Pilule contraceptive masculine : deux médicaments fonctionnent chez la souris

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Un nouveau mécanisme contraceptif mis en lumière chez la souris (ici, des spermatozoïdes humains). - Ph. Bobjgalindo / Wikimedia Commons / CC BY SA 4.0

Un nouveau mécanisme contraceptif mis en lumière chez la souris (ici, des spermatozoïdes humains). – Ph. Bobjgalindo / Wikimedia Commons / CC BY SA 4.0

C’est un nouveau pas de franchi vers le développement d’une pilule contraceptive pour homme ! Des chercheurs japonais ont identifié deux médicaments qui empêchent aux spermatozoïdes de souris de féconder les ovules, et ce de manière réversible.

Chez l’homme, ces deux médicaments, la cyclosporine A et le FK506, sont déjà couramment utilisés comme traitement antirejet par les personnes porteuses d’une greffe, en vertu de leur effet immunosuppresseur, bloquant la réaction du système immunitaire vis-à-vis du greffon.

Or, les patients qui en consomment peuvent souffrir d’une baisse de la fertilité, pour des raisons qui demeuraient mal expliquées jusqu’ici. Tout ce qu’on savait était que leurs spermatozoïdes avaient des problèmes de mobilité.

Pour tenter d’en savoir plus, une équipe de biologistes et pharmacologues de l’université d’Osaka (Japon) dirigée par Masahito Ikawa a ciblé ses recherches sur l’action de ces médicaments sur les spermatozoïdes… ce qui les a menés à la conclusion qu’ils pourraient servir de contraceptifs pour homme !

Administrés durant deux semaines à des souris mâles, la cyclosporine A et le FK506 les rendaient infertiles en 5 et 4 jours respectivement. Et quand le traitement cessait, la reproduction était de nouveau possible une semaine plus tard.

Utilisés comme immunosuppresseurs, ils agissent sur une enzyme présente également dans les spermatozoïdes

A quoi tient l’action de ces médicaments ? Les deux agissent sur une enzyme appelée calcineurine, dont le rôle est bien connu dans le système immunitaire. Elle se charge d’activer des cellules de défense, les lymphocytes T, afin de les faire rentrer dans la bataille cellulaire contre les infections.

En bloquant la calcineurine, la cyclosporine A et le FK506 empêchent l’enrôlement des lymphocites T, d’où leur effet immunosuppresseur.

Mais comment agissent-ils sur les spermatozoïdes ? Ceux-ci, ont découvert les chercheurs japonais, possèdent également la calcineurine, sous la forme d’une variante appelée PPP3CC/PPP3R2.

Pour comprendre l’effet des deux médicaments sur la calcineurine des spermatozoïdes, l’équipe a généré une lignée de souris de laboratoire génétiquement modifiées (dites knockout), chez qui la calcineurine des spermatozoïdes était dysfonctionnelle (le gène produisant la moitié PPP3CC était “cassé”).

Privés de la calcineurine, ces spermatozoïdes apparaissaient pourtant normaux au microscope, bien que légèrement moins mobiles. Mais si les mâles knockout s’accouplaient normalement avec les femelles, ils ne généraient aucun souriceau !

Voilà qui permet d’expliquer l’action des deux médicaments testés : de la même manière que la modification génétique, ils inactiveraient la calcineurine des spermatozoïdes, entraînant leur infertilité.

Ils agissent sur une enzyme essentielle à la motilité des spermatozoïdes

Restait à comprendre pourquoi la calcineurine est indispensable pour le bon fonctionnement des gamètes masculins. Les biologistes japonais ont alors tenté de féconder des ovules in vitro (FIV) avec les spermatozoïdes knockout.

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Fécondation in vitro chez les souris étudiées. A gauche : des spermatozoïdes normaux fécondent des ovules. Au centre : les spermatozoïdes de souris knockout pour la calcineurine ne parviennent pas à féconder les ovules. A droite : des souriceaux nés d’une FIV avec les spermatozoïdes knockout lorsqu’on a retiré la zone pellucide des ovules.

C’est là qu’ils ont saisi leur souci : ils étaient incapables de traverser la zone pellucide, une couche de glycoprotéines qui entoure l’ovocyte. Par contre, lorsque la zone pellucide était affaiblie chimiquement (par l’ajout d’une substance appelée glutathione), la fécondation était couronnée de succès, produisant des souriceaux sains !

Or, les spermatozoïdes ne peuvent traverser cette ultime barrière autour de l’ovocyte qu’à l’aide d’un mouvement en fouet particulièrement puissant de leur flagelle (ou leurs flagelles dans le cas des souris, qui en possèdent plusieurs), nommé hyperactivation. Un mouvement dont les spermatozoïdes dépourvus de calcineurine sont incapables !

