La sonde Cassini découvre des satellites éphémères dans les anneaux de Saturne

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A l'extrémité de l'anneau F de Saturne, la sonde Cassini a saisi un nouveau satellite en formation. Ce bloc de glace de un kilomètre environ, qui perturbe l'anneau sur des milliers de kilomètres, est probablement une structure éphémère. Photo Ciclops/JPL/Nasa.

A l’extrémité de l’anneau F de Saturne, la sonde Cassini a saisi un nouveau satellite en formation. Ce bloc de glace de un kilomètre environ, qui perturbe l’anneau sur des milliers de kilomètres, est probablement une structure éphémère. Photo JPL/Nasa.

La sonde américaine Cassini, en orbite autour de la planète Saturne depuis maintenant dix ans, n’en finit pas de révéler aux planétologues l’extraordinaire, la merveilleuse complexité des anneaux qui entourent la planète géante. Naguère considérés comme de simples disques de poussière de glace tournant sagement, les spécialistes découvrent grâce à Cassini un monde en perpétuel changement. D’abord, l’ancienne question « combien y a t-il d’anneaux autour de Saturne ? » n’a plus de raison d’être. Les classiques anneaux A, B, C découverts au XVII e siècle, ont été rejoins par de nouveaux venus, les anneaux D, E, F et G, au cours des années 1980, avant que cette classification ne vole en éclat devant les images en gros plans de la sonde américaine : les anneaux n’existent pas vraiment… En réalité, « l’anneau de Saturne » est un disque changeant, parcouru de tremblements, de vibrations, d’ondes, de vagues de glace qui s’élèvent à des kilomètres au dessus de lui, créant d’éphémères et fantastiques paysages…

En témoigne la dernière image de la zone extérieure de l’anneau F prise par Cassini. Tout au bout de l’anneau, la sonde a photographié un nouveau « nodule » brillant, mesurant 1200 kilomètres de long, et marquant probablement l’apparition dans l’anneau d’un nouveau satellite, sans doute éphémère, mesurant à peu près un kilomètre de diamètre. Ce gros iceberg entraîne derrière lui un chapelet chaotique de glace. Le système d’anneaux de Saturne mesure, pour la partie la plus connue, la plus brillante, celle que l’on peut admirer dans une longue vue, près de 280 000 kilomètres de diamètre. L’anneau E, plus diffus et quasiment invisible, s’étend quant à lui sur près de un million de kilomètres. Autour de la planète géante, une soixantaine de satellites jouent les « bergers » ; ce sont leurs perturbations gravitationnelles qui créent les fameuses divisions obscures dans les anneaux, des zones moins denses, en résonance avec les orbites des satellites.

Exactement au centre de cette image prise par la sonde américaine Cassini, au coeur de l'anneau A de Saturne, se dresse une vague de glace d'une centaine de kilomètres de longueur, haute de 200 mètres. Cette perturbation dans l'anneau est due à la présence d'un satellite de 400 mètres de diamètre environ. Photo JPL/Nasa.

Exactement au centre de cette image prise par la sonde américaine Cassini, au coeur de l’anneau A de Saturne, se dresse une vague de glace d’une centaine de kilomètres de longueur, haute de 200 mètres. Cette perturbation dans l’anneau est due à la présence d’un satellite de 400 mètres de diamètre environ. Photo JPL/Nasa.

Et puis, les anneaux eux-mêmes génèrent des milliers de mini satellites éphémères, qui se condensent, dessinent des sillons et d’élégantes arabesques dans la glace avant de se sublimer comme neige au Soleil.
La sonde Cassini, à la fin de sa mission qui devrait intervenir en 2017, s’approchera extrêmement près des anneaux et, espérons-le, livrera des images où ceux-ci seront « résolus », c’est à dire révéleront leur véritable structure : on le sait grâce à des mesures radar, ils sont constitués de blocs de glace de quelques centimètres à quelques mètres de diamètre, s’agrégeant les uns aux autres et se dispersant constamment, au fil de leur éternelle révolution autour de Saturne.

