La fusion nucléaire, source d’énergie propre et quasi-gratuite, dans moins de 10 ans ?

Standard
La fusion nucléaire nécessite des conditions physiques extrêmes (Ph. Will Folsom via Flickr CC BY 2.0)

La fusion nucléaire nécessite des conditions physiques extrêmes (Ph. Will Folsom via Flickr CC BY 2.0)

La société américaine Lockheed Martin, numéro 1 mondial de la défense et la sécurité, annonce être en mesure de livrer son premier réacteur à fusion nucléaire au courant de la prochaine décennie, prenant de court les scientifiques, les ingénieurs et les décideurs impliqués dans les projets de conception de tels réacteurs – à l’horizon 2030. Le scepticisme domine. Ce d’autant plus que le dispositif annoncé par l’entreprise serait suffisamment petit pour être installé dans un avion ou dans un navire (Réacteur à fusion compact ou CFR), alors que la taille des réacteurs en construction avoisine celle de l’Arc-de-Triomphe.

Il serait capable de produire 100 mégawatts d’électricité, de quoi alimenter durant un an entre 50 000 et 100 000 foyers, à partir d’une vingtaine de kg de combustible, soit du deutérium et du tritium (des isotopes de l’hydrogène). De quoi également faire voler des avions durant des années, dessaler l’eau de mer à moindre coût dans de petites centrales installées localement pour les milliards d’êtres humains n’ayant pas accès à l’eau potable, faire autant de voyages sur Mars que l’on veut. Une nouvelle ère à portée de main !

La voie vers la fusion nucléaire est encore truffée d’obstacles

Selon le peu d’informations livrées par Lockheed Martin dans un communiqué de presse et dans une interview à la revue Aviation Week, le réacteur de 3 mètres de long sur 2 mètres de large et 2 mètres de hauteur serait composé principalement d’un cylindre dans lequel aurait lieu la réaction de fusion. Un dispositif déjà connu des chercheurs, le Hig beta fusion reactor, qui fut étudié dans les années 1970 et abandonné pour cause d’instabilité. Et c’est bien pour ça que des spécialistes de la fusion ont exprimé leurs doutes dans divers journaux (The Guardian, The Washington Post, Le Figaro, etc.).

De fait, la fusion nucléaire, qui consiste à faire fusionner deux par deux des atomes de deutérium et de tritium pour former un nouvel élément chimique plus lourd (de l’hélium) en libérant une grande quantité d’énergie, nécessite de mettre le mélange en lévitation (magnétique) au sein d’une enceinte, de le chauffer à quelque 150 millions de degrés (dix fois la température au cœur du Soleil) et de le garder dans cet état, sans qu’il s’éteigne et sans dégrader l’enceinte. Or pour l’heure cela est quasiment impossible à réaliser avec les matériaux et les technologies actuelles. Raison pour laquelle le projet le plus avancé actuellement, l’International Thermonuclear Experimental Reactor ou ITER, dont la construction est en cours à Cadarache (Bouches-du-Nord), ne devrait pas y parvenir avant 2027 ou 2028 !

Mais selon Lockheed Martin, leur réacteur compact peut surmonter ces problèmes si bien qu’ils projettent de tester un premier prototype dans cinq ans, le tout pour un coût de quelques centaines de millions de dollars, alors que le budget d’ITER se chiffre en dizaines de milliards d’euros. Mais aucun des spécialistes extérieurs qui se sont exprimés ne voit comment. Bref, l’annonce de Lockheed Martin demande la plus grande circonspection, car les espoirs ont souvent été déçus dans le domaine de la fusion nucléaire. L’annonce demande surtout une enquête approfondie, que S&V livrera dans un prochain numéro.

R.I.

> Lire également dans les Grandes Archives de S&V :

(pour accéder à l’aperçu de l’article, cliquez sur l’image. Pour lire la totalité de l’article, rendez-vous dans les Grandes Archives de S&V)

  • Fusion : l’eau pourra-t-elle remplacer le pétrole ? – S&V n°1122 – Les temps ne sont plus au doute : la fusion nucléaire sera bien l’énergie propre du futur, grâce à l’avancement de divers projets dont ITER. Mais il reste des obstacles de taille. La seule question qui se pose alors, c’est : quand ? 2028 ? 2040 ?

S&V1122

S&V1056

  • Alchimie nucléaire : transmutations qui défient les lois – S&V n°1040 – Après des décennies de déconvenues et d’annonces sans lendemain, comme celle de la découverte en 1989 d’une supposée « fusion froide », l’espoir renaît au début du XXIe siècle avec la mise en chantier des projets de réacteurs à fusion nucléaire pour le futur.

