Locon tresse des lauriers à l’ail gayant

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Il s’appelle gayant, comme le géant d’osier et de papier mâché qui défile chaque mois de juillet aux fêtes de Douai. L’ail d’ici, que les botanistes surnomment « ail du Nord », fait sa sortie à la même saison. Si son nom signifie justement « géant » en picard, la plante se distingue moins par ses dimensions que par sa longévité : ce produit phare du Pas-de-Calais peut se cuisiner un an après avoir été ramassé. Le bulbe ou « tête » du gayant est blanc, ses petites gousses subsidiaires ou « caïeux » rose foncé.

Les producteurs de Locon et des alentours le vendaient autrefois au kilo. Mais en 1978, quand des habitants de la commune ont lancé la Foire à l’ail pour créer des liens entre villageois et valoriser les ressources locales, les cultivateurs ont commencé à le tresser, instaurant sur le tas une tradition.

Un complément de revenus

Le carré d’ail n’est jamais très grand (autour de 5 000 m2 ) et constitue toujours une activité de complément, à côté du maraîchage, des serres, des céréales ou des œufs, dans des petites structures diversifiées. « La valorisation provoquée par la foire a permis à beaucoup de jeunes d’avoir un complément de revenus », explique Bernard Rose, producteur à Locon.

Chez lui, le ramassage est déjà « une fête ». Amis, frères et sœurs, cousins, neveux : on fait cela en groupe, pour la joie, mais aussi par nécessité. Car la culture de l’ail demande de nombreuses manipulations. Des caïeux de l’été sont plantés en février suivant. Le champ est ensuite désherbé, puis on « butte » l’ail « en ramenant un monticule de terre au-dessus, pour que la tête ne risque pas d’être à l’air libre avant maturité », explique le producteur. Quand la plante est mûre, ses fanes se couchent sur le sol. Une fois ramassé, l’ail est « blanchi » : « on enlève la première épaisseur de peau et la terre qui va avec », et ses racines sont coupées. Après avoir séché quelques jours dans le champ, il est lié en bottes, qui seront suspendues ou séchées sur des grilles.

Un état d’esprit

Les producteurs de la Foire à l’ail ont créé leur syndicat et le jour J, ils affichent leurs tresses au même prix. « Un signe qui indique un état d’esprit et qui profite à tous » selon Lysiane Playe, la présidente de l’Association loconoise pour les loisirs, l’entraide et les sports (Alles). Nature ou fumée, chaque tresse porte le nom du producteur. « L’ail de la région est apprécié, car il n’est pas particulièrement dur, acide ou agressif. Mais ici, on dit quand même qu’il est préférable de le manger en couple ! », plaisante Bernard Rose, chez qui on consomme les gousses conservées dans du vinaigre après cuisson dans du lait.

La veille de la foire, des bénévoles éplucheront 150  kg de têtes pour cuisiner 1 500 litres de soupe loconoise (dans 1,5 litre d’eau froide, verser un bol d’ail épluché, 500 g de pomme de terre en morceaux, 500 g de tomates pelées, saler, poivrer, mixer en fin de cuisson) servis le dimanche. « On fait ça avec des gants, car le jus d’ail frais brûle les doigts », explique Lysiane. Connu pour traiter certaines infections de la peau, l’ail améliore aussi la circulation, réduit l’hypertension et facilite la digestion. En Égypte, les esclaves qui construisaient les pyramides en recevaient une ration quotidienne censée renouveler leurs forces. Khéops en fit graver l’image sur les murs de son tombeau, tandis que des têtes d’ail déposées sur les sarcophages accompagnaient les pharaons dans l’au-delà. Une certaine idée du goût de l’éternité !

 

> La Foire à l’ail à Locon

Créée en 1978 pour animer le village et valoriser une culture traditionnelle locale, la Foire à l’ail accueille environ 10000 visiteurs par édition. Après le thème des chevaux l’an dernier, les stands de la quinzaine de producteurs-exposants pré- sents le dimanche 23 août dès 9 h seront décorés d’épouvantails de leur composition ! Le public pourra s’y procurer des tresses de 15, 25, 45 ou 90 têtes d’ail ornementées, ainsi que des échalotes et des oignons, et déguster les spécialités locales comme la soupe à l’ail ou le palet au bours’ail loconois (un rôti de porc farci de saucisson à l’ail). Cette année encore, la foire proposera des démonstrations de battage des haricots et du blé à la manière des années 1950, une exposition de vieux matériel agricole et le travail d’un maréchal-ferrant.

Tél. : 03 21 27 81 75. http://foirealail.fr

 

> De fêtes en foires

23 août Foire à l’ail à Locon (Pas-de-Calais).
22-23 août Fête de l’oignon à Roscoff (Finistère).
Du 28 au 30 août L’ail en fête à Piolenc (Vaucluse).
29-30 août Fête de l’ail à Cadours (Haute-Garonne).
29-30 août Foire aux oignons à Villeneuvela-Guyard (Yonne).
30 août Foire à l’ail, à l’oignon et au boudin à La Garde (Var). 

 

France Bleu est partenaire de la série d’été « Un produit, un terroir », à retrouver chaque semaine dans l’émission Vacances en France, présentée par Frédérick Gersal, de 12h30 à 13h.

On sait enfin à quoi servent les mouvements des yeux durant les rêves

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A quoi servent les mouvements des yeux pendant qu'on dort ? A zapper d'une scène à une autre d'un rêve, selon des chercheurs (Ph. Kick Photo via Flickr CC BY 2.0)

A quoi servent les mouvements des yeux pendant qu’on dort ? A zapper d’une scène à une autre d’un rêve, affirme une étude scientifique inédite (Ph. Kick Photo via Flickr CC BY 2.0).

