Première mondiale : une femme ayant reçu une greffe de l’utérus donne naissance à un enfant

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Le bébé né en septembre après 31 semaines de gestation dans un utérus greffé.

Le bébé né en septembre après 31 semaines de gestation dans un utérus greffé. / Ph. permission de The Lancet.

C’est un garçon, il pèse 1,775 kg et il est né en septembre au terme de 31 semaines et demi de grossesse (soit presque 8 mois). Pourtant, sa mère est atteinte d’une absence congénitale d’utérus. Si elle a pu mettre au monde un enfant, c’est grâce à un exploit médical de portée mondiale, dont le théâtre est l’Hôpital universitaire Sahlgrenska de Gothembourg, en Suède. C’est ici que travaille depuis dix ans une équipe pionnière en matière de greffe de l’utérus, dirigée par le professeur Mats Brännström.

En 2013, la patiente, âgée de 35 ans, a reçu la greffe d’une donneuse de 61 ans, une amie de la famille ménopausée depuis 7 ans. Au préalable, des ovules avaient été prélevés dans les ovaires de la jeune femme, puis fécondés in vitroOnze embryons avaient été obtenus et congelés. Un an après la greffe, un de ces embryons a été implanté dans l’utérus désormais cicatrisé, et la jeune femme est tombée enceinte.

Huit autres femmes ont été greffées par la même équipe suédoise

L’équipe de gynécologues de Mats Brännström a réalisé neuf telles greffes d’utérus, chez de jeunes femmes dont le seul espoir pour avoir un enfant était la greffe, en dehors du recours à une mère porteuse. Nées sans utérus ou avec des défauts de celui-ci, ou bien ayant subi l’ablation de cet organe suite à un cancer, elles ont reçu un utérus sain de donneuses n’étant plus en âge de procréer – souvent leur mère, leur tante, ou une amie de la famille.

En revanche, les ovaires des femmes greffées fonctionnent la plupart du temps normalement, produisant des ovules que l’on peut féconder in vitro, pour les implanter dès que le greffon est cicatrisé. Car l’objectif d’un utérus greffé est celui de servir le temps d’une grossesse, et d’être ensuite retiré. Ceci dans le but de ne pas prolonger la prise de médicaments antirejet, obligatoires en présence d’un greffon. Pour l’instant, on ignore où en sont ces autres femmes opérées en Suède.

La naissance de ce premier enfant développé dans un utérus greffé, bien qu’elle ait eu lieu prématurément et par césarienne, est déjà un succès phénoménal: l’enfant est sain et son poids est conforme à son âge gestationnel. C’est une sorte « démonstration de faisabilité » de la grossesse via un utérus greffé, décrite dans le journal de médecine britannique The Lancet publié ce 4 octobre.

La greffe de l’utérus constitue un espoir pour des milliers de femmes infertiles

Avant l’exploit suédois, deux autres tentatives de mener à bien une grossesse avaient déjà été faites par des femmes avec un utérus greffé, la première en Arabie saoudite en 2000 et la deuxième en Turquie en 2011. Mais aucune n’était allée plus loin que 3 mois de grossesse.

La greffe d’utérus est un domaine de recherche récent, tout comme celui des autres organes non vitaux (main, visage)… En France, une équipe du CHU de Limoges y travaille sur les brebis, sous la direction du professeur Pascal Piver et du chirurgien Tristan Gauthier. Ils prévoient de passer aux essais cliniques dans les deux à trois ans à venir, mais à la différence des médecins suédois les médecins français prélèveront les utérus sur des femmes jeunes décédées.

D’après The Lancet, 12 000 femmes au Royaume-Uni doivent leur infertilité à un problème utérin, leur nombre étant comparable en France. C’est un espoir immense qui s’ouvre désormais pour elles.

F.G.