Serge Brunier

Cet extraordinaire gros-plan sur les anneaux de Saturne a été obtenu par la sonde Cassini. Le champ mesure 1200 km de large. En avant-plan, la zone de l'anneau B de Saturne. En arrière-plan, en haut de l'image, la zone beaucoup moins dense de la division de Cassini. En bordure de l'anneau apparaissent de véritables vagues de glace, hautes de 2500 mètres, levées par les perturbations gravitationnelles de petits satellites circulant dans les anneaux. Ces structures irréelles, éclairées par un Soleil rasant, projettent leurs ombres sur l'anneau B. Photo JPL/Nasa.

Cet extraordinaire gros-plan sur les anneaux de Saturne a été obtenu par la sonde Cassini. Le champ mesure 1200 km de large. En avant-plan, la zone de l’anneau B de Saturne. En arrière-plan, en haut de l’image, la zone beaucoup moins dense de la division de Cassini. En bordure de l’anneau apparaissent de véritables vagues de glace, hautes de 2500 mètres, levées par les perturbations gravitationnelles de petits satellites circulant dans les anneaux. Ces structures irréelles, éclairées par un Soleil rasant, projettent leurs ombres sur l’anneau B. Photo JPL/Nasa.

De plus en plus de nuages noctiluques dans le ciel

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Des nuages noctulescents. Tourbière de Kuresoo, Parc national de Soomaa, Estonie. / Ph. Martin Koitmäe, CC via Wikimedia Commons.

Des nuages noctulescents. Tourbière de Kuresoo, Parc national de Soomaa, Estonie. / Ph. Martin Koitmäe, CC via Wikimedia Commons.

La présence des nuages noctiluques (ou noctulescents), ces formations atmosphériques qui présentent la particularité de « briller » la nuit, s’est accrue dans le ciel au cours de la période 2002 à 2011. Tel est le résultat d’une étude publiée le 18 mars 2014 dans la revue Journal of Geophysical Research.

Qu’est-ce qu’un nuage noctiluque ? Il s’agit d’une formation nuageuse d’aspect filandreux, située très haut dans l’atmosphère, à quelques 80 km d’altitude – une couche que l’on appelle la mésosphère. Lorsque le soleil a disparu derrière l’horizon et que l’obscurité a recouvert la zone où se trouve l’observateur, la lumière émise par le soleil continue d’éclairer ces formations nuageuses, du fait de leur très haute altitude. Ce qui leur confère alors un aspect « brillant ».

Le satellite AIM (Aeronomy of Ice in the Mesosphere) avait produit les premières images des nuages noctiluques vus de l’espace, en été 2007. Depuis, il apparaissait de ses observations que ces nuages augmentaient en fréquence et en étendue, comme le montrent les deux images ci-dessous (2007 et 2010).

Les premières images des nuages noctiluques vus de l'espace, prises par le satellite américain AIM (Aeronomy of Ice in the Mesosphere) le 11 juin 2007 au-dessus de l'Arctique. / Ph. NASA/AIM

Les premières images des nuages noctiluques vus de l’espace, prises par le satellite américain AIM (Aeronomy of Ice in the Mesosphere) le 11 juin 2007 au-dessus de l’Arctique. / Ph. NASA/AIM

Images de nuages noctiluques vus de l'espace, prises par le satellite américain AIM (Aeronomy of Ice in the Mesosphere) en juillet 2010 au-dessus de l'Arctique. Depuis la première image en 2007, leur étendue a augmenté. / Ph. NASA/AIM

Images de nuages noctiluques vus de l’espace, prises par le satellite américain AIM (Aeronomy of Ice in the Mesosphere) en juillet 2010 au-dessus de l’Arctique. Depuis la première image en 2007, leur étendue a augmenté. / Ph. NASA/AIM

Pour vérifier si les nuages noctiluques se sont véritablement intensifiés ces dernières années, les auteurs de l’étude, un panel de chercheurs en science de l’atmosphère venant de divers laboratoires américains et de l’université de Stockholm, ont analysé les données fournies par d’autres satellites : TIMED (Thermosphere Ionosphere Mesosphere Energetics and Dynamics) et Aura (un satellite de la NASA consacré à étudier la chimie de l’atmosphère terrestre).

Des mesures qu’ils ont ensuite combinées avec un modèle informatique, dont la fiabilité a été elle-même prouvée en comparant ses prédictions avec les données du satellite suédois ODIN et de la sonde américaine STPSat-1.

À l’issue de ces travaux, les chercheurs ont constaté que les apparitions des nuages noctiluques dans les ciels des zones du globe situées entre 40 et 50° de latitude nord (dont la France fait partie) avaient augmenté entre 2002 et 2011.

