"Maman, je ne veux pas partir en colo !"

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Les jolies colonies de vacances ? La première expérience peut être mal vécue par l’enfant. Elle peut faire surgir des peurs difficiles à maîtriser, voire insurmontables. Comment réagir en tant que parents ? Faut-il renoncer à l’envoyer ou faire la sourde oreille ? L’accompagnement varie, s’il s’agit d’une peur de l’inconnu (légitime) et d’une crainte passagère liée aux changements de repères ou bien d’un refus catégorique renvoyant à une angoisse de séparation qui n’aurait pas été prise en charge. Différentes techniques peuvent aider : l’écoute active, l’EFT (Emotional Freedom Techniques, technique de libération émotionnelle), qui stimule des points d’acupuncture et diminue le stress, ou bien la mémoire d’une séparation traumatisante. Psychologue, psychothérapeute et sophro-relaxologue nous livrent les clefs d’un dialogue réussi.

Ne dites pas…

« Tu es un bébé, tu es ridicule ! » 

Dites…

« Quand t’est-il arrivé d’avoir peur comme ça ? »

L’humiliation provoque des blessures et n’est jamais payante en matière d’éducation, comme la comparaison avec un frère ou un camarade plus téméraire. Évitez : « Tu verras, tu vas t’amuser, ça va vite passer. » Sans doute avez-vous raison, mais rassurer trop vite et trop tôt votre enfant empêche le dialogue. Vous cherchez à positiver cette aventure sans donner d’assurance concrète. C’est une façon de botter en touche et de nier ce qu’il ressent. Marie-Claire Penot, sophrologue et relaxologue, auteure de Je gère ! Les émotions de mon enfant (Solar), engage précisément les parents à explorer cette voie, même si elle est désagréable : « Toute émotion est un mouvement de vie. La peur de la séparation est normale, légitimez-la ! » Évoquez des moments difficiles où il a dû surmonter sa peur.

Cherchez avec lui des expériences plus ou moins traumatisantes : le trac ressenti lors d’un gala de fin d’année, la panique en réalisant qu’il s’était perdu dans un magasin, etc. Ajoutez : « Je sais que ça a été difficile pour toi. Comment as-tu réagi ? » « Il faut aussi souligner que la peur passe, ajoute Marie-Claire Penot, on ne l’éprouve plus dans l’action. » Insistez alors : « Te souviens-tu de ce que tu as ressenti lorsque nous nous sommes retrouvés ? » L’enfant cherchera : soulagement, fierté, légèreté, joie, etc. Une ressource sur laquelle il peut désormais s’appuyer pour affronter le prochain obstacle. « Si vous autorisez votre enfant à vivre sa peur, il développera du courage et de l’estime de soi, puisque vous l’aurez accueilli tel qu’il est. »

Ne dites pas…

« Pourquoi as-tu peur ? »

Dites…

« Que ressens-tu ? »

« Prenez votre enfant au sérieux, intime le psychothérapeute Jean-Michel Gurret, spécialiste français de l’EFT, auteur de Finis les chagrins, les peurs et les colères (Leduc.s, à paraître en août), écoutez ce qu’il essaie de vous dire. Laissez s’exprimer son émotion afin de ne pas la bloquer et l’enkyster. Autrement, on fabrique des personnes incapables de verbaliser ce qu’elles ressentent. »

Asseyez-vous tranquillement et prenez le temps de discuter avec votre enfant en évitant des questions telles que « mais de quoi as-tu peur ? », comme le prévient le thérapeute. « L’enfant ne peut répondre au “pourquoi”. Il ignore la raison de son ressenti. Ses structures du cortex préfrontal n’inhibent pas encore ses émotions. Il faut savoir que le cerveau n’est mature qu’à partir de 15 ans. » En revanche, il pourrait tout à fait vous répondre : « J’ai mal au ventre, la gorge serrée, l’estomac noué… » C’est déjà un début de maîtrise ! C’est alors aux parents de nommer l’émotion et d’ajouter : « C’est normal. C’est même important qu’elle sorte ainsi, autrement elle resterait bloquée en toi et s’exprimerait d’une autre manière, plus forte et psychosomatique. » Le thérapeute invite ensuite les parents à stimuler différents points d’acupuncture en pressant le bout des doigts de l’enfant, par exemple, ou le « point du karaté » (le flanc des mains). « C’est une technique très adaptée pour les enfants hyperactifs qui peinent à entrer dans des exercices de yoga ou de pleine conscience, poursuit-il. Ils y voient un jeu. Ils peuvent ensuite réaliser ces automassages pour se calmer, même s’ils sont loin de leurs parents. » L’émotion de l’enfant, ainsi légitimée, disparaîtra.

