Exomars : l’Europe à la conquête de la planète rouge

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Le 16 octobre 2016, le module Schiaparelli se séparera de TGO (Trace Gaz Orbiter), la mission Exomars pourra commencer... Illustration ESA.

Le 16 octobre 2016, le module Schiaparelli se séparera de TGO (Trace Gaz Orbiter), la mission Exomars pourra commencer… Illustration ESA.

Les centaines de scientifiques et ingénieurs qui participent à la saga Exomars croisent les doigts… L’aventure martienne européenne a débuté ce lundi 14 mars, avec l’envol, depuis Baïkonour, au Kazakhstan, à bord d’une fusée russe Proton, de la sonde Trace Gas Orbiter (TGO) associée à son module atterrisseur Schiaparelli. Le lancement a réussi, reste maintenant, en fin de journée, à TGO de se séparer du dernier étage de la fusée et déployer ses panneaux solaires avant de plonger dans l’abîme sidéral qui sépare la planète bleue de la planète rouge…
Pour l’Europe spatiale, l’enjeu de la mission Exomars, du programme Exomars, plutôt, est crucial. Il est technique, d’abord : réussir ce que, jusqu’ici et depuis un demi siècle d’exploration martienne, seuls les Américains ont réussi : poser un robot sur Mars et le faire fonctionner. Un exploit : l’atmosphère martienne est très raréfiée, et l’atterrissage sur la planète rouge est très technique et exigeant. Les Soviétiques, dans les années 1960, avec la série des sondes Mars, puis l’Agence spatiale européenne (ESA), en 2003, avec le module Beagle 2 ont échoué… La Nasa, elle, a réalisé un carton plein, ou presque : Viking 1 et Viking 2 en 1976, Mars Pathfinder en 1997, Spirit et Opportunity en 2004, Phoenix en 2008 et enfin Curiosity en 2012. Seule ombre au tableau, l’échec de Mars Polar Lander en 1999.

A ce jour, sept sondes, toutes américaines, se sont posées avec succès sur la planète rouge. Schiaparelli va tenter de réussir cet exploit pour le compte des ingénieurs et chercheurs européens. Photo ESA.

A ce jour, sept sondes, toutes américaines, se sont posées avec succès sur la planète rouge. Schiaparelli va tenter de réussir cet exploit pour le compte des ingénieurs et chercheurs européens. Photo ESA.

A défaut de s’être posée sur la planète rouge, l’ESA a une belle réussite planétaire à son actif, avec l’atterrissage de sa sonde Huygens sur Titan en 2005, le satellite de Saturne. Un exploit, un record, jamais l’humanité n’avait visité un monde aussi lointain…
Mais le programme Exomars est aussi ambitieux sur le plan scientifique. En effet, il s’agit de résoudre une énigme vieille comme l’astronomie ou presque : y a t-il aujourd’hui, y a t-il eu dans le passé… de la vie sur Mars ?
Un peu de patience : d’une part, Trace Gas Orbiter et Schiaparelli n’arriveront en vue de la planète rouge qu’en octobre, d’autre part le programme Exomars dépasse les missions respectives de ces deux engins. Europe et Russie, en effet, prévoient de lancer une seconde sonde en 2018 pour continuer et achever cette fascinante et interminable quête de la vie martienne.

Le programme Exomars comprend le module Schiaparelli, le rover Exomars 2018, le module d'atterrissage Exomars 2018 et enfin, sur cette photographie, le TGO (Trace Gaz Orbiter), un satellite qui va des années durant étudier l'atmosphère martienne afin de comprendre le cycle du méthane, et l'origine de ce gaz rare sur la planète rouge. Photo ESA.

Le programme Exomars comprend le module Schiaparelli, le rover Exomars 2018, le module d’atterrissage Exomars 2018 et enfin, sur cette photographie, le TGO (Trace Gaz Orbiter), un satellite qui va des années durant étudier l’atmosphère martienne afin de comprendre le cycle du méthane, et l’origine de ce gaz rare sur la planète rouge. Photo ESA.

Si tout se passe bien, donc, le 16 octobre prochain, le module Schiaparelli se séparera de TGO, et se dirigera vers la surface, tandis que la sonde principale se mettra progressivement en orbite autour de la planète.
Schiaparelli pénétrera dans l’atmosphère martienne à 120 kilomètres d’altitude et à 21 000 km/h. Freinée par l’atmosphère et protégée par un bouclier, la sonde, à 11 kilomètres d’altitude et 1700 km/h, ouvrira un parachute, puis, à 1200 mètres d’altitude et 250 km/h, neuf moteurs à hydrazine prendront son contrôle pour l’amener jusqu’au sol, non loin du robot américain Opportunity, dans la région de Meridiani Planum.
L’arrivée au sol sera photographiée par une petite caméra, mais, malheureusement, aucune image ne sera prise par Schiaparelli du paysage martien dans lequel il se sera posé. La mission de ce démonstrateur technologique sera pratiquement achevée si il arrive intact au sol, mais une petite batterie d’instruments météo lui permettra de transmettre quelques informations vers la Terre, quelques jours durant : vitesse du vent, composition de l’atmosphère, humidité de l’air, température, etc.
Si ces objectifs technologique et scientifique sont atteints, nul doute que l’ESA et Roscomos trouveront le financement nécessaire à la suite du programme, Exomars 2018.

