HR 8799 : Un système planétaire dévoilé par le LBT

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L'étoile HR 8799 se situe à 130 année-lumière de la Terre, dans la constellation de Pégase. Masquée ici par le système d'optique adaptative du Large Binocular Telescope (LBT), elle est entourée de quatre planètes géantes. Photo LBTO.

L’étoile HR 8799 se situe à 130 années-lumière de la Terre, dans la constellation de Pégase. Masquée ici par le système d’optique adaptative du Large Binocular Telescope (LBT), elle est entourée de quatre planètes géantes. Photo LBTO.

Année après année, les astronomes progressent dans leur connaissance des systèmes planétaires de notre galaxie, la Voie lactée. Non seulement ils découvrent de plus en plus de planètes, deux mille environ au premier mai 2015, mais, en plus, leur vision de ces astres lointains s’améliore. Grâce à des télescopes spatiaux, aux images d’une pureté cristalline ? Non : les avancées en imagerie sont essentiellement réalisés par les optiques adaptatives de plus en plus performantes installées sur les télescopes géants.
Une optique adaptative est, grossièrement, constituée d’un miroir déformable qui corrige les effets de la turbulence atmosphérique au foyer d’un grand télescope. La correction, ultrarapide – jusqu’à mille fois par seconde – est pilotée par un ordinateur qui étudie en temps réel l’image déformée par la turbulence d’une étoile située dans le même champ que l’astre étudié.
La dernière observation réalisée par le Large Binocular Telescope (LBT) témoigne de ces progrès : l’optique adaptative installée sur l’un de ses deux miroirs de 8,4 m de diamètre a permis aux astronomes du mont Graham, en Arizona, de prendre une image inédite du système de HR 8799.

A gauche, le système de HR 8799 vu par le télescope Gemini North en 2008, à droite, les planètes ont bougé, et une quatrième planète apparaît, sur l'image du LBT. Photo Gemini North/LBTO.

A gauche, le système de HR 8799 vu par le télescope Gemini North en 2008, à droite, les planètes ont bougé, et une quatrième planète apparaît, sur l’image du LBT. Photo Gemini North/LBTO.

Cette étoile de la constellation de Pégase compte au moins quatre planètes, que le LBT a superbement enregistrées. Si les photographies de planètes tournant autour d’autres étoiles que le Soleil sont si rares – une douzaine, tout au plus, alors que l’on connaît l’existence d’au moins deux mille exoplanètes – c’est que leur distance extraordinaire, un million de fois supérieure au moins à celle des planètes du système solaire, les rend pour la plupart invisibles, même avec les plus puissants télescopes du monde.

Le Large Binocular Telescope est un paire de jumelles géantes, constituée de deux miroirs de 8,4 mètres de diamètre. Un seul de ces miroirs a été utilisé pour l'observation du système planétaire de HR 8799. Photo S. Brunier.

Le Large Binocular Telescope est une paire de jumelles géante, constituée de deux miroirs de 8,4 mètres de diamètre. Un seul de ces miroirs a été utilisé pour l’observation du système planétaire de HR 8799. Photo S. Brunier.

Seules exceptions : les planètes géantes, jeunes, tournant très loin de leur étoile. Le système de HR 8799 est à cet égard un parfait exemple : l’étoile et ses planètes se sont formées voici une trentaine de millions d’années seulement. D’abord, ces quatre planètes, à peine formées, sont encore très chaudes et brillantes. Ensuite, elles sont extrêmement massives – 7 à 10 fois plus massives que Jupiter, c’est à dire plus de mille fois plus massives que la Terre ! – et d’une taille plus grande que celle de Jupiter. Enfin, elles tournent à une distance de leur étoile comparable à celle d’Uranus et Neptune pour les plus proches, deux fois plus loin pour les plus lointaines.
C’est dans ces conditions d’observation idéales que les plus grands télescopes du monde se sont tournés vers le système de HR 8799. La toute dernière image, prise par le LBT, est de loin la meilleure. L’équipe internationale de A. Maire, A Skemer, P. Hinz et leurs collaborateurs a utilisé l’un des deux miroirs de 8,4 m de cette gigantesque paire de jumelles, avec une optique adaptative et une caméra infrarouge, observant à 3,8 micromètres de longueur d’onde, un domaine où le télescope spatial Hubble aurait été impuissant. Rappelons que la vision humaine se situe autour de 0,5 micromètre. Dans le domaine de l’observation des exoplanètes, les télescopes géants terrestres surpassent de loin le télescope spatial Hubble, dont le miroir est bien trop petit pour être utilisé à de telles longueurs d’onde de façon efficace.