Qu’est-ce qui cause ce phénomène ? À l’heure actuelle, les chercheurs n’en saisissent pas l’origine, même s’ils suspectent les changements climatiques en cours, et les cycles d’activité solaires, d’être parmi les causes les plus probables…

 

 

 

Un astéroïde se désintègre mystérieusement sous les yeux de Hubble

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Cette série d'images prises par le télescope spatial Hubble révèlent la décomposition d'un astéroïde sur une période de plusieurs mois fin 2013. Le rayon des plus gros fragments mesure jusqu'à 180 m. / Ph: NASA, ESA, D. Jewitt (UCLA)

Cette série d’images prises par le télescope spatial Hubble révèlent la décomposition d’un astéroïde sur une période de plusieurs mois fin 2013. Le rayon des plus gros fragments mesure jusqu’à 180 m. / Ph: NASA, ESA, D. Jewitt (UCLA)

Du 15 septembre 2013 au 14 janvier 2014, le télescope spatial Hubble a assisté à un spectacle surprenant : la désintégration d’un astéroïde, qui s’est dissocié en une dizaine de petits fragments en quelques mois.

Un événement décrit le mois dernier dans la revue The Astrophysical Journal Letters, au sein d’un article intitulé « Disintegrating Asteroid P/2013 R3″.

Pourquoi cet événement est-il si surprenant ? Tout simplement parce que les causes de la décomposition de l’astéroïde, appelé P/2013 R3, demeurent à l’heure actuelle obscures. Pas la moindre cause apparente!

En effet, les astrophysiciens qui ont étudié ces images assurent que cette désintégration ne s’est pas produite sous l’effet d’une collision avec un autre corps céleste : dans ce cas, la désintégration aurait alors été beaucoup plus brutale que ce que montrent ces images. Qui plus est, les fragments produits par un tel choc se déplaceraient beaucoup plus rapidement.

Autre cause écartée par les astrophysiciens : l’éclatement de l’astéroïde en raison de la pression induite par le réchauffement et la vaporisation des blocs de glace qui le constituent. Selon les auteurs de l’étude, la température de l’astéroïde est trop faible pour qu’un tel phénomène puisse survenir.

Quelle peut donc bien être la cause de la désintégration de l’astéroïde P/2013 R3 ? Les auteurs de l’étude émettent une hypothèse. Il pourrait s’agir d’un phénomène physique encore mal compris : l’effet Yarkovsky-O’Keefe-Radzievskii-Paddack, plus connu sous l’acronyme d’« effet YORP ».

L’effet YORP

Détecté pour la première fois en 2007, ce phénomène se produit lorsqu’un corps céleste de petite taille, après avoir absorbé la lumière du soleil, émet vers l’extérieur une partie du rayonnement reçu : lorsque la forme du corps émetteur n’est pas parfaitement régulière (ce qui est souvent le cas des astéroïdes), certaines régions du corps émettent alors une quantité de rayonnement plus importante que d’autres. Ceci créé alors un petit déséquilibre, qui modifie la vitesse de rotation du corps…

Si l’effet YORP était bel et bien à l’origine de la désintégration de l’astéroïde P/2013 R3, les rayonnements du soleil auraient donc perturbé la rotation de l’astéroïde P/2013 R3 : sa vitesse de rotation augmentant, l’astéroïde se serait progressivement fragmenté en plusieurs morceaux sous l’effet de la force centrifuge, ces derniers se dispersant alors dans l’espace… pour la plus grande joie du télescope Hubble.

La nébuleuse Abell 33 photographiée avec le Very Large Telescope

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La nébuleuse Abell 33, photographiée par les astronomes européens avec le Very Large Telescope. Photo ESO.

A 2500 années-lumière de la Terre, dans la constellation de l’Hydre, voici la nébuleuse Abell 33, photographiée par les astronomes européens avec le Very Large Telescope. Photo ESO.

