Il est possible de nous identifier par notre flore microbienne intestinale

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Bactéries E. coli telles qu'on en trouve dans nos intestins (fausses couleurs). Ph. Mattosaurus via Wikicommons)

Bactéries E. coli telles qu’on en trouve dans nos intestins (fausses couleurs). Ph. Mattosaurus via Wikicommons)

Depuis quelques années les biologistes focalisent leur microscope sur le zoo de bactéries qui s’épanouissent dans nos intestins, salive, peau, etc., en symbiose avec notre métabolisme. Or des chercheurs du Harvard School of Public Health (Boston) viennent de prouver que cette flore comptant plus de 10 000 espèces microbiennes permet d’identifier son possesseur particulier, telle une empreinte digitale.

En réalité, les résultats de l’étude sont statistiques et donc plus nuancés : sur quelque 240 individus testés, plus de 80% ont été identifiés par leur flore intestinale un an après le prélèvement de cet écosystème par les chercheurs. L’étude a également porté plus largement sur l’ensemble du « microbiome » humain : selles, salive, peau, fluide nasal, etc. : dans ce cas, la capacité à reconnaître l’individu un an après les prélèvements se limite à environ 30%. La flore intestinale semble donc être la niche bactérienne la plus stable du microbiome humain, du moins la plus facilement analysable.

La flore microbienne a été passée au mixeur

Comme il s’agit de trouver une signature particulière dans ce zoo d’êtres vivants microscopiques, les chercheurs ont procédé au mélange de tout le matériel génétique des bactéries (ADN et ARN ribosomique), et cherché à identifier dans cette soupe passée des « marqueurs » particuliers (ou schéma de marqueurs) caractéristiques de l’individu testé et invariables dans le temps (méthode métagénomique). Ce travail d’inventaire et de comparaison de milliers de segments de code génétique à la recherche d’un schéma de coïncidences particulier est bien évidemment fait par un algorithme d’analyse statistique – issu des méthodes de traitement des « big data« .

De fait, l’étude s’est fait via des moyens purement numériques : les chercheurs ont développé un algorithme et passé à son filtre les données collectées dans la base de donnée de l’Human Microbiome Project, une initiative de l’institut national de santé publique américain (NIH) pour décoder le patrimoine génétique de tout notre écosystème microbien. Le fait que les chercheurs de Harvard aient pu, à partir de signatures vieilles d’un an, identifier 80% des individus par les gènes de ses microscopiques hôtes est un résultat important à plusieurs titres.

Une future empreinte « florale » ?

D’abord, pour la biologie elle-même. C’est une très bonne avancée dans la connaissance de la stabilité et l’unicité de la flore bactérienne de chacun. Ce résultat intéresse également, pour sa portée statistique, la Justice elle-même. Quand la recherche aura rendu le microbiome à 100% identifiable, cela pourrait constituer une nouvelle source d’identification judiciaire, à coté des empreintes digitales, de l’ADN et des autres méthodes.

Enfin, comme le disent les auteurs de l’étude, le fait de pouvoir identifier une personne à partir de la banque de données du Human Microbiome Project pose un problème de sécurité. C’est une petite brèche dans le système de protection des données médicales et de respect de l’anonymat, qu’il faudrait penser à colmater.

Román Ikonicoff

 

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  • Il y a un lien entre flore intestinale et diabète – S&V n°1143, 2012. Les premiers grands projets de séquençage du microbiote commencent immédiatement à mettre en lumière la relation entre sa composition et la présence de maladies chroniques, comme le diabète.S&V 1143 - microbiote diabete
  • Microbes terrestres, voici le vrai microcosmos – S&V n°1161, 2014. De la toundra aux forêts en passant par les fonds marins, la surface de la Terre regorge de microbes aussi précieux qu’inconnus. Leur mille activités jouent un rôle clé dans les écosystèmes, sans même qu’on s’en aperçoive.

S&V 1161 - microbes terrestres

  • Google, le nouvel Einstein – S&V n°1138 – 2012 – Depuis une dizaine d’années, la plupart des données qui circulent dans la Toile sont conservées dans les serveurs des grandes firmes d’internet. Grâce à cela, nous possédons une mémoire détaillée des activités humaines et des évènements passés et présents… que les scientifiques exploitent pour pister des épidémies, découvrir de nouvelles lois, soigner des maladies. La science des Big Data est en route. 1138

Qu’est-ce qui fait qu’un fruit trop mûr pourrit les autres ?

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Un fruit trop mûr fait mûrir les autres (Ph. 11x16 Design Studio via Flickr CC BY 2.0)

Un fruit trop mûr fait mûrir les autres (Ph. 11×16 Design Studio via Flickr CC BY 2.0)

Tous les fruits qui continuent à mûrir une fois cueillis (dits “climactériques”) dégagent de l’éthylène (C2H4), une hormone végétale responsable du processus de maturation des fruits de cette famille. Mélangez dans une corbeille des fruits climactériques encore verts, comme la banane, l’avocat, la poire ou la tomate, avec une pomme bien mûre, par exemple.

Cette dernière dégagera beaucoup d’éthylène, accélérant le processus de mûrissement des fruits qui l’entourent. Une maturation qui se traduit par une accumulation de sucres et d’acides, une production d’arômes, un assouplissement de la peau et un changement de couleur.

Un fruit trop mûr dégage une substance volatile

Lors de cette maturation, une réaction en chaîne se produit : l’éthylène déclenche la sénescence des cellules, qui libèrent à leur tour un surcroît d’éthylène. Étant donné la ­nature volatile de l’hormone, le signal de maturation se propage de fruit en fruit, chacun émettant à son tour de l’éthylène. Un effet boule de neige. D’autant que les fruits meurtris augmentent encore parfois leur production d’éthylène !

En dessous de 4 °C cependant, les effets de cette hormone sont plus lents. D’où l’intérêt de sto­cker fruits et légumes au réfrigérateur. Pour préserver leurs fruits, généralement ramassés avant maturité, les distributeurs jouent directement sur la variation du taux d’éthylène en introduisant dans leurs containers du dioxyde de carbone (CO2) qui inhibe l’action de cette hormone. Avant d’injecter ensuite de l’éthylène pour obtenir des fruits mûrs sur les étals. Ainsi, il est possible de vendre pendant l’été des pommes cueillies l’automne précédent.

E.C.

D’après S&V n° 1123.

> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

  • Aliments, leurs gènes modifient les nôtres – S&V n°1134 – 2012 – « L’homme est ce qu’il mange » disait le philosophe allemand Ludwig Feuerbach. Et il ne savait pas si bien dire : selon des études récentes l’information génétique des végétaux pénètrent nos cellules et nous transforment !

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  • Alicaments : le dossier vérité – S&V n°1129 – 2011 – Le concept d’ « alicament », contraction d’aliment et médicament, est à la mode depuis quelques années. L’idée est d’améliorer sa santé via des aliments particuliers, telles les myrtilles pour la vue. Mais cet engouement ne repose pas sur des preuves concrètes. Le point sur la question avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

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