Deux milliards de personnes soufrent d’une carence alimentaire ou « faim invisible« 

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La faim invisible toucherait 2 milliards de personnes (Ph. Feed My Starving Children via Flickr BY CC 2.0)

La pénurie en vitamines et minéraux essentiels a des effets à long terme sur la santé (Ph. Feed My Starving Children via Flickr BY CC 2.0)

 

Un rapport publié lundi dernier dévoile l’existence d’une forme de malnutrition ou « faim invisible » – des carences en zinc, fer, iode, vitamine A, etc. – qui grève l’espérance de vie de plus de deux milliards de personnes et freine les capacités de développement des pays concernés. Le rapport sur la Faim globale 2014 de l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (International Food Policy Research Institute ou IFPRI), situé à Washington (États-Unis), souligne que cette faim invisible – car non prise en compte dans l’estimation usuelle du taux de sous-alimentation des populations-, mesurée en déficit du nombre de calories consommées par jour, devrait être intégrée au débat sur la lutte contre la famine et la malnutrition.

Le calcul usuel de la famine dans le monde montre que celle-ci a diminué de 39% depuis 1990 (taux corrigé en fonction de l’augmentation de la population mondiale). Selon l’IFPRI, c’est encourageant : l’évolution se rapproche ainsi des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD, Millennium Development Goals) établis en 2000 par 193 États et 23 organisations internationales qui ciblaient une diminution de 50% entre 1990 et 2015. Mais d’une part, il reste encore 805 millions de personnes soufrant de la faim au sens classique du terme (données FAO), d’autre part, et surtout, 2 milliards de personnes, soit 2,5 fois plus, soufrent d’une « déficience de micronutriments », principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud.

La faim invisible a des effets sur la santé et sur l’économie

« Cette pénurie en vitamines [surtout A] et minéraux essentiels [comme le zinc, le fer et l'iode], écrivent les auteurs du rapport, peut avoir à long terme des effets irréversibles sur la santé et des conséquences socio-économiques pouvant éroder le bien-être et le développement d’une personne. En affectant la productivité des personnes, elle peut également gréver les économies des pays. » Des effets inobservables à court terme mais qui agissent sur la mortalité maternelle et infantile, sur les déficiences du système immunitaire, sur les capacités physiques et sur les facultés intellectuelles. D’un point de vue économique, la faim invisible peut coûter à un pays entre 0,7 et 2 points de PIB.

Le paradoxe, souligne encore le rapport, est que la Révolution verte des années 1960-1990 a fait baisser « les prix de féculents par rapport aux prix de produits alimentaires non essentiels [mais] riches en micronutriments, comme les légumes et les légumineuses [...] rendant les aliments riches en micronutriments moins attrayant pour les populations pauvres. » Néanmoins, les experts de l’IFPRI ont quelque idée de solution, dont l’intégration des micronutriments par les industriels dans la phase de transformation des aliments, le « bio-renforcement » consistant à créer par la génétique des aliments plus riches en micronutriments, etc. Et le rapport de conclure : « L’élimination de la faim invisible ne sera pas facile. Il y a des défis à relever. Mais si suffisamment de ressources sont allouées, si les bonnes politiques sont développées, et les bons investissements réalisés, ces défis peuvent être surmontés. »

R.I.

> Lire également dans les Grandes Archives de S&V :

S&V1145

S&V1060

  • Nourrir le monde – rêve du XXIè. Siècle – S&V n° 987- A l’orée du 21e siècle, S&V s’interrogeait sur les moyens futurs pour assurer l’alimentation des milliards d’êtres humains, après la réussite de la Révolution verte des années 1960-1990. Le défi semblait déjà difficile.

S&V987

 

 

 

Mission Rosetta : voici ce qui attend Philaé…

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La plaine où doit atterrir le module Philaé mesure environ 500 mètres de diamètre. Sur cette image, les plus petits rochers mesurent environ un mètre. Photo ESA.

