Hubble aborde les frontières de l’Univers

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Au cœur de l'amas de galaxies MACS J0717,5+3745, situé à environ 5 milliards d'années-lumière de la Voie lactée... La masse invraisemblable de cette formidable agglomération cosmique courbe l'espace-temps autour d'elle et agit comme une immense lentille naturelle. Cette lentille gravitationnelle permet de de voir des galaxies situées en arrière-plan. Déformées, agrandies, amplifiées, sur cette image, elles apparaissent comme de grandes virgules fantomatiques et bleutées. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Au cœur de l’amas de galaxies MACS J0717,5+3745, situé à environ 5 milliards d’années-lumière de la Voie lactée… La masse invraisemblable de cette formidable agglomération cosmique courbe l’espace-temps autour d’elle et agit comme une immense lentille naturelle. Cette lentille gravitationnelle permet de percevoir des galaxies situées loin en arrière-plan de l’amas. Déformées, agrandies, amplifiées, sur cette image, elles apparaissent comme de grandes virgules fantomatiques et bleutées. Photo Nasa/ESA/STSCI.

C’est une plongée vertigineuse dans l’abîme du temps que nous proposent les astronomes avec ces nouveaux portraits en majesté du cosmos que le télescope spatial Hubble a réalisé…
Ces images de lointains amas de galaxies, prises dans le cadre du projet Hubble Frontier Fields, sont probablement parmi les plus fascinantes prises depuis un quart de siècle par le télescope spatial américain.
Hubble Frontier Fields ? Prenez l’un des plus puissants télescopes jamais construits, pointez le vers un point du ciel, appuyez sur le déclencheur et attendez… Depuis quelques années, le télescope Hubble est essentiellement utilisé par les astronomes américains et européens pour réaliser des « deep fields » selon l’expression consacrée, c’est à dire des « champs célestes profonds ». Il s’agit tout simplement d’accumuler un temps de pose déraisonnable – jusqu’à plus de une semaine de temps de pose ! – afin de détecter des astres extraordinairement faibles. Si le vieillissant Hubble est désormais dépassé dans certains domaines d’observation, où des télescopes géants terrestres le surpassent, il demeure le champion absolu de ces observations… aux frontières.

MACS J0717,5+3745, situé dans la constellation du Cocher, à environ 5 milliards d'années-lumière de la Voie lactée, est l'un des plus grands amas de galaxies connus dans l'Univers. Dans ce véritable océan de galaxies se pressent des millions de milliards d'étoiles. C'est en arrière-plan de cet amas, qui joue aussi le rôle de lentille gravitationnelle, que les astronomes ont découvert les plus lointaines galaxies de l'Univers. Photo Nasa/ESA/STSCI.

MACS J0717,5+3745, situé dans la constellation du Cocher, à environ 5 milliards d’années-lumière de la Voie lactée, est l’un des plus grands amas de galaxies connus dans l’Univers. Dans ce véritable océan de galaxies se pressent des millions de milliards d’étoiles. C’est en arrière-plan de cet amas, qui joue aussi le rôle de lentille gravitationnelle, que les astronomes ont découvert les plus lointaines galaxies de l’Univers. Photo Nasa/ESA/STSCI.

En effet, en dépit d’un miroir de petite taille – 2,4 mètres seulement – Hubble, dans l’espace, bénéficie, en l’absence d’atmosphère, d’images parfaites et d’un fond de ciel – celui du cosmos, littéralement – d’un noir absolu, ou presque. Le programme Hubble Frontier Fields consiste en l’observation en longue pose de six amas de galaxies lointains. Ces amas n’ont pas été choisis par hasard : leur distance et leur masse, en effet, en font des « télescopes gravitationnels » naturels particulièrement efficaces. En effet, la masse totale de chaque amas, équivalente à quelques millions de milliards de masses solaires, courbe l’espace-temps local, et cette courbure agit comme une lentille grossissante, une lentille gravitationnelle… Observer un tel amas revient donc à doper Hubble, d’un facteur qui peut atteindre 10, 50, 100 fois…
Évidemment, ces « amas lentilles » comme les appellent les astronomes, ne sont ni homogènes ni sphériques, et ces lentilles naturelles auraient fait dressé les cheveux sur la tête de Galilée et ses disciples… Les images amplifiées offertes par ces télescopes naturels sont déformées, multipliées, comme vues à travers, prosaïquement… un cul de bouteille. Reste que les lentilles gravitationnelles donnent un accès unique à l’Univers lointain, en amplifiant la lumière des astres qui se trouvent dans leur alignement…
C’est donc cet arrière-plan, et pas l’étourdissante beauté des myriades de galaxies d’avant-plan, qui ont inspiré le Hubble Frontier Fields.
L’analyse des images de trois de ces six amas vient d’être publiée dans l’Astrophysical Journal par Hakim Atek, Johan Richard, Mathilde Jauzac, Jean-Paul Kneib et leurs collaborateurs.