Depuis leur découverte en 1937, les mouvements oculaires rapides (MOR) durant le sommeil ont fasciné les neurologues. Associés aux rêves et à la phase de sommeil paradoxal, et supposés vitaux pour la “maintenance” cérébrale, leur fonction exacte n’a jamais encore été pleinement comprise… Mais un travail récent d’une équipe de chercheurs français, israéliens et américains pourrait débloquer la situation.

Ces chercheurs ont en effet testé une nouvelle hypothèse, inédite, sur le sens des MOR, ce à l’aide d’électrodes implantées dans le cerveau de 19 patients humains captant directement l’activité des neurones impliquées. Et cette hypothèse semble validée : contrairement à l’idée admise, les MOR du dormeur seraient non pas le reflet d’un “scanning” des scènes visuelles rêvées, comme quand on examine visuellement un paysage, mais une action permettant de zapper d’une scène à l’autre. Une différence subtile mais essentielle pour comprendre l’économie cérébrale.

 L’activité de milliers de neurones analysée durant les rêves des volontaires

L’expérience a reposé sur 19 patients volontaires portant déjà des électrodes implantés dans leur cerveau, au nombre de 172, dans le cadre d’un traitement contre l’épilepsie. Grâce à elles, les chercheurs pu suivre l’activité de quelque 2000 neurones, soit de manière individuelle soit par groupe (en tout, 600 sources de mesure), durant des séances de sommeil et de veille de 7 heures en moyenne.

Les patients ont également été suivis par électro-oculographie, soit la mesure de l’activité de l’œil à l’aide d’électrodes collées à proximité, par électromyographie (mesure de l’activité musculaire) et par vidéo directe.

Une similitude avec les saccades oculaires en état de veille

De fait, les phases de MOR (de 2 à 5 par minute) existent aussi durant la phase d’éveil : il s’agit de saccades oculaires, parfois imperceptibles, servant aussi bien à “rafraîchir” l’image sur la rétine en évitant de saturer toujours les mêmes cellules (sinon, le flou s’installe), qu’à procéder à un calcul cérébral plus complexe : celui-ci est sensé délimiter ou segmenter des “périodes” durant le traitement de l’information visuelle.

En substance, on sait qu’en état de veille, chaque train de saccades ouvre et ferme une période de la scène visuelle aperçue, qui est alors traité en bloc par le cerveau. Ce mécanisme est interprété par les neurologues comme une remise à zéro de l’attention visuelle permettant de passer d’une période à l’autre – une sorte de zapping de l’attention visuelle.

Un “zapping” plutôt qu’un “scanning”

Aussi, en comparant les résultats des mesures des activités neuronales et des ondes cérébrales durant des phases de MOR en état d’éveil et en état de sommeil, les chercheurs en ont déduit que leur rôle dans les rêves est de même nature que durant la veille : délimiter les scènes rêvées par le dormeur et réaliser le passage de l’une à l’autre.

Plus précisément, lorsqu’un dormeur est en phase de rêve avec MOR (il y a aussi des phases de rêve sans MOR) cela correspond non pas à une étape où il “scanne” le paysage visuel de son rêve mais à celle où il change d’une imagerie ou scène à une autre – lesquelles peuvent ensuite se retrouver emmêlées et causalement liées dans le souvenir de la personne.

Plus près de la solution à l’énigme des rêves

Cette hypothèse demande à être validée par d’autres études, comme toute nouvelle hypothèse, mais en l’état elle dévoile les forts liens entre les “calculs” cognitifs complexes et le mouvement des yeux, liens déjà explorés notamment dans les techniques de thérapie cognitive dites EMDR où le mouvement des yeux est supposé permettre au système cognitif du patient de réorganiser la charge affective de ses souvenirs, par exemple dans les cas de trouble de stress post-traumatique (TSPT).

Surtout, elle ouvre aux neurologues une nouvelle piste, toute fraîche, pour résoudre enfin l’énigme sur le sens des rêves dans l’écosystème cérébral des nombreuses espèces de mammifères…

— Román Ikonicoff

 

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S&V 1162 - cauchemars

  • La science sait lire dans les pensées – S&V n°1098 – 2009. C’est dans la décennie 2000 que sont apparus les premiers résultats sur la reconstruction des pensées via le captage des signaux cérébraux, en particulier des images vues par l’individu.

1098

  • Cerveau : voici la première carte de nos idées – S&V n°1146 – 2013. La connaissance sur l’écosystème cérébral ne cesse de progresser, notamment grâce au mariage entre les système d’imagerie et l’analyse statistique numérique. Au point de pouvoir  tracer la carte de nos idées.

1146

S&V 1147 école neurosciences

Comment l’alcool peut-il avoir un effet désinhibant ?

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L'alcool agit ssur plusieurs processus neurochimiques conjointement (Ph. Henrique Gomes via Flickr CC BY 2.0)

L’alcool agit sur plusieurs processus neurochimiques conjointement (Ph. Henrique Gomes via Flickr CC BY 2.0)

Il est encore difficile de dresser un schéma complet de ce mécanisme car l’alcool (éthanol) est une petite molécule qui, à la différence des autres drogues, n’agit pas sur une seule cible, mais sur de nombreux récepteurs neuronaux, ces capteurs par lesquels les neurones communiquent entre eux. Dès lors, l’alcool modifie l’action de vastes réseaux neuronaux. D’un point de vue général, l’alcool altère les processus cognitifs et moteurs.

L’hypothèse la plus probable est que le fait de s’enivrer altère l’activité des régions corticales frontales, explique Mickaël Naassila, directeur du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm. Or, ces régions permettent l’analyse d’une situation et donc le contrôle de nos comportements.

L’alcool neutralise l’action de deux neuromodulateurs essentiels

Une fois ce frein levé, l’individu laisse libre cours à ses émotions, à ses envies, sans tenir compte des conséquences et du contexte social. L’inhibition du contrôle frontal favorise ainsi l’empathie, mais incite également à la prise de risque, au passage à l’acte, et même à la violence.

