Des nouvelles batteries au pollen pour les portables ? Bientôt, peut-être…

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Des grains de pollen (ici en fausses couleurs) pourraient remplacer le graphite des batteries Lithium-ion (Crédit : Purdue University/Jialiang-Tang).

Des grains de pollen (ici en fausses couleurs) pourraient remplacer le graphite des batteries Lithium-ion (Crédit : Purdue University/Jialiang-Tang).

Depuis 1992, les batteries Lithium-ion ont alimenté successivement nos ordinateurs portables puis nos téléphones mobiles et enfin nos smartphones. Une technologie dont le très long règne pourrait bientôt s’achever, du moins dans sa forme classique : des chercheurs de l’université de Purdue, dans l’Indiana, ont montré que le pollen des massettes (Typha) pourrait venir doper les capacités de charge ce type de batterie.

Une découverte qui en outre permettrait de remplacer les matériaux non renouvelables des batteries, dont l’extraction est polluante, par une denrée, le pollen, qui se renouvelle à chaque saison…

 Du pollen pour remplacer le graphite

Dans l’étude des chercheurs, c’est le remplacement graphite qui est visé. Ce minéral, dont on extrait plus d’un million de tonnes par an des roches métamorphiques, est une des formes naturelles (allotropes) du carbone pur – avec le diamant.

Il sert en particulier d’électrode pour batterie, soit l’un des dispositifs qui permet de générer du courant électrique à partir de réactions chimiques (décharge) ou au contraire de transformer l’électricité en énergie potentielle chimique (charge). Et c’est dans les électrodes que l’énergie d’une batterie est emmagasinée.

L’étendue de la surface des électrodes dicte la capacité de la batterie

Concrètement, dans une batterie Lithium-ion, l’électrode en graphite (dite anode) fait face à une électrode en dioxyde de cobalt et de lithium (dite cathode) : entre elles circulent des ions (molécules chargées) de lithium, comme le montre ce schéma :

Schéma de fonctionnement d'une batterie : l'anode est en graphite, la cathode en dioxyde de cobalt et lithium. Pour générer un courant électrique (décharge),  les ions lithium circulent de la cathode à l'anode en traversant un séparateur (Ph. Barrie Lawson CC BY-SA 3.0).

Schéma de fonctionnement d’une batterie : l’anode est en graphite, la cathode en dioxyde de cobalt et lithium. Pour générer un courant électrique (décharge), les ions lithium circulent de la cathode à l’anode en traversant un séparateur (Ph. Barrie Lawson CC BY-SA 3.0).

Or la capacité d’une batterie à emmagasiner de l’énergie dépend quasi-exclusivement de l’aptitude des électrodes à accumuler à leur surface des charges positives et négatives. Dit  simplement, plus la surface des électrodes est étendue, plus la batterie peut emmagasiner de l’énergie. Et c’est là qu’entre en jeu le pollen…

L’atout du pollen : sa microstructure

En effet, les grains de pollen ont une microstructure qui maximise la surface exposée relativement à son volume : à cause de ses repliements, bourrelés et cavités, un mm² de sa “surface” (vue de loin) est en réalité bien plus étendue microscopiquement – de la même manière qu’un km de cotes bretonnes mesuré sur un plan à 1/10 000e contient beaucoup plus de métrage si on la mesure au sol, crique par crique, rocher par rocher.

Micrographies du pollen carbonisé : a) pollens divers transportés par les abeilles ; b) pollens de quenouilles ; c) aspect de la surface du pollen de quenouille (Crédit : Purdue University).

Micrographies du pollen carbonisé : a) pollens divers transportés par les abeilles ; b) pollens de massette ; c) aspect de la surface du pollen de massette (Crédit : Purdue University).

Les chercheurs ont donc simplement eu l’idée d’agglomérer des grains de pollens de massette pour donner à l’ensemble la forme d’une électrode puis de “carboniser” cet agglomérat (par pyrolyse en atmosphère inerte) pour qu’il soit aussi pur que du graphite tout en gardant la microstructure de sa surface d’origine.

De très bonnes performances, surtout à haute température

Résultat : les tests des capacités d’accumulation d’énergie de cette électrode se sont révélées particulièrement encourageants, dépassant (de peu) celles du graphite à température ambiante, et présentant de plus hautes capacités à 50 °C – ce qui est particulièrement intéressant pour les appareils électroniques qui ont tendance à chauffer.

Néanmoins, avant de voir les batteries Lithium-ion classiques perdre leur monopole, il faudrait également réussir à augmenter les capacités de la cathode (en dioxyde de cobalt et lithium) car c’est l’électrode la moins efficace qui dicte la capacité globale d’une batterie.

–Román Ikonicoff

 

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  • Voici les matériaux surnaturels – S&V n°1133 – 2012. Durant des millénaires, l’humanité s’est servie des matériaux offerts par la nature. Mais peu à peu, en apprenant à jouer sur leur composition d’abord, puis sur leur structure microscopique, nous sommes devenus des spécialistes de l’art de créer de nouveaux matériaux aux propriétés inédites.

