Un astéroïde se désintègre mystérieusement sous les yeux de Hubble

Standard
Cette série d'images prises par le télescope spatial Hubble révèlent la décomposition d'un astéroïde sur une période de plusieurs mois fin 2013. Le rayon des plus gros fragments mesure jusqu'à 180 m. / Ph: NASA, ESA, D. Jewitt (UCLA)

Cette série d’images prises par le télescope spatial Hubble révèlent la décomposition d’un astéroïde sur une période de plusieurs mois fin 2013. Le rayon des plus gros fragments mesure jusqu’à 180 m. / Ph: NASA, ESA, D. Jewitt (UCLA)

Du 15 septembre 2013 au 14 janvier 2014, le télescope spatial Hubble a assisté à un spectacle surprenant : la désintégration d’un astéroïde, qui s’est dissocié en une dizaine de petits fragments en quelques mois.

Un événement décrit le mois dernier dans la revue The Astrophysical Journal Letters, au sein d’un article intitulé « Disintegrating Asteroid P/2013 R3″.

Pourquoi cet événement est-il si surprenant ? Tout simplement parce que les causes de la décomposition de l’astéroïde, appelé P/2013 R3, demeurent à l’heure actuelle obscures. Pas la moindre cause apparente!

En effet, les astrophysiciens qui ont étudié ces images assurent que cette désintégration ne s’est pas produite sous l’effet d’une collision avec un autre corps céleste : dans ce cas, la désintégration aurait alors été beaucoup plus brutale que ce que montrent ces images. Qui plus est, les fragments produits par un tel choc se déplaceraient beaucoup plus rapidement.

Autre cause écartée par les astrophysiciens : l’éclatement de l’astéroïde en raison de la pression induite par le réchauffement et la vaporisation des blocs de glace qui le constituent. Selon les auteurs de l’étude, la température de l’astéroïde est trop faible pour qu’un tel phénomène puisse survenir.

Quelle peut donc bien être la cause de la désintégration de l’astéroïde P/2013 R3 ? Les auteurs de l’étude émettent une hypothèse. Il pourrait s’agir d’un phénomène physique encore mal compris : l’effet Yarkovsky-O’Keefe-Radzievskii-Paddack, plus connu sous l’acronyme d’« effet YORP ».

L’effet YORP

Détecté pour la première fois en 2007, ce phénomène se produit lorsqu’un corps céleste de petite taille, après avoir absorbé la lumière du soleil, émet vers l’extérieur une partie du rayonnement reçu : lorsque la forme du corps émetteur n’est pas parfaitement régulière (ce qui est souvent le cas des astéroïdes), certaines régions du corps émettent alors une quantité de rayonnement plus importante que d’autres. Ceci créé alors un petit déséquilibre, qui modifie la vitesse de rotation du corps…

Si l’effet YORP était bel et bien à l’origine de la désintégration de l’astéroïde P/2013 R3, les rayonnements du soleil auraient donc perturbé la rotation de l’astéroïde P/2013 R3 : sa vitesse de rotation augmentant, l’astéroïde se serait progressivement fragmenté en plusieurs morceaux sous l’effet de la force centrifuge, ces derniers se dispersant alors dans l’espace… pour la plus grande joie du télescope Hubble.

La nébuleuse Abell 33 photographiée avec le Very Large Telescope

Standard
La nébuleuse Abell 33, photographiée par les astronomes européens avec le Very Large Telescope. Photo ESO.

A 2500 années-lumière de la Terre, dans la constellation de l’Hydre, voici la nébuleuse Abell 33, photographiée par les astronomes européens avec le Very Large Telescope. Photo ESO.

Cette fascinante bulle cosmique, appelée Abell 33 par les astronomes, se situe dans la constellation de l’Hydre. Elle a été photographiée par l’un des quatre télescopes de 8,2 m de diamètre du réseau européen VLT, installé dans le désert d’Atacama, au Chili. Cette image de Abell 33 a été prise dans le cadre du programme « Joyaux cosmiques » de l’Observatoire européen austral (ESO) visant à produire, à l’intention du grand public, des images spectaculaires. La pression des astronomes sur le Very Large Telescope (VLT) actuellement l’instrument astronomique le plus prolifique du monde, est telle que le temps d’observation, sur chaque télescope, est calculé à la minute près, depuis le coucher du Soleil jusqu’au lever du jour. Or, les scientifiques n’ont généralement pas besoin, pour leurs recherches, de « belles images », seuls des images monochromatiques – en noir & blanc donc – ou des spectres leur sont utiles. L’ESO a donc décidé, sous la houlette des astronomes Olivier Hainaut, Henri Boffin et Richard Hook, d’utiliser les télescopes des observatoires de Cerro Paranal et de La Silla « en astronome amateur » lorsque la qualité du ciel est trop dégradée pour les recherches scientifiques. Dans une région du monde où le ciel est clair plus de 300 nuits par an, cela n’est pas fréquent, mais c’est toutefois suffisant pour obtenir des images aussi belles que celle-ci.

