Le secret des soupirs réside dans 200 neurones

Standard

Soupirez (mais pas trop). Cela aidera vos poumons à se regonfler (Ph. Catherine via Flickr CC BY 2.0).

Soupirez (mais pas trop). Cela aidera vos poumons à se regonfler (Ph. Catherine via Flickr CC BY 2.0).

Vos soupirs ne sont pas qu’un acte volontaire pour exprimer des émotions à vous « couper le souffle. » C’est avant tout un réflexe physiologique inconscient piloté par un petit groupe de neurones spécialement mis en place au cours de l’évolution dans un but bien déterminé. Telle est la découverte d’une équipe de chercheurs américains.

Si la fonction physiologique du soupir était déjà connue – c’est une manière de regonfler les alvéoles pulmonaires comme quand on souffle sur un gant en plastique pour redéployer ses doigts – , les scientifiques ignoraient jusqu’ici par quels circuits neuronaux et selon quel mécanisme ce réflexe était piloté. La découverte, faite sur des chauves-souris (murins), pourrait dès lors conduire à de nouveaux traitements chimiques pour traiter des pathologies propres aux soupirs.

Nous soupirons une fois toutes les cinq minutes

N’en déplaise aux poètes, nous ne soupirons pas seulement parce que notre cœur est lourd : sans le savoir cet acte se produit une fois toutes les cinq minutes chez les individus sains. Une doubler inspiration-expiration qui aide à regonfler les alvéoles pulmonaires, ces petits raisins en grappe de 0,2 mm de diamètre qui tapissent nos poumons et permettent l’échange d’oxygène (entrant) et de dioxyde de carbone (sortant) entre nos cellules sanguines et l’atmosphère planétaire.

Nous en avons 500 millions et ceux-ci risquent à tout moment de collapser (s’effondrer sur eux-mêmes) à cause des jeux de pression et de l’humidité (et le mucus) les tapissant, qui tend à coller leur paroi. La respiration normale ne permettant pas de garantir à lui seul cette maintenance, le soupir vient la renforcer.

Un petit groupe de 200 neurones dédié aux soupirs

Mais voilà que des scientifiques ont localisé le pilote de ce réflexe : un groupe de quelque 200 neurones du système de contrôle respiratoire. Par une étude de génétique moléculaire très fine, ils ont également identifié la chimie très spécifique de son fonctionnement.

En effet, les chercheurs ont découvert que ce groupe de neurones possède des gènes capables de synthétiser des substances particulières qu’on ne trouve nulle part ailleurs dans le cerveau, des neuropeptides nommés Bombésine (GRP) et Neuromédine B (NRB), qu’il projette dans le reste du réseau neuronal responsable du rythme de la respiration (le complexe pre-Bötzinger situé dans le tronc cérébral).

Les neurones de ce complexe, qui possèdent des capteurs spécifiques de ces peptides et réagissent alors en altérant le rythme respiratoire pour produire un soupir – ce, une fois chaque 5 minutes.

Des applications et des questions

Très pointue, cette découverte ouvre néanmoins des perspectives concrètes et pose également des questions. Coté, perspectives, il existe des pathologies liées aux soupirs. Soit que ceux-ci sont trop nombreux, comme dans le cas de patients souffrant d’anxiété généralisée (ou trouble anxieux généralisé), qui peuvent débiliter le corps, soit qu’ils ne sont pas assez nombreux, ce qui peut conduire à des insuffisances respiratoires (par collapse des alvéoles).

La synthèse de nouveaux médicaments inhibant la production de ces neuropeptides GRB et NRP ou au contraire la stimulant (voire contenant ces neuropeptides) pourraient les soigner.

