D’où vient l’élasticité de certains matériaux ?

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C'est grâce à la forte élasticité de la perche que l'athlète peut se propulser aussi haut (Ph. Lan Nguyen Wikimedia Commons CC-BY 3.0 - détail)

C’est grâce à la forte élasticité de la perche que l’athlète peut se propulser aussi haut (Ph. Lan Nguyen Wikimedia Commons CC-BY 3.0 – détail)

Certains matériaux, dites-vous ? En réalité, tous les solides sont élastiques : le bois, les métaux, les céramiques, même le diamant. Surpris ? Il faut savoir que l’élasticité est la capacité d’un matériau à revenir à sa forme d’origine après qu’on lui a imposé une déformation mécanique en le tordant, en l’étirant ou en le compressant. Elle provient de la force électrostatique qui lie chaque atome à ses voisins.

Si, dans la réalité, les liaisons interatomiques sont des partages d’électrons entre les atomes, elles peuvent être assimilées à de petits ressorts qui résistent lorsqu’on essaie de déplacer les atomes de leur position d’équilibre. C’est pourquoi l’élasticité varie énormément d’un matériau à l’autre : l’énergie de liaison (la résistance des ressorts) n’est pas la même selon la distance entre les atomes, leur taille ou le nombre d’électrons qu’ils peuvent mettre en commun. Ainsi, l’aluminium est plus élastique que le fer.

L’élasticité est une propriété des chaines d’atomes composant les solides

Dernier facteur, leur disposition : la cohésion est meilleure lorsque les atomes sont rangés. Mais au-delà d’une certaine déformation, les liaisons cèdent… soit le matériau casse, soit il quitte le domaine élastique pour se déformer de manière “plastique”, c’est-à-dire non-réversible : lorsque la contrainte disparaît, il ne revient pas à sa forme initiale. La limite d’élasticité est souvent très basse. Pour les métaux, il faut que la déformation reste inférieure à environ 0,1 % de la taille initiale de l’échantillon. Un élastomère peut, lui, atteindre 1 000 % de sa taille initiale avant de casser, car il est constitué de gigantesques molécules organiques, très longues chaînes d’atomes recroquevillées sur elles-mêmes qui se déplient quand on les étire.

Mais pour qu’elles puissent revenir à leur position d’origine, il faut qu’elles restent reliées entre elles, sinon elles glissent les unes sur les autres comme des spaghettis sur une fourchette. Pour diminuer la plasticité et augmenter l’élasticité du caoutchouc, on crée, en y incorporant du soufre, des ponts entre les molécules. Un procédé chimique découvert par hasard en 1839 par Charles Goodyear… qui n’a pourtant rien à voir avec la firme du même nom.

B.R.

D’après S&V n°1126

 

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> Lire également dans les Grandes Archives de Science & Vie :

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  • Voici les matériaux surnaturels – S&V n°1133 – 2012. Durant des millénaires, l’humanité s’est servie des matériaux offerts par la nature. Mais peu à peu, en apprenant à jouer sur leur composition d’abord, puis sur leur structure microscopique, nous sommes devenus des spécialistes de l’art de créer de nouveaux matériaux aux propriétés inédites.

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  • Diamants de synthèse : l’artifice atteint des sommets – S&V n°1053 – 2005. Un diamant ne se forme pas par magie mais il faut des conditions de température et de pression extrêmes pour y arriver, ce que les scientifiques savent de mieux en mieux faire dans les laboratoires.

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Les adeptes des jeux vidéos ont plus de matière grise et une meilleure connectivité cérébrale

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La pratique assidue des jeux vidéos accroît la matière grise dans certaines structures du cerveau. - Ph. MartijnVanDalen via Flickr / CC BY SA 2.0

La pratique assidue des jeux vidéos accroît la matière grise dans certaines structures du cerveau. – Ph. MartijnVanDalen via Flickr / CC BY SA 2.0

Toutes ces heures  passées à jouer devant l’ordinateur n’auront pas été vaines. Du moins pour le cerveau : car une équipe de neuroscientifiques chinois et australiens a relevé, chez les gamers accomplis, des modifications dans le cerveau qui touchent la matière grise.

On savait déjà que les jeux vidéos renforçaient les performances demandant une bonne attention visuelle et une bonne coordination spatiale. A présent, il semble que ces meilleures prestations viennent du fait que l’entraînement aux jeux vidéos renforce certaines structures du cerveau.

Comme ils l’expliquent dans la revue Scientific Reports, les chercheurs ont examiné par IRM (imagerie par résonance magnétique) les cerveaux de 27 experts en jeux vidéos d’action (League of Legends ou Defence of the Ancient 2), ayant chacun à son actif plus de 6 ans de pratique et ayant gagné au moins un tournoi régional ou national. En parallèle, ils ont soumis au même examen  30 joueurs débutants, dont l’expérience au jeu était inférieure à un an.