La plaine où doit atterrir le module Philaé mesure environ 500 mètres de diamètre. Sur cette image, les plus petits rochers mesurent environ un mètre. Photo ESA.

La sonde Rosetta se trouve désormais à 8 kilomètres de la surface de la comète Churyumov-Gerasimenko, et à 480 millions de kilomètres de la Terre. Dans moins d’un mois, Rosetta doit éjecter son module Philaé, lequel doit se poser à la surface de la comète. Du jamais vu, du jamais fait. C’est donc le 12 novembre, d’après l’Agence spatiale européenne, que la mission Philaé doit commencer. L’image qui ouvre ce billet montre la région choisie pour l’atterrissage, une « plaine » de glace de quelques hectares, relativement uniforme, dénuée de reliefs trop importants. Des blocs de glace, des failles, parsèment la surface, dont personne d’ailleurs ne connaît la résistance, la solidité. Rarement dans une mission spatiale, les scientifiques auront ainsi littéralement sauté dans l’inconnu.
Philaé, l’atterrisseur de Rosetta, est une grosse boîte recouverte de panneaux solaires, et mesurant environ un mètre. Sa masse avoisine 100 kg. Problème, sur la comète Churyumov-Gerasimenko, son poids ne dépassera pas… un gramme !

La plaine où doit se poser le module Philaé se trouve en haut de l'image, sur cette photographie de la comète Churyumov-Gerasimenko prise par la sonde Rosetta. Photo ESA.

La plaine où doit se poser le module Philaé se trouve en haut de l’image, sur cette photographie de la comète Churyumov-Gerasimenko prise par la sonde Rosetta. Photo ESA.

Parvenir à poser cet engin sur un astre au champ gravitationnel aussi faible est forcément une gageure… Pour pallier, au mieux, à toutes les surprises, Philaé a été équipé d’un système d’atterrissage multiple. Un train d’atterrissage arachnéen, à trois pieds, munis d’amortisseurs, pour éviter au module de rebondir et repartir dans l’espace. Plus un petit système propulsif, pour plaquer Philaé au sol. Plus un système de harpons, pour tenter de l’arrimer dans la glace de la comète… Enfin, si Philaé se pose de guingois, le système d’atterrissage est réglable, un peu comme le trépied d’un appareil photo…
Philaé doit être largué à une vingtaine de kilomètres d’altitude, et doit se diriger, à la vitesse de 2,8 kilomètres/heure, vers la surface, qu’elle doit atteindre 7 heures plus tard. Le vol sera automatique, ainsi que l’atterrissage, Rosetta et Philaé se trouvant à trop grande distance pour être pilotées en temps réel : un aller-retour des communications entre la Terre et Rosetta, dure, à la vitesse de la lumière, près d’une heure.

Cet énorme iceberg posé à la surface de Churyumov-Gerasimenko, baptisé Cheops par les scientifiques européens, mesure 45 mètres de diamètre. Pourtant, il pèse moins de 100 kg dans le champ de pesanteur de la comète ! Photo ESA.

Cet énorme iceberg posé à la surface de Churyumov-Gerasimenko, baptisé Cheops par les scientifiques européens, mesure 45 mètres de diamètre. Pourtant, il pèse moins de 100 kg dans le champ de pesanteur de la comète ! Photo ESA.

Si tout se passe bien, une fois au sol, Philaé prendra une image panoramique du paysage de la comète Churyumov-Gerasimenko, puis commencera à analyser la glace et la poussière de la comète, demeurées peut-être inchangées depuis l’origine du système solaire. Philaé peut « tenir » sur ses batteries quatre jours environ, puis, si les panneaux solaires parviennent à les recharger, des mois, peut-être, avant que l’environnement de la comète, de plus en plus active puisque s’approchant du Soleil, ne finisse par engloutir le courageux petit module, ambassadeur des Terriens, ou le recouvrir de glace voire l’expulser dans l’espace…
Serge Brunier