Comment l’alcool peut-il avoir un effet désinhibant ?

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L'alcool agit ssur plusieurs processus neurochimiques conjointement (Ph. Henrique Gomes via Flickr CC BY 2.0)

L’alcool agit sur plusieurs processus neurochimiques conjointement (Ph. Henrique Gomes via Flickr CC BY 2.0)

Il est encore difficile de dresser un schéma complet de ce mécanisme car l’alcool (éthanol) est une petite molécule qui, à la différence des autres drogues, n’agit pas sur une seule cible, mais sur de nombreux récepteurs neuronaux, ces capteurs par lesquels les neurones communiquent entre eux. Dès lors, l’alcool modifie l’action de vastes réseaux neuronaux. D’un point de vue général, l’alcool altère les processus cognitifs et moteurs.

L’hypothèse la plus probable est que le fait de s’enivrer altère l’activité des régions corticales frontales, explique Mickaël Naassila, directeur du Groupe de recherche sur l’alcool et les pharmacodépendances à l’Inserm. Or, ces régions permettent l’analyse d’une situation et donc le contrôle de nos comportements.

L’alcool neutralise l’action de deux neuromodulateurs essentiels

Une fois ce frein levé, l’individu laisse libre cours à ses émotions, à ses envies, sans tenir compte des conséquences et du contexte social. L’inhibition du contrôle frontal favorise ainsi l’empathie, mais incite également à la prise de risque, au passage à l’acte, et même à la violence.

Au niveau des neurones, l’effet désinhibiteur de l’alcool peut s’expliquer, du moins en partie, par le fait qu’il neutralise l’action de deux neuromodulateurs essentiels à la perception de l’environnement et au maintien de la vigilance : la noradrénaline et la sérotonine. “En se fixant sur les récepteurs du GABA [le principal neurotransmetteur du système nerveux encéphalique], l’alcool exerce une activité inhibitrice sur la noradrénaline et la sérotonine, et en perturbe la sécrétion, explique le neurobiologiste Jean-Pol Tassin. Or, la noradrénaline permet justement d’être réactif face à un danger”. Quant à la sérotonine, elle joue un rôle important dans l’émotivité et l’humeur.

Et il favorise la sécrétion de “morphines endogènes”

De plus, l’alcool favorise la sécrétion de “morphines endogènes” qui se lient à d’autres récepteurs ayant eux aussi une action inhibitrice. Mais surtout, l’éthanol a pour effet de booster la libération de dopamine, impliquée dans le système de récompense et d’addiction, qui va provoquer un effet plaisant, parfois jusqu’à l’euphorie.

Désinhibé, euphorisé, le consommateur peut ressentir une sensation de toute-puissance… alors que ses systèmes de vigilance sont affaiblis. Et tel est bien le risque que constitue l’alcool, au volant ou ailleurs : on se sent sûr de soi alors que la vigilance est moindre !

E.C.

D’après S&V n° 1107

 

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S&V 1156 alcool

  • L’alcoolisme, une toxicomanie nationale – Alors que l’alcool est assimilé à une drogue toxique depuis 1998, la tradition de le consommer pour le plaisir complique les politiques de prévention. – S&V n°1019

S&V 1019 alcoolisme

  • Incroyables neurones – S&V n°1141, 2012. Bien plus qu’on ne le pensait, le fonctionnement de notre cerveau repose sur ce qui se passe à l’intérieur de ses plus petites composantes, les neurones.

S&V 1141 - couv

 

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