Au niveau des neurones, l’effet désinhibiteur de l’alcool peut s’expliquer, du moins en partie, par le fait qu’il neutralise l’action de deux neuromodulateurs essentiels à la perception de l’environnement et au maintien de la vigilance : la noradrénaline et la sérotonine. “En se fixant sur les récepteurs du GABA [le principal neurotransmetteur du système nerveux encéphalique], l’alcool exerce une activité inhibitrice sur la noradrénaline et la sérotonine, et en perturbe la sécrétion, explique le neurobiologiste Jean-Pol Tassin. Or, la noradrénaline permet justement d’être réactif face à un danger”. Quant à la sérotonine, elle joue un rôle important dans l’émotivité et l’humeur.

Et il favorise la sécrétion de “morphines endogènes”

De plus, l’alcool favorise la sécrétion de “morphines endogènes” qui se lient à d’autres récepteurs ayant eux aussi une action inhibitrice. Mais surtout, l’éthanol a pour effet de booster la libération de dopamine, impliquée dans le système de récompense et d’addiction, qui va provoquer un effet plaisant, parfois jusqu’à l’euphorie.

Désinhibé, euphorisé, le consommateur peut ressentir une sensation de toute-puissance… alors que ses systèmes de vigilance sont affaiblis. Et tel est bien le risque que constitue l’alcool, au volant ou ailleurs : on se sent sûr de soi alors que la vigilance est moindre !

E.C.

D’après S&V n° 1107

 

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S&V 1156 alcool

  • L’alcoolisme, une toxicomanie nationale – Alors que l’alcool est assimilé à une drogue toxique depuis 1998, la tradition de le consommer pour le plaisir complique les politiques de prévention. – S&V n°1019

S&V 1019 alcoolisme

  • Incroyables neurones – S&V n°1141, 2012. Bien plus qu’on ne le pensait, le fonctionnement de notre cerveau repose sur ce qui se passe à l’intérieur de ses plus petites composantes, les neurones.

S&V 1141 - couv

 

A partir de vos photos versées en ligne, un modèle permet de déduire où vous irez demain

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C'est en puisant dans les photos en libre accès déposés sur le site Flickr que les chercheurs ont conçu un algorithme de prévision des déplacements (Capture d'écran)

C’est en puisant dans les photos en libre accès déposés sur le site Flickr que les chercheurs ont conçu un algorithme de prévision des déplacements (Capture d’écran)

Dans les pays démocratiques, chaque individu est libre de ses choix, lesquels sont donc a priori indéterminés. Mais la liberté individuelle n’empêche pas l’existence de lois statistiques anticipant les comportements humains : les prévisions de Bison Futé nous en donnent la preuve à chaque vacances. Or dans un travail inédit, une équipe de chercheurs britanniques et américains a montré comment un algorithme pouvait anticiper les déplacements d’individus à l’aide de leurs photos versés en ligne dans des sites ouverts, comme le site Flickr.

Outre l’aspect déroutant de ce résultat, qui peut faire craindre aux photographes amateurs de Flickr une perte de liberté ou de privacité, le travail des chercheurs, qui s’inscrit dans le domaine de l’éthologie humaine, pourrait devenir un outil de gestion des transports et de planification urbaine.

 8 millions de photos appartenant à 16 000 personnes

La partie la plus simple de la recherche est son aspect “big data“. En effet, les chercheurs ont sélectionné parmi 40 millions de photos de Flickr concernant des lieux et des déplacements à l’intérieur du Royaume-Uni, celles possédant les caractéristiques suivantes : elles portent des indications de lieu et de date, et proviennent de personnes ayant versé plusieurs photos de voyage dans le site. Il en a résulté une base de données de 8 millions de photos appartenant à 16 000 individus.

Dès lors, à l’aide d’un algorithme de traitement statistique et de prévision (intégrant des éléments d’intelligence artificielle), ils ont déduit soit le lieu où se trouvaient ces personnes à un instant donné soit leurs déplacements ultérieurs (par rapport aux informations disponibles sur Flickr). Le résultat de leur calcul a été comparé aux données du National Travel Survey, agence gouvernementale collectant les données sur les déplacements individuels en Grande Bretagne. Conclusion : l’algorithme a fait les bonnes prévisions pour 92% des personnes suivies !

Des schémas de comportement semblables à ceux des oiseaux migrateurs ou des requins

Bien sûr, dans ce travail, le prophète c’est l’algorithme. De fait, celui-ci intègre une partie d’apprentissage (Machine learning) et repose sur un modèle fort complexe issue des théories statistiques de l’information et de la théorie du chaos (techniquement, les automates de Markov à états cachés et les vols de Lévy) déjà utilisés dans l’étude des déplacements de certains animaux marins en recherche de nourriture ou de partenaire sexuel, tels les oiseaux ou les requins.

Ces études préalables ont montré qu’il existe un schéma invariable : ces animaux adoptent un déplacement aléatoire sur de très courtes distances – qu’on assimile au mouvement brownien de particules dans un fluide – entrecoupé de “vols de Lévy”, c’est-à-dire de déplacements longs où ils s’extraient de la petite région où ils erraient pour se transporter dans une autre région où ils reprennent le régime brownien, et ainsi de suite.

 Une loi issue de la théorie du chaos

Ce phénomène porte une signature mathématique typique des phénomènes dits chaotiques, la “loi de puissance” (dont nous avons déjà parlé ici-même) : les déplacements sont d’autant plus courts qu’ils sont fréquents ou, pour le dire plus crument, la longueur du déplacement L est inversement proportionnel à sa fréquence d’apparition f (fréquence élevée à une certaine puissance a) – ce qu’on représente par la formule absconse suivante : L = 1/f puissance a, avec a compris entre 1 et 3.

Des travaux précédents, basés sur les données de mobilité des smartphone, avaient déjà montré que les humains se déplacent également de la sorte dans et entre les villes (et pas seulement pour se nourrir ou trouver des partenaires sexuels), et tenté d’en tirer des prévisions. Mais les chercheurs anglo-américains ont innové en fusionnant ce modèle de déplacements individuels avec un modèle statistique prenant en compte les grands flux humains à l’échelle de la Grande Bretagne.

