La matière noire va t-elle sortir de l’ombre ?

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L'amas de galaxies Abell 3827 se trouve à près de 1,4 milliard d'années-lumière de la Terre. Au cœur de cet amas, quatre galaxies elliptiques géantes sont lancées dans un processus de fusion. Leur masse énorme – plusieurs milliers de milliards de masses solaires – courbe l'espace-temps autour d'elles et forme une lentille gravitationnelle, laquelle dessine un spectaculaire mirage gravitationnel – les arcs bleutés qui auréolent les galaxies - c'est à dire l'image déformée et agrandie d'une galaxie lointaine située à l'arrière plan...Photo Nasa/ESA/STSCI.

L’amas de galaxies Abell 3827 se trouve à près de 1,4 milliard d’années-lumière de la Terre. Au cœur de cet amas, quatre galaxies elliptiques géantes sont lancées dans un processus de fusion. Leur masse énorme – plusieurs milliers de milliards de masses solaires – courbe l’espace-temps autour d’elles et forme une lentille gravitationnelle, laquelle dessine un spectaculaire mirage gravitationnel – les arcs bleutés qui auréolent les galaxies – c’est à dire l’image déformée et agrandie d’une galaxie lointaine située à l’arrière plan…Photo Nasa/ESA/STSCI.

C’est une découverte à prendre avec précaution, issue d’une seule observation et qui exige donc d’être confirmée par de nouvelles études. D’autant que l’objet de cette observation inédite, c’est… la matière noire, une forme de matière totalement inconnue, qui baignerait une grande partie de l’Univers, mais que les astronomes traquent en vain depuis près de quatre vingt ans…
Prudence donc, à une époque où les scientifiques publient régulièrement des découvertes sensationnelles, démenties après avoir fait le tour du monde, comme en témoigne, en 2014, l’annonce tonitruante de particules se déplaçant plus vite que la lumière, ou de la découverte des ondes gravitationnelles primordiales, ou encore de planètes « habitables » qui n’existent pas
Cette découverte, après les précautions d’usage, donc, serait fondamentale si elle se confirmait… Pour la toute première fois, les astronomes auraient mis en évidence une interaction entre la matière noire et une force de la nature autre que gravitationnelle. La promesse, donc, dans le futur, de pouvoir enfin la détecter directement, de l’observer et découvrir quelle est sa nature.
La matière noire, on le sait, auréole galaxies et amas de galaxies, les faisant « peser » environ cinq fois plus que leur masse « normale » correspondant aux étoiles, nébuleuses, planètes… Cette matière de nature inconnue n’interagit pas, au niveau de précision que nous atteignons aujourd’hui, en tout cas, avec la matière « normale » dont nous sommes constitués, ni avec les forces de la nature, électromagnétisme et forces nucléaires. Elle interagit seulement avec la gravitation, et c’est la gravitation qui nous permet de savoir qu’elle existe… Seulement, personne ne sait quel type de particules exotiques peut constituer cette matière invisible, qui représente, dans le bilan énergétique global de l’Univers, 27 %, contre 5 % pour la matière « normale » dite baryonique (atomes, galaxies, étoiles, planètes) et 68 % pour une force mystérieuse, l’énergie noire, qui accélère l’expansion de l’Univers.
Pour en revenir à la matière noire, on sait qu’elle est là par la masse formidable qu’elle constitue… Toutes les tentatives pour tenter de la supprimer, en changeant légèrement les équations de la relativité générale, par exemple, ont échouées : les cosmologistes sont convaincus de son existence. Et l’observation de Richard Massey, Liliya Williams, Renske Smit et leurs collaborateurs, publiée dans les Monthly Notices of the Royal Astronomical Society va les conforter dans leur certitude.
Ces chercheurs ont utilisé deux des plus puissants télescopes actuels : le télescope spatial Hubble et le Very Large Telescope européen. Leur objectif, un amas de galaxies relativement proche, Abell 3827, situé dans la constellation australe de l’Indien. Cet amas, situé à 1,4 milliard d’années-lumière, est particulièrement intéressant car sa masse courbe tellement l’espace-temps – la courbure de l’espace-temps est l’interprétation d’Einstein pour expliquer la gravitation – qu’il forme une lentille gravitationnelle, laquelle focalise l’image d’une galaxie située très loin derrière l’amas. Les astronomes observent les « amas lentilles » et leurs mirages gravitationnels car ces images déformées de galaxies lointaines leur permettent de reconstituer la masse totale des amas, c’est à dire leur masse de matière normale, dite baryonique, et leur masse de matière noire… Le principe de mesure de cette masse totale est complexe : il s’agit d’étudier comment l’espace-temps courbe de l’amas déforme l’image de la galaxie d’arrière-plan. Celle-ci étant immensément lointaine – des milliards d’années-lumière – elle n’est qu’une infime tache avant d’être agrandie et déformée par l’amas d’avant-plan. Une fois réalisée cette étude d’optique gravitationnelle, les astronomes connaissent en principe la masse et la distribution de la masse de la lentille, c’est à dire de l’amas…

