Greffes : les porcs en passe de devenir des fabriques à organes pour humains

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Des chercheurs espèrent avoir réussi à désactiver les gènes porcins néfastes pour les greffes d'organes à des humains (Ph. Nick Saltmarsh via Flickr CC BY 2.0)

Des chercheurs espèrent avoir réussi à désactiver les gènes porcins néfastes pour les greffes d’organes à des humains (Ph. Nick Saltmarsh via Flickr CC BY 2.0)

Le travail n’a pas encore donné lieu à une publication officielle, mais l’annonce de ses résultats, le 5 octobre dernier, a été amplement commentée par les revues spécialisées, dont Nature. Il s’agit d’abord d’un record : une équipe de chercheurs du Harvard Medical School à Boston a présenté lors d’un meeting à l’Académie des sciences américaine (US National Academy of Sciences) ce qui semble être la plus complexe et importante modification des gènes d’embryons porcins – 62 gènes modifiés simultanément – afin de rendre les organes des futurs adultes compatibles avec le métabolisme humain. Ce, en vue de constituer un réservoir inépuisable pour les milliers de personnes en attente de greffe.

Outre la perspective médicale ouverte par ce travail, la manipulation génétique “de masse” réalisée par l’équipe couronne la nouvelle technique d’”édition génomique” nommée CRISPR/Cas9 (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats  ou « Courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées »), qualifiée par certains de “révolutionnaire” tant elle rend accessible les modifications génétiques, pour des coûts relativement bas.

La greffe d’organes animaux et ses inconvénients

Le fait est connu : la demande en greffe d’organes est largement supérieure à l’offre – essentiellement à partir d’un donneur vivant ou d’un patient en état de mort cérébrale. Pour pallier ce manque, les biologistes étudient depuis des années la possibilité d’obtenir des organes compatibles à partir d’espèces proches de nous, tel le cochon domestique (Sus scrofa domesticus) : cœur, foie, rein, peau… Cette solution, nommée Xénogreffe, est pour l’heure purement expérimentale – à l’exception notable des greffes de valves cardiaques de porcs – du fait des risques de transmission de maladies ou de rejet par le système immunitaire humain.

Les rejets de ce type sont notamment liés à la présence, dans le génome animal, de matériel génétique de virus potentiellement dangereux pour nous, qui peuvent provoquer des maladies (dont des cancers) ou un rejet : le système immunitaire humain les reconnaît et les attaque avec violence. Chez les porcs, il s’agit de rétrovirus dits endogènes ou PERV (Porcine Endogenous Retrovirus), dont les généticiens ont identifié une soixantaine de gènes intégrés à l’ADN porcin.

 Des gènes d’anciens virus qu’il faut désactiver

C’est à ces PERV dument identifiés que les chercheurs de Harvard se sont attaqués, selon le commentaire publié dans la revue Nature, avec l’arme absolue : l’inactivation de leur fonction – soit l’arrêt de la production de protéines à l’échelle cellulaire. Précisément, 62 gènes dans les embryons de porcs ont été désactivés d’un coup par les chercheurs. Cela représente dix fois le nombre de gènes jusque-là inactivés simultanément par édition génomique CRISP/Cas9, qui consiste globalement à introduire dans  les cellules une enzyme capable de reconnaître l’ADN “étranger” dans le patrimoine de la cellule et l’inactiver.

Les chercheurs ont également annoncé avoir modifié, par la même technique, 20 autres gènes des embryons de porcs responsables de la synthèses de protéines particulières siégeant dans la membrane cellulaire dont on sait qu’ils provoquent une réaction du système immunitaire humain ou une coagulation sanguine.Un record donc, que les chercheurs s’apprêtent à conduire jusqu’au bout : l’implantation des embryons dans une truie pour conduire la gestation à terme.

Encore bien des étapes à franchir

Mais si la manip confirme la montée en puissance de cette technique génétique, elle ne constitue pas, du moins pas encore, un blanc-seing pour les xénogreffes du fait de la complexité des interactions biochimiques dans le réseau des gènes d’un être vivant. Car le maintien de l’intégrité globale d’un organisme se fait par un équilibre subtil entre et dans des “cascades” de signaux biochimiques. L’effet de l’inactivation simultanée de nombreux gènes est impossible à prévoir théoriquement, aussi seule la voie expérimentale permettra de mesurer le degré de réussite des chercheurs et les obstacles à surmonter : conduite à terme des embryons, viabilité des veaux, tests de greffes sur des animaux d’une espèce proche de la nôtre (comme les chimpanzés), etc.

Si les xénogreffes sont considérées aujourd’hui comme une réelle promesse d’avenir, avec d’autres techniques comme l’autogreffe par cellules souches, le douloureux problème du déficit d’organes disponibles continuera de hanter des milliers de malades en attente (13 698 en 2008), dont on sait que moins d’un tiers reçoit dans l’année le coup de fil tant espéré.

Román Ikonicoff

 

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  • L’arme fatale de la thérapie génique – S&V n°1166 – 2014. La montée en puissance CRISPR/Cas9, un nouvel outil pour la génétique : grâce à lui, les biologistes disposent d’une véritable fonction « rechercher-remplacer » à l’échelle des gènes contenus dans les cellules.

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S&V 1167 - greffes

S&V 1116 culture organes

Comment le long cou est venu à la girafe ? Le mystère commence à s’éclaircir…

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Des chercheurs ont retracé l'histoire de l'allongement du cou de la girafe (Ph. Frank Vassen via Flickr CC BY 2.0).

Des chercheurs ont retracé l’histoire de l’allongement du cou de la girafe (Ph. Frank Vassen via Flickr CC BY 2.0).