Le télescope spatial Hubble avait aperçu quelques planètes du système de HR 8799 en 1998. Depuis, elles ont effectué une partie de leur orbite autour de l'étoile. Les télescopes terrestres géants sont bien plus efficaces que Hubble pour l'observation directe des exoplanètes. Photos Nasa/STSCI/LBTO.

Le télescope spatial Hubble avait aperçu quelques planètes du système de HR 8799 en 1998. Depuis, elles ont effectué une partie de leur orbite autour de l’étoile. Les télescopes terrestres géants sont bien plus efficaces que Hubble pour l’observation directe des exoplanètes. Photos Nasa/STSCI/LBTO.

L’image du LBT est impressionnante à plus d’un titre. D’abord, les quatre planètes du système sont parfaitement visibles, ensuite, on voit distinctement qu’elles se sont déplacées sur leur orbite depuis de plus anciennes observations, effectuées par le télescope Gemini North, à Hawaii.
Un exploit technique donc, et une formidable avancée scientifique pour les chercheurs qui étudient les autres mondes…
Mais cette magnifique image nous dit autre chose, aussi. C’est que les astronomes ne sont pas près d’observer des planètes comparables à la nôtre autour d’autres étoiles… En effet les astres observés avec le LBT, HR 8799 b, c, d, e, sont presque des mini étoiles. Ils brillent par eux mêmes, ils sont presque aussi lumineux en infrarouge que l’étoile qui les éclaire : bref, ils sont relativement faciles à observer.
Existe-t-il, autour de l’étoile HR 8799, des planètes plus proches de leur étoile, de type terrestre, comme la Terre, Vénus ou Mars ? On ne le sait pas et de telles planètes, si elles existent, sont hors de portée des plus puissants télescopes actuels, et même de la prochaine génération de télescopes…

Sur ce montage de l'image de HR 8799 prise par le LBT, une planète terrestre fictive a été rajoutée. La distance à l'étoile est respectée. L'observation d'un tel astre est hors de portée de la génération de télescope actuelle, et même de la prochaine génération de télescopes géants, qui mesureront 20 à 40 mètres de diamètre. Photo LBTO.

Sur ce montage de l’image de HR 8799 prise par le LBT, une planète terrestre fictive a été rajoutée. La distance à l’étoile est respectée. L’observation d’un tel astre est hors de portée de la génération de télescope actuelle, et même de la prochaine génération de télescopes géants, qui mesureront 20 à 40 mètres de diamètre. Photo LBTO.

La Terre, par exemple, a une très faible signature infrarouge, elle est plus de dix fois plus petite que les géantes de HR 8799 et elle tourne, bien sûr, beaucoup plus près du Soleil que les planètes de HR 8799. La Terre tourne à 150 millions de kilomètres (une unité astronomique) du Soleil. Projetée à la distance de HR 8799, cette distance représente un angle de 0,025 seconde d’arc, soit la résolution – la capacité de percevoir des détails – d’un télescope de 40 mètres de diamètre à la longueur d’onde observée par le LBT… Pour apercevoir la Terre à une telle longueur d’onde, il faudrait donc utiliser un télescope d’une centaine de mètres… Si ils essayaient de la détecter dans le domaine visible, où elle brille bien plus qu’en infrarouge, les astronomes seraient confrontés à deux problèmes : d’abord, la lumière éblouissante de l’étoile, ensuite l’éclat sidéralement faible de la Terre à une telle distance : sa magnitude visuelle avoisinerait 32 ou 33 : impossible de détecter un astre aussi faible à côté d’une étoile un milliard de fois plus brillante littéralement collée contre lui.
Ces images de mondes lointains font rêver. Rêver de futures images d’une lointaine petite planète bleue, aussi. Mais un beau rêve qui risque de demeurer, pour de nombreuses décennies encore, un fantasme.
Serge Brunier

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