La carte de la matière noire du cœur de l'amas Abell 3827, superposée à sa photographie, prise par le télescope spatial Hubble. Le halo de matière noire de la galaxie N 1, à gauche, est décalée de 5000 années-lumière par rapport à la matière visible de la galaxie... Photo Nasa/ESA/STSCI.

La carte de la matière noire du cœur de l’amas Abell 3827, superposée à sa photographie, prise par le télescope spatial Hubble. Le halo de matière noire de la galaxie N 1, à gauche, est décalé de 5000 années-lumière par rapport à la matière visible de la galaxie… Photo Nasa/ESA/STSCI.

En principe, matière noire et matière baryonique sont à peu près mélangées… Mais dans le cas de Abell 3827, les astronomes ont eu une grosse surprise… Lorsqu’ils ont plaqué la carte de la matière noire mesurée dans l’amas à sa photographie prise par Hubble, ils ont constaté que, pour l’une des galaxies géantes du centre de l’amas, appelée N 1, la matière noire n’était pas superposée à la matière « normale »… Il s’en faut de cinq mille années-lumière !
Comment expliquer ce décalage spectaculaire ? D’abord, encore une fois, ce résultat devra être confirmé, il faudra vérifier que ce décalage entre matières baryonique et noire est réel, et n’est pas du à une erreur de mesure ou de calcul. Si il se confirme, les astronomes pensent avoir un début d’explication… Les galaxies géantes du centre de l’amas Abell 3827 sont lancées depuis des centaines de millions d’années dans un processus de fusion. Elles s’approchent progressivement et bien sûr leurs halos de matière noire s’interpénètrent, eux aussi… Les astronomes supposent donc que ce décalage du halo de la galaxie N 1 est dû à la collision des différents halos de matière noire, qui aurait provoqué un freinage de la trajectoire de celui de N 1, tandis que la galaxie « baryonique » elle, continuait son chemin…
Ce résultat est à la fois surprenant et essentiel. Surprenant, parce que, jusqu’ici, les halos de matière noire des amas en collision semblaient insensibles les uns aux autres… La matière noire semblait indifférente à « notre monde »… Essentiel, parce que découvrir que les particules qui constituent la matière noire peuvent interagir entre elles, ou être soumises à quelque chose d’autre que la gravitation est fondamental, pour, enfin, espérer entrevoir les prémices d’une explication quant à sa nature…
Serge Brunier

Cellules artificielles : des chercheurs ont trouvé comment les faire « respirer »

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Représentation du nanotube de carbone inséré au travers de la membrane d'une cellule biologique (en jaune, un brin d'ADN empruntant ce canal). Crédit : Lawrence Livermore National Laboratory

Représentation de nanotubes de carbone insérés au travers de la membrane d’une cellule biologique (en jaune, un brin d’ADN empruntant ce canal). Crédit : Lawrence Livermore National Laboratory

Dans le domaine encore très expérimental des cellules et organites artificiels, une nouvelle étape vient d’être franchie : la mise au point d’un « respirateur » à base de nanotubes de carbone, lequel pourrait également servir de « prothèse » aux cellules biologiques ou encore de filtre hyper-sélectif pour la technologie du filtrage par membranes.

Concrètement, une équipe internationale menée par des chercheurs du Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) aux États-Unis a réussi à implanter de manière très simple des nanotubes au travers de la paroi d’une membrane cellulaire (artificielle et naturelle), lesquels permettent dès lors de faire passer des molécules d’eau, des brins d’ADN, des protons et des ions de l’extérieur vers l’intérieur d’une cellule (et vice-versa). Cette nouvelle technique, décrite dans un article de la revue Nature, mime l’un des processus essentiel de la vie des cellules : les échanges trans-membranaires.