Ne dites pas…

« Arrête d’en faire tout un plat ! »

Dites…

« Je vais continuer à t’aimer, même quand je serai loin. »

Si sa réaction vous semble disproportionnée (pleurs récurrents, cauchemars, tics), sans doute l’enfant est-il renvoyé à un vécu antérieur traumatisant. « Ce traumatisme trouve sa source dans la toute petite enfance », précise la psychologue Véronique Lemoine Cordier, cofondatrice de l’association Mieux connaître l’angoisse de séparation (mcads.org). Elle encourage les parents à en « faire mémoire » avec l’enfant et à mettre des mots dessus.

Revenez sur l’événement (par exemple, un week-end seul chez ses grands-parents ou une soirée loin de vous) et expliquez-lui qu’il a pu penser que vous l’abandonniez en certaines occasions, mais que ce n’était que quelques heures et que vous êtes revenu. L’enfant a ressenti que vous ne l’aimiez plus. Dites-lui que cela n’a jamais été le cas, pas plus hier que maintenant. Et que demain, ce sera pareil. Préparez l’enfant à cette nouvelle séparation en plusieurs étapes, en essayant de détailler ce qu’il va affronter : « Tu vas partir dans un lieu que tu ne connais pas encore, avec des animateurs qui ne sont pas tes parents, je sais que ce qui est nouveau pour toi est inquiétant. Ça peut te rappeler ce que tu as vécu bébé. Mais tout ce que tu as cru alors, tu sais maintenant que ce n’était pas vrai. »

Auteure du Guide de survie à l’usage des parents (Quasar), la thérapeute invite alors à revenir sur les trois angoisses vécues : abandon, perte d’amour et angoisse de mort. « Pendant que tu seras en colonie, je vais continuer à t’aimer. Si on te confie à ces personnes, c’est parce qu’on sait que tu y seras en sécurité. Autrement, on ne t’y enverrait pas. Tu sais qu’on se retrouvera dans six jours. » Et d’assurer : « Ces paroles sont l’antidote à son traumatisme. »

Une séparation bien vécue fait grandir. « Savoir se séparer permet d’être ajusté dans ses relations : ni dans la fusion, qui entraîne la confusion, ni dans une volonté farouche d’indépendance qui coupe de l’autre, conclut-elle. Affronter l’inconnu, quitter ses repères, les personnes que l’on aime, sont des signes d’une maturité affective. » Dès lors, tous les ans, il voudra que ça recommence.

 

> Astuces de parents :

« L’an dernier, notre fils de 12 ans a annulé son départ en colonie de vacances. Nous avons choisi de ne pas le forcer. Cette année, son groupe de scouts organisait un camp d’été de trois semaines et il refusait d’y aller. Il avait peur de partir seul, d’être obligé de réaliser des activités qui ne l’attiraient pas. Je l’ai invité à en parler avec la responsable du groupe. Il lui a posé des questions et a pu discuter avec des anciens. Cela l’a rassuré. Il a aussi vérifié que certains de ses amis y allaient. Et je lui ai offert un couteau suisse. » Un beau symbole de sa prise de risque et de son autonomie.
Natacha, 2 enfants, Clermont-Ferrand.

> À lire :
Je gère ! Les émotions de mon enfant, de Marie-Claire Penot, Solar, 12,90€.
Finis les chagrins, les peurs et les colères,
de Jean-Michel Gurret, Leduc.s, 16€ (à paraître).
Guide de survie à l’usage des parents, de Véronique Lemoine Cordier, Quasar, 20€.

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