Le nombre d’éléments chimiques est-il limité ?

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Jusqu'où les forces de la nature permettent-elles de créer de nouveaux types d'atomes hyper-lourds ? Représentation probabiliste d'un atome avec son cortège d'électrons (Ph. Kevin Dooley via Flickr CC BY 2.0)

Jusqu’où les forces de la nature permettent-elles de créer de nouveaux types d’atomes hyper-lourds ? Représentation probabiliste d’un atome avec son cortège d’électrons (Ph. Kevin Dooley via Flickr CC BY 2.0)

Les physiciens estiment qu’il y en a probablement un nombre fini, mais ils ne savent pas exactement combien. Pour comprendre cette incertitude, il faut considérer la structure des atomes. Ils sont formés d’un noyau qui rassemble un ou plusieurs nucléons, dont des protons (chargés positivement) et des neutrons (électriquement neutres), autour duquel gravitent des électrons. Le nombre de protons contenus dans le noyau d’un élément lui confère son numéro atomique, sa masse. Ainsi, l’hydrogène, constitué d’un seul proton, est-il le premier élément chimique du tableau des éléments conçu par le chimiste russe Dmitri Mendeleïev en 1869.

A l’état naturel, il n’existe que 92 éléments chimiques classés par ordre de masse, mais les physiciens en ont produit d’autres, jusqu’à atteindre un total de 118. Ces éléments artificiels sont obtenus grâce à des collisionneurs de particules qui ajoutent de nouveaux protons à un élément cible dont la masse est déjà relativement élevée. Mais plus on charge de protons l’élément cible, plus il va repousser les éléments que l’on tente de lui ajouter.

Un élément chimique à 120 protons ?

Car les deux forces qui régissent la cohésion du noyau sont alors déséquilibrées : celle qui maintient la cohésion entre les protons – la force nucléaire forte – n’est plus assez puissante pour équilibrer la force répulsive s’exerçant entre les protons (tous électriquement positifs). Au-delà d’un certain nombre de protons, cette seconde force, dite coulombienne, prend le dessus, repoussant les protons supplémentaires que l’on tente d’insérer. Et le noyau se fractionne. Cette “fission spontanée” survient avant que le noyau ait pu atteindre son état fondamental, celui dans lequel il est entouré de son nuage d’électrons et ainsi doté de ses propriétés chimiques.

Cependant, la fission spontanée peut être retardée en jouant sur le nombre de neutrons : ceux-ci renforcent la cohésion du noyau en compensant la répulsion des protons. Mais encore faut-il parvenir à les ajouter ! En 2006, une équipe américano-russe a mis quarante-cinq jours avant de produire trois atomes d’ununoctium, un élément formé de 118 protons et 176 neutrons, doté d’une durée de vie de… 0,89 milliseconde.

Il pourrait exister un « ilôt de stabilité » pour des éléments très lourds

Les physiciens restent sceptiques quant à leurs capacités à en synthétiser de plus lourds. Mais, en théorie, il existerait un “îlot” de stabilité pour les éléments avec 120 et 126 protons pour 172 ou 184 neutrons, qui leur conférerait une durée de plus d’une seconde permettant de les synthétiser plus facilement. Des projets en cours, comme Spiral2 au Grand Accélérateur de Caen, tentent de parvenir à cet îlot de stabilité.

J.B.

D’après S&V n°1129

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Tableau de Mendeleïev, l’élément 117 met fin au mythe – S&V n°1163 – 2014. Après avoir réussi la synthèse de l’élément chimique 117 (nombre de protons) puis 118, les physiciens se demandent si la longue recherche pour compléter et élargir la tableau de Mendeleïev n’est pas définitivement close… Certains parient que non.

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  • Alchimie nucléaire : transmutations qui défient les lois – S&V n°1040 – 2004. Transmuter le plomb en or sur sa paillasse, telle était le rêve des alchimistes. Mais encore au XXIe siècle, certains physiciens se demandent s’il ne serait pas possible de transformer des éléments chimiques en d’autres avec les moyens de la chimie, c’est-à-dire sans faire appel à la technologie des très hautes énergies.

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