Des drones inconnus ont survolé sept centrales nucléaires françaises

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Une centrale nucléaire en Champagne-Ardenne / Ph. Barberousse93 via Flickr - CC BY SA 2.0

Une centrale nucléaire en Champagne-Ardenne / Ph. Barberousse93 via Flickr – CC BY SA 2.0

Depuis le mois de septembre, des drones non identifiés ont été remarqués au-dessus de plusieurs centrales nucléaires françaises. La compagnie électrique EDF a annoncé ce 29 septembre avoir porté plainte contre X pour dénoncer ces survols, interdits par la loi. Celle-ci est claire : en-dessous de 5 kilomètres de distance et 1000 mètres d’altitude, aucun engin volant ne peut s’approcher des sites nucléaires.

Et pourtant, des robots volants ont été observés par les équipes de surveillance d’EDF à plusieurs reprises, entre le 14 septembre et le 27 octobre, sur au moins sept centrales, du nord au sud, de l’ouest à l’est de l’Hexagone. Le 19 octobre, ce sont quatre centrales qui ont été survolées le même jour. Si EDF affirme avec certitude qu’il s’agit bien de drones, on ignore de quel type et de quelle taille de robots volants il s’agit. Et bien sûr, impossible pour l’instant de dire qui a piloté ces drones.

Greenpeace dément être impliquée cette fois-ci. L’organisation non gouvernementale mène depuis plusieurs années une campagne de sensibilisation aux failles de sécurité du secteur nucléaire français, notamment en introduisant des militants dans les centrales, ou en les survolant à l’aide de drones équipés de caméras. Dans un communiqué paru ce 29 octobre, l’ONG se dit inquiète de ces épisodes de survol non identifiés et ajoute même que des drones auraient été repérés au-dessus du site du CEA (Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives) de Saclay (près de Paris), sur un site d’Areva et sur une une autre centrale : ce qui ferait monter à dix le nombre de sites survolés.

De son côté, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) explique que le survol des centrales n’entre pas dans son domaine de compétence, mais dans celui du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité rattaché au ministère de l’Ecologie et de l’énergie, qui ne s’est pas encore exprimé. L’Armée de l’air a ouvert une enquête.

Bien qu’ils n’aient pas causé de dégâts, ces survols inquiétants montrent combien il est difficile de déceler de petis engins volants au-dessus des sites normalement très surveillés. Très discrets, rapides et silencieux, les drones se faufilent entre les ondes des radars, traçant leur trajectoire sans se faire repérer.

Pour l’instant, en écartant la piste peu probable du terrorisme, l’enquête sur l’origine des mystérieux engins observés par EDF s’annonce complexe, sachant qu’il n’existe pas de registre des drones civils appartenant aux particuliers. A l’avenir, ce genre de questions risque fort de se poser avec plus d’acuité : on estime qu’ils seront quelque 10 000 à sillonner le ciel d’ici à 2020 !

Une hausse exponentielle justifiée à la fois par la multiplication des modèles de drones civils mis sur le marché et par la baisse des prix. Or, les drones civils ont beau ne pas être armés, ils sont déjà en eux-mêmes des armes potentielles : simplement en chutant, d’une hauteur de 50 mètres par exemple, un objet pesant 2 kilogrammes peut blesser quelqu’un, voir l’assommer !

Sans compter que les drones n’embarquent, le plus souvent, aucune technologie à même de leur donner la capacité d’éviter les autres aéronefs.

F.G.

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  • La révolution drones - S&V n° 1160. Combien sont-ils ? A quoi servent-ils ? Comment les maîtriser ? Les drones pullulent déjà dans le ciel, comme une nuée de volatiles incontrôlables.

S&V 1160 couv drone

S&V1164

 

 

Nouveau record de saut libre à 41 419 mètres d’altitude

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A 41 000 m d'altitude, le noir de l'espace est visible (Ph. Crowbared via Flickr CC BY 2.0)

Depuis la stratosphère, le noir de l’espace est visible (Ph. Crowbared via Flickr CC BY 2.0)

Vendredi dernier, l’Américain Alan Eustace, l’un des Vice-Présidents de Google, a battu les records du monde de saut en parachute le plus haut et de distance en chute libre (sans parachute) la plus longue : il s’est laissé choir à 41 419 mètres d’altitude avant d’ouvrir son parachute à 3804 mètres d’altitude, totalisant une chute libre de 37 615 mètres – ce qui lui a pris 4 minutes et 27 secondes. Selon les données fournies par les appareils de mesure (GPS, centrale inertielle, etc.), la caméra embarquée dans le casque du sauteur (voir la vidéo du saut) et le témoignage du Directeur de compétition de l’Association américaine de parachutisme, présent pour l’homologation officielle du saut, le cadre de chez Google a atteint une vitesse maximale de 1322 km/h durant sa chute, et franchi le mur du son 1,24 fois ponctué du fameux « bang » – que l’intéressé dit ne pas avoir ressenti bien que le phénomène ait été entendu au sol.