Au niveau de l’insula, les jeux vidéos procurent une matière grise plus volumineuse et une connectivité accrue

Voici leurs résultats : chez les gamers confirmés, l’imagerie a permis de déceler un épaississement de la matière grise et une meilleure connectivité entre certaines aires cérébrales, c’est à dire un épaississement de la matière blanche (constituée par les axones des neurones). Des changements que les chercheurs attribuent à la pratique des jeux vidéos d’action, qui nécessitent une bonne coordination sensori-motrice (entre sensations et mouvement) et un très bon niveau d’attention.

En effet, l’augmentation de la matière grise constatée intervient dans une région du cortex cérébral appelée insula, située au fond du sillon latéral, un repli du cerveau qui se trouve en profondeur au niveau de l’oreille. C’est justement là que se déploient deux  circuits cérébraux cruciaux : le premier, antérieur, soutient l’attention et le second, postérieur, la coordination sensori-motrice.

Or, la pratique des jeux vidéos a rendu la matière grise de l’insula plus volumineuse, et a renforcé les connexions à la fois au sein de chacun des deux circuits, et entre les deux circuits. Autrement dit, dans le cerveau des joueurs accomplis, le circuit de l’attention travaille en contact étroit avec celui des réponses sensorimotrices, qui coordonne les mouvements de l’œil et de la main. C’est ce qui expliquerait la rapidité de réaction dont ils font preuve.

La pratique structure le cerveau

Cette découverte va dans le sens de nombreuses autres recherches montrant comment, grâce à la plasticité neuronale, c’est à dire le caractère malléable de notre cerveau, la pratique d’un métier (chauffeur de taxi, traducteur-interprète, danseur…) ou d’un loisir (piano…) forge des structures particulières qui permettent d’acquérir la spécialisation nécessaire. Et cette spécialisation passe par des modifications cérébrales qui peuvent se lire par IRM.

Fiorenza Gracci

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives :

  • A chaque métier son cerveau – S&V n°1555, 2013.  Chauffeur de taxi, musicien, parfumier… Chacun développe un type de cerveau particulier.

S&V 1155 - cerveau des metiers

HR 8799 : Un système planétaire dévoilé par le LBT

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L'étoile HR 8799 se situe à 130 année-lumière de la Terre, dans la constellation de Pégase. Masquée ici par le système d'optique adaptative du Large Binocular Telescope (LBT), elle est entourée de quatre planètes géantes. Photo LBTO.

L’étoile HR 8799 se situe à 130 années-lumière de la Terre, dans la constellation de Pégase. Masquée ici par le système d’optique adaptative du Large Binocular Telescope (LBT), elle est entourée de quatre planètes géantes. Photo LBTO.

Année après année, les astronomes progressent dans leur connaissance des systèmes planétaires de notre galaxie, la Voie lactée. Non seulement ils découvrent de plus en plus de planètes, deux mille environ au premier mai 2015, mais, en plus, leur vision de ces astres lointains s’améliore. Grâce à des télescopes spatiaux, aux images d’une pureté cristalline ? Non : les avancées en imagerie sont essentiellement réalisés par les optiques adaptatives de plus en plus performantes installées sur les télescopes géants.
Une optique adaptative est, grossièrement, constituée d’un miroir déformable qui corrige les effets de la turbulence atmosphérique au foyer d’un grand télescope. La correction, ultrarapide – jusqu’à mille fois par seconde – est pilotée par un ordinateur qui étudie en temps réel l’image déformée par la turbulence d’une étoile située dans le même champ que l’astre étudié.
La dernière observation réalisée par le Large Binocular Telescope (LBT) témoigne de ces progrès : l’optique adaptative installée sur l’un de ses deux miroirs de 8,4 m de diamètre a permis aux astronomes du mont Graham, en Arizona, de prendre une image inédite du système de HR 8799.

A gauche, le système de HR 8799 vu par le télescope Gemini North en 2008, à droite, les planètes ont bougé, et une quatrième planète apparaît, sur l'image du LBT. Photo Gemini North/LBTO.

A gauche, le système de HR 8799 vu par le télescope Gemini North en 2008, à droite, les planètes ont bougé, et une quatrième planète apparaît, sur l’image du LBT. Photo Gemini North/LBTO.

Cette étoile de la constellation de Pégase compte au moins quatre planètes, que le LBT a superbement enregistrées. Si les photographies de planètes tournant autour d’autres étoiles que le Soleil sont si rares – une douzaine, tout au plus, alors que l’on connaît l’existence d’au moins deux mille exoplanètes – c’est que leur distance extraordinaire, un million de fois supérieure au moins à celle des planètes du système solaire, les rend pour la plupart invisibles, même avec les plus puissants télescopes du monde.

Le Large Binocular Telescope est un paire de jumelles géantes, constituée de deux miroirs de 8,4 mètres de diamètre. Un seul de ces miroirs a été utilisé pour l'observation du système planétaire de HR 8799. Photo S. Brunier.

Le Large Binocular Telescope est une paire de jumelles géante, constituée de deux miroirs de 8,4 mètres de diamètre. Un seul de ces miroirs a été utilisé pour l’observation du système planétaire de HR 8799. Photo S. Brunier.