Un aide à l’organisation des transports et des villes

Cela leur a permis de calculer, pour chacune des 20 plus grandes villes du pays son taux d’attraction, une donnée qui vient compléter, en termes de probabilités, le calcul des déplacements de chacun des 16 000 individus. Le modèle individuel du vol de Lévy additionné au modèle macroscopique (statistique) de la fréquentation des villes – ce qui représente de dizaines de millions de paramètres interdépendants passés au crible de l’algorithme – a finalement eu raison du libre arbitre individuel, du moins jusqu’à un certain point (c’est le principe même de l’éthologie humaine).

Disons enfin que cet algorithme est destiné non pas à surveiller les usagers de Flickr mais à donner aux urbanistes un temps d’avance pour optimiser l’organisation des transports et des villes en fonction des flux à venir – voire inspirer les anthropologues dans leur analyse des comportements humains.

Román Ikonicoff

 

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  • Google, le nouvel Einstein – S&V n°1138 – 2012 – Depuis une dizaine d’années, la plupart des données qui circulent dans la Toile sont conservées dans les serveurs des grandes firmes d’internet. Grâce à cela, nous possédons une mémoire détaillée des activités humaines et des évènements passés et présents… que les scientifiques exploitent pour pister des épidémies, découvrir de nouvelles lois, soigner des maladies. La science des Big Data est en route. 1138

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Pourquoi les électrons ne s’écrasent-ils pas sur le noyau de l’atome ?

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Même si l'on représente usuellement un atome comme un système "solaire", sa représentation quantique par orbitales (ci-dessus) est bien plus réaliste (Ph. Geek3 via Wikicommons CC BY-SA 3.0

Même si l’on représente usuellement un atome comme un système “solaire”, sa représentation quantique par orbitales (ci-dessus) est bien plus réaliste (Ph. Geek3 via Wikicommons CC BY-SA 3.0

Au vrai, la question se poserait si la structure de l’atome correspondait à celle qu’avançait en 1911 le découvreur du noyau atomique, Ernest Rutherford. Le physicien anglais proposait de considérer l’atome comme un système solaire miniature avec le noyau au centre, les électrons en orbite et la force électromagnétique jouant le rôle de la gravité. Ici, les électrons seraient maintenus en orbite circulaire grâce à l’équilibre entre force centrifuge, qui tend à les éloigner du noyau, et force électromagnétique, qui les attire vers le noyau.

Mais dans ce modèle, rien n’interdit à l’électron de ralentir au point d’entrer en collision avec l’un des protons du noyau. De la même façon que si la Terre ralentit, elle finira par entrer en collision avec le Soleil. Sauf qu’il y a un souci : s’il en était ainsi, les atomes n’étant pas stables, nous ne serions pas là pour en discuter !

Il y a des niveaux d’énergie minimum pour les électrons des atomes

Le modèle planétaire de Rutherford n’est donc pas suffisant pour rendre compte de la réalité de l’atome. Relevant d’une conception classique de la physique, il ne tient pas compte des phénomènes quantiques, comme le fait que l’énergie, la vitesse et la trajectoire d’un électron dans un atome sont des paramètres quantifiés qui ne peuvent pas prendre n’importe quelle valeur.

Avant le modèle "solaire" de Rutherford, J.J. Thomson a imaginé un volume sphérique chargé positivement dans lequel s'agitent des électrons chargés négativement (Domaine public)

Avant le modèle “solaire” de Rutherford, J.J. Thomson a imaginé un volume sphérique chargé positivement dans lequel s’agitent des électrons chargés négativement (Domaine public)

Selon Rutherford, l'atome est structuré comme un système "solaire" (Ph. Fastfission via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Selon Rutherford, l’atome est structuré comme un système “solaire” (Ph. Fastfission via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Il existe ainsi un niveau d’énergie minimum, qualifié de fondamental, en deçà duquel l’électron ne peut descendre. Ce niveau est associé à une vitesse précise et à une orbite bien définie qui déterminent la trajectoire la plus proche du noyau que l’électron peut espérer suivre – et ce n’est pas une trajectoire de collision.

 La bonne solution : le modèle quantique à “orbitales” de Schrödinger

C’est Niels Bohr, physicien danois, qui introduisit, en 1913, la quantification des niveaux d’énergie dans le modèle planétaire de l’atome. Reste que, même ainsi amendé, ce modèle n’est pas totalement satisfaisant. Car parler de trajectoire pour rendre compte des déplacements de l’électron supposerait que l’on sache où il se trouve à chaque instant.

Selon Bohr, les orbites des électrons sont délimitées par des niveaux d'énergie discrets (Ph. Tankist-777 via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Selon Bohr, les orbites des électrons sont délimitées par des niveaux d’énergie discrets (Ph. Tankist-777 via Wikicommons CC BY-SA 3.0)

Or, on ne peut connaître que la probabilité qu’il occupe telle ou telle région de l’espace autour du noyau : ce sont les orbitales.

Selon Schrödinger, les électrons forment des "orbitales" diffuses : l'électron occupe tout le volume de l'orbitale (Ph. HAtomOrbitals via Wikicommons CC BY-SA 3.0 )

Selon Schrödinger, les électrons forment des “orbitales” diffuses : un électron occupe tout le volume de l’orbitale (Ph. HAtomOrbitals via Wikicommons CC BY-SA 3.0 )

Les trois modèles atomiques : de Rutherford, de Bohr et de Schrödinger (Ph. Scientia via Wikicommons CC BY 3.0)

Chronologie des 4 modèles atomiques : Thomson, Rutherford, Bohr et  Schrödinger (Ph. Scientia via Wikicommons CC BY 3.0)

Ainsi, à chaque niveau d’énergie correspond une orbitale de forme et d’extension différentes. Celle du niveau fondamental est une sphère centrée sur le noyau. Lorsqu’il est dans ce niveau d’énergie minimale, l’électron peut être n’importe où à l’intérieur de cette sphère – y compris dans le noyau !