Le module Schiaparelli est avant tout un démonstrateur technologique. D'une masse de 600 kg, Schiaparelli doit atterrir sain et sauf sur Mars le19 octobre 2016 et transmettre des informations météorologiques, quelques jours durant, vers la Terre. Photo ESA.

Le module Schiaparelli est avant tout un démonstrateur technologique. D’une masse de 600 kg, Schiaparelli doit atterrir sain et sauf sur Mars le19 octobre 2016 et transmettre des informations météorologiques, quelques jours durant, vers la Terre. Photo ESA.

En attendant, le satellite TGO circularisera progressivement son orbite : d’abord elliptique, TGO s’approchant à 300 km et s’éloignant à 96 000 km, l’orbite se resserrera, TGO utilisant la technique délicate du freinage atmosphérique à chacun de ses passages près de la planète rouge, pour aboutir en 2017 à un cercle parfait, distant de 400 km de la surface. Si tout va bien, la mission scientifique de TGO débutera à la fin 2017. Il s’agit pour le satellite européen de détecter et analyser les gaz rares de l’atmosphère martienne. Si celle-ci est composée à 96 % de dioxyde de carbone, à 1,93 % d’argon, à 1,89 % de diazote, etc, elle recèle aussi des traces de vapeur d’eau, 0,03 % et des quantités infinitésimales de monoxyde de carbone, de néon, de Krypton, d’ozone, et enfin… de méthane.
Ce gaz se trouve en quantité infime dans l’atmosphère martienne, une partie pour dix milliards environ. Très difficile à détecter, sa présence a été annoncée, puis réfutée, puis confirmée… Mais surtout, les scientifiques, géologues comme biologistes, veulent à tout prix comprendre l’origine du méthane atmosphérique de Mars… Sur la Terre, en effet, le méthane – en quantité relative plus de mille fois supérieure à celle de Mars – est en très grande partie d’origine terrestre. Ce sont les bactéries qui, depuis l’origine de la vie terrestre, produisent l’essentiel du méthane.
Mais sur Mars ? D’où vient le méthane ? Cette molécule est facilement cassée par le rayonnement ultraviolet du Soleil, et sa durée de vie n’excède pas quelques siècles. Il y a donc sur Mars, expliquent les planétologues, une source continue de méthane… Le méthane martien est-il d’origine biologique ? C’est cette théorie que va tenter de démontrer ou de réfuter TGO, en analysant avec une précision inédite l’atmosphère martienne. Déterminer la quantité de méthane, localiser ses sources en les photographiant, mesurer son éventuelle variation saisonnière, voilà l’objectif de TGO. Si ce sont des bactéries qui sont à l’origine du méthane martien, celles-ci peuvent être mortes depuis des milliards d’années, et alors le gaz, comme sur Terre, pourrait provenir de couches sédimentaires fossiles. Elles pourraient aussi être vivantes, résistant depuis des milliards d’années, dans des poches souterraines, où l’eau serait liquide. Enfin, le méthane martien pourrait avoir une origine plus triviale, simplement géochimique : l’oxydation du fer produit du méthane, comme le processus de serpentinisation, qui transforme en présence d’eau l’olivine en serpentine.
Si TGO découvre des spots de méthane dans des régions volcaniques, son origine sera supposée géologique, si en revanche ce méthane est produit dans des régions géologiquement très anciennes, supposées inactives, une origine biologique pourra être évoquée.

Le rover Exomars 2018 n'a pas encore été baptisé par l'ESA. Cette suite et fin du programme Exomars est prévue pour 2018, mais il n'est pas sûr que les agences russe et européenne parviennent à respecter cet agenda. Si l'ESA et Roscosmos manquent la fenêtre de 2018, le lancement du rover sera repoussé en 2020. Illustration ESA.

Le rover Exomars 2018 n’a pas encore été baptisé par l’ESA. Cette suite et fin du programme Exomars est prévue pour 2018, mais il n’est pas sûr que les agences russe et européenne parviennent à respecter cet agenda. Si l’ESA et Roscosmos manquent la fenêtre de 2018, le lancement du rover sera repoussé en 2020. Illustration ESA.

Le projet Exomars ne doit pas s’arrêter à TGO et Schiaparelli. Russes et Européens prévoient pour 2018 la suite du programme : envoyer sur Mars un rover, porté par une plate forme scientifique fixe, qui étudiera la surface de la planète rouge pendant que le rover partira à l’aventure. A bord de ce rover, un laboratoire biochimique, des caméras, bien sûr, et une foreuse capable de recueillir des échantillons jusqu’à deux mètres de profondeur, là où, bien protégées des radiations solaires, des bactéries, vivantes ou fossiles, pourraient être découvertes…
Le rover du programme Exomars devrait quitter la Terre en mai 2018 pour se poser dans la région de Oxia Planum, et ses lits d’oueds asséchés, en janvier 2019. En attendant, les planétologues et astronomes du monde entier ont les yeux rivés vers la sonde TGO et son module Schiaparelli en route pour la planète rouge…
Serge Brunier

À découvrir le 23 mars dans Science & Vie

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