Seules exceptions : les planètes géantes, jeunes, tournant très loin de leur étoile. Le système de HR 8799 est à cet égard un parfait exemple : l’étoile et ses planètes se sont formées voici une trentaine de millions d’années seulement. D’abord, ces quatre planètes, à peine formées, sont encore très chaudes et brillantes. Ensuite, elles sont extrêmement massives – 7 à 10 fois plus massives que Jupiter, c’est à dire plus de mille fois plus massives que la Terre ! – et d’une taille plus grande que celle de Jupiter. Enfin, elles tournent à une distance de leur étoile comparable à celle d’Uranus et Neptune pour les plus proches, deux fois plus loin pour les plus lointaines.
C’est dans ces conditions d’observation idéales que les plus grands télescopes du monde se sont tournés vers le système de HR 8799. La toute dernière image, prise par le LBT, est de loin la meilleure. L’équipe internationale de A. Maire, A Skemer, P. Hinz et leurs collaborateurs a utilisé l’un des deux miroirs de 8,4 m de cette gigantesque paire de jumelles, avec une optique adaptative et une caméra infrarouge, observant à 3,8 micromètres de longueur d’onde, un domaine où le télescope spatial Hubble aurait été impuissant. Rappelons que la vision humaine se situe autour de 0,5 micromètre. Dans le domaine de l’observation des exoplanètes, les télescopes géants terrestres surpassent de loin le télescope spatial Hubble, dont le miroir est bien trop petit pour être utilisé à de telles longueurs d’onde de façon efficace.

Le télescope spatial Hubble avait aperçu quelques planètes du système de HR 8799 en 1998. Depuis, elles ont effectué une partie de leur orbite autour de l'étoile. Les télescopes terrestres géants sont bien plus efficaces que Hubble pour l'observation directe des exoplanètes. Photos Nasa/STSCI/LBTO.

Le télescope spatial Hubble avait aperçu quelques planètes du système de HR 8799 en 1998. Depuis, elles ont effectué une partie de leur orbite autour de l’étoile. Les télescopes terrestres géants sont bien plus efficaces que Hubble pour l’observation directe des exoplanètes. Photos Nasa/STSCI/LBTO.

L’image du LBT est impressionnante à plus d’un titre. D’abord, les quatre planètes du système sont parfaitement visibles, ensuite, on voit distinctement qu’elles se sont déplacées sur leur orbite depuis de plus anciennes observations, effectuées par le télescope Gemini North, à Hawaii.
Un exploit technique donc, et une formidable avancée scientifique pour les chercheurs qui étudient les autres mondes…
Mais cette magnifique image nous dit autre chose, aussi. C’est que les astronomes ne sont pas près d’observer des planètes comparables à la nôtre autour d’autres étoiles… En effet les astres observés avec le LBT, HR 8799 b, c, d, e, sont presque des mini étoiles. Ils brillent par eux mêmes, ils sont presque aussi lumineux en infrarouge que l’étoile qui les éclaire : bref, ils sont relativement faciles à observer.
Existe-t-il, autour de l’étoile HR 8799, des planètes plus proches de leur étoile, de type terrestre, comme la Terre, Vénus ou Mars ? On ne le sait pas et de telles planètes, si elles existent, sont hors de portée des plus puissants télescopes actuels, et même de la prochaine génération de télescopes…

Sur ce montage de l'image de HR 8799 prise par le LBT, une planète terrestre fictive a été rajoutée. La distance à l'étoile est respectée. L'observation d'un tel astre est hors de portée de la génération de télescope actuelle, et même de la prochaine génération de télescopes géants, qui mesureront 20 à 40 mètres de diamètre. Photo LBTO.

Sur ce montage de l’image de HR 8799 prise par le LBT, une planète terrestre fictive a été rajoutée. La distance à l’étoile est respectée. L’observation d’un tel astre est hors de portée de la génération de télescope actuelle, et même de la prochaine génération de télescopes géants, qui mesureront 20 à 40 mètres de diamètre. Photo LBTO.

La Terre, par exemple, a une très faible signature infrarouge, elle est plus de dix fois plus petite que les géantes de HR 8799 et elle tourne, bien sûr, beaucoup plus près du Soleil que les planètes de HR 8799. La Terre tourne à 150 millions de kilomètres (une unité astronomique) du Soleil. Projetée à la distance de HR 8799, cette distance représente un angle de 0,025 seconde d’arc, soit la résolution – la capacité de percevoir des détails – d’un télescope de 40 mètres de diamètre à la longueur d’onde observée par le LBT… Pour apercevoir la Terre à une telle longueur d’onde, il faudrait donc utiliser un télescope d’une centaine de mètres… Si ils essayaient de la détecter dans le domaine visible, où elle brille bien plus qu’en infrarouge, les astronomes seraient confrontés à deux problèmes : d’abord, la lumière éblouissante de l’étoile, ensuite l’éclat sidéralement faible de la Terre à une telle distance : sa magnitude visuelle avoisinerait 32 ou 33 : impossible de détecter un astre aussi faible à côté d’une étoile un milliard de fois plus brillante littéralement collée contre lui.
Ces images de mondes lointains font rêver. Rêver de futures images d’une lointaine petite planète bleue, aussi. Mais un beau rêve qui risque de demeurer, pour de nombreuses décennies encore, un fantasme.
Serge Brunier