Cette fascinante bulle cosmique, appelée Abell 33 par les astronomes, se situe dans la constellation de l’Hydre. Elle a été photographiée par l’un des quatre télescopes de 8,2 m de diamètre du réseau européen VLT, installé dans le désert d’Atacama, au Chili. Cette image de Abell 33 a été prise dans le cadre du programme « Joyaux cosmiques » de l’Observatoire européen austral (ESO) visant à produire, à l’intention du grand public, des images spectaculaires. La pression des astronomes sur le Very Large Telescope (VLT) actuellement l’instrument astronomique le plus prolifique du monde, est telle que le temps d’observation, sur chaque télescope, est calculé à la minute près, depuis le coucher du Soleil jusqu’au lever du jour. Or, les scientifiques n’ont généralement pas besoin, pour leurs recherches, de « belles images », seuls des images monochromatiques – en noir & blanc donc – ou des spectres leur sont utiles. L’ESO a donc décidé, sous la houlette des astronomes Olivier Hainaut, Henri Boffin et Richard Hook, d’utiliser les télescopes des observatoires de Cerro Paranal et de La Silla « en astronome amateur » lorsque la qualité du ciel est trop dégradée pour les recherches scientifiques. Dans une région du monde où le ciel est clair plus de 300 nuits par an, cela n’est pas fréquent, mais c’est toutefois suffisant pour obtenir des images aussi belles que celle-ci.

Quelques unes des trois mille nébuleuses planétaires connues dans notre galaxie, la Voie lactée. Photos ESO/ESA/Nasa/STSCI.

Quelques unes des trois mille nébuleuses planétaires connues dans notre galaxie, la Voie lactée. Photos ESO/ESA/Nasa/STSCI.

Abell 33 est une nébuleuse planétaire. Les astronomes en ont répertorié plus de trois mille dans notre galaxie, et elles se ressemblent souvent beaucoup, à un point tel qu’on pourrait parfois les confondre : toutes dessinent dans le ciel de magnifiques et colorées corolles, centrées sur des étoiles minuscules et presque invisibles. Souvent, aussi, elles présentent une stupéfiante symétrie, jetant dans l’espace, dans deux directions opposées, des volutes de gaz, distantes de mille milliards de kilomètres, et pourtant absolument semblables. Ces nébuleuses n’ont de « planétaire » que le nom. Cette appellation est une séquelle historique : lorsque les premières d’entre elles ont été découvertes par les astronomes du XVIII e siècle, leur petitesse, leur éclat et leur couleur, dans les télescopes de l’époque, les faisaient ressembler à Uranus, la plus lointaine des planètes d’alors. De fait, aujourd’hui encore, Uranus, vue dans un télescope d’amateur, ressemble bel et bien à… une nébuleuse planétaire !

Au centre exact de la nébuleuse Abell 33, et de la photographie, se trouve la naine blanche qui illumine la bulle de gaz. Mais la netteté de l'image prise avec le VLT révèle que cette étoile est double. Personne ne sait encore, aujourd'hui, si cette étoile double est réelle, ou si il s'agit d'un simple effet de perspective. En revanche, il est certain que la présence, juste au bord de la nébuleuse, de l'étoile HD 83535, est fortuite, puisqu'en réalité, l'étoile se trouve à mi-chemin entre la Terre et la nébuleuse... Photo ESO.

Au centre exact de la nébuleuse Abell 33, et de la photographie, se trouve la naine blanche qui illumine la bulle de gaz. Mais la netteté de l’image prise avec le VLT révèle que cette étoile est double. Personne ne sait encore, aujourd’hui, si cette étoile double est réelle, ou si il s’agit d’un simple effet de perspective. En revanche, il est certain que la présence, juste au bord de la nébuleuse, de l’étoile HD 83535, est fortuite, puisqu’en réalité, l’étoile se trouve à mi-chemin entre la Terre et la nébuleuse… Photo ESO.

