs, une autre condition, la capacité à se reproduire, est présente chez les virus mais pas au sens habituel du terme, à savoir posséder la “machinerie” pour construire à partir de leur matériel génétique de nouveaux exemplaires.

Représentation des relations entre virus et cellules dans l'arbre de l'évolution (Nasir and Caetano-Anollés Sci. Adv. 2015).

Représentation technique des relations entre virus et cellules dans l’arbre de l’évolution (Nasir and Caetano-Anollés Sci. Adv. 2015).

Car les virus, s’ils contiennent bien des séquences d’ADN ou ARN, ne sont pas capables de synthétiser à partir d’elles les briques pour construire une progéniture, c’est-à-dire produire des protéines et répliquer son matériel génétique à l’aide d’enzymes (une classe particulière de protéines). Pour cela, les virus doivent utiliser le métabolisme de leur cellule-hôte.

 Les virus possèdent-ils un ancêtre commun ?

Pour ces raisons, et pour d’autres, les virus peuvent également être considérés comme de simples réservoirs de “restes” de cellules vivantes (membrane, matériel génétique) qui intoxiquent les cellules, lesquelles se mettent alors à reproduire ces éléments toxiques et à les lâcher dans le sang. Et si l’on dit que les virus mutent, cela peut aussi bien signifier que c’est la cellule envahie par ces entités qui mute et peut se mette à produire des exemplaires légèrement différents de ses envahisseurs. Bref, si une cellule envahie par un virus peut être assimilé à organisme vivant, pour le virus lui-même, isolé, les choses ne sont pas claires.

Mais il existe une autre voie, qu’ont empruntée les chercheurs : remonter aux origines des virus pour savoir s’ils ont évolué à partir d’une forme jadis clairement vivante et autonome (par exemple, un organisme unicellulaire) où s’ils ont toujours été une sorte d’entrepôt à déchets toxiques. Les virus possèdent-ils donc un ancêtre qui appartenait à l’arbre de l’évolution ?

 Les protéines de l’évolution

Hélas, l’ADN ou ARN contenue par un virus est en général trop petit, trop volatile et trop lié à celui d’une cellule-hôte pour qu’il puisse être analysé les méthodes usuelles, en comparant les codes d’un grand nombre d’individus d’espèces voisines afin d’en tirer les séquences invariables, signature de l’ancêtre commun. Les scientifiques ont choisi d’étudier plutôt que l’ADN ou l’ARN, les protéines produites par les virus, à la recherche de formes invariables.

Exemple de protéine repliée (ici, de l'hémoglobine). Ph. Gabby8228 (GFDL).

Exemple de protéine repliée (ici, de l’hémoglobine). Ph. Gabby8228 (GFDL).

Comme les protéines sont de longues molécules repliées sur elles-mêmes d’une manière très particulière – qui détermine leur fonction dans l’organisme – les chercheurs se sont concentrés sur leurs structures : utilisant les données biochimiques disponibles, ils ont ainsi comparé les repliements de protéines produites par 3460 virus et 1 620 cellules d’organismes de différentes espèces.

 Issus d’une cellule voici 2,45 milliards d’années

Ils ont ainsi découvert que si les cellules et les virus partagent 442 types de structures de protéines, 66 n’appartiennent qu’aux virus. Ces structures étaient, ont déduit les chercheurs, celles que produisait leur ancêtre commun. Voilà les virus intégrés de fait dans le jeu de l’évolution. Mais qui était-il ? C’est une découverte relativement récente qui leur a permis d’en dévoiler le profil probable : l’ancêtre était… une cellule. La branche a ainsi été reliée à l’arbre.

Reconstitution informatique d'un mimivirus (Crédit : Xiao C, Kuznetsov YG, Sun S, Hafenstein SL, Kostyuchenko VA, et al. 2009 PLoS Biol)

Reconstitution informatique d’un mimivirus (Crédit : Xiao C, Kuznetsov YG, Sun S, Hafenstein SL, Kostyuchenko VA, et al. 2009 PLoS Biol)

C’est en effet l’existence de “mimivirus“, sortes de géants possédant un matériel génétique plus large que celui de certains microbes et contenant tous les outils génétiques nécessaires à la réplication, qui leur a inspiré cette réponse. Et les méthodes de génétique statistique ont permis de situer la date de cet ancêtre commun à -2,45 milliards d’années.

Les virus sont donc bien des êtres vivants, issus d’une lignée d’organismes unicellulaires qui ont épousé un mécanisme particulier de l’évolution, nommé évolution réductive (simplification plutôt que complexification). Les virus sont donc bien nos cousins lointains…

Román Ikonicoff

 

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> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  • La mécanique de la vie – S&V n°1150 – 2013. Contraintes, frottements, contractions… les forces physiques agissent aussi sur les cellules, et influencent leur développement et leur organisation à l’intérieur de l’organisme. La division cellulaire, aussi, obéit aux lois de la physique !

S&V 1150 - mécanique de la vie

  • Les nouveaux mystères de l’ADN – S&V n°1145 – 2013 – Depuis la découverte de la structure de l’ADN, en 1953, les biologistes ne cessent de s’étonner de la sophistication de cette minuscule machinerie qui contient toutes les informations pour faire fonctionner un organisme vivant. C’est un véritable langage, dont les paroles sont des protéines, qui est loin d’avoir été parfaitement déchiffré.

1145bis

  • Virus : la fin de l’homme ? – S&V n°934. Le « péril viral » est annoncé pour le troisième millénaire. Aux nombreux virus déjà connus s’ajoute en effet la menace d’une multitude d’autres…

S&V 934 virus