E.H.

D’après S&V n°1111

 

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  • Tableau de Mendeleïev, l’élément 117 met fin au mythe – S&V n°1163 – 2014. Après avoir réussi la synthèse de l’élément chimique 117 (nombre de protons) puis 118, les physiciens se demandent si la longue recherche pour compléter et élargir la tableau de Mendeleïev n’est pas définitivement close… Certains parient que non.

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  • Alchimie nucléaire : transmutations qui défient les lois – S&V n°1040 – 2004. Transmuter le plomb en or sur sa paillasse, telle était le rêve des alchimistes. Mais encore au XXIe siècle, certains physiciens se demandent s’il ne serait pas possible de transformer des éléments chimiques en d’autres avec les moyens de la chimie, c’est-à-dire sans faire appel à la technologie des très hautes énergies.

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L’interdit de l’inceste a-t-il un fondement biologique ?

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Le cichlidé émeraude est la une espèce de poisson dont la reproduction est basée sur l'inceste (Ph. Christie via Flickr CC BY 2.0).

Le cichlidé émeraude est une espèce de poisson dont la reproduction est basée sur l’inceste (Ph. Christie via Flickr CC BY 2.0).

S’il est statistiquement établi que les mariages entre proches consanguins – l’endogamie – engendrent des conséquences génétiques néfastes chez leurs enfants, il n’est pas certain que ce phénomène soit à l’origine de la prohibition de l’inceste commune à toutes les sociétés humaines, comme le proposait au XIXe siècle l’anthropologue Lewis Morgan. Il se pourrait même que les effets indésirables liés à l’inceste découlent de sa prohibition. C’est pourquoi le problème que vous soulevez, tel celui de la poule et de l’œuf, ne peut recevoir de solution univoque.

Pour comprendre, il faut d’abord revenir sur un phénomène biologique nommé “dépression de consanguinité”, qui explique pourquoi la proximité génétique de parents tels que des frères et sœurs peut porter préjudice à leur progéniture.

L’inceste présente un risque génétique pour les individus…

Chez tous les êtres issus d’une reproduction sexuée, c’est la fusion des gamètes mâles et femelles (spermatozoïdes et ovocytes chez les humains) qui assure la transmission du patrimoine génétique nécessaire au développement de l’embryon. Cette transmission est en partie aléatoire, mais elle permet que chaque cellule non reproductrice des descendants contienne un double jeu de chromosomes porteurs chacun des mêmes gènes, les uns dans la version provenant des spermatozoïdes, les autres de l’ovocyte.

Ces différentes versions sont appelées “allèles”, et l’on distingue les allèles “récessifs” des allèles “dominants”, les premiers ne s’exprimant qu’en l’absence des seconds. Si certains de ces allèles s’avèrent être porteurs de mutations dommageables (ils sont alors dits “délétères”), ils sont récessifs pour la plupart ; les êtres dotés d’allèles délétères dominants ayant peu de chance de pouvoir se reproduire, ces allèles disparaissent au cours du temps.

…Mais il peut présenter des avantages pour les espèces

Sauf exception, il faut donc pour qu’un allèle délétère entre en activité qu’il ne soit pas couplé à un allèle sain dominant. Or, c’est justement la situation vers laquelle la consanguinité tend à mener : quand le père et la mère sont issus d’une même famille, les risques pour que leurs enfants héritent d’allèles délétères identiques sont accrus, et donc les risques que ces enfants ne soient pas viables ou très malades.

Faut-il en conclure que la prohi­­bi­­tion de l’inceste a bien un fon­­dement biologique qui pousse à l’exogamie, c’est-à-dire à la recher­­che d’un compagnon hors de son groupe d’appartenance ? Pas si simple. Car en 2007, des travaux d’une équipe de l’université de Bonn sur des poissons, les cichlidés émerau­des (S&V n° 1077, p. 72), a souligné la fragilité de ce dogme, et pas seulement chez ces poissons : chez l’homme, la dépression de consanguinité est relativement faible et pour certains groupes indiens et pakistanais, l’accouplement consanguin s’est avéré être, in fine, un vecteur de fertilité assez important pour compenser l’excès de mortalité juvénile qu’il engendrait.

L’interdiction de l’inceste aurait autant une origine plus culturelle que naturelle

Sur le long terme, même une dépression de consanguinité forte sans contreparties immédiates peut représenter un atout biologique : en favorisant l’expression des allèles délétères récessifs, et donc l’élimination des individus porteurs, elle réduit leur fréquence dans la population. Paradoxalement, on peut donc considérer que les conséquences funestes des rapports consanguins chez les humains résultent en grande partie de la prohibition de l’inceste, qui a empêché ce processus de “nettoyage” génétique.

Les pratiques incestueuses des pharaons que les découvertes sur les parents de Toutankhamon ont remises sur le devant de la scène (S&V n° 1111, p. 20) se joignent à cette idée pour suggérer que notre rapport à l’inceste a une origine culturelle, au moins autant que naturelle.

V.Gu.

D’après S&V n°1114

 

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  • Inceste : un petit poisson brise le tabou – S&V n°1077 – 2007. En 2007 les scientifiques découvrent le comportement incestueux du cichlidé émeraude, petit poisson des eaux d’Amérique du Sud. La croyance au fait que l’inceste serait néfaste pour les espèces en prend un coup : il aurait des avantages reproductifs qui lui permettent de passer la barrière statistique de la sélection naturelle, d’où l’existence de cette espèce de poisson.

1077

  • L’ADN de Toutankhamon a parlé – S&V n°1111 – 2010. Inceste en Égypte Ancienne. En couplant analyse génétique et imagerie médicale, des chercheurs ont levé un voile sur la généalogie du célèbre pharaon : sa mère était la sœur de son père, donc sa tante.