Quelques unes des trois mille nébuleuses planétaires connues dans notre galaxie, la Voie lactée. Photos ESO/ESA/Nasa/STSCI.

Quelques unes des trois mille nébuleuses planétaires connues dans notre galaxie, la Voie lactée. Photos ESO/ESA/Nasa/STSCI.

Abell 33 est une nébuleuse planétaire. Les astronomes en ont répertorié plus de trois mille dans notre galaxie, et elles se ressemblent souvent beaucoup, à un point tel qu’on pourrait parfois les confondre : toutes dessinent dans le ciel de magnifiques et colorées corolles, centrées sur des étoiles minuscules et presque invisibles. Souvent, aussi, elles présentent une stupéfiante symétrie, jetant dans l’espace, dans deux directions opposées, des volutes de gaz, distantes de mille milliards de kilomètres, et pourtant absolument semblables. Ces nébuleuses n’ont de « planétaire » que le nom. Cette appellation est une séquelle historique : lorsque les premières d’entre elles ont été découvertes par les astronomes du XVIII e siècle, leur petitesse, leur éclat et leur couleur, dans les télescopes de l’époque, les faisaient ressembler à Uranus, la plus lointaine des planètes d’alors. De fait, aujourd’hui encore, Uranus, vue dans un télescope d’amateur, ressemble bel et bien à… une nébuleuse planétaire !

Au centre exact de la nébuleuse Abell 33, et de la photographie, se trouve la naine blanche qui illumine la bulle de gaz. Mais la netteté de l'image prise avec le VLT révèle que cette étoile est double. Personne ne sait encore, aujourd'hui, si cette étoile double est réelle, ou si il s'agit d'un simple effet de perspective. En revanche, il est certain que la présence, juste au bord de la nébuleuse, de l'étoile HD 83535, est fortuite, puisqu'en réalité, l'étoile se trouve à mi-chemin entre la Terre et la nébuleuse... Photo ESO.

Au centre exact de la nébuleuse Abell 33, et de la photographie, se trouve la naine blanche qui illumine la bulle de gaz. Mais la netteté de l’image prise avec le VLT révèle que cette étoile est double. Personne ne sait encore, aujourd’hui, si cette étoile double est réelle, ou si il s’agit d’un simple effet de perspective. En revanche, il est certain que la présence, juste au bord de la nébuleuse, de l’étoile HD 83535, est fortuite, puisqu’en réalité, l’étoile se trouve à mi-chemin entre la Terre et la nébuleuse… Photo ESO.

En réalité, ces magnifiques coquilles gazeuses sont soufflées dans l’espace par des étoiles en fin de vie. Ce sont les vestiges d’étoiles d’une masse comparable à celle du Soleil, mais qui s’éteignent lentement. Privées de leur principal combustible nucléaire, l’hydrogène, transformé en hélium au fil de leur existence, ces étoiles commencent à brûler leur hélium, qui réclame plus de température et de pression pour enclencher la fusion nucléaire. Dans ce processus, l’étoile perd son équilibre thermodynamique et se met à pulser, puis à expulser progressivement son enveloppe gazeuse externe. Après quelques dizaines ou centaines de milliers d’années, une grande partie de l’étoile a été soufflée et son cœur nucléaire privé de combustible s’effondre. Ce cœur nucléaire compact, pas plus gros que la Terre alors qu’il était grand comme le Soleil naguère, s’appelle une naine blanche. Si elle est privée d’énergie, cette « braise stellaire » demeure cependant extraordinairement chaude, très très longtemps. Sa surface portée à 10 000, voire 100 000 °C, ionise l’immense coquille gazeuse en expansion qui l’auréole. La nébuleuse planétaire, qui s’étend et se dilue dans l’espace, demeure ainsi visible une dizaine de milliers d’années, avant de disparaître… C’est d’ailleurs leur faible longévité qui explique leur nombre réduit aujourd’hui dans la Voie lactée (trois mille environ, donc) alors que les étoiles de type solaire passant par le stade de nébuleuse planétaire, il y en a eu des milliards depuis l’origine de notre galaxie…
On sait encore peu de choses à propos de la nébuleuse Abell 33. Située à environ 2500 années-lumière de la Terre, elle est centrée sur un couple d’étoiles, dont personne ne sait encore laquelle est la naine blanche qui l’éclaire… Quant à l’étoile brillante qui scintille sur son bord droit, HD 83535, elle se situe en réalité à mi chemin entre la nébuleuse et nous.
Serge Brunier

A travers les voiles de la nébuleuse Abell 33 apparaissent des étoiles et des galaxies lointaines. Photo ESO.

A travers les voiles de la nébuleuse Abell 33 apparaissent des étoiles et des galaxies lointaines. Photo ESO.