Coté questions, le lien entre le ressenti d’une émotion négative et la sur-activation du système des soupirs reste à investiguer. On sait que sous l’effet du stress, le cerveau produit plus de neuropeptides, mais il reste à déterminer s’il y a une interaction ou un circuit particulier reliant le centre des émotions à ce minuscule groupe de 200 neurones dont l’effet a tant inspiré les poètes…

–Román Ikonicoff

 

> Lire aussi :

> Lire également dans le site des Grandes Archives de Science & Vie :

  • Incroyables neurones – S&V n°1141, 2012– acheter ce numéro. Bien plus qu’on ne le pensait, le fonctionnement de notre cerveau repose sur ce qui se passe à l’intérieur de ses plus petites composantes, les neurones.

S&V 1141 - couv

  • Cinq sports sur ordonnance – S&V n°1152 – 2013– acheter ce numéro. Pour garder une bonne respiration, soupirer n’est pas suffisant. Il faut bouger. Toutes les études montrent que le sport est l’un des facteurs essentiels de l’amélioration de la santé.

1152

1057

 

Planteurs d’arbres

Standard

Khun Winas et Khun Ma, paysannes à la ferme témoin de Pur Projet, une entreprise sociale et solidaire, se dirigent vers la forêt de Don Jiang, dans la région de Chiangmai, en Thaïlande. Chapeau de paille, passe-montagne en toile, pantalon, bottes et manches longues : les deux agricultrices n’ont que quelques centimètres carrés de peau à découvert. Certains arbres, quant à eux, revêtent une tenue plus légère. Cerclés d’un foulard orange, ils ont été ordonnés moines par les villageois afin de les mettre à l’abri des tronçonneuses.

Arrivée sur une ancienne parcelle agricole replantée de graines de teck et d’autres arbres rustiques, en 2013, Khun Winas s’offre un petit tour du propriétaire. Pour évaluer l’état des plantations, elle sort son mètre ruban, mesure la taille des arbres, la…

Cet article est réservé aux abonnés de La Vie, afin de le lire

ABONNEZ-VOUS

4€/mois SANS ENGAGEMENT

Accédez à des contenus numériques exclusivement réservés aux abonnés ainsi qu’à vos numéros en version PDF sur ordinateur, smartphone et tablette.


Une étude montre comment la fatigue cognitive s’empare des élèves

Standard

La baisse des performances cognitives des élèves se creuse d'heure en heure, sauf s'il y a une récré ( BiblioArchives/LibraryArchives via Flickr CC BY 2.0).

La baisse des performances cognitives des élèves se creuse d’heure en heure, sauf s’il y a une récré (BiblioArchives/LibraryArchives via Flickr CC BY 2.0).

Pour avoir fréquenté les bancs de l’école, nous nous souvenons sans doute comment notre attention diminuait et la fatigue mentale s’installait au fur et à mesure de l’avancement de la journée. Nous avons tous également expérimenté les bienfaits rafraîchissants des récrés, qui nous réveillaient et nous remettaient un peu d’aplomb…

Aussi, les résultats d’une nouvelle étude sur l’évolution de la fatigue cognitive (ou intellectuelle ou psychique) des élèves pourrait sembler “enfoncer des portes ouvertes”, n’était le détail de la quantification exacte de ce phénomène : au cours de la journée, par heure de cours passé, les performances d’un élève décroit de 0,9 %. Mais avec 20 à 30 minutes de récré, celles-ci s’améliorent de 1,7 %. Des chiffres inconnus jusqu’ici.

2 034 964 observations sur des élèves de 8 à 15 ans

En réalité l’étude, publiée dans les Comptes-rendus de l’académie des sciences américaine (PNAS), concerne les élèves de 8 à 15 ans des écoles danoises : 570 376 élèves de 2 105 écoles totalisant 2 034 964 observations (données) recueillies sur les années scolaires 2009/2010 et 2012/2013.

Les auteurs de l’étude, Danois et Anglais, ont profité de l’existence depuis 2010 au Danemark de tests au niveau national se déroulant plusieurs fois par an dans chaque école (lecture, maths, géographie, physique, chimie et biologie) via des ordinateurs reliés à une base de donnée centrale.