1111

  • Les nouveaux mystères de l’ADN – S&V n°1145 – 2013 – Depuis la découverte de la structure de l’ADN, en 1953, les biologistes ne cessent de s’étonner de la sophistication de cette minuscule machinerie qui contient toutes les informations pour faire fonctionner un organisme vivant. C’est un véritable langage, dont les paroles sont des protéines, qui est loin d’avoir été parfaitement déchiffré.

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Un smartphone suffit pour fabriquer son clone numérique (avatar) en 3D

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Les visages filmés en qualité même moyenne par un smartphone permet de reconstruire son avatar (A. E. Ichim et al., EPFL)

Les visages filmés par un smartphone permettent de reconstruire son avatar en 3D (A. E. Ichim et al., EPFL)

Les petites trouvailles numériques cachent parfois des forêts de calculs et d’obstacles surmontés par des chercheurs passionnés… En l’occurrence, trois informaticiens de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL, Suisse) ont développé un système pour ordinateur qui peut recréer votre visage en 3D, et l’animer avec vos expressions, à partir d’une vidéo prise avec votre smartphone.

Une invention qui pourrait populariser l’utilisation d’avatars virtuels, jusque-là limitée aux joueurs en ligne, dans des applications (mobiles) de réseau social et sur certains sites de la Toile…

 Un avatar doit nous ressembler, avec un minimum d’informations

Sachant qu’un avatar n’est pas censé être une copie numérique de très haute ressemblance avec son modèle humain, ce qui serait trop lourd à animer en temps réel dans un jeu ou une interaction dans un espace virtuel, l’algorithme conçu par les chercheurs est une réussite d’économie et d’intelligence.

Car créer un visage en trois dimensions animé d’expressions à partir d’une vidéo filmée à la main (tremblements, mouvements) sous des éclairages loin d’être optimaux et avec une définition relativement médiocre, cela demande des ressources de calculs dignes d’un laboratoire d’informatique. Or le système peut tourner sur un ordinateur usuel (muni d’un microprocesseur de type Intel Core i7 2.7 Ghz et d’une carte graphique NVIDIA GeForce GT 650M 1024MB).

 Deux vidéos suffisent pour réaliser l’avatar

De plus, un avatar doit tenir dans un fichier numérique suffisamment léger pour être transmis d’une machine à une autre rapidement et son animation doit pouvoir être effectuée via la transmission d’un faible nombre d’instructions-clés. Pour cela, il faut réduire considérablement les informations décrivant le visage (données statiques) et ses expressions (données dynamiques).

Concrètement, l’algorithme requiert de se filmer d’une part en effectuant un balayage semi-circulaire du smartphone (bras étendu), d’autre part en mimant une série d’expressions, comme le montre la figure :

Les deux types de vidéos nécessaires pour créer son avatar (A. E. Ichim et al., EPFL).

Les deux types de vidéos nécessaires pour créer son avatar.

De fait, l’algorithme travaille avec quelques principes ingénieux : une mise à plat du visage, une réduction des informations graphiques (mappage par des polygones), l’inclusion de rides et d’expressions également géométrisées. Pour la capture vidéo, qui ne dure pas plus d’une minute et peut être effectué par un appareil à 8 mpx (de type iPhone 5), l’algorithme intègre un système d’identification et de suivi du visage (face tracking) qui permet compenser les désalignements et tremblements du visage filmé.

Le visage filmé est d’abord mis à plat

L’algorithme se sert de la première vidéo – visage neutre capté dans un mouvement semi-circulaire – pour effectuer une “mise à plat” du visage, sa géométrisation et une homogénéisation de la lumière reflétée par celui-ci. Le calcul passe ainsi par une phase graphique intermédiaire où est représentée une “carte d’albédo” du visage :

Du visage réel au visage numérique

Du visage réel au visage numérique : l’image intermédiaire est la “carte d’albédo” du visage

La première vidéo sert à reconstruire une vue "à plat" du visage avec notamment une homogénéisation des éclairages

La première vidéo sert à reconstruire une vue “à plat” du visage avec notamment une homogénéisation des éclairages

Cette carte d’albédo est ensuite “collée” à une surface 3D prédéfinie afin de lui redonner un relief, tout en la “vectorisant”, c’est à dire en redessinant le visage à l’aide de polygones, ce qui diminue le poids de l’image (un polygone remplace des milliers de pixels).

 Les détails les plus significatifs du visage (rides, textures) sont numérisés

La seconde vidéo sert à numériser les expressions du visage et quelques autres détails significatifs, comme les rides et la texture de la peau. Là encore, la règle est la réduction du nombre d’informations : seuls quelques-uns de ces détails, les plus marqués, sont intégrés au modèle. Finalement, le visage de l’avatar est une version géométrique minimale, mais reconnaissable, du visage réel…

Un petit nombre d'informations sur l'expression du visage réel permet de reconstruire cette expression sur l'avatar

Un petit nombre d’informations sur l’expression du visage réel permet de reconstruire cette expression sur l’avatar

L’avatar pourra alors être animé en temps réel dans un espace virtuel via une connexion Wi-Fi ou 4G, soit à partir des expressions réelles du visage de l’utilisateur (traduites par un second logiciel de capture et d’analyse du mouvement ou motion capture), soit en couplant cet algorithme avec un programme de reconnaissance de la parole, afin d’animer le visage au rythme de la parole de l’utilisateur.

Minimiser les flux vidéo dans une Toile en très forte croissance

Selon les chercheurs, toute cette procédure de fabrication de l’avatar, automatisée à partir des vidéos, ne prend que quelques dizaines de minutes – auxquelles il faut additionner une quinzaine de minutes pour la prise en main du logiciel (à partir du manuel d’aide) et l’affinage des paramètres par l’utilisateur. Un système qui, par sa faible consommation de ressources et sa facilité d’utilisation, pourrait servir dans des applications en ligne qui requièrent une “présence” sans pour autant être capables de gérer des flux vidéo, nécessairement lourds.

