Ce caméléon artificiel se camoufle grâce à des nanoparticules d’or

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Cliché du caméléon artificiel en train de passer d'un environnement coloré à un autre, avec son système dynamique de camouflage (Wang et al., ACSNano 2016).

Cliché du caméléon artificiel en train de passer d’un environnement coloré à un autre, avec son système dynamique de camouflage (Wang et al., ACSNano 2016).

Le rêve d’invisibilité, autrefois aux mains des littérateurs, est devenu un véritable secteur de recherche technologique, en particulier dans le domaine militaire. Les ingénieurs cherchent à imiter artificiellement le don d’invisibilité des caméléons, poulpes et autres experts en camouflage “en temps réel”. Or des chercheurs chinois de l’université de Wuhan (province du Hubei), en collaboration avec le Georgia Institute of Technology d’Atlanta, semblent avoir réussi une belle première : la conception d’un camouflage à base de nanotechnologies optiques.

Et afin de rendre hommage à l’un des inspirateurs naturels de la technique, les chercheurs ont présenté leur système sur un caméléon artificiel conçu par impression 3D, vidéo à l’appui (ci-dessous la version compressée, sinon regarder ici).
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Il se camoufle avec des nanoparticules d’or

Le principe de ce camouflage high-tech repose sur une technologie récente, celle des nanoparticules plasmoniques. Utilisés comme capteurs très fins de la présence de molécules dans un environnement ou pour le traitement des cancers, ces nanoparticules ont une caractéristique optique particulière lié à leur capacité de varier de diamètre en fonction d’une tension électrique, ce de manière réversible.

Le schema de principe du "caméléon biomimétique mécanique" et clichés en situation réelle ()

Le schéma de principe du “caméléon biomimétique mécanique” et clichés en situation réelle (Wang et al., ACSNano 2016).

De fait, les écailles du caméléon ont été conçues sur la base de cette technologie. Concrètement, les chercheurs ont déposé des nanoparticules d’or dans des trous (50 nm de diamètre) creusés à la surface d’une plaque de silicium surmonté d’une couche d’oxyde d’indium (In2O3) – un conducteur transparent utilisé pour les écrans de smartphones.

La structure en "boite d’œuf" des trous contenant les nanoparticules d'or. Cliché montrant la dépot d'une "coquille" d'argent sur les nanoparticules en fonction de la tension électrique (G. Wang et al., ACSNano 2016).

La structure en “boite d’œuf” contenant les nanoparticules d’or. Clichés montrant la dépôt d’une “coquille” d’argent sur les nanoparticules en fonction de la tension électrique (G. Wang et al., ACSNano 2016).

C’est ainsi qu’ils ont obtenu un réseau bidimensionnel, type “boite d’œufs”,  de trous à nanoparticules espacés régulièrement les uns des autres de 100 nm. Enfin, ils ont recouvert le tout d’un gel transparent contenant des ions d’argent (atomes chargés positivement), et placé ce système en sandwich entre des électrodes – afin d’appliquer une tension électrique.

 Des particules d’or surmontées d’une coquille d’argent

Avec cela, les chercheurs étaient dès lors capables de colorier cette surface de presque toutes les teintes du spectre visible en modifiant électriquement les paramètres d’absorption et de diffusion de la lumière reçue par les nanoparticules de ce réseau. En effet, par application d’une tension électrique, les ions d’argent contenus dans le gel migrent vers les nanoparticules d’or créant une coquille qui, selon son épaisseur, réfléchit préférentiellement une longueur d’onde donnée, comprise entre 430nm (violet-bleuté) et 650 nm (rouge-orangé).

Mécanisme du dépôt d'ions d'argent sur les nanoparticules d'or, schéma du système et micrographies de trois couleurs : rouge, gris et bleu. ()

Mécanisme du dépôt d’ions d’argent sur les nanoparticules d’or, schéma du système et micrographies de trois couleurs : rouge, gris et bleu. (G. Wang et al., ACSNano 2016)

Il ne restait plus qu’à munir le caméléon de capteurs de longueurs d’ondes à courte distance, faisant office d’yeux, et d’un algorithme traduisant ces informations sur l’environnement en tensions électriques à appliquer à chaque écaille.

Une piste pour une future encre électronique en couleurs

Certes, le temps de réaction du système se mesure en secondes : selon la couleur (épaisseur de la coquille d’argent), le processus peut prendre jusqu’à 5 secondes.  Et dans le système présenté ici, les électrodes pilotent des “pixels” de 2 cm x 2 cm (les écailles).