S&V1040

 

Septembre 2014 a été le plus chaud de tous les mois de septembre depuis 1880

Standard

Le mois de septembre de cette année a été le plus chaud de tous depuis 1880 (Ph. Anathea Utley via Flickr CC BY 2.0)

Selon la NASA et la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration), le mois de septembre 2014 a été le plus chaud de tous les mois de septembre depuis que l’on mesure la température à l’échelle globale, soit depuis 1880. En effet, le calcul de la moyenne des mesures effectuées autour du Globe en 2014 par la NASA donne pour le mois de septembre une température de 14,77 °C, alors que la moyenne des dernières décennies se situe plutôt vers 14 °C. Septembre a même été plus chaud qu’août, et ce n’est pas parce que le mois d’août a été particulièrement « pourri ». Au contraire, le mois d’août 2014 a été particulièrement chaud dans le monde – malheureusement pas en France où d’ailleurs le mois de septembre 2014, très chaud, a été moins chaud que septembre 2006. Sans prétendre jouer aux prophètes, la NOAA prédit grâce à ses modèles que l’année 2014 dans son ensemble pourrait être l’une des plus chaudes, voire la plus chaude, depuis 134 ans (1880), à condition qu’aucun évènement climatique inattendu ne vienne contredire son calcul d’ici le 31 décembre prochain.

Les raisons de cette chaleur globale inusitée sont multiples. Par exemple, l’ouest de l’Amérique a vu s’installer et persister un anticyclone pendant plusieurs mois (dont celui de septembre) dégageant le ciel (meilleur ensoleillement) et évitant les tempêtes, tandis que le nord de l’Amérique du Sud a subi les effets d’un océan Pacifique particulièrement chaud, qui préparerait un nouveau phénomène El Niño que les Latino-Américains devraient voir déferler dans les mois à venir, avec son cortège de catastrophes et « morts climatiques ». Selon certains, tous ces records viendraient prouver la réalité du réchauffement climatique global que subit le climat planétaire… Mais est-ce vraiment le cas ?

Que septembre 2014 ait été le plus chaud, cela ne prouve rien sur le réchauffement climatique global

Après plus d’une décennie de discussions, de débats et de polémiques parfois violentes le phénomène de réchauffement climatique global fait aujourd’hui consensus auprès de la majorité des spécialistes. Qui plus est, ceux-ci sont également d’accord sur l’importance de la composante humaine dans ce processus, principalement l’éjection par nos industries de dioxyde de carbone (CO2) et autres gaz à effet de serre, ainsi que des nanoparticules polluantes (comme la suie) qui peuvent accélérer les processus de fonte des glaciers. Les études locales et globales sur des échelles de temps courts et longs laissent hélas peu de doutes sur la réalité du processus de réchauffement. Il n’y a aujourd’hui aucune raison de douter du sérieux de leurs analyses.

En revanche, toute conclusion liant le réchauffement climatique global à des mesures sur des paramètres partiels (température) sur des évènements actuels ou à court terme (mois de septembre 2014 voire l’année entière 2014), est vouée à être contredite par d’autres analyses aussi pertinentes. Il faut donc nier ce qui peut nous apparaître intuitivement comme une évidence : non, les records de chaleur de ces dernières années ne sont pas une preuve du phénomène de réchauffement climatique. Car le climat global, contrairement à la météo, n’est analysable qu’au moyen d’un ensemble de multiples paramètres interdépendants (température atmosphérique, température océanique, salinité des mers, courants marins et atmosphériques, etc.) sur des échelles de temps très longs – par-delà les fluctuations locales et momentanées.

Bref, la climatologie est une science statistique, qui suit donc les règles parfois contre-intuitives de cette discipline mathématique. Par exemple, on constate que la température annuelle moyenne du Globe a cessé d’augmenter depuis dix ans (mesures jusqu’en 2013), ce qui peut conduire à conclure que le réchauffement climatique n’est plus d’actualité ou du moins qu’il « fait une pause ». En revanche, les moyennes de température non plus annuelles mais décennales conduisent à la conclusion inverse : depuis dix décennies (100 ans), chacune est plus chaude que la précédente – avec néanmoins une « anomalie » entre la décennie 1940 et la décennie 1950 (voir graphe). Qu’en conclure ? Que les lois du climat planétaire, à l’instar des lois astronomiques , ne se manifestent qu’à des échelles spatiales et temporelles qui dépassent largement nos échelles quotidiennes. Tirer des conclusions climatologiques sur le fait que les températures globales aient cessé d’augmenter depuis dix ans (jusqu’en 2013) ou, au contraire, sur le fait que l’année 2014 est parmi les plus chaudes depuis 1880 (on le saura bientôt), serait une erreur de méthode.

R.I.

> Lire aussi dans les Grandes Archives de S&V

Pour accéder à l’aperçu de l’article, cliquez sur l’image. Pour lire la totalité de l’article, rendez-vous dans les Grandes Archives de S&V.

SV1155

  • Climat, le réchauffement est-il sûr ? – S&V n°1110 – Entre partisans de l’hypothèse du réchauffement climatique et les « climatosceptiques », la guerre a été idéologique voire politique. Mais que disent réellement les chiffres ?

SV1110

  • GIEC, anatomie d’un consensus – S&V n°1081 – Même chez les scientifiques, il ne suffit pas d’exhiber des résultats chiffrés pour convaincre. Il faut négocier, pas à pas.

sv1081