Des nanotubes qui s’insèrent naturellement dans la membrane d’une cellule

La manip est relativement facile à décrire : il a suffi aux chercheurs d’induire des nanotubes de carbone courts – ces structures creuses connues et synthétisées depuis quasiment deux décennies – d’une couche de lipides (molécules constituant la matière grasse). En dissolvant ces nanotubes enduits dans une solution contenant des cellules ou des membranes cellulaires, les chercheurs ont constaté que ceux-ci venaient naturellement s’insérer au travers de la membrane sans pour autant la détruire. Cette manip est issue de recherches théoriques et de simulations basées sur les modèles de fonctionnement des cellules biologiques et des membranes.

Clichés en microscopie électronique d'un nanotube inséré dans la membrane de cellules - images directes et retouchées (Crédit : LLNL)

Clichés en microscopie électronique d’un nanotube inséré dans la membrane de cellules – images directes (1ère colonne), retouchées (2e), et colorées (3e)  (Crédit : LLNL)

Les chercheurs ont ainsi créé un canal à ions et molécules tel qu’on en rencontre dans les membranes biologiques, et qui permettent aux cellules d’une part d’échanger des informations et des substances avec leur environnement, d’autre part de maintenir leur milieu intérieur dans un état chimique et physique différent de celui de l’environnement.

Bien entendu, ces canaux artificiels sont loin de remplir toutes les tâches de leurs homologues biologiques (constitués de protéines), qui sont connus pour leurs capacités à filtrer quantité de substances, de manière hyper-sélective. De fait, le transport transmembranaire biologique est extrêmement sophistiqué : les cellules possèdent plusieurs types de canaux spécialisés, dont certains peuvent s’ouvrir et se fermer selon le type de molécule en présence, voire d’en forcer certaines à franchir la membrane malgré la présence de forces chimiques contraires (voir illustration).

Les deux types de canaux à ions et molécules présents dans la membrane cellulaire biologique (Ph. LadyofHats via Wikicommons)

Les deux types de canaux à ions et molécules présents dans la membrane cellulaire biologique :  les protéines de canal (à gauche) et les protéines de transport (Ph. LadyofHats via Wikicommons)

Mais l’exploit des chercheurs est une première qui promet déjà de belles applications, notamment dans la mise au point industrielle de filtres à membranes pour la dépollution ou pour la dessalinisation de l’eau de mer – un processus pour l’heure extrêmement coûteux. Surtout, cette nouvelle technologie fait avancer d’un grand pas le domaine du biomimétisme avec à la clé, mais dans un avenir plus lointain, la possibilité d’intervenir directement sur les systèmes biologiques en créant des nano-prothèses pour cellules et organes défaillants, comme les reins et les poumons…

Román Ikonicoff

 

 > Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Ils ont créé des êtres presque vivants – S&V n°1157 – 2014 – C’est un fait : il y a 3,7 milliards d’années des organismes vivants ont commencé à émerger de l’inerte. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain : des dizaines de millions d’années durant lesquelles des formes intermédiaires, ni vivantes ni inertes, ont crû dans les océans. Les scientifiques tentent de comprendre et reproduire cette étape en laboratoire.

1157

  • Bactérie artificielle : la science a réussi à l’améliorer – S&V n°1163 – 2014. Les bactéries, qui sont les formes les plus simples de vie, permettent aux généticiens de tester de nouvelles combinaisons génétiques, totalement artificielles. Un exercice qui en apprend autant sur la vie, et sa complexité, que l’étude des bactéries existantes.

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Invitation à la table arménienne

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 Sirvarte est arrivée de Syrie il y a 65 ans. Diyana, de 30 ans sa cadette, est née en Turquie. Les deux femmes se sont rencontrées à l’association franco-arménienne de Clamart (AFAC) qui oeuvre pour la transmission de cette culture. Elles font aujourd’hui partie des piliers des cours de cuisine de l’association régulièrement sollicitée pour régaler des centaines de convives lors de rassemblement de la communauté arménienne en Île-de-France.

Sirvarte, 79 ans, Arménienne née en Syrie

« Au fil du temps, la cuisine arménienne s’est imprégnée d’influences turques, persanes, russes, libanaises, syriennes et grecques. Autant de pays où les Arméniens ont trouvé refuge après le génocide. Si bien que l’histoire tumultueuse du pays et de sa communauté a déteint dans les assiettes. Je suis née à Alep en Syrie et ma famille a posé ses bagages à Clamart en 1949. J’avais alors 8 ans. Selon la région dans laquelle on a grandi, les épices, les ingrédients et les recettes diffèrent : il n’existe pas une unique cuisine arménienne mais plusieurs…

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