Essais pour une application e type encre électronique en couleurs, avec des pixels de l'ordre de 2x2 mm² ().

Essais pour une application e type encre électronique en couleurs, avec des pixels de l’ordre de 2×2 mm² (G. Wang et al., ACSNano 2016).

Mais selon les chercheurs il serait possible de réduire la taille des pixels (voir image ci-dessus) et le temps de réaction afin de disposer d’une nouvelle technologie qui, outre le camouflage, puisse servir par exemple d’encre électronique à très basse consommation pour une nouvelle génération de liseuses en couleur.

–Román Ikonicoff

 

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Réussir l’éducation affective et sexuelle des ados

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« Mon père est venu me parler de la sexualité quand j’étais en quatrième. Il m’a parlé de la masturbation, de la pornographie… Il ne savait pas trop où j’en étais. J’étais gêné. » Comme Daniel (les prénoms ont été modifiés), qui n’a pas gardé le souvenir de ce moment plus ou moins confus où l’un de nos parents s’est aventuré à venir nous parler de sexualité ?

Tout juste la trentaine, Thérèse Hargot, sexologue, invite à repenser totalement la question. Cette salariée, en charge d’éducation affective, relationnelle et sexuelle au collège et au lycée Stanislas, à Paris VIe – qui a décidé de monter un projet pilote en la matière – tient aussi un cabinet de consultation pour les adultes. Forte de son expérience auprès des jeunes et des moins jeunes, la sexologue est convaincue que l’éducation à la sexualité ne peut se réduire à un discours ou à une somme de mises en garde.

« L’éducation à la vie sexuelle doit être avant tout une éducation des personnes par le biais d’ateliers et d’interventions qui construisent leur personnalité », explique-t-elle…

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Découverte des ondes gravitationnelles : une révolution pour l’astronomie

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Un document historique : les ondes gravitationnelles, émises par la fusion de deux trous noirs, enregistrés ensemble par les deux interféromètres de l'observatoire américain Ligo, situés à 3000 kilomètres l'un de l'autre. Document Ligo/NSF.

Un document historique : les ondes gravitationnelles, émises par la fusion de deux trous noirs, enregistrés ensemble par les deux interféromètres de l’observatoire américain Ligo, situés à 3000 kilomètres l’un de l’autre. Document Ligo/NSF.

C’est un événement extraordinaire, qui n’arrive jamais, ou presque. Un événement que personne n’a jamais vu. Et pour cause : la chute vertigineuse l’un vers l’autre, puis la collision et la fusion de deux trous noirs, cela n’intervient qu’une fois tous les dix millions d’années dans une galaxie comme la nôtre, et le phénomène est absolument, irrémédiablement invisible…
Et c’est pourtant cet improbable cataclysme que les physiciens de l’observatoire américain Ligo annoncent aujourd’hui avoir observé, dans une galaxie lointaine et inconnue située à 1,3 milliard d’années-lumière… Observé ? Oui, et ce faisant, ils ont ouvert toute grande une nouvelle fenêtre sur l’Univers et marqué définitivement l’histoire des sciences.
Car la fusion, durant quelques centièmes de seconde et à la vitesse de la lumière, de ces deux trous noirs n’a pas été observée avec un télescope ou un radiotélescope, qui perçoivent la lumière visible et ses dérivés, rayons gamma et X, ultraviolet, infrarouge et rayonnement radio, c’est à dire le rayonnement électromagnétique, première fenêtre ouverte sur le cosmos depuis… la nuit des temps, ni dans le domaine des neutrinos, seconde fenêtre entre ouverte en 1980, mais dans le domaine… gravitationnel, un rayonnement jamais observé jusqu’ici.
C’est Ligo, l’observatoire américain d’ondes gravitationnelles, et ses deux immenses interféromètres de Hanford et Livingstone, situés à 3000 kilomètres l’un de l’autre, de part et d’autre des Etats-Unis, qui ont capté l’infime message gravitationnel du nouveau trou noir…
Une observation magistrale, incontestable : les deux signaux sont pratiquement identiques et ont été enregistrés à 7 millisecondes d’écart, signalant par là la direction de l’onde gravitationnelle, provenant de quelque part, dans le ciel du sud…
C’était le 14 septembre 2015, et aussitôt tous les télescopes du monde se sont tournés vers cette région immense du ciel – grande comme 2500 Pleine Lune environ… Ces télescopes traditionnels n’ont rien vu : la fusion des deux trous noirs n’a laissé aucune trace, malgré l’énergie immense produite durant moins d’une demie seconde…

Avec seulement deux instruments d'observation, il est impossible aux astronomes de repérer exactement l'endroit du ciel où a eu lieu, à 1.3 milliard d'années-lumière d'ici, la fusion des deux trous noirs. Voici la zone du ciel austral qu'on arpenté, en vain, les télescopes gamma, X, optiques et radio à la recherche d'une trace de l'évènement... Avec l'ajout de l'instrument Virgo, la précision du repérage sera cent fois plus grande. La résolution de cet interféromètre gravitationnel à trois télescopes avoisinera dix degrés. Photo NSF.