L'amas de galaxies MACS J0416,1-2403 se trouve à 4 milliards d'années-lumière, dans la constellation de l'Eridan. Cet amas géant est l'une des six cibles du Hubble Frontier Fields. Cent heures de pose ont été nécessaires pour obtenir cette image extraordinairement profonde de cet amas, montrant des galaxies de trentième magnitude. Photo Nasa/ESA/STSCI.

L’amas de galaxies MACS J0416,1-2403 se trouve à 4 milliards d’années-lumière, dans la constellation de l’Eridan. Cet amas géant est l’une des six cibles du Hubble Frontier Fields. Cent heures de pose ont été nécessaires pour obtenir cette image extraordinairement profonde de cet amas, montrant des galaxies de trentième magnitude. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Et ce qu’ont vu ces astronomes est inédit : près de 250 galaxies en tout, situées entre 13 et 13,2 milliards d’années-lumière, les plus lointaines étant donc vues telles qu’elles existaient 600 millions d’années seulement après le big bang, daté de 13,8 milliards d’années, d’après les plus récentes données du satellite européen Planck.
Jamais une telle population de galaxies ultra lointaines n’avait été observée aussi précisément, la contribution des « télescopes gravitationnels » constitués par les amas s’avérant décisives, permettant aux astronomes de multiplier la puissance de Hubble par dix environ…
Et ces très jeunes galaxies confirment le scénario que les astronomes voient émerger de leurs observations profondes depuis une vingtaine d’années : les premières galaxies étaient petites, compactes et brillantes, elles devaient ressembler à de gigantesques et chaotiques amas d’étoiles. A l’époque lointaine sondée par Hubble, le cosmos tel que nous le contemplons aujourd’hui n’existait pas : pas de galaxies spirales, grandes elfes cosmiques diaphanes et élégantes lancées dans un ballet indifférent et éternel, pas de galaxies elliptiques géantes, brillant de mille milliards d’étoiles, pas de mondes par myriades, et leurs paysages inconnus, et leurs couchers de soleils et leurs clairs de lunes…
L’Univers, à l’époque, plus chaud et plus dense qu’aujourd’hui, émergeait du brouillard brûlant du big bang. Mais quand, comment, sont apparues les premières étoiles, les premières galaxies, environ 500 millions d’années après le big bang, telle est la question à laquelle ne répondra pas Hubble.

Ces infimes taches lumineuses sont les plus lointaines galaxies connues dans l'Univers. 250 galaxies en tout, exhibant des décalages spectraux de 6 à 8 ont été trouvées dans les amas MACS J0717,5+3745, MACS J0416,1-2403 et Abell 2744. Ces galaxies sont éloignées de plus de treize milliards d'années-lumière. Photo Nasa/ESA/STSCI.

Ces infimes taches lumineuses – au centre de chaque vignette – sont les plus lointaines galaxies connues dans l’Univers. 250 galaxies en tout, exhibant des décalages spectraux de 6 à 8 ont été trouvées dans les amas MACS J0717,5+3745, MACS J0416,1-2403 et Abell 2744. Ces galaxies sont éloignées de plus de treize milliards d’années-lumière. Photo Nasa/ESA/STSCI.

En effet, la génération actuelle d’instruments astronomiques, Hubble dans l’espace, les télescopes géants et leurs miroirs de 8 à 10 mètres dans les observatoires terrestres, n’iront pas plus loin… Les galaxies ultralointaines découvertes par Hubble sont à la limite des capacités instrumentales, et d’une certaine façon, économiques, des télescopes actuels et des instituts qui les gèrent.
Pour en voir plus, pour en savoir plus, il faudrait mobiliser les plus puissants instruments du monde – à raison de 10 000 euros par heure d’observation – pendant des mois, des années… Absurde.
Ainsi, lorsque les astronomes observent des astres qui ne leur prodiguent qu’un ou deux photons par seconde, ils savent qu’ils ont atteint une limite, une frontière. Les lois de l’optique étant ce qu’elles sont, définitives et irréductibles, il n’existe pour les astronomes qu’une seule possibilité pour élargir leur horizon : augmenter la taille de leur télescope, ou, plus exactement, du miroir qui les équipe, leur âme.
Depuis Galilée et sa petite longue vue – un jouet, selon les critères d’aujourd’hui – depuis quatre siècles, toutes les deux décennies environ, les astronomes doublent la dimension de leurs instruments, et multiplient donc par quatre leur puissance… Avec Hubble, et ses temps de pose surréalistes, les astronomes ont dépassé la barrière mythique de la trentième magnitude, manière technique de dire qu’ils voient désormais des astres dix milliards de fois plus pâles que la plus pâle étoile visible à l’œil nu.
Mais pour lever le voile sur l’une des plus grandes énigmes de la cosmologie contemporaine – comment s’est structuré le monde, à partir du creuset brûlant du big bang, cela ne suffira pas.
C’est donc la prochaine génération d’astronomes, celle qui aujourd’hui rêve en découvrant ces extraordinaires images prises par le télescope spatial, qui, dans dix ans peut-être, avec des instruments bien plus puissants qu’aujourd’hui, nous donnera à voir ce spectacle incroyable, joué pour la première fois, une fois pour toute, et sans témoins, voici plus de 13,3 milliards d’années : l’allumage de la toute première étoile.
Serge Brunier

La peau absorbe certains polluants de l’air : les phtalates

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C'est par la peau que certains polluants de l'air, les phtalates, pénètrent dans l'organisme. - Ph. Qubodup / Flick / CC BY 2.0

C’est par la peau que certains polluants de l’air, les phtalates, pénètrent dans l’organisme. – Ph. Qubodup / Flick / CC BY 2.0

Une étude révèle que certaines substances toxiques présentes dans l’air, les phtalates, sont absorbées par la peau autant que par le nez !