De fait, le remplacement des flux vidéo par des systèmes à avatar dans des applications en ligne est, selon les chercheurs, une des solutions pour alléger les transmissions numériques qui connaissent actuellement – et pour les années à venir – une croissance exponentielle pouvant à terme poser des problèmes de saturation des réseaux et de coût énergétique.

— Román Ikonicoff

 

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  • Ou va Internet ? – S&V n°1144 – 2013. Cela fait déjà quelques années que l’on s’interroge sur les capacités du réseau à résister à la pression d’une croissance exponentielle… Mais avec l’arrive de l’internet des objets, la question devient plus aiguë.

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Sourire, œil en coin… et talons hauts : ces détails qui nous séduisent

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La voirie a tort de s’obstiner à garnir les routes de dos-d’âne pour réfréner l’ardeur des automobilistes : une jolie fille montée sur échasses, opportunément déposée à l’entrée du village, dévoile un pouvoir tout aussi dissuasif. « Nous avons constaté, de manière très scientifique, que les conducteurs hommes ralentissent quand ils aperçoivent une fille en talons hauts qui marche sur le bas-côté ! », explique Nicolas Guéguen, professeur en sciences du comportement à l’université de Bretagne-Sud. Si le talon haut contribue (modestement) à la sécurité routière, il participe surtout à la conduite de stratégies de séduction.

Nicolas Guéguen et ses collaborateurs ont calculé précisément son impact : si 46,7% des hommes…

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Qu’est-ce qui provoque les courants océaniques ?

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Les courants marins sont les vents des océans. ici, Crinoïde () ployant sous le souffle d'un courant, dans l'Atlantique Nord (NOAA).

Les courants marins sont les vents des océans. Ici, un Crinoïde (animal marin ressemblant à une plante) ploie sous le “souffle” d’un courant, dans l’Atlantique Nord (NOAA).

Deux phénomènes, selon les océanologues, sont à l’origine des grands courants qui animent les océans de la planète : le vent et la densité de l’eau. Le premier est responsable des courants dits superficiels, même s’ils sont parfois sensibles jusqu’à 1 000 mètres de profondeur. Ainsi, dans l’hémisphère Nord, la rencontre des vents d’ouest (au nord) et des alizés du nord-est (en zone tropicale) met en mouvement les eaux de surface dans le sens des aiguilles d’une montre (c’est l’inverse au sud de l’équateur).

Sens général des vents à la surface du Globe (Ph. Pinpin via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Sens général des vents à la surface du Globe (Ph. Pinpin via Wikicommons CC BY-SA 3.0).

Mais les courants ne suivent pas strictement la trajectoire des vents. Ils sont déviés vers la droite ou la gauche, selon l’hémisphère, sous l’effet de la force de Coriolis, conséquence de la rotation de la Terre. C’est à cause d’elle que les courants sont plus forts dans les parties occidentales des océans septentrionaux ou orientales dans les océans australs.

Un courant qui forme un “tapis roulant”

Le second phénomène à l’origine des courants marins dépend du gradient (ou taux) de densité de l’eau et concerne des mouvements qui affectent à la fois la surface et l’océan profond. Ces courants dits “thermohalins” (régis par la température et la salinité) forment ce que les océanologues appellent un “tapis roulant”.

Vidéo de la circulation des courants thermohalins (cliquer ici si la vidéo ne démarre pas).

Entraînées par les vents, les eaux de surface chaudes refroidissent en arrivant au niveau des pôles. Du coup, leur densité augmente et elles s’enfoncent vers les profondeurs, formant ainsi des courants profonds froids. Lesquels se réchauffent progressivement et, dès lors, remontent… et ainsi de suite.

Le sel aussi est le moteur du courant

A noter que des variations de salinité modifient également la densité des eaux, ce qui engendre aussi des mouvements d’eau massifs. Ainsi, au large de Gibraltar, les eaux très salées de la Méditerranée s’enfoncent sous celles de l’Atlantique.

Zoom sur la fraction du Gulf Stream qui caresse la cote est des États-Unis (en bleu et noir). Les couleurs représentent les températures (rouge = chaud ; bleu = froid). Nasa

Zoom sur la fraction du Gulf Stream qui caresse la cote est des États-Unis (en bleu et noir). Les couleurs représentent les températures (rouge = chaud ; bleu = froid). Nasa

Le Gulf Stream, célèbre courant s’étalant des côtes de Floride jusqu’au Groenland, est constitué de ces deux types de courants, à la fois thermohalin et dû au vent, dans des proportions équivalentes.

F.G.

 

> Lire aussi :

 

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Un océan sous la terre ? – S&V n°1162 – 2014. Certaines preuves, notamment des micro-inclusions dans des diamants recueillis à 600 km sous la surface de la Terre, font penser à certains scientifiques qu’il existerait un océan sous-terrain.

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  • Le bruit des bateaux pollue aussi tous les océans – S&V N°1155 – 2013. Même les poissons et crustacés ne connaissent pas le silence… à cause de la pollution sonore des océans. Ce que Jean-Yves Cousteau et Louis Malle appelaient “Le monde du Silence” n’est plus.

