Les moustiques nous piquent en fonction de notre ADN

Standard

Moustique-tigre de l'espèce Aedes Aegypti, vecteur de la dengue (Ph. James Gathany via Wikicommons)

Moustique-tigre de l’espèce Stegomyia aegypti, vecteur de la dengue (Ph. James Gathany via Wikicommons)

« J’ai une peau qui attire les moustiques ». Combien de fois n’a-t-on pas entendu ce type de propos, voire ne l’a-t-on soi-même prononcé (si l’on fait partie de la malheureuse catégorie des « peaux à moustiques ») ? On se doutait déjà que les humains ne sont pas tous égaux face aux attaques de ces redoutables insectes, mais l’origine de l’inégalité n’était pas claire : est-ce une différence de température entre les individus ? Une différence d’odeur de peau liée à l’ingestion de certains aliments (comme l’ail) ? Une différence d’odeur liée à des caractéristiques métaboliques ou génétiques ?

Une nouvelle étude prouve que la tendance à attirer les moustiques est bien une affaire d’odeur corporelle, qui plus est, liée aux particularités du patrimoine génétique – une manière de dire que certains sont prédéterminés à sa faire dévorer par eux… Ce résultat donnerait de nouvelles pistes dans la lutte contre la propagation de maladies comme la dengue, le chikungunya ou la malaria.

20 moustiques femelles assoiffées de sang

L’étude, réalisée à la London School of Hygiene and Tropical Medicine en Angleterre, a consisté à mettre des moustiques-tigre de l’espèce Stegomyia aegypti, vecteurs de transmission de la dengue, en présence des odeurs corporelles de vrais et faux jumeaux, plus précisément 18 paires de jumeaux partageant exactement le même patrimoine génétique (monozygotes), le groupe A, et 19 paires n’en partageant qu’une partie (hétérozygotes), le groupe B.

Pour contrôler le choix des moustiques, 20 femelles de Stegomyia aegypti cherchant du  sang pour fournir des protéines à leurs oeufs, les chercheurs ont utilisé un olfactomètre en forme de Y, soit un tube avec une entrée commune puis une bifurcation vers deux sources d’odeurs différentes : attirés par un léger souffle exhalant les odeurs, les moustiques pouvaient pénétrer par l’entrée commune puis choisir la voie qu’ils préféraient. A l’extrémité de chacune de ces deux voies, la main d’un individu.

L'olfactomètre en "Y" : les moustiques entrent par l'extrémité qui exhale une odeur mélangée (en haut à gauche) puis ils choisissent le tube de gauche ou de droite par où circulent les odeurs des mains de deux individus différents (Crédit : Plos ONE)

L’olfactomètre en « Y » : les moustiques entrent par l’extrémité qui exhale une odeur mélangée (en haut à gauche) puis ils choisissent le tube de gauche ou de droite par où circulent les odeurs des mains de deux individus différents (en bas à droite). Crédit : Plos ONE.

A chaque test, les chercheurs offraient à 20 moustiques un choix entre deux menus : par exemple, la main d’un individu du groupe A (vrais jumeaux) et la main d’un individu du groupe B (faux jumeaux), ou bien la main d’un individu du groupe A ou B et pas de main (air pur), ou encore aucune main (air pur dans les deux extrémités). En réalisant toutes les combinaisons possibles pour tous les individus des groupes A et B, les chercheurs ont noté à chaque test les choix des moustiques.

Rendre les humains répulsifs aux yeux des moustiques ?

Les statistiques ont alors montré que l’attraction exercée par les odeurs des vrais jumeaux (testés séparément) était semblable, alors qu’elle ne l’étaient pas pour les faux jumeaux. Conclusion : l’odeur dégagée par le corps (main) est un facteur prépondérant dans le choix des moustiques et ceux-ci réagissent statistiquement de la même manière aux odeurs d’individus ayant le même patrimoine génétique.

La tendance à s’attirer les faveurs des moustiques femelles assoiffées de sang via son odeur corporelle prend donc sa racine dans les gènes qui régulent les sécrétions de la peau, plutôt que dans des facteurs alimentaires ou autres. Une découverte importante car elle permet de penser à de nouvelles stratégies de défense contre les moustiques porteurs de maladies graves, en particulier la possibilité de traitements génétiques pour rendre les individus répulsifs… du moins aux yeux des moustiques.

Román Ikonicoff

 

> Lire également :

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Trouver le vaccin contre le paludisme – Grand espoir de la recherche médicale depuis toujours, la recherche d’un vaccin immunisant contre le plasmodium a pris un tournant majeur en 2012. – S&V n°1132.

S&V 1132 vaccin palu

  • Les moustiques enfin inoffensifs ? – Paludisme, dengue, chikungunya… en dehors des vaccins et des traitements, une parade originale à ces fléaux consiste à stériliser leurs vecteurs : les moustiques. – S&V n°1124

S&V 1124 dengue

  • Moustiques : la grande menaceAedes albopictus, Anophele gambiae, Culex quinquefasciatus… Pourquoi et comment ces créatures se répandent, semant des virus mortels à des endroits autrefois épargnés. – S&V n°1065

S&V 1065 moustiques

 

 

Leave a Reply