Le « bouton on-off » du sommeil aurait été identifié

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Pour l'heure c'est notre rythme circadien qui nous contrôle. Pourra-t-on un jour le contrôler ? (Ph. epSos.de via Flickr BY CC 2.0)

Pour l’heure c’est notre horloge interne qui nous contrôle. Pourra-t-on un jour la contrôler ? (Ph. epSos.de via Flickr BY CC 2.0)

Pouvoir remettre son horloge interne en phase avec le jour et la nuit après un long voyage en avion, une insomnie ou une période de travail de nuit, cela ferait le plus grand bien à l’humanité. Or une équipe canadienne a identifié un mécanisme biologique relativement simple de remise à zéro de cette horloge qui pourrait déboucher sur un traitement efficace des troubles du sommeil liés aux ratés de notre biorythme.

Ce sont d’abord les souris qui devrait se réjouir puisque l’étude porte sur elles : l’équipe dirigée par des chercheurs des université de McGill et de Concordia à Montréal (Canada) ont découvert sur ces cobayes ce qui ressemble à un « bouton de réinitialisation » de leur rythme circadien (ou rythme sommeil-veille). Mais les ressemblances de ce modèle  animal avec nous autorise déjà les scientifiques à imaginer l’application de cette découverte aux humains.

L’alternance sommeil-veille dépend d’une mécanique fine impliquant de nombreuses étapes

De fait, qu’on soit rongeur ou sapiens, on possède tous une horloge biologique reposant sur des gènes spécifiques qui peuvent s’activer (ou s’exprimer) en fonction de la lumière perçue par l’œil : ils synthétisent alors des protéines de période (PER) qui remettent l’horloge en accord avec la luminosité perçue (sorte de réinitialisation), un phénomène microscopique qui se déroule dans les cellules de structures cérébrales particulières, comme les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus, supposées être le siège de l’horloge.

Certes, les choses ne sont jamais simples en biologie : l’activation de gènes de la synthèse de protéines PER découle d’une chaîne de réactions biochimiques sur des protéines intermédiaires impliquant également l’activation de gènes précurseurs, de brins d’ARN messager, etc. – le mécanisme global depuis les influx du nerf optique jusqu’à la réinitialisation de l’horloge n’étant pas encore pleinement clarifié. Mais cela n’a pas empêché les chercheurs de découvrir comment provoquer cette réinitialisation en agissant sur une étape particulière de ce mécanisme.

Des souris mutantes incapables de s’adapter à un changement de rythme des jours et des nuits

Ils ont d’abord identifié un des intermédiaires impliqués de la remise à zéro qui advient naturellement chez les souris et les hommes : une réaction chimique entre une protéine nommée eIF4E et un phosphate, c’est-à-dire un composé comportant un groupement d’atomes de phosphore (P), d’oxygène (O) et d’hydrogène (H). De fait, quand la protéine et le phosphate se combinent (phosphorylation), l’horloge est réinitialisée.

Pour en arriver là, les chercheurs ont fait muter chez des souris le gène responsable de la synthèse de l’eIF4E de sorte que celle-ci ne puisse pas se combiner avec le phosphate, puis ont observé le comportement de ces rongeurs en altérant artificiellement leur cycle jour-nuit (10,5 heures de lumière et 10,5 heures d’obscurité). Résultat : alors que des souris non manipulées parvenaient à adapter leur rythme circadien, les souris mutantes maintenaient leur horloge sur la fréquence 12 heures – 12 heures, de manière totalement inadaptée.

A la clé, des traitement contre certains troubles du sommeil

Conclusion : la phosphorylation de la protéine eIF4E enclenche la réinitialisation de l’horloge interne. A la clé : la mise au point de substances pharmaceutiques à base de phosphates forçant la réinitialisation du rythme circadien pour traiter les troubles du sommeil et autres perturbations liées au décalage horaire, au travail de nuit, à certaines dépression voire à certaines formes d’autisme.

Román Ikonicoff

 

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  • Le sommeil en 16 questions – S&V n°1128 – 2011. Comment connaître son rythme biologique ? La grasse matinée n’a-t-elle que des effets bénéfiques ? A quelle heure s’endort-on le plus facilement ? Peut-on dormir moins sans risquer d’être fatigué ?… Une revue des questions essentielles qu’on se pose sur le sommeil.

1128

  • Le tempo des origines bat en nous – S&V n°1124 – Les problèmes de décalage horaire sont liés à notre « horloge circadienne » qui régit nos rythmes biologiques en fonction de l’alternance de la lumière solaire. Cette horloge serait présente dans tous les êtres vivants depuis les origines.

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  • Pourquoi le temps passe de plus en plus vite ? - S&V n°1109 – Quand on parle de l’heure, fait-on référence à une mesure physique extérieure où à une autre grandeur, plus intérieure, qui n’a qu’un rapport lointain avec la première ? Quand le temps devient un phénomène neurologique.

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Bien-être animal : les chercheurs se penchent sur l’anxiété et la souffrance des veaux d’élevage

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Dans les élevages, les veaux sont le plus souvent séparés précocement de leur mère... au détriment de leur bien-être (Ph. LJ42 via Flickr CC BY 2.0)

Dans les élevages, les veaux sont le plus souvent séparés précocement de leur mère… au détriment de leur bien-être (Ph. LJ42 via Flickr CC BY 2.0)

Reconnus comme « êtres vivants doués de sensibilité » par la loi, les animaux ont maintenant droit à des études sur leur qualité de vie. Ainsi des chercheurs autrichiens ont monté une expérience destinée à mesurer le stress et les problèmes de comportement de jeunes veaux séparés de leur mère précocement… comme cela se pratique dans l’élevage industriel classique.

