Le ciel du mois de mars 2016

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Ciel mars 2016Le ciel du printemps est dominé par l’éclat de la planète Jupiter, visible toute la nuit, dans la constellation du Lion. Ce mois-ci, la plus grande planète du système solaire se trouve au plus près de la Terre, à 665 millions de kilomètres.
Impossible de manquer le plus brillant des astres, qui n’est surpassé en éclat que par le Soleil, la Lune et Vénus. Jupiter brille d’un éclat jaune et fixe plein sud, entre 21 h et minuit et, le lundi 21 mars au soir, la planète géante naviguera non loin d’une Lune gibbeuse, à trois jours de la Pleine Lune.

La planète Jupiter, photographiée avec un télescope d'amateur de 300 mm de diamètre, le 25 février 2016. Photo J.Y.

La planète Jupiter, photographiée avec un télescope d’amateur de 300 mm de diamètre, le 25 février 2016. Les nuées changeantes de l’atmosphère de la planète géante sont remarquablement bien visibles, ainsi que la spectaculaire Grande tache rouge, un anticyclone capable d’engloutir la Terre… Photo Jean-Yves Letellier.

Jupiter est un astre essentiellement gazeux, immense. Mesurant 142 000 kilomètres de diamètre, la planète est 318 fois plus massive que la Terre. Monde éthéré – la densité de la planète, 1,3, est à peine supérieure à celle de l’eau ! – Jupiter est une planète tempête, tournant à une vitesse folle sur elle-même : la journée de la planète géante ne dure que 9 h 55 min. C’est sa faible densité et sa vitesse de rotation qui explique la forte ellipticité de la planète, déformée par sa force centrifuge…

Jupiter photographiée avec un télescope de 225 mm de diamètre, le 1 janvier 2016. La Grande tache rouge est visible au limbe de la planète géante. Photo Paul Rolet.

Jupiter photographiée avec un télescope de 225 mm de diamètre, le 1 janvier 2016. La Grande tache rouge est visible au limbe de la planète géante. Photo Paul Rolet.

Jupiter compte, à ce jour, 67 satellites, dont quatre sont aussi grands ou plus grands que la Lune, et ont été découverts par Galilée en 1610 : Io, Europe, Ganymède et Callisto.
Invisibles à l’œil nu, ces quatre satellites galiléens peuvent être aperçus dans de simples jumelles grossissant 8 à 12 fois, et sont brillants et bien visibles dans les plus modestes instruments optiques : longues vues ou lunettes de 50 mm à 60 mm de diamètre, grossissant 20 x à 60 fois. Leur ballet cyclique autour de la planète géante – visible comme un disque ovalisé et jaune – est tellement rapide qu’il peut être suivi d’heure en heure… En effet, si la Lune tourne autour de la Terre en près d’un mois, Io tourne autour de sa planète géante en seulement 42 heures, Europe en trois jours et demi, Ganymède en une semaine, et enfin Callisto en un peu plus de deux semaines. Ainsi, si vous observez avec un instrument d’optique le mini système solaire que constitue Jupiter, vous verrez les quatre satellites galiléens, alignés comme à la parade, à l’ouest de la planète, le 4 mars au soir, à l’est le 14 au soir, à l’ouest de nouveau le 18 au soir et enfin à l’est le 28 au soir. Les éphémérides des satellites de Jupiter sont proposées dans le Guide du Ciel de Guillaume Cannat, publié chaque année.

Jupiter, photographiée le 25 février 2016, avec un télescope d'amateur de 350 mm de diamètre et 7200 mm de focale. La Grande tache rouge apparaît au limbe de la planète, et va traverser son disque cinq heures durant. Photo  Jean-Jacques Poupeau.

Jupiter, photographiée le 25 février 2016, avec un télescope d’amateur de 350 mm de diamètre et 7200 mm de focale. La Grande tache rouge apparaît au limbe de la planète, et va traverser son disque cinq heures durant. Photo Jean-Jacques Poupeau.