En réalité, ces magnifiques coquilles gazeuses sont soufflées dans l’espace par des étoiles en fin de vie. Ce sont les vestiges d’étoiles d’une masse comparable à celle du Soleil, mais qui s’éteignent lentement. Privées de leur principal combustible nucléaire, l’hydrogène, transformé en hélium au fil de leur existence, ces étoiles commencent à brûler leur hélium, qui réclame plus de température et de pression pour enclencher la fusion nucléaire. Dans ce processus, l’étoile perd son équilibre thermodynamique et se met à pulser, puis à expulser progressivement son enveloppe gazeuse externe. Après quelques dizaines ou centaines de milliers d’années, une grande partie de l’étoile a été soufflée et son cœur nucléaire privé de combustible s’effondre. Ce cœur nucléaire compact, pas plus gros que la Terre alors qu’il était grand comme le Soleil naguère, s’appelle une naine blanche. Si elle est privée d’énergie, cette « braise stellaire » demeure cependant extraordinairement chaude, très très longtemps. Sa surface portée à 10 000, voire 100 000 °C, ionise l’immense coquille gazeuse en expansion qui l’auréole. La nébuleuse planétaire, qui s’étend et se dilue dans l’espace, demeure ainsi visible une dizaine de milliers d’années, avant de disparaître… C’est d’ailleurs leur faible longévité qui explique leur nombre réduit aujourd’hui dans la Voie lactée (trois mille environ, donc) alors que les étoiles de type solaire passant par le stade de nébuleuse planétaire, il y en a eu des milliards depuis l’origine de notre galaxie…
On sait encore peu de choses à propos de la nébuleuse Abell 33. Située à environ 2500 années-lumière de la Terre, elle est centrée sur un couple d’étoiles, dont personne ne sait encore laquelle est la naine blanche qui l’éclaire… Quant à l’étoile brillante qui scintille sur son bord droit, HD 83535, elle se situe en réalité à mi chemin entre la nébuleuse et nous.
Serge Brunier

A travers les voiles de la nébuleuse Abell 33 apparaissent des étoiles et des galaxies lointaines. Photo ESO.

A travers les voiles de la nébuleuse Abell 33 apparaissent des étoiles et des galaxies lointaines. Photo ESO.

Axel Kahn : "En prenant le chemin, je choisissais ma vie"

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> Axel Kahn sera l’invité de France Bleu Midi Ensemble, avec Élisabeth Marshall, rédactrice en chef de La Vie, le mardi 15 avril de 12h à 13h30 »

 

La retraite, connaît pas. À presque 70 ans, le bouillant Axel Kahn a entamé une nouvelle vie de marcheur impénitent. Des Ardennes aux Pyrénées, le célèbre généticien raconte sa longue marche en quête de la beauté et des autres dans son dernier livre. Pensées en chemin (Stock) retrace sa traversée de la France en 2013. Du nord au sud, pendant trois mois, en 72 étapes. De Givet à Saint-Jean-Pied-de-Port, soit 2 160 km de marche solitaire, mais avec des moments de partage bien sûr, de vraies rencontres, des débats sur le vif et un blog nourri sur Internet. Infatigable, Axel Kahn repartira dans quelques semaines arpenter l’Hexagone. D’ouest en est cette fois…

Pourquoi la marche vous a-t-elle toujours été nécessaire ?

Difficile de répondre. Je peux dire pourquoi la nature aussi peu urbanisée que possible m’a toujours été nécessaire. C’est lié aux conditions de mon enfance. Je suis né à la fin de la guerre. Ma mère était malade, mes deux frères avaient déjà été envoyés en nourrice dans le petit village de Touraine où elle m’a mis au monde. Après ma naissance, maman est rentrée à Paris avec les deux aînés et m’a laissé jusqu’à presque 5 ans à la garde d’une nourrice sèche, une paysanne pauvre que j’adorais. J’ai donc grandi au milieu des canards, des poules, des ânes. Et lorsque nous faisions des visites de voisinage, c’était toujours à pied, dans un périmètre d’une dizaine de kilomètres autour du Petit-Pressigny. Pour un garçonnet de 3 ans, c’était beaucoup. Plus tard, ma mère m’a mis chez les louveteaux, puis chez les scouts de France. Ensuite, j’ai marché d’auberge de jeunesse en auberge de jeunesse à travers la France et l’Europe. Si bien que la question de savoir pourquoi je marche ne s’est jamais posée, car j’ai toujours marché ! Pour moi qui ai vécu le plus clair de ma vie professionnelle dans un environnement de béton urbanisé, la marche est le moyen de retrouver le contact avec une nature sauvage.

Mais qu’est-ce qu’un homme comme vous, à la brillante carrière, avait encore à se prouver sur les grands chemins ?

Rien. La dimension qui n’existe pas dans ce périple est celle du défi. Certes, j’avais moins marché depuis environ 20 ans. Mais ce n’était pas une forte inquiétude, car j’ai toujours été sportif. Je savais que j’arrivais à marcher 30 km de manière réitérée, j’y étais entraîné. J’allais régulièrement en montagne et je grimpais encore fort bien. Donc, sur ce plan-là, je n’ai rien eu à me prouver. Il a fallu tenir la distance, bien sûr. Mais le défi physique est seulement le contexte du projet.