Que ce soit en marchant en ville, en prenant le métro ou en intérieur, nous respirons de la pollution. A chaque inhalation, des polluants en suspension dans l’air pénètrent dans nos poumons, puis passent dans le sang. A commencer par les très petites particules fines, émises entre autres par les moteurs diesel, mais aussi par les cheminées à foyer ouvert ou les freins et les pneus des voitures, même électriques.

Ainsi, la préoccupation autour des polluants que l’on respire est grandissante. À raison : la recherche a montré que les microparticules sont meurtrières même à des concentrations moyennes, faisant surtout grimper les risques de maladies cardiovasculaires. Lors des pics de pollution, on conseille ainsi aux personnes fragiles de rester chez soi et de ne pas faire d’effort, pour limiter la quantité d’air inhalé.

Mais tous les polluants flottant dans l’air ne rentrent pas que par le nez ! Une nouvelle étude, publiée dans la revue Environmental Health Perspectives, montre en effet que notre peau est une véritable éponge pour certaines substances. Appelés phtalates, ces composés chimiques semi-volatils dérivés du pétrole sont employés dans divers produits industriels d’usage quotidien. On les retrouve dans les cosmétiques, les produits de nettoyage ou encore les bouteilles et autres matériaux en plastique… Or, certains d’entre eux sont classés comme perturbateurs endocriniens, des substances qui interfèrent avec nos hormones et, partant, avec notre santé.

Une expérience montre que les phtalates passent rapidement de l’air à la peau

Afin de mesurer le passage des phtalates par la peau, les chercheurs ont imaginé la méthode suivante. Vêtus uniquement d’un short, 6 volontaires de sexe masculin et de différents âges ont passé 6 heures dans une chambre scellée, où l’air contenait d’importantes concentrations de deux phtalates, le DnBP et le DEP (présents entre autres dans les vernis à ongles et les crèmes cosmétiques, respectivement). L’expérience a été répétée : cette fois, les volontaires enfilaient un casque spécial qui leur permettait de respirer un air propre.

Enfin, les chercheurs ont mesuré les traces de ces deux substances dans les urines produites par les participants juste avant l’exposition et jusqu’à 54 heures après celle-ci. Résultats : les phtalates passaient rapidement dans l’organisme, atteignant leur concentration maximale dans les urines 10 heures après le début de l’exposition. Mais le plus important est qu’ils grimpaient de manière très importante même s’ils n’étaient absorbés que par la peau (condition avec casque).

Dans les urines d'un volontaire, les taux de résidus de phtalates augmentent rapidement au cours de l'exposition, avant de décroître. Les signes creux indiquent la condition avec casque (exposition uniquement par la peau) - Crédit EHP

Dans les urines d’un volontaire, les taux de résidus de phtalates augmentent rapidement au cours de l’exposition, avant de décroître. Les signes pleins indiquent la condition avec casque (exposition uniquement par la peau) – Source/Crédit : Environ Health Perspect; DOI:10.1289/ehp.1409151

Les phtalates comptent des perturbateurs endocriniens notoires

Même si ces conclusions ne portent que sur une poignée de participants, elles suffisent pour relancer l’alerte sur ces composés. Premièrement parce qu’elles rejoignent les connaissances scientifiques sur la dangerosité des phtalates, liés à des troubles nerveux, reproductifs, respiratoires et métaboliques (diabète, obésité). Deuxièmement, parce qu’avec 2 millions de tonnes produites par an à travers le globe, ils sont omniprésents dans notre quotidien.

Il est donc inquiétant que la peau, notre organe le plus étendu et notre principale barrière envers notre environnement, ne nous protège pas suffisamment de ces substances. D’après l’ONG Alliance pour la santé et l’environnement (Health and Environment Alliance, HEAL), les perturbateurs endocriniens, à l’instar de certains phtalates, du bisphénol A ou de certains insecticides sont responsables de 31 milliards d’euros de dégâts sanitaires par an en Europe, dont 4 milliards en France.

—Fiorenza Gracci

 

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  • La puberté n’est plus ce qu’elle était — S&V n°1150 (2013). Des petites filles qui développent des seins à un âge de plus en plus précoce, alors que l’âge des règles ne change presque pas. C’est là un dérèglement hormonal où les perturbateurs endocriniens jouent un rôle majeur.

S&V 1150 - puberte

Pourquoi la toxicité des substances chimiques nous échappe - S&V 1140

S&V 1127 - perturbateurs endocriniens