Toutes les autres nuits, les quatre satellites se croiseront, disparaissant derrière le globe de Jupiter, ou passant devant lui, projetant sur ses nuages l’ombre obscure d’une éclipse…
Un tel spectacle est magnifique, mais exige un véritable instrument d’astronomie pour être contemplé : lunette ou télescope de 100 à 150 mm de diamètre, grossissant 100 à 300 fois…
Un télescope de 200 mm à 600 mm de diamètre donne de Jupiter un spectacle d’une beauté à couper le souffle. Le globe nuageux se pare de mille teintes délicates, un subtil pastel de jaunes, beiges, roses, saumon, sur lequel se détache, toutes les dix heures, l’ovale orangé de la Grande tache rouge, un anticyclone assez grand pour engloutir la planète Terre…
Jupiter demeurera bien visible dans le ciel jusqu’à l’été, quand, à son tour, l’autre géante du système solaire, Saturne, s’approchera au plus près de la Terre…
Serge Brunier

Les quatre satellites de Jupiter, photographiés à une heure d'intervalle, le 28 janvier 2016, avec un petit télescope d'amateur de 150 mm de diamètre. Photo S.Brunier.

Les quatre satellites de Jupiter, photographiés à une heure d’intervalle, le 28 janvier 2016, avec un petit télescope d’amateur de 150 mm de diamètre. Photo S.Brunier.

Une intelligence artificielle qui reconnait les paysages du monde entier !

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Le type de photo présenté au logiciel (gauche) et la localisation probable trouvée par celui-ci (droite). Pour la tour Eiffel, aucun doute possible, pour le paysage de crique, deux lieux possibles, pour la photo de plage, des dizaines d'origines possibles (Tobias Weyand et al., Google)

Le type de photo présenté au logiciel (gauche) et la localisation probable trouvée par celui-ci (droite). Pour la tour Eiffel, aucun doute possible, pour le paysage de crique, deux lieux possibles, pour la photo de plage, des dizaines d’origines possibles (Tobias Weyand et al., Google)

Google a encore frappé. Des chercheurs de son laboratoire Computer Vision & Machine Learning ont conçu un “réseau de neurones profond” qui reconnait sur des photos le lieu où elles ont été prises, qu’il s’agisse d’un paysage, d’une rue ou d’un monument. Ce n’est pas une reconnaissance à 100 %, loin de là, mais ses capacités dépassent celles des humains.

Déjà connue pour son aptitude à reconnaitre et catégoriser les images (visages, objets, etc.), cette technologie prouve encore une fois son excellence dans les tâches “cognitives” visuelles et illustre la mainmise des géants du net dans le domaine de l’Intelligence artificielle.

Une intelligence artificielle bio-inspirée…

Les réseaux de neurones artificiels dits “profonds“, car ils contiennent plusieurs couches de neurones, sont à la mode depuis le milieu des années 2000 surtout grâce à l’entrée des grandes firmes du Web comme Google et Facebook dans le domaine de recherche en IA.

Inspirés du fonctionnement du cortex visuel des animaux, ces algorithmes nous épatent déjà par leur capacité à reconnaitre les visages ou les scènes, ou encore a créer des “concepts” visuels abstraits représentant de grandes catégories comme celle des “chats”, des “humains”, des “chaises”, etc.

… qui apprend à reconnaitre le monde

Leur secret : ils réussissent à “filtrer”, de couche en couche, les occurrences visuelles les plus significatives d’une image, ce grâce à une phase d’apprentissage préalable surveillé par un opérateur, qui leur sert de base de repère.

Ainsi, si l’on veut qu’ils sachent reconnaître des chats, il suffit de leur en faire voir des millions en leur indiquant qu’il s’agit d’un chat (apprentissage) : ils apprennent alors à reconnaître les similitudes entre ce qu’ils ont appris et l’image d’un chat qu’ils n’auraient pas vu précédemment. C’est de la statistique et du calcul de probabilités, mais sur un volume de données immense.

La phase d’apprentissage : 91 millions de photos

Dans la cas présent, durant sa phase d’apprentissage l’algorithme des chercheurs – nommé PlaNet – a vu défiler quelque 91 millions d’images de différents lieux de la Terre (photos de rues, d’immeubles, de paysages, etc.) contenues dans différentes bases de données du Web.

Quelques paysages soumis au logiciel. En jaune, leur localisation réelle, en vert la localisation supposée donnée par des humains, en bleu la localisation calculée par le logiciel ()

Quelques paysages soumis au logiciel. En jaune, leur localisation réelle, en vert la localisation supposée donnée par des humains, en bleu la localisation calculée par le logiciel (Tobias Weyand et al., Google)

Bien sûr, ces images étaient accompagnées des informations de localisation afin que le réseau associe les traits communs entre plusieurs images à une localisation unique – par exemple, des images des toits de Paris ont des caractéristiques communes que le logiciel “extrait” par filtrage et associe à la localisation de Paris.