La raison de ce handicap, l’équipe japonaise l’a identifiée grâce à l’observation du sperme assistée par ordinateur : une rigidité particulière de la “pièce intermédiaire” des spermatozoïdes, qui empêche leur hyperactivation, et donc la fécondation.

La perspective se rapproche de formuler une pilule contraceptive masculine

C’est donc une nouvelle piste pour le développement d’un contraceptif masculin qu’ouvre cette découverte. Réversibles, rapides d’action et, qui plus est, déjà connus et largement utilisés chez des patients humains, la cyclosporine A et le FK506 se présentent comme d’excellents candidats de pilule pour homme.

Avec un avantage de taille : ils n’interfèrent pas avec la spermatogénèse, ni avec la fonction testiculaire. Ils se limitent à rendre trop rigides les spermatozoïdes pour mener à bien la fécondation.

Marcheront-ils sur notre espèce comme ils marchent chez la souris ? Déjà, l’équipe japonaise, qui a publié ses travaux dans la revue Science express ce 1er octobre, affirme avoir montré que le même type de calcineurine ciblée par ces médicaments chez la souris est également présent dans les spermatozoïdes humains.

Reste donc à approfondir les aspects plus strictement pharmacologiques : à quelle dose permettent-ils de produire une inhibition de la fertilité ? Ces doses sont-elles acceptables ? Espérons que les recherches ultérieures donneront les réponses à ces questions.

—Fiorenza Gracci

 

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Synode : La parole aux familles "hors cadre"

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« Nous avons besoin d’être soutenus dans l’éducation de nos enfants »

Boris et Carine Ingoulou, quatre enfants hors mariage, Créteil (94).

« Nous nous sommes mariés le 1er août dernier ! Jeunes mariés et… vieux couple puisque notre aînée a 17 ans. Moi, Boris, j’étais croyant, pratiquant, mais pas baptisé. Nous avions le désir de nous marier religieusement, mais nous ne nous sentions pas prêts. Alors nous avons pris notre temps et attendu l’appel de Dieu. Nous avons choisi de continuer à vivre ensemble, d’éduquer nos enfants dans la foi et de nous priver de l’eucharistie jusqu’à notre mariage. Nous avons tout de suite été intégrés à notre paroisse et, pour Carine, à la chorale du groupe Afrique de Créteil. J’ai suivi le catéchuménat, reçu le baptême puis la confirmation ; Carine a été confirmée en 2013 à la cathédrale de Choisy-le-Roi (94). Je pense que l’Église doit à la fois confirmer sa position, fondée sur la parole de Dieu, et en même temps évoluer sur certains sujets. Elle doit mieux accompagner les jeunes. En tant que parents, nous avons besoin d’être soutenus dans l’éducation de nos enfants. Sans doute les Évangiles sont-ils lus d’une manière trop littérale, sans mettre suffisamment en lumière leur lien avec l’actualité, avec nos vies. Concernant les divorcés remariés qui ne peuvent pas communier, s’agit-il de la loi des hommes ou de la loi de Dieu ? Dieu est-il capable d’exclure ? Il ne peut accepter que certains de ses enfants soient à la marge. »

« Il y a du boulot pour soutenir les familles monoparentales ! »

Agnès Guillerot, mère de trois enfants, Larmor-Plage (56).

« J’ai élevé seule mes trois enfants. Je mesure aujourd’hui ma chance d’avoir eu la foi, car avec Dieu on n’est jamais seul. Cela dit, il y a du boulot dans nos églises pour soutenir les familles monoparentales. C’est à nous, les premières concernées, d’inventer une façon de nous entraider. J’aurais aimé avoir des échanges autour de problématiques éducatives : comment élever ses enfants dans la foi, être reconnue comme une famille par l’Église ? Ce que j’ai trouvé dur aussi, c’est l’absence de vis-à-vis adulte au quotidien. Parfois, j’aurais juste eu besoin de partager un apéro ! J’ai été soutenue par des sessions de communautés nouvelles et par le scoutisme, pour mes enfants. Il y a dix ans, j’ai participé à une session Cana Espérance organisée par le Chemin-Neuf, et ça a changé ma vie ! Je culpabilisais d’être seule, mais je dois dire qu’aucun paroissien ne me l’a jamais fait sentir ; c’est moi qui me sentais en dehors. Depuis, j’ose ! Je me suis investie : équipe liturgique, parcours Alpha, groupes de prières où je vis une véritable fraternité. C’est mieux que l’amitié : on ne s’est pas choisis, mais on s’aime. Pour moi, l’Église ne doit surtout pas brader le sacrement du mariage, mais pourrait assouplir son discours. Je la trouve un peu sévère. Je ne comprends pas, par exemple, que les divorcés remariés ne soient pas invités à la table du Seigneur, alors que Judas l’a été. »

« Le changement passe par les croyants »

Christine Pujol, trois enfants, divorcée, et Élisabeth, sans enfants, Créteil (94).