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Ce système met en sourdine le smartphone si le cerveau est trop occupé

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Les sollicitations des smartphones et autres mobiles connectées ont tendance à nous distraire de notre occupation en cours (Ph. ClearFrost via Flickr CC BY 2.0)

Les sollicitations des smartphones et autres mobiles connectés ont tendance à nous distraire de notre occupation en cours (Ph. ClearFrost via Flickr CC BY 2.0)

Qui n’a jamais failli renverser quelqu’un en voiture, oublié quelque chose ou perdu le souvenir de ce qu’il s’apprêtait à faire à cause d’une sollicitation de son smartphone (un appel, un sms, une notification de ses réseaux sociaux, l’alerte d’une appli, etc.) ? Nous nous croyons tous doués pour la pensée en mode “multitâche” alors qu’en réalité la plupart ne sait que survoler de multiples taches en perdant la concentration et la capacité à accomplir correctement un travail…

Puisque le nombre de sollicitations que nous recevons de nos appareils mobiles et objets connectés tend à augmenter, et que la véritable pensée multitâche est réservée à un faible pourcentage d’entre nous, des chercheurs de l’Université Tufts (Massachusetts) ont conçu un dispositif, nommé Phylter, qui fait taire la machine si notre cerveau est dans un état d’encombrement cognitif.

 Il détecte si le cerveau est trop encombré

Le système, au stade de pilote dans le laboratoire des Interactions Humain-Machine (HCI) de l’Université Tufts, est fait de petits capteurs à placer sur le front d’une personne à l’aide d’une bandelette : ceux-ci mesurent en temps réel des signaux (indirects) de l’activité du cortex cérébral, qu’un algorithme analyse afin de déterminer l’état d”‘encombrement” de la pensée. Lorsque cet encombrement dépasse un certain seuil (établit par les chercheurs), l’algorithme désactive momentanément les alertes et autres bips du mobile afin de ne pas le distraire davantage.

Les émeteurs et le capteur de lumière IR d'un système d'Imagerie spectroscopique proche infrarouge fonctionnel (ISPIf) avec émetteurs et capteur (D. Afergan et al., Tufts University)

Les 4 émetteurs et le capteur de lumière IR du système d’Imagerie spectroscopique proche infrarouge fonctionnel ou ISPIf (D. Afergan et al., Tufts University).

Pour fouiller ainsi dans la pensée sans avoir à trouer le crane, les chercheurs exploitent une propriété du corps humain très particulière : sa transparence aux ondes lumineuses du proche infrarouge (des longueurs d’onde comprises entre 700 et 900 nm) – une propriété liée à la chimie et à la structure de la matière biologique (on parle de “fenêtre optique” du corps humain).

L’afflux de sang trahi l’afflux de pensées

Les “capteurs” sont en réalité des couples émetteur-recépteur d’un dispositif dit d’imagerie spectroscopique proche-infrarouge fonctionnelle (ISPIf ou fNIRS en anglais) envoyant des trains d’onde à travers le crane qui se reflètent dans les couches superficielles de notre matière grise et reviennent chargées d’information vers le dispositif.

Mode de fonctionnement de l'ISPIf : chemin de la lumière IR proche entre l'émetteur et le récepteur.

Mode de fonctionnement de l’ISPIf : chemin de la lumière IR proche entre l’émetteur et le récepteur.

En particulier, ces ondes sont reflétées par les molécules d’hémoglobine du sang sous deux longueurs d’onde légèrement différentes selon que l’hémoglobine est ou non chargée d’une molécule d’oxygène (O2). Aussi, le système est capable d’identifier des régions cérébrales concentrant un grand afflux d’oxygène, ce qui révèle un état d’activation, donc d’activité cognitive.

L’algorithme filtre les sollicitations en fonction de leur importance et de la disponibilité mentale de l’usager

Si l’ISPIf est bien moins précis que l’IRM fonctionnel (IRMf) utilisé couramment en imagerie cérébrale, il est suffisant pour informer un algorithme du taux d’activité cérébrale du lobe frontal. Surtout, contrairement à l’IRMf, c’est un système léger, peu encombrant, portable et à faible coût – tout à fait dans la gamme des capteurs et émetteurs dont on affuble de plus en plus les appareils et objets connectés.

Image d'activation des régions périphériques sur cerveau par ISPIf (le rouge est un maximum). A droite, le type de lumière pulsé par l'émetteur.

Image d’activation des régions périphériques sur cerveau par ISPIf (le rouge est un maximum). A droite, le type de lumière pulsé par l’émetteur.

Mais Phylter ne se contente pas de mesurer le taux d’occupation du la pensée, les chercheurs ont doté son algorithme de la capacité à établir une hiérarchie entre les différents messages et informations que le portable s’apprête à notifier, via un calcul statistique basé sur des paramètres ajustables par l’utilisateur, et à les “distiller” en fonction de la disponibilité mentale évaluée par l’ISPIf…

Le système des chercheurs de l’Université Tufts s’inscrit dans la prise de conscience du risque de saturation de notre mémoire de travail et de notre attention par la déferlante récente (et encore naissante) des mobiles intelligents et les usages nouveaux qu’elle a déjà engendré mondialement – il n’y a qu’à observer les passants dans n’importe quelle ville pour mesurer l’importance prise par notre interaction avec le smartphone.

— Román Ikonicoff

 

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> Lire aussi dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • La science sait lire dans les pensées – S&V n°1098 – 2009. C’est dans la décennie 2000 que sont apparus les premiers résultats sur la reconstruction des pensées via le captage des signaux cérébraux, en particulier des images vues par l’individu.

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  • C’est parti pour la télépathie high-tech ! – S&V n°1054 – 2005. Il y a 10 ans déjà les premières expériences d’interface cerveau-machine permettaient d’anticiper ce que les progrès en imagerie cérébrale et en traitement statistique des signaux permettrait de faire. L’idée de communiquer ses pensées sans les vocaliser apparaissait comme l’objectif recherché.

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  • Votre cerveau vous trompe – S&V n°1044 – 2004 – Notre cerveau présente des failles : mémoire trompeuse, fausses perceptions, raisonnements biaisés… Comment l’univers de la publicité en exploitent certaines (+ 20 expériences qui vous feront douter de vous-même).

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  • Libre arbitre : notre cerveau décide avant nous – S&V n°1057 – 2005 – L’un des grands apprentissages issues des sciences cognitives est l’importance des mécanismes inconscients et hyper-rapides dans notre être au monde. Au point de questionner notre libre arbitre.

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