Les résultats des tests

Puis les chercheurs ont testé sur 34 millions d’images non utilisées pour l’apprentissage la capacité du logiciel à les “rapprocher” statistiquement de ce qu’il avait appris, en le corrigeant quand il se trompait.

Enfin, ils sont allés chercher 2,3 millions d’images dans la base de donnée Flickr pour mesurer leur compétence. Résultat : PlaNet est capable de donner la ville d’origine pour 3,6 % d’images représentant des rues et 10.1 % d’images représentant des vues plus larges.

Représentation du calcul de probabilités du logiciel : en bleu, le maximum de correspondance entre l'image et une localisation calculée par le logiciel, en rouge les éléments de l'image que le logiciel ne reconnaît pas comme appartenant à la localisation calculée (minimum de probabilité). Grand Canyon, Norvège, Shangaï (T. Weyand et al., Google).

Représentation du calcul de probabilités du logiciel : en bleu, le maximum de correspondance entre l’image et une localisation calculée par le logiciel, en rouge les éléments de l’image que le logiciel ne reconnaît pas comme appartenant à la localisation calculée (minimum de probabilité). Grand Canyon, Norvège, Shanghai (T. Weyand et al., Google).

Mais s’il se trompe souvent de ville, il peut néanmoins resituer le pays d’origine de 28,4 % des images et le continent d’origine de 48 % d’entre elles. Cela semble peu, mais mis au défi par 10 humains ayant beaucoup voyagé, PlaNet les a battu 56 % des fois.

Le monde subdivisé en 26 000 secteurs

Bien sûr, l’entrainement du logiciel n’a pas été aléatoire : les photos de villes et des lieux habités ou très fréquentés étant favorisé par rapport à celles de grands espaces déserts et sous-représentés en termes de photos circulant dans le Web (les Océans et les Pôles ayant été carrément ignorés).

Les quelque 26 000 secteurs que les chercheurs ont déterminé pour découper le monde (T. Weyand et al., Google).

Les quelque 26 000 secteurs que les chercheurs ont déterminé pour découper le monde (T. Weyand et al., Google).

Concrètement, les chercheurs ont divisé le monde en 26 263 secteurs de tailles différentes : les grandes villes contenant plusieurs de ces secteurs, tandis que les espaces peu peuplés ou fréquentés n’en contenant qu’un seul (voir carte). Pour chaque secteur, le nombre de photos montrés au logiciel durant l’entrainement était le même.

Une intelligence avant tout statistique

Ce résultat montre encore une fois que l’approche massivement statistique dans le domaine de l’IA est très efficace, surtout depuis l’invention des réseaux de neurones profonds qui apprennent à filtrer et isoler des schémas récurrents à l’aide d’un entraînement sollicitant des milliards de données.

Et il n’est donc pas étonnant que les géants du Web, propriétaires de la plupart de ces données et disposant de moyens de calcul extraordinaires, soient aujourd’hui à la pointe de ce type de recherche.

Román Ikonicoff

 

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  • Robots : leur intelligence dépasse déjà la nôtre – S&V n°1166 – 2014 – Peu à peu et sans grandes vagues, l’intelligence artificielle et la robotique sont sorties de l’échec relatif des années 1980 pour finir par devenir des acteurs essentiels dans nos activités. Ils nous dépassent déjà.

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Un matériau inspiré du scarabée, du cactus et de la plante carnivore qui collecte l’eau atmosphérique

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Capter la vapeur d'eau de l'atmosphère, comme le font les plantes avec la rosée, pour disposer d'eau potable (Ph. Strelitzia via Flickr CCBY 2.0)

Capter la vapeur d’eau de l’atmosphère, comme le font les plantes avec la rosée, pour disposer d’eau potable (Ph. Strelitzia via Flickr CCBY 2.0)

Qu’y a-t-il de commun entre un scarabée du désert de Namib, un cactus et une plante carnivore ? Des chercheurs de l’université de Harvard aux États-Unis ! En effet, ceux-ci ont marié les qualités de ces trois êtres si différents dans un nouveau matériau capable de collecter la vapeur d’eau de l’atmosphère avec une efficacité jamais atteinte jusque-là.

Les trois sources d'inspiration des chercheurs : le scarabée, le cactus et la plante carnivore (Kyoo-Chul Park et al., Nature 2016).