Avec seulement deux instruments d’observation, il est impossible aux astronomes de repérer exactement l’endroit du ciel où a eu lieu, à 1.3 milliard d’années-lumière d’ici, la fusion des deux trous noirs. Voici la zone du ciel austral qu’on arpenté, en vain, les télescopes gamma, X, optiques et radio à la recherche d’une trace de l’évènement… Avec l’ajout de l’instrument Virgo, la précision du repérage sera cent fois plus grande. La résolution de cet interféromètre gravitationnel à trois télescopes avoisinera dix degrés. Photo NSF.

Que c’est-il passé ? Ce 14 septembre, ou plus exactement il y a 1,3 milliard d’années, deux trous noirs de 36 et 29 masses solaires, tournant à quelques centaines de kilomètres l’un de l’autre à une vitesse folle, et échangeant des vagues gravitationnelles énormes, ont spiralé l’un vers l’autre en accélérant jusqu’à la vitesse de la lumière, avant de se fondre en un seul trou noir de 62 masses solaires… 62… Vous trouvez que le compte n’y est pas ? En effet, dans cette fusion cataclysmique, probablement l’événement le plus violent dans l’Univers ce jour là, l’équivalent de la masse de trois Soleil a été convertie en ondes gravitationnelles, délivrant une puissance de plus de 10 puissance 50 watts, une énergie monstrueuse…
Le phénomène a été baptisé GW150914, et il est est entré dans l’histoire de l’astronomie. Car en une demi-seconde, plus un siècle de travail théorique et technique, les scientifiques ont observé pour la première fois la fusion de trous noirs et ouvert une nouvelle fenêtre sur l’Univers… Un Prix Nobel de Physique quasiment assuré dès cette année pour cet exploit technique et scientifique, et un véritable triomphe de la pensée humaine…

Les télescopes gravitationnels observeront les explosions d'étoiles, les fusions d'étoiles à neutrons ou les fusions de trous noirs.

Les télescopes gravitationnels observeront les explosions d’étoiles, les fusions d’étoiles à neutrons ou les fusions de trous noirs.

Les ondes gravitationnelles ont été prédites par Albert Einstein voici un siècle exactement, dans sa théorie de la relativité générale. Pour le génial physicien, il s’agit des déformations de la trame de l’espace-temps, déformations induites par les masses en mouvement, un peu comme un caillou lancé dans l’eau créé des ondes qui se dissipent progressivement. On le sait, l’espace-temps einsteinien est courbe, courbe et lisse. Mais si une masse se déplace dans le cosmos, elle creuse l’espace-temps et le ride. Ces rides, ces ondes gravitationnelles, se propagent, comme la lumière, à 300 000 kilomètres par seconde. Sauf que, jusqu’à ce jour, elles n’avaient jamais été observées. Les preuves que la relativité générale est aujourd’hui et depuis cent ans la théorie la plus précise et la plus féconde pour expliquer le cosmos à grande échelle sont légions : l’espace-temps courbe relativiste a été testé jusqu’à de sidérantes, sidérales précisions. Mais les ondes gravitationnelles, extraordinairement ténues, Einstein lui-même pensait qu’on ne les détecterait jamais…

Ligo est constitué de deux interféromètres, situés de part et d'autre des Etats-Unis, à 3000 kilomètres l'un de l'autre, l'un au nord ouest, à Hanford, état de Washington (sur cette image), l'autre au sud est, à Livingstone, en Louisiane, non loin de la ville de Baton Rouge. Les deux instruments, identiques, ont été conçus en 1992, et mis en service en 2005. Photo Ligo/NSF.

Ligo est constitué de deux interféromètres, situés de part et d’autre des Etats-Unis, à 3000 kilomètres l’un de l’autre, l’un au nord ouest, à Hanford, état de Washington (sur cette image), l’autre au sud est, à Livingstone, en Louisiane, non loin de la ville de Baton Rouge. Les deux instruments, identiques, ont été conçus en 1992, et mis en service en 2005. Photo Ligo/NSF.