Pour se placer à 41,5 km, altitude correspondant à la partie supérieure de la stratosphère non loin de la stratopause (env. 50 km) qui délimite la fin de l’atmosphère intérieure, l’informaticien des réseaux de données s’est enfermé dans une combinaison pressurisée spécialement conçue, attachée directement à un ballon d’hélium qui l’a porté pendant environ 2 heures d’ascension – depuis Roswell au Nouveau-Mexique, connu justement pour ses phénomènes bizarres et apprécié des ufologues. Puis, le vice-président a fait lui-même sauter son lien avec le ballon (via un micro-explosif), initiant le grand saut…

Le record de saut ouvre la voie à un nouveau genre de tourisme spatial

Quel est l’intérêt d’un tel exploit si ce n’est faire la publicité au déjà tentaculaire moteur de recherche ? A en croire Alan Eustace, cela n’a rien à voir. Et à sa décharge, il faut dire que l’homme a préparé son coup en secret (de Google) durant trois ans, collaborant uniquement avec une équipe restreinte d’ingénieurs d’une société tierce, le Paragon Space Developpment Corporation. Tenue par un ancien participant à la folle expérience Biosphère 2, l’objectif de Paragon est de concevoir d’ici à 2016 des combinaisons spatiales autonomes viables à 35 km d’altitude, dans le contexte d’un tourisme spatial en plein développement.

Si l’intérêt publicitaire n’est pas exempt de l’expérience, Alan Eustace semble aussi puiser son inspiration du coté du Pr. Tournesol. Car le modèle qui a inspiré à Hergé ce personnage, le Pr. Auguste Piccard, fut le premier a conquérir la stratosphère à bord d’une cabine surmontée d’un ballon (à hydrogène) : son record fut de 16 201 m (ou 16 940 m, selon les mesures), remporté le 18 août 1932. Si à l’époque, Piccard et son assistant Max Cosyns n’avaient pas prévu de sauter (sauf involontairement), et si les moyens techniques étaient bien différents  (à cette altitude, ils devaient répandre de l’oxygène liquide sur le sol de la cabine pour pouvoir respirer), l’exploit inspira les sauteurs.

Le colonel Joseph Kittinger sautant à 31 000 mettre d'altitude  (U.S. Air Force photo)

Le colonel Joseph Kittinger sautant à 31 000 mettre d’altitude (U.S. Air Force photo)

Ainsi, en août 1960, le pilote de l’US Air Force Joseph Kittinger (photo) gravit 31 330 m d’altitude à bord d’une cabine de type Piccard pour s’élancer dans le vide – il détient toujours le record du temps de chute libre le plus long, avec 4 minutes 32. Et en octobre 2012, l’Autrichien Felix Braumgartner, également à bord d’une cabine, monta jusqu’à 38 969 m pour s’élancer – il détient encore le record de vitesse de chute libre, avec une pointe à 1358 km/h. Finalement, l’exploit d’Alan Eustace se situe à mi-cheval entre l’intérêt économique et l’aspiration à l’aventure et au dépassement, dans cet entre-deux où germent actuellement les plus fous projets de tourisme spatial.

R.I.

 

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

 

  • Tourisme spatial: c’est parti !- S&V n°1007.En 2001, un milliardaire américain est le premier civil dans l’espace. Science & Vie anticipe les progrès à venir et détaille les différents moyens d’ouvrir l’espace au grand public

 

  • Tourisme dans les étoiles – S&V n°959. En 1997, Science & Vie esquisse ce que sera le tourisme spatial… pour lequel tout reste à inventer ! Les lanceurs « bi-étages » ont alors la préférence des concepteurs, mais aucun prototype n’a encore été construit.

Une fusée de la NASA explose au décollage, tandis qu’une fusée russe réussit son lancement

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La fusée Antares embarquant la capsule Cygnus, trois jours avant son lancement. / Ph. NASA Goddard Space Flight Center via Flickr - CC BY 2.0

La fusée Antares embarquant la capsule Cygnus, trois jours avant son lancement. / Ph. NASA Goddard Space Flight Center via Flickr – CC BY 2.0

A quelques heures de distance la nuit dernière, deux fusées ont été lancées en direction de la Station spatiale internationale (ISS). La première, une fusée Antares lancée par la société privée Orbital Sciences pour le compte de la NASA, a explosé 6 secondes seulement après sa mise à feu, à 23h32 (heure de Paris).  La seconde fusée, lancée quelques heures plus tard au Cosmodrome de Baïkonour (Kazakhstan), est une Soyouz russe qui a décollé sans encombres. Elle devrait atteindre l’ISS dans la journée.