Profiter d’une base de données conçue dans un autre objectif

Comme l’heure du test dépend, dans chaque établissement, de la disponibilité dans la journée des salles munies d’ordinateurs, et comme les petits danois ont leur récré vers 10h et 12h, qui dure 20 à 30 minutes, les chercheurs ont profité d’un effet non voulu par les instances organisatrices : noter la variabilité des résultats en fonction de l’heure du test (enregistré également dans la base de données) et de l’élève concerné, en se focalisant notamment sur le délai séparant le test de l’heure de la récré.

Un arsenal statistique leur a ainsi permis de quantifier cette emprise de la fatigue cognitive et de l’effet ré-énergisant du “break”, en constatant également que le sexe ou le niveau de revenus des parents avait peu d’influence sur les résultats.

Une récré après chaque heure de cours ?

Ils ont remarqué que les élèves aux résultats les plus bas – les “mauvais élèves” – souffrent le plus de l’effet de fatigue cognitive lié à l’heure (une perte de performances un peu plus élevée que 0,9 %) mais également récupèrent plus durant la récré (un peu plus de 1,7 %).

Sur la base de leur conclusion, les chercheurs signalent qu’une récré après chaque heure de cours pourrait permettre d’améliorer les performances cognitives tout au long de la journée : on perd 0,9 % mais on récupère 1,7 % pour chaque heure de cours/récré, le bilan est positif. Mais qu’une récré toutes les deux heures se solde par une perte de performance globale à la fin de la journée.

Un phénomène du monde moderne qui concerne tout le monde

Comme le signalent les auteurs, l’étude demeure très globale et reste aveugle à des phénomènes plus subtils. Par exemple, il conviendrait d’étudier l’effet de la fatigue cognitive en fonction de l’age, car entre des enfants de 8 à 10 ans, des pré-ados de 11 à 13 ans et des adolescents de 14 et 15 ans, les caractéristiques cognitives changent. Mais ce résultat est le premier aussi global. Et il dépasse le cadre de l’école pour alimenter la réflexion sur un phénomène exacerbé dans nos sociétés modernes, qui touche tout le monde à tout age.

De fait, plusieurs études ont montré les effets néfastes de la fatigue cognitive chez les adultes (dont l’accumulation conduit au burnout), aussi bien chez les employés de bureau que chez les juges enchainant les audiences, les médecins enchaînant les rendez-vous ou les opérations, les pilotes, etc. Elle est le creuset des mauvaises décisions.

–Román Ikonicoff

 

>Lire aussi:

 

> Lire également dans le site des Grandes Archives de Science & Vie :

S&V 1147 école neurosciences

  • Faut-il continuer à noter les élèves ? – Le problème de la notation à l’école a été soulevé à l’occasion d’un projet visant à améliorer la qualité de vie des enfants. Si le projet est pour l’heure suspendu, la question mérité d’être clarifiée – S&V n°1164

S&V 1164 notes élèves

S&V 1149 écrans jeunes

 

 

Planteurs d’arbres

Standard

Khun Winas et Khun Ma, paysannes à la ferme témoin de Pur Projet, une entreprise sociale et solidaire, se dirigent vers la forêt de Don Jiang, dans la région de Chiangmai, en Thaïlande. Chapeau de paille, passe-montagne en toile, pantalon, bottes et manches longues : les deux agricultrices n’ont que quelques centimètres carrés de peau à découvert. Certains arbres, quant à eux, revêtent une tenue plus légère. Cerclés d’un foulard orange, ils ont été ordonnés moines par les villageois afin de les mettre à l’abri des tronçonneuses.

Arrivée sur une ancienne parcelle agricole replantée de graines de teck et d’autres arbres rustiques, en 2013, Khun Winas s’offre un petit tour du propriétaire. Pour évaluer l’état des plantations, elle sort son mètre ruban, mesure la taille des arbres, la…

Cet article est réservé aux abonnés de La Vie, afin de le lire

ABONNEZ-VOUS

4€/mois SANS ENGAGEMENT

Accédez à des contenus numériques exclusivement réservés aux abonnés ainsi qu’à vos numéros en version PDF sur ordinateur, smartphone et tablette.