La preuve – mais indirecte – de leur existence a d’abord été apportée par Russel Hulse et Joseph Taylor, ce qui leur a valu le prix Nobel de physique en 1993 :
En observant le pulsar double PSR B1913+16, ces astronomes montrèrent en effet que les deux étoiles à neutrons du couple chutent progressivement l’une vers l’autre, la déformation de l’espace-temps induite par ces deux masses extraordinairement denses et proches entraînant un fort rayonnement gravitationnel. Mais cette mesure – l’accélération de l’orbite du pulsar de 40 secondes en trente ans, qui correspond exactement à la prédiction de la relativité générale – était indirecte. D’où le désir des physiciens de détecter directement ces fameuses ondes, en faisant mentir Albert Einstein… En vain, un siècle durant.

L'interféromètre de Livingstone, en Louisiane, à 3000 kilomètres de l'interféromètre de Hanford. Photo Ligo/NSF.

L’interféromètre de Livingstone, en Louisiane, à 3000 kilomètres de l’interféromètre de Hanford. Photo Ligo/NSF.

Car les ondes gravitationnelles, on a cherché à les détecter, dès 1960. Et à la fin du XX e siècle, les scientifiques ont mis les bouchées doubles, en construisant trois immenses instruments, Ligo et Virgo. Des instruments identiques dans leur principe : il s’agissait de mesurer avec une précision absolue la distance entre deux masses tests, afin de détecter l’éventuelle passage d’une onde gravitationnelle, celle-ci, déformant l’espace pendant son passage, changerait imperceptiblement la distance entre ces deux masses. Pour ce faire les physiciens ont donc conçu des interféromètres de Michelson géants, c’est à dire des bancs optiques en forme de L, aux deux bras perpendiculaires, longs de 4 kilomètres pour Ligo, de 3 kilomètres pour Virgo, à l’extrémité desquels se trouvent les masses tests, à savoir des miroirs… Dans ces deux bras, soumis à un vide spatial, un faisceau laser circule continuellement. Les faisceaux réfléchis par chaque miroir sont mis en phase, les opticiens disent qu’ils forment des franges d’interférence. C’est en observant ces franges, qui doivent rester immobiles, que les physiciens attendent le passage d’une onde gravitationnelle. Un déphasage – correspondant à une distance parcourue moindre ou supérieure par le laser – était censée signer la déformation spatio-temporelle induite par le passage de l’onde…
Décrit comme cela, ça à l’air tout simple, mais en réalité, cette expérience de physique était un pari fou… Car des quatre « forces de la nature » l’électromagnétisme, les champs nucléaires fort et faible et la gravitation, cette dernière est de très loin la plus faible : la gravitation est cent milliards de milliards de milliards de milliards (10 puissance 38) de fois plus faible que la force nucléaire qui lie les noyaux atomiques… La gravitation ne se fait sentir qu’en présence de masses considérables, comme les planètes, les étoiles, les trous noirs…

L'interféromètre franco-italien Virgo, va bientôt se joindre à Ligo pour décupler la précision des observations gravitationnelles. Photo Virgo.

L’interféromètre franco-italien Virgo, va bientôt se joindre à Ligo pour décupler la précision des observations gravitationnelles. Photo Virgo.