Pourquoi et comment l’évolution a-t-elle allongé le cou des girafes ?  Cela fait plus de deux siècles que le cou de ce paisible mammifère défie les spécialistes de l’évolution, à commencer par Jean-Baptiste de Lamarck et Charles Darwin. Mais aujourd’hui, des chercheurs du Collège de Médecine ostéopathique de l’Institut technologique de New York (NYIT), apportent enfin un début de réponse. Et celle-ci est étonnante : le processus a démarré avant… l’”invention” des girafes (en tant qu’espèce). En d’autre termes : d’abord le cou, ensuite les girafes.

Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont mené une étude comparative rigoureuse, la première du genre, du cou de 11 espèces relativement proches dans l’arbre de l’évolution, dont les girafes. Grâce à cette démarche, ils ont pu répondre (partiellement) à deux questions essentielles, à savoir comment et quand ce processus d’allongement s’est déroulé. En revanche, il reste à déterminer le “pourquoi ?”, c’est-à-dire comprendre concrètement en quoi cet allongement lui a conféré un avantage évolutif.

 Le cou de la girafe avoisine les deux mètres de longueur

Dans leur étude, les chercheurs ont analysé les vertèbres cervicales (cou) de 71 squelettes ou fossiles d’animaux appartenant à 11 espèces différentes mais apparentées aux girafes, dont 9 disparues et 2 existantes (girafes et okapi). Plus précisément, ils se sont focalisé sur la forme et la longueur de la troisième vertèbre. En effet, la girafe – et les espèces apparentées – en possède sept, comme l’homme, sauf qu’elles peuvent mesurer jusqu’à 40 cm de long et former des cous avoisinant les 2 mètres de hauteur.

Parmi les espèces analysés, deux présentant un allongement cervical ont retenu leur attention : le bien-nommé Prodremotherium elongatum, qui a vécu voici 25 millions d’années, et le Canthumeryx sirtensis, vieux de 16 millions d’années, soit deux espèces antérieures aux girafes modernes (lesquelles sont apparues il y a moins d’un million d’années) mais faisant partie de la même famille d’espèces.

 Un allongement inhomogène en deux phases

Finalement, en intégrant les données recueillies dans un modèle mathématique, les chercheurs ont reconstitué le scénario évolutif suivant : l’allongement a démarré en douceur jusqu’au Canthumeryx, puis la famille s’est séparée en deux branches : celle qui a conduit aux okapis, dont le cou a cessé de s’allonger voire s’est raccourci, et celle qui a conduit aux girafes.

Pour cette dernière branche, l’allongement s’est poursuivi mais de manière inhomogène : voici 7 millions d’années, c’est l’une des extrémités des vertèbres, la face antérieure, qui a commencé à s’allonger, puis il y a 1 million d’années, c’est la face postérieure qui a démarrée son allongement, conduisant directement à l’apparition de la girafe moderne. L’infographie (en anglais) ci-dessous illustre cette histoire.

Chart of evolution of the giraffe.Source:LiveScience

Il reste à comprendre l’avantage évolutif des cous longs

Les étapes de l’histoire évolutive des girafes n’avaient jamais été à ce point précisées, apportant donc un récit relativement complet du processus. Néanmoins, bien des mystères demeurent. En particulier, l’on ignore encore où se situe l’avantage évolutif de ce processus : Est-ce pour mieux atteindre les feuilles tendres des arbres inaccessibles aux autres, ou pour mieux séduire leurs partenaires sexuels ?

De fait, l’avantage évolutif du cou de la girafe a été au centre d’un débat de fond sur l’évolution : Lamarck (1744 – 1829) attribuait l’allongement à la volonté des girafes à atteindre les zones des arbres plus riches en feuilles, ce qui de génération en génération, aurait conduit à leur allongement (par une sorte de “poussée interne”). Darwin (1809 – 1882) de son coté, considérait que le moteur de cet allongement était le hasard des mutations, puis le filtrage statistique par la sélection naturelle : les girafes à plus long cou mangeaient mieux donc se reproduisaient mieux, donc finissaient par s’imposer au détriment des autres lignées. La théorie de l’évolution de Darwin s’est finalement imposée. Mais pour ce qui concerne la longueur du cou de la girafe en particulier, sa raison n’a pas encore été clarifiée.

Román Ikonicoff

 

> Lire aussi :

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Les Grandes Archives de S&V : l’évolution. Formulée par Darwin au milieu du XIX° siècle, la théorie de l’évolution décrit l’histoire du vivant à partir de deux principes : la descendance avec transformation et la sélection naturelle. Les espèces qui vivent aujourd’hui sur terre partagent donc toutes des ancêtres communs. Celles qui ont disparu n’était plus adaptées à leur milieu.

  • Les nouveaux mystères de l’ADN – S&V n°1145 – 2013 – Depuis la découverte de la structure de l’ADN, en 1953, les biologistes ne cessent de s’étonner de la sophistication de cette minuscule machinerie qui contient toutes les informations pour faire fonctionner un organisme vivant. C’est un véritable langage, dont les paroles sont des protéines, qui est loin d’avoir été parfaitement déchiffré.

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  • L’irrésistible extension de la théorie de l’évolution – S&V n°1159 – 2014 – Si Darwin a basé sa théorie de l’évolution par la sélection naturelle sur l’étude de la morphologie des espèces, depuis 155 ans la théorie s’est enrichie, notamment elle a intégré la génétique (Théorie synthétique de l’évolution) dans les années 1930. Mais depuis quelques années, les principes découverts par Darwin s’appliquent également dans d’autres domaines, comme la psychologie, la médecine, la culture voire même la cosmologie et la physique quantique.

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De l’imagination pour un moment d’exception

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