« Moi, Christine, j’aime mon Église. Je l’ai redécouverte après m’en être beaucoup éloignée. Autrefois mariée – je suis mère de trois enfants, de 26 à 34 ans -, j’étais engagée dans la paroisse, je préparais les couples au mariage… avant que tout bascule. J’ai traversé une dépression, compris que ma vie s’était construite comme sans moi. J’ai découvert mon « homosensibilité » après un long travail thérapeutique. Deux ans après mon divorce, en 2001, j’ai rencontré Élisabeth. Pendant ces années, je me suis sentie peu écoutée, blessée par la condescendance des chrétiens vis-à-vis de l’homosexualité. C’est au sein de la Communion Béthanie, fraternité de prière au service des personnes homosexuelles et transgenres, que j’ai retrouvé l’Église. Élisabeth, en recherche spirituelle, s’y sent accueillie là où elle en est, avec tout ce qu’elle est. Et elle m’accompagne sur mon chemin de foi. En 2008, notre couple a été béni. Aujourd’hui au service de l’Église, j’ai contribué à la création de la pastorale Se parler, une ligne d’écoute pour les personnes concernées par l’homosexualité, dans mon diocèse de Créteil. Le pape, qui est profondément humain, montre le visage du Christ : il change les regards et permet ces initiatives nouvelles. Mais il ne pourra pas changer les règles et les dogmes. C’est pourquoi nous n’attendons rien du synode. Le changement passe par les croyants. »

« Un choc de simplification est nécessaire »

Mathieu et Hélène Bernard, famille recomposée de cinq enfants, Londres.

Hélène : « Nous nous sommes remariés respectivement à 30 et 35 ans, avant d’avoir obtenu nos reconnaissances de nullité. Nous avons continué d’aller à la messe, sans communier. Choisir de rester dans l’Église est difficile. Notre vie intérieure de baptisé semble dénuée de valeur à cause de ce statut qui nous marginalise. Nous avons changé de paroisse pour nous sentir pleinement accueillis et non plus comme des “chrétiens de seconde zone”. Je n’attends pas du synode un assouplissement ou une procédure de nullité plus expéditive qui reviendrait à un “divorce” dans l’Église : c’est une démarche personnelle de relecture qui est salutaire et nous sommes attachés, même après notre épreuve, à un engagement dans la durée porté par l’Église. »
Mathieu : « Nous souhaitons et prions pour que ce synode esquisse une solution pour les divorcés remariés, notamment pour ceux qui sont engagés dans la fidélité. La reconnaissance de nullité est inaccessible ou incompréhensible pour la majorité. Un choc de simplification est nécessaire pour rejoindre le Christ dans son accueil, son invitation inconditionnelle à le suivre. Nous espérons un chemin permettant la réintégration sacramentelle, un peu à l’image de ce qui est proposé par l’Église orthodoxe. Nous espérons une ouverture : la fin de cette absence de perspective qu’est l’interdiction d’accéder aux sacrements. »

« Le synode est un signe extraordinaire »

Christophe Broquet et Géraldine Millon-Broquet, divorcés remariés sans nullité, quatre enfants en garde alternée, Communay (69).

« Tous deux divorcés d’une précédente union, après un mariage religieux pour Géraldine, nous nous sommes rencontrés fin décembre 2008. Très vite, notre relation a été évidente, et nous nous sommes mariés civilement en juin 2011. Nous avions chacun deux enfants. Notre engagement familial chez les Scouts et Guides de France, où nous sommes responsables depuis 2009, nous a permis de revenir à l’Église, progressivement. Nous avons cheminé. J’ai reçu le sacrement de confirmation cette année. Au printemps dernier, le délégué épiscopal nous a invités à discuter de l’articulation entre notre désir de vie à la suite du Christ et notre participation à l’eucharistie. Nous allons communier tant que cela ne blesse personne, avec notre conscience et face à Dieu. Mais nous sommes prêts à nous tenir à l’écart pour ne pas choquer. Pour nous, le synode est un signe extraordinaire de la volonté de l’Église d’être à l’écoute et de rejoindre tout homme au plus près de sa vie. Notre bon pasteur François impulse un élan d’humanité, d’amour, que je sens venu de Dieu et qui me touche. Nous aspirons à ce que notre union soit aujourd’hui reconnue par l’Église et par les hommes. Avec humilité et reconnaissance, nous prions pour que ce synode fasse avancer la doctrine. »