Sur la base de lancement américaine Wallops (Virginie, est des Etats-Unis), personne n’est heureusement blessé. Mais la capsule Cygnus embarquée dans la fusée contenait 2,2 tonnes de fret d’une valeur de 200 millions de dollars. En plus des vivres et du matériel de ravitaillement pour les 6 astronautes vivant actuellement dans l’ISS, elle devait transporter des équipements destinés à mener des expériences scientifiques.

Cependant, les astronautes ne sont pas en danger, car ils disposent d’importantes réserves leur garantissant une autonomie de plusieurs mois. D’autant que la cargaison du Soyouz russe qui devrait arriver à bon port aujourd’hui comporte elle aussi de la nourriture, de l’oxygène et du carburant – en plus du matériel scientifique.

Les soupçons visent déjà les moteurs de la fusée, extraits d’anciennes fusées… russes

L’accident de la nuit dernière est le premier depuis que la NASA a commencé à sous-traiter les lancements à des entreprises privées il y a six ans. Immédiatement après l’explosion, il a été annoncé qu’une enquête sera menée pour élucider les causes de l’accident, avec l’aide d’Orbital Sciences. Cette dernière avait mené à bien ses deux précédents lancements cette année. L’agence spatiale américaine a aussi souligné que sa collaboration avec les privés n’est pas remise en question. Deux contrats d’une valeur totale de 3,5 milliards de dollars avaient été signés en 2008 par la NASA avec les entreprises Orbital Sciences et Space X, afin qu’elles assurent une douzaine de lancements chacune à destination de l’ISS.

Or, les fusées utilisés par ces deux entreprises sont propulsées par des moteurs… russes, modèle NK-33. Ceux-ci proviennent des anciennes fusées N1, destinées à transporter des astronautes, dont les quatre lancements entre 1969 et 1972 avaient tous échoué, enterrant ainsi le rêve russe de poser le pied sur la Lune. Inutilisés, les moteurs de ce modèle ont été rachetés par des compagnies spatiales privées, car ils se prêtent à être installés dans des fusées à grande capacité d’emport. Ainsi, aux Etats-Unis, des voies critiques se lèvent contre ces moteurs soviétiques, comme le rapporte le Washington Post. Les Russes, eux, utilisent dans leurs fusées actuelles des versions plus modernes de ces mêmes moteurs.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les rapports entre les Russes et les Américains se sont considérablement gâtés, compromettant le bon fonctionnement des missions de la Station spatiale internationale. Quinze pays y collaborent à des expériences scientifiques. En mai dernier, l’agence spatiale russe Roskosmos a annoncé qu’elle se désengagera de l’ISS dès 2020. Ainsi, la question demeure ouverte de savoir comment seront expédiés dans l’espace les astronautes à l’avenir, puisque pour l’instant, seuls les Soyouz russes sont en mesure de le faire.

F.G.

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V :

  • Space Launch System, la fusée ultime – S&V n°1165. La NASA tente de changer de stratégie en pariant sur une fusée de 3000 tonnes, la plus puissante de tous les temps (et aussi la plus coûteuse). Elle devrait être prête pour 2017.

S&V 1165 Space Launch System

S&V 1162 vols spatiaux

  • Juillet 1914 : Robert Goddard invente la fusée moderne – S&V n°1162. La fusée a 100 ans ! On doit sa forme actuelle à un jeune physicien américain, qui déposa un brevet d’une fusée transportant une deuxième fusée, allégée et plus rapide… qui permettra aux ingénieurs après lui d’envoyer des hommes dans l’espace.

S&V 1162 fusée Goddard

 

 

La France risque le black-out électrique dès l’année prochaine

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La France court le risque de se retrouver éclairée à la bougie (Ph. Christopher Selac via Flickr CC BY 2.0)

Dans certains foyers, la bougie pourrait retrouver toute son utilité ces prochains hivers (Ph. Christopher Selac via Flickr CC BY 2.0)

Deux rapports mettent en garde certains pays européens, dont la France, contre le risque de black-out électrique durant les prochains hivers. Concrètement, si l’hiver 2015-2016 est rude, il n’y aura peut-être pas assez d’électricité pour tout le monde en France (et dans d’autres pays européens). Et le risque sera le même pour les hivers suivants, au moins jusqu’en 2018…