Les trois sources d’inspiration des chercheurs : le scarabée, le cactus et la plante carnivore (Kyoo-Chul Park et al., Nature 2016).

Une invention qui pourrait servir aux populations fragiles des pays désertiques mais également à des applications industrielles comme la désalinisation de l’eau de mer, les systèmes de déshumidification ou de climatisation, la distillation fractionnée, etc.

Un collecteur d’eau bio-inspiré

Le Ténébrion du désert (Onymacris unguicularis), scarabée qu’on trouve dans le désert du Namib, est déjà connu des ingénieurs en matériaux, qui cherchent à imiter la structure de sa carapace : érigée de centaines de petites bosselures, celle-ci capte et condense la vapeur d’eau pour fournir à son propriétaire les quelques gouttes de rosée qui lui permettent de survivre.

Le Ténébrion du désert en position de captage de la vapeur d'eau (Ph. Didier Descouens via wikicommons CC-BY-SA-4.0).

Le Ténébrion du désert en position de captage de la vapeur d’eau (Ph. Didier Descouens via wikicommons CC-BY-SA-4.0).

L’ingéniosité des cactus n’a pas non plus échappé aux scientifiques qui savent que leurs épines, armes redoutables contre les prédateurs, servent également à capter des gouttelettes d’eau, et à les rassembler et convoyer vers la plante, parfois même en défiant la pesanteur, grâce à leur texture et à leur forme asymétrique qui s’élargit vers la plante.

Les piques des cactus leur permettent de se défendre mais aussi de capter et diriger l'eau vers la plante (Domaine public).

Les épines des cactus leur permettent de se défendre mais aussi de capter et diriger l’eau vers la plante (Domaine public).

Enfin, nul botaniste n’ignore l’incroyable imagination de la sélection naturelle qui a doté les plantes carnivores du genre Nepenthes d’une urne-estomac dont la surface est tapissée d’une couche particulièrement collante et simultanément glissante, précipitant vers ses sucs digestifs tout insecte qui aurait eu la mauvaise idée de s’y poser.

Le xxxxx des Nepenthes est tapissé d'une matière très glissante (ici, spécimen hybride créé par l'homme, Ph. Yanto via wikicommons CC BY-SA 3.0).

L’urne-estomac des Nepenthes est tapissé d’une matière très glissante (ici, spécimen hybride créé par l’homme, Ph. Yanto via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Impression 3D et traitements de surface

Ces trois caractéristiques ont été mariées au sein d’un nouveau matériau “biomimétique” par les chercheurs de Harvard afin d’obtenir un système de captation de vapeur d’eau dont l’efficacité est six fois supérieure aux systèmes antérieurs conçus en laboratoire.

La condensation d’eau est plus efficace sur une surface convexe (bosse du matériau fabriqué par les chercheurs) que sur une surface plate (Kyoo-Chul Park et al., Nature 2016)

Concrètement, il s’agit d’une très fine couche d’aluminium qui a été pressée entre deux moules en polymère créés par impression 3D avec les structures voulues : des bosses de scarabée prolongées par des “conduits” imitant la forme des épines des cactus (une sorte de rampe s’élargissant à partir de la bosse).

 Accrocher la vapeur d’eau mais laisser filer les gouttes

Cette feuille d’aluminium à ensuite été soumise à de nombreux traitements thermiques et chimiques afin de lui donner les caractéristiques surfaciques recherchées, en particulier l’aspect hyper-glissant (hydrophobe) et adhérent de l’urne des Nepenthes.

Grâce à une “rampe” imitant la forme d’une épine de cactus, les gouttes d’eau glissent et sont canalisées, même contre le sens de la gravité (ici, vue du haut, Kyoo-Chul Park et al., Nature 2016)

Ils ont ainsi réussi, à l’aide de simulations informatiques et de tests (voir les vidéos), à doter la surface de la capacité à accrocher et garder les molécules et les microgouttelettes d’eau tout en permettant aux gouttes d’un certain diamètre de fluer sur elle sans s’accrocher. Reste à transformer cette manip de laboratoire en processus industriel…

–Román Ikonicoff

 

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  • Voici les matériaux surnaturels – S&V n°1133 – 2012. Durant des millénaires, l’humanité s’est servie des matériaux offerts par la nature. Mais peu à peu, en apprenant à jouer sur leur composition d’abord, puis sur leur structure microscopique, nous sommes devenus des spécialistes de l’art de créer de nouveaux matériaux aux propriétés inédites.

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S&V 1113 - ADN construction