Et leurs conclusions ont quelque chose d’étrangement familier – stress chronique, repliement et troubles de la sociabilité – dénotant une souffrance intérieure.

Le contact avec la mère déterminant pour le comportement futur des veaux

Selon l’étude, 26 « volontaires », des veaux de vache laitière nés dans l’élevage, ont suivi, durant 12 semaines, un protocol conçu par les chercheurs : tous les veaux ont été séparés de leur mère dans les 12 heures après leur naissance, et placés dans une zone réservée aux veaux, isolée du reste du cheptel. Mais ils ont ensuite bénéficié de traitements différents.

Ainsi, 11 veaux ont été maintenus éloignés du cheptel d’adultes et alimentés par une machine (lait). Avec une nuance : 5 recevaient le lait 2 fois par jour, et 6 y avaient droit 6 fois par jour. Les 15 veaux restants ont été également organisés en deux groupes : dans le premier, 9 veaux étaient réunis avec leur mère deux fois par jour (15 minutes) pour l’allaitement, dans le second, les 6 veaux restants avaient un libre accès au cheptel d’adultes et donc à leurs mères.

Quatre groupes de veaux plus ou moins heureux

Les chercheurs ont donc créé quatre catégories : enfance « très malheureuse », « malheureuse », « un peu malheureuse » et « heureuse ». Après ces 12 semaines, tous les veaux ont été soumis au même régime d’élevage jusqu’à leur intégration dans le cheptel des vaches laitières. Le suivi comportemental et les mesures biologiques (rythme cardiaque, hormones de stress) se sont étendus sur deux ans et demi. Et les résultats ont confirmé ce que l’on imaginait – inspirés par notre propre vécu.

En résumé : les veaux ayant pu garder un contact permanent avec la mère étaient les plus actifs, se déplaçant et explorant davantage les espaces de la ferme quand ils n’étaient pas en contact avec leur mère (peut-être à la recherche de celle-ci). Ils présentaient un rythme cardiaque et un taux de cortisol (hormone du stress) moyen moins élevé que les trois autres groupes, sauf dans des phases d’isolement – où au contraire leurs marqueurs de stress devenaient plus élevés que ces des autres groupes.

 Plus tranquilles, plus réactifs et plus sociaux

Finalement, le groupe des veaux « heureux » présentaient au sein du cheptel une meilleure sociabilité (interactions), et étaient plus réactifs aux situations de stress, ce qui est une marque positive d’adaptation. Mais l’intérêt principal de ce type d’étude au long cours est qu’elle s’inscrit dans la volonté nouvelle des humains d’améliorer le bien-être des animaux, même ceux promis à l’exploitation ou à l’abattage.

Román Ikonicoff

 

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  • A quoi pensent les invertébrés – S&V n°1144 – 2013. Ils éprouvent des émotions, sont sensibles à la douleur, voire ont une vie intérieur… Qui donc ? Les invertébrés.

S&V 1444 invertébrés

  • Expérimentation animale, le grand malaise – S&V n°1087 – 2008. L’expérimentation animale à de beaux jours devant elle. Et pour cause, c’est grâce au modèle animal que la biologie et la médecine progressent. Mais la conscience de leur souffrance progresse également chez les humains.

S&V 1087 expérimentation animale

  • Fallait-il libérer les poules ? – S&V n°1014 – 2002. La libération des poules des terribles batteries d’élevage industriel n’est pas pour elles une sinécure : elles s’écharpent voire s’entre-tuent. L’amélioration du bien-être des animaux d’élevage est un défi bien plus complexe que prévu.

S&V 1014 poules

 

La santé dans mon assiette, notre guide 2015

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Sans sel ou sans sucre ? Avec ou sans viande ? On ne sait plus à quel « saint » régime se vouer tant les modes alimentaires et les diktats se succèdent pour refréner nos appétits. Nous avons voulu y voir clair. Le bio (qui n’est plus qu’une niche de bobos !) le sans gluten, le vegan, le régime méditerranéen tracent-ils à raison les nouveaux contours de notre assiette ? Avec quels bénéfices, quelles limites ? Il ne s’agit pas seulement ici de juger du bien-fondé de tel ou tel régime (le bon sens de chacun doit plutôt le guider), mais de s’interroger en profondeur sur le sens de nos choix alimentaires. Exiger des légumes de proximité avec moins d’engrais, des poulets élevés en plein air (il faut deux fois plus d’espace et de temps pour un poulet bio !) ou un pain digeste et croustillant est bon pour la santé, nécessaire pour la planète et a aussi un coût. Nos nouvelles militances passent désormais par ces choix de tous les jours. Qui, au-delà de nos corps et de nos esprits, esquissent une vision éthique, respectueuse et solidaire du monde. Plus humaine en somme. C’est tout l’enjeu de notre guide 2015.

1. Hors du bio point de salut

2. Cinq vérités sur le sucre

3. La guerre du gluten

4. Les bienfaits scientifiquement prouvés de la diéte méditerranéenne

5. La déferlante vegan

“Cuisiner et s’alimenter, c’est faire un choix de société”

 

> Retrouvez aussi Elisabeth Marshall, rédactrice en chef à La Vie, invitée de “La question conso” dans l’émission La Quotidienne de France 5 :

 

Retrouvez La Quotidienne sur France 5, du lundi au vendredi à 11h45.