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Désormais on peut utiliser son téléphone dans les avions en vol

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L'interdiction de téléphoner dans un avion a été levée (Ph. Sam Churchill via Flickr CC BY 2.0)

L’interdiction de téléphoner dans un avion a été levée (Ph. Sam Churchill via Flickr CC BY 2.0)

L’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) vient d’autoriser les coups de fil et les échanges de données numériques dans les avions en vol, y compris durant le décollage et l’atterrissage. C’est une petite révolution qui doit ravir les quelque 3 millions de personnes qui chaque jour en Europe empruntent l’avion : désormais, il n’y a plus d’interdiction à discuter au téléphone de la liste des courses de la semaine où à consulter les infos du jour sur internet même durant les fameuses « phases critiques » de décollage et d’atterrissage. Un ravissement partagé par les entreprises téléphoniques et numériques qui verront ainsi leur marché gagner des marges non négligeables. Ce sont d’ailleurs ces dernières, Amazon en tête, qui depuis des années ont fait du lobbying auprès des agences d’aviation civile pour obtenir la levée de l’interdiction.

De fait, différents groupes d’experts, en Europe et aux États-Unis, se sont prononcé pour cette levée après avoir constaté que les ondes électromagnétiques émises et reçues par les appareils communicants ne semblaient pas perturber le moins du monde les communications et les instruments de bord des pilotes. Néanmoins à l’instar des directives émises par la Federal Aviation Administration américaine (FAA), l’EASA indique que la levée de l’interdiction ne signifie pas l’obligation des compagnies aériennes d’autoriser ces nouveaux usages, précisant que celles-ci « devront engager un processus d’évaluation, garantissant que [leurs] avions ne sont affectés en aucune manière par la transmission de signaux des appareils électroniques portables. » Libre à la compagnie aérienne ou au commandant de bord d’interdire leur usage.

Les raisons de cette ambiguïté, qui ne devrait pas rassurer les phobiques de l’avion, est technique, et amplifié par la culture d’un secteur où le principe de précaution est la règle d’or. En effet, depuis l’irruption massives des objets communicants dans notre vie quotidienne le risque que les ondes électromagnétiques émises dans la cabine vienne fausser les instruments et les communications du cockpit étaient réelles : les câbles transmettant les données de mesure à partir des capteurs externes et ceux convoyant la voix à partir des antennes extérieures passent souvent dans le fuselage le long de la cabine. Des effets d’induction électromagnétique peuvent alors altérer ces signaux électriques au point de modifier la mesure et de brouiller la voix.

Une nouvelle génération d’avions insensibles aux ondes émises par un téléphone ou un ordinateur.

Néanmoins, les nouvelles générations d’avions (Airbus et Boeing) ont intégré la technologie numérique, plus robuste face aux perturbations autant du point de vue matériel que logiciel : les câbles sont gaines et armés, ce qui diminue l’effet d’induction, et les communications avec les l’extérieur sont transportées souvent sous forme numérique. Or contrairement aux transmissions radio analogiques (classiques), la voix codée par des 0 et des 1 ne peut pas être brouillée comme l’était celle de l’ancienne radio, pour la même raison que le son d’un CD ne subit pas le même type d’altérations que les anciens disques vinyle. Des 0 et des 1 peuvent tout simplement se perdre ou être changés l’un en l’autre à cause des interférences, ce qui constitue une perte d’information. Mais des algorithmes de correction d’erreurs permettent d’amoindrir ces effets. Ce que confirment les tests effectués sur ces avions récents : les ondes émises par les appareils des passagers n’altèrent pas la transmission de données au cockpit.

Est-ce dire que nous pourrons vraiment communiquer avec l’extérieur pendant un vol en avion ? Cela dépendra de la portée et du facteur de pénétration des ondes émises par nos appareils et par les antennes-relai au sol, sachant qu’une carlingue métallique agit comme un isolateur électromagnétique (cage de Faraday). Cela dépendra aussi, donc, de l’estimation du commandant de bord. Quand à savoir comment nous supporterons les accros du portable dans cet espace de plus en plus exigu qu’est devenu la cabine d’un avion, c’est là une autre question: a-t-on prévu comme dans les trains d’installer un espace dédié au portable, ou faudra-t-il inviter certains à poursuivre la liste des courses à l’extérieur ?

R.I.

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  • Les avions du futur – S&V n°1137 – Quelle sera la prochaine génération des avions civils ? Un tour d’horizon des projets des grands constructeurs.

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  • Surfer en plein ciel – S&V n°1008 – En 2001, l’internet était déjà (presque) dans les avions… n’aurait été la métamorphose drastique des règles de sécurité après le traumatisme de 11-septembre. 13 ans plus tard, le progrès reprend son cours.

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