Alors que cherchiez-vous vraiment ?

D’une certaine façon, même si c’est un peu sot de répondre ainsi, je cherchais le bonheur en côtoyant la beauté. Voilà ce qui était central. J’aime la beauté faite de main d’homme, mais je suis très attaché à la beauté de la nature, aussi roide et nue que possible. Elle m’est indispensable.

À six mois de la fin de mon mandat de président de l’université Paris-Descartes, je me suis demandé ce que j’allais faire après : me représenter ? Faire de la politique ? Être conseiller dans un cabinet ministériel ? Aucune de ces perspectives ne m’enthousiasmait vraiment. Ce que je désirais le plus, c’était…

[...]

Retrouvez l’intégralité de cette interview dans l’édition papier de La Vie n°3580 datée du 10 avril, dans le cadre de notre dossier “Marcher, votre meilleur médicament” en partenariat avec France Bleu, disponible en kiosque ou en version numérique en cliquant ici.


* Axel Kahn, Pensées en chemin. Ma France des Ardennes au Pays basque, Stock.

La saison de naissance influence-t-elle le cerveau ?

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Soleil d'hiver à Lavacourt.

Soleil d’hiver à Lavacourt, Claude Monet, huile sur toile, 55 x 81 cm, Musée d’art moderne André Malraux, Le Havre. / Ph. via Wikimedia Commons

La saison de notre naissance influe-t-elle sur la structure de notre cerveau ? Posée comme cela, cette question peut surprendre. Pourtant, c’est bel et bien ce que suggère une étude publiée dans l’édition de mars de la revue NeuroImage sous le titre « Prediction of individual season of birth using MRI ».

Des travaux que le blog Passeur de Sciences avait d’ailleurs détaillés dès leur publication, dans un billet.

Selon ces travaux menés par le neuropsychiatre américain Spiro Pantazatos (Université de Colombia à New York, États-Unis), le gyrus temporal supérieur gauche, une région du cerveau située au niveau des tempes, serait un peu plus développé chez les hommes nés en automne et au début de l’hiver, que chez ceux nés au printemps ou au début de l’été.

Pour parvenir à ce résultat, le neuropsychiatre américain a analysé les relevés d’imagerie cérébrale de 536 habitants de la région de Londres. Ils montrent, d’après lui, que les personnes nées durant la période de Noël sont celles qui présentent le gyrus temporal supérieur gauche le plus développé.

La durée du jour influencerait le développement cérébral

Par quel mécanisme de telles différences dans la structure du cerveau se développent-elles ? Selon le chercheur, elles émergeraient des différents photopériodismes (durée du jour par rapport à la nuit) qui caractérisent les différentes saisons de naissance. Les nouveau-nés de l’hiver sont exposés à un ensoleillement plus limité, ce qui influencerait le développement de leur cerveau, déterminant une croissance plus marquée de l’aire en question.

Un tel résultat doit-il être pris au sérieux ? Certes, de prime abord, ce type de conclusion n’inspire pas véritablement confiance. Sans compter que l’auteur de cette étude mentionne lui-même que les variations observées, si elles sont significatives, ne sont pas non plus spectaculaires.

Toutefois, ce résultat est intéressant car il vient renforcer les résultats obtenus par deux précédentes études, menées en 2005 et 2006 par d’autres équipes.  En effet, l’étude publiée en 2005 dans la revue American Journal of Psychiatry (« Regional deficits in brain volume in schizophrenia: a meta-analysis of voxel-based morphometry studies ») avait précisément établi l’existence d’une corrélation entre un faible développement du gyrus temporal supérieur gauche et une plus grande probabilité de souffrir de schizophrénie.

Or, selon une autre étude publiée en 2006 (accéder à l’article « Excess in the spring and deficit in the autumn in birth rates of male schizophrenic patients in Italy: Potential role of perinatal risk factors »), la schizophrénie semble précisément être plus développée chez les individus de sexe masculin nés au printemps…

Si cette nouvelle étude est donc moins fantaisiste qu’il n’y paraît, il est toutefois évident qu’il conviendra de mener d’autres expériences indépendantes, afin d’évaluer la robustesse de ces conclusions.