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S&V 1113 - ADN construction

La construction de tissus humains par imprimante 3D devient une réalité

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Cartilage d'oreille humaine conçue par impression 3D (Crédit : Université de Wake Forest)

Cartilage d’oreille humaine conçu par impression 3D (Crédit : Université de Wake Forest)

Dans le domaine de la “bio-impression 3D”, des chercheurs de l’Université de Wake Forest en Caroline du Nord viennent d’accomplir un progrès remarquable. Ils ont conçu une technologie d’impression 3D de tissus biologiques qui a permis de construire des cartilages d’oreille, des muscles, des fragments mandibules et des os crâniens humains à partir de cellules souches et autres “matériaux” biologiques.

Implantés sur des animaux – rats et souris – ces bio-structures ont démontré avoir une stabilité et une biocompatibilité de plusieurs semaines ou mois. La technique pourrait dès lors révolutionner le domaine des greffes…

Une imprimante 3D à organes et tissus humains

L’impression 3D a fait son entrée en biologie depuis quelques années, et sert déjà concrètement à fabriquer des structures inertes biologiquement pouvant servir de prothèse (ou pour guider la repousse de nerfs lésés).

Mais concernant la conception 3D d’organes vivants, soit des structures faites de cellules, il existait jusque-là une limite difficile à franchir : la nécessité de sculpter des tissus avec un réseau de conduits (des capillaires) très fin et complexes permettant aux cellules sanguines d’acheminer l’oxygène pour les nourrir.

Un problème de “limite de résolution” résolu

Concrètement, les bio-imprimantes jusque-là testées n’étaient pas capables de sculpter des structures contenant des vaisseaux d’un diamètre inférieur à 100 ou 200 micromètres : en-deçà, la structure s’effondrait sur elle-même.

En bref,  leur “limite de résolution” était trop grossière pour reproduire la finesse d’un tissu vivant. Or, dans un article publié dans Nature Biotechology,  les chercheurs de Wake Forrest ont montré comment surmonter l’obstacle, à l’aide d’une nouvelle technologie (ci-dessous :vidéo montant le processus d’impression, université de Wake Forrest & Popular Science).

Jaw Bioprinting 02 03 2016 Revised

L’impression d’une tuyauterie très fine

En substance, leur imprimante 3D, dite Integrated tissue–organ printer (ITOP), peut imprimer des structures avec des “tuyaux” dont le diamètre se situe entre 2 et 50 micromètres, sans que l’ensemble ne s’effondre.

Le tout piloté par ordinateur suivant un modèle numérique qui intègre les données (forme, structure, composition) liés à la nature de l’organe à imprimer et aux particularités morphologiques du “patient” en attente de greffe (ici, des souris et rats) – obtenues par tomodensitométrie.

Des cellules et des hydrogels en guise d’encres

L’imprimante contient en effet 4 buses (têtes d’impression) qui agissent simultanément, dont deux servent à déposer les différentes types de cellules qui vont former le tissu. Les deux autres délivrent des hydrogels (polymères) qui, d’une part, forment l’échafaudage (moule) sur lequel sont déposées les cellules, d’autre part remplissent les espaces destinés à devenir les vaisseaux – dans lesquels l’imprimante ne dépose pas de cellules.

Les étapes de la construction d'un cartilage d'oreille : image obtenue par tomographie, modèle numérique, programme d'action de l'imprimante, impression, résultat (Crédits: université de Wake Forrest)

Les étapes de la construction d’un cartilage d’oreille : image obtenue par tomographie, modèle numérique, programme d’action de l’imprimante, impression, résultat (Crédits: université de Wake Forrest)

Une fois que les cellules (souches) ont pris, c’est-à-dire se sont liées entre-elles pour former un tissu biologique continu et stable, les structures en hydrogels sont dissoutes, laissant leur empreinte négative dans la structure, qui dès lors contient les conduits creux par lesquels le sang va s’infiltrer.

Processus d'impression d'un muscle (Crédits: université de Wake Forrest)

Processus d’impression d’un muscle et sa greffe sur un cobaye (Crédits: université de Wake Forrest)

Les organes imprimés

Processus de reconstruction d'un fragment de mâchoire (Crédits: université de Wake Forrest)

Processus de reconstruction d’un fragment de mâchoire (Crédits: université de Wake Forrest)

Pour démontrer la viabilité de leur technique, les chercheurs ont ainsi construit (avec des cellules humaines) et implanté sur les cobayes, comme le montrent les images, un fragment de mandibule imprimé d’une dimension de 3.6 cm × 3.0 cm × 1.6 cm, un fragment d’os crânien de 8 mm de diamètre × 1.2 mm d’épaisseur, un cartilage d’oreille de 3.2 cm × 1.6 cm × 0.9 cm, et un muscle de 15 mm × 5 mm × 1 mm.

Processus de reconstruction d'un fragment d'os crânien et sa greffe sur un cobaye (Crédits: université de Wake Forrest)

Processus de construction d’un fragment d’os crânien et sa greffe sur un cobaye (Crédits: université de Wake Forrest)

Les greffes ont pris et sont restées viables durant plusieurs semaines et mois… Les chercheurs songent désormais à tester leur technique sur les humains.

–Román Ikonicoff

 

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  • La révolution industrielle des objets S&V n°1157 (2014). Libérée des contraintes habituelles, la fabrication des objets repousse les limites du possible. Métaux, verre, cellules et même le chocolat peuvent désormais être imprimés !

S&V 1157 - impression 3D

S&V 1149 - gouttes