Les ondes gravitationnelles, qui font frissonner l’espace-temps courbe de la relativité générale, sont plus faibles encore. Jugez-en : le système solaire entier émet sous forme d’ondes gravitationnelles une puissance de… 5000 watts ! C’est la puissance d’un projecteur de stade de football… On comprend que Albert Einstein n’ai jamais cru à leur détection.
En revanche, les astres tout à la fois denses, compacts et en interaction peuvent émettre une quantité considérable d’énergie sous forme gravitationnelle : le pulsar double PSR B1913+16, avec ses deux étoiles à neutrons qui se tournent l’une autour de l’autre à la vitesse de 450 kilomètres par seconde, émet environ 10 puissance 24 watts, cela représente 2 % de la puissance rayonnée du Soleil… Quant à la fusion de deux trous noirs, comme celle qu’a observée Ligo, elle dépasse 10 puissance 50 watts, c’est colossal…
Mais les ondes gravitationnelles, comme les rides de l’eau d’un lac provoquée par la chute d’une feuille, s’amortissent progressivement… Et le lac cosmique est infini ou presque : de fait, les ondes gravitationnelles attendues par Ligo ou Virgo sont incroyablement ténues : l’espace, dans l’intervalle des miroirs des interféromètres, doit s’allonger – et se contracter dans l’autre bras perpendiculaire – de 10 puissance moins 19 mètre, soit du dix millième du diamètre d’un proton. On comprend, dès lors, que les interféromètres détectent avant tout du bruit de fond… Rumeurs de la Terre, mouvement des vagues lointaines, des masses atmosphériques, des voitures passant au loin, d’une petite souris grattant la terre sous l’interféromètre… Discriminer le signal, d’une ténuité surréaliste, des ondes gravitationnelles, du bruit ambiant, tel était le défi fou des ingénieurs et physiciens, de part et d’autre de l’Atlantique…
Pari gagné par l’équipe de Ligo, donc et son instrument rénové en 2015, appelé désormais Advanced Ligo. Advanced Ligo a commencé à observer en septembre 2015, avec en particulier un « run » d’observation de soixante heures d’affilée des deux antennes ensemble, une première. De son côté, Advanced Virgo va entrer en service dans quelques mois.
C’est à cette occasion que, à leur immense stupéfaction, les ingénieurs et physiciens de l’équipe Ligo ont repéré, dans les données de leurs interféromètres ultra-précis, deux signaux identiques, à 3000 kilomètres de distance, et ayant exactement le profil d’une onde gravitationnelle… Encore une fois, la détection est indiscutable, et ce sont en tout… mille auteurs qui ont publié aujourd’hui l’article fondateur de l’astronomie gravitationnel dans les Physical Reviews Letters. Un article partagé gratuitement avec le public, donc, et d’une simplicité confondante, comme, souvent, les grandes découvertes scientifiques… Il est à noter que l’équipe américaine de Ligo a partagé la découverte avec l’équipe franco-italienne de Virgo, qui a participé à la naissance de cette nouvelle astronomie, en particulier grâce aux travaux fondateurs, en France, de Alain Brillet, Nathalie Deruelle et Thibault Damour, à l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques (IHES).

La salle de contrôle de l'observatoire Ligo. Photo Ligo/NSF.

La salle de contrôle de l’observatoire Ligo. Photo Ligo/NSF.

Cette observation extraordinaire ouvre probablement une nouvelle ère de l’astronomie et de la physique. Les chercheurs espèrent, dans les mois qui viennent et avec la mise en route de Advanced Virgo, pouvoir, avec les trois instruments de Ligo et Virgo ensemble, détecter et repérer plus précisément de nouveaux événements gravitationnels : explosions de supernovae, fusions d’étoiles à neutrons, fusion de trous noirs… Si ces événements sont rarissimes, le volume d’espace gigantesque embrassé par Ligo et Virgo promet, en principe, de nombreuses observations par an. Alain Riazuelo, chercheur à l’Institut d’Astrophysique de Paris, spécialiste de la modélisation des trous noirs, est optimiste : « Les anciennes versions de Ligo et Virgo n’avaient peut-être qu’une chance par siècle de détecter quelque chose. C’était trop peu, d’ailleurs, ils n’ont rien trouvé… Avec Advanced Ligo et Advanced Virgo, on devrait passer à une coalescence d’étoiles à neutrons ou de trous noirs par mois, voire par semaine. La prochaine génération d’interféromètres, comme le Einstein Telescope, dont les bras mesureront dix kilomètres, pourrait permettre d’observer l’Univers entier, alors, on pourrait avoir une découverte par jour, puis pourquoi pas, une toutes les heures… ».
Cette nouvelle fenêtre sur l’Univers, entr’ouverte aujourd’hui, devrait à l’avenir s’ouvrir toute grande : un clone de Ligo, Ligo India, doit être installé bientôt en Inde, les Japonais terminent la construction de leur propre télescope gravitationnel, Kagra, dans la mine de Kamioka, à côté du détecteur de neutrinos SuperKamiokande, et l’Europe, après ce spectaculaire succès, devrait bientôt donner le feux vert au télescope Einstein, un « super Virgo » actuellement à l’étude.
L’astronomie gravitationnelle promet d’observer les événements les plus violents de l’Univers, jusqu’ici demeurés invisibles : cœur d’étoiles supergéantes s’effondrant en trous noirs, fusions d’étoiles et fusions de trous noirs, chutes d’étoiles dans des trous noirs, ou encore fusions de trous noirs galactiques… Un rêve de physicien : comprendre mieux les trous noirs et leurs propriétés étranges, découvrir, peut-être, un écart de leur comportement à la loi d’airain d’Einstein, écrire, enfin, les premières pages d’une nouvelle physique… A plus long terme, c’est même le premier souffle de l’Univers, le « Aum » originel, émis au moment même du big bang, dont les télescopes gravitationnels pourraient entendre l’écho, partout dans le ciel.
Serge Brunier

 

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