Les deux rapports, la 16e édition annuelle de l’Observatoire européen des marchés de l’énergie publiée le 27 octobre par la société Capgemini, l’un des leaders mondiaux du conseil, et  le Bilan 2014 publié en septembre par le Réseau de transport d’électricité (RTE, filiale d’EDF), parviennent en effet aux mêmes conclusions alarmistes. Notamment, dès l’hiver 2016-2017, en cas de pic de consommation, il pourrait manquer à la France environ 2000 méga-watts (MW), soit l’équivalent de la production de deux réacteurs nucléaires comme ceux de la centrale de Tricastin (qui en compte quatre). Des coupures sont donc à craindre dont l’étendue et la durée dépendraient du manque net d’électricité mais aussi de son effet déstabilisateur sur l’ensemble de réseaux électriques interconnectés.

 Un réseau électrique doit se tenir en équilibre entre le risque de black-out par manque et d’un black-out par surcharge.

De fait, la distribution de l’électricité est problématique car la fée bleue ne peut pas être stockée. Elle doit donc être produite au moment où elle est nécessaire, grâce à des centrales très réactives (à gaz, à fioul, hydrauliques, etc.). Comme un réseau électrique, national ou transnational, est constitué d’une multitude de producteurs et de consommateurs (foyers et industries), le paramètre essentiel d’une bonne distribution est l’équilibre : à tout moment il faut injecter dans les réseaux assez d’électricité, sinon c’est le black-out, mais il ne faut pas en injecter trop, au risque de surcharger des réseaux parfois au bord de la vétusté (black-out également).

Comme il est impossible de prévoir exactement les besoins, surtout ces fameux pics de consommation d’hiver dont l’amplitude ne cesse de croître d’année en année, la gestion de la production et de la distribution se fait en temps réel, par ajout ou exclusion d’un producteur dans le réseau, le tout piloté par un régulateur national – en France,  RTE. A l’échelle transnationale européenne c’est un ensemble d’entreprises qui gère la distribution et l’échange entre réseaux nationaux, dont l’interconnexion est une priorité inscrite récemment au « Paquet énergie-climat 2030« . Mais qu’il soit local, national ou transnational, un réseau électrique est toujours en position d’équilibre instable à cause de ses deux fragilités endémiques : l’impossibilité de stocker l’électricité et celle de prévoir la demande.

Or selon les rapports de Capgemini et de RTE, le risque de manque s’est accru ces dernières années pour atteindre aujourd’hui un seuil critique. Le résultat d’une addition de multiples facteurs, comme l’augmentation constante de la consommation d’électricité (+1,2% par an) et la grand variabilité de la demande et des usages en pleine mutation à cause de la révolution numérique. Mais pour expliquer le manque net en électricité qui risque de nous plonger dans le noir, les études évoquent d’autres facteurs plus circonstanciels. Par exemple, le spectre brandi par Vladimir Poutine d’une coupure de la livraison du gaz vers l’Europe à cause de la crise ukrainienne pourrait devenir bien réel. D’ores et déjà l’Europe cherche à alléger sa dépendance au gaz russe (qui est de 30 %), sans encore avoir trouvé comment compenser le manque.

Une perte de capacité de la production européenne équivalente à 50 centrales nucléaires d’ici 2016

Mais peut-être les facteurs les plus importants du manque à venir sont la crise économique et, paradoxalement, l’exigence européenne de monter la part des énergies renouvelables à 20 % dans la production d’électricité en 2020 (et 27% en 2030). Par exemple la France a perdu son partenaire électrique principal, l’Allemagne, qui ne peut plus nous ravitailler ponctuellement et rapidement depuis qu’elle s’est engagée dans sa mutation vers le « zéro nucléaire ». Et les réseaux belges sont trop saturés pour pouvoir prendre la relève.

Selon les experts, les deux facteurs (crise et énergie renouvelable) se conjuguent pour mettre la pression sur les centaines de centrales thermiques, à fioul ou gaz, qui jusque-là assuraient la réactivité du réseau – les centrales d’énergie renouvelable (éoliennes, géothermiques, photovoltaïques) n’ont pas cette capacité de réaction rapide en cas de pic de demande. Les études constatent que des dizaines de ces centrales thermiques ont dû fermer en 2013, par manque de subventions et par réglementation de plus en plus contraignante, privant le réseau européen de 20 000 méga-watts (20 centrales nucléaires), une perte de capacité qui devrait plus que doubler d’ici à 2016 (50 000 MW).

R.I.

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  • Récupérer l’énergie au quotidien – S&V n°1122 – En cas de nécessité, voici un plan B pour éviter de se retrouver dans le noir : récupérer sous forme d’électricité une partie de l’énergie que notre corps dépense au quotidien.

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