Raconte-moi ta crèche…

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Installer la Sainte Famille entourée de santons chargés d’histoire dans des décors sortis de l’imagination : cette tradition, prisée aujourd’hui encore par les familles, remonte à François d’Assise, l’auteur de la première crèche vivante dans l’église de Greccio, en Italie, en 1223. Ces représentations de la Nativité ont ensuite pris place dans les églises. Interdites à la Révolution, elles se sont alors introduites chez les particuliers. Selon la coutume, elles occupent un lieu central de la maison dès le 4 décembre et jusqu’au 2 février. Le 24 décembre, à minuit, une main discrète viendra glisser dans une mangeoire de fortune, l’Enfant Jésus, le Sauveur fait homme. D’ici là, chacun prépare son cœur à sa venue, comme nous le racontent ces quatre familles qui nous ont ouvert leurs portes pour Noël.


Pour ce Noël, Jésus naîtra dans une cuisine



Raconte-moi ta crèche...
© Pierre Albouy pour La Vie


Une vieille balance de cuisine, un vrai âtre avec de vraies bûches, un mur de confitures, une nappe et des ardoises en guise d’assiettes. Ce décor niché sous l’escalier de la maison accueille depuis début décembre la crèche de la famille de Sophie et François-Xavier. Les santons y ont pris place avec une certaine gourmandise. C’est Monsieur qui, cette année, s’est activé au fourneau le premier pour donner corps à la « cuisine de Noël ».


Voilà plus de 25 ans qu’avec leurs sept enfants, Sophie et François-Xavier se concertent pour choisir le thème sur lequel ils déclineront la crèche. D’ailleurs, leur créativité a fait leur réputation auprès des amis et voisins. « Les thèmes sont toujours en lien avec l’actualité ou avec un événement qui a marqué la famille pendant l’année. Il y en a eu des plus fondateurs et des plus réussis que d’autres », précise Sophie, la maman, aujourd’hui heureuse grand-mère. Avant d’énumérer : celle du Petit Prince (avec des boules suspendues), celle sur les 100 ans du scoutisme (avec des feux de camps), ou encore celle des JO de Salt Lake City. « Une année, nous avions construit une église, dont les tuiles du clocher étaient peintes quand un enfant avait fait un effort. » 

 





En 2015, après les attentats, le thème « #prayforparis » (« priez pour Paris ») s’est imposé : « Chaque enfant avait constitué un monument de la capitale. Cette année, nos filles se sont inspirées du sous-groupe Facebook familial sur la cuisine. On se fiche des proportions, ce qui est important, c’est la place qui sera donnée à la Sainte Famille, qui doit être mise en valeur ». La crèche appelle aussi à la prière, le soir, avec tous ceux qui sont présents, petits ou grands : « On se rassemble tous autour. » Dans la famille, où les traditions de Noël sont respectées à la lettre (la même bûche au dessert, les fruits déguisés préparés en écoutant la Pastorale des santons de Provence), la crèche est faite en premier « pour préparer les coeurs » et le sapin, plus tard dans la saison, « pour bien dissocier les deux, explique Sophie. Ce temps de préparation met du spirituel dans cette attente qui serait sans cela très matérielle. Et c’est toujours moi qui place l’Enfant Jésus juste avant de partir à la messe de minuit. »


Les enfants mettent la main à la pâte… à modeler



« Pour préparer Noël, on a fait une crèche en pâte Fimo et le sapin, raconte Anne-Sybille, 6 ans. C’est un peu comme de la pâte à modeler. On a fait Marie, et Joseph, et Jésus. On les a mis au-dessus de la cheminée. Hier, on a aussi ajouté cinq moutons, toujours en pâte Fimo. » Cette réalisation demande de la patience, les visages des santons sont un peu grossiers, mais le résultat est plutôt réussi et les enfants se montrent très fiers de « leur » crèche.


« J’aime beaucoup ce temps, l’atmosphère très particulière qui précède Noël, glisse Dominique, la maman. L’année dernière, j’étais en congé parental et j’ai lancé une activité par jour pendant l’Avent. » Sur fond de chants de Noël, les enfants s’installent autour de la table. Les petites mains ont ainsi confectionné un pain d’épices en forme de crèche, une guirlande d’anges, des dessins avec du plastique qui rétrécit et durcit au four, façon vitrail. « Ces activités manuelles nous font partager une heure tous les jours. Ce sont des moments privilégiés, où l’on s’émerveille ensemble. Ils créent une ambiance familiale apaisante », explique Dominique.


Pendant l’Avent aussi, chaque matin, un détail « magique » apparaît dans la crèche : santon, étoile clignotante, sapin tout blanc, ange, décoration… Au lever, les enfants sautent du lit afin de la scruter et de découvrir ce qui est nouveau. « Moi, ce que je préfère, c’est avoir des cadeaux, précise Gabriel, 4 ans. C’est Jésus qui les apporte. » Chez Dominique et Thibaut, le jour de Noël, quand le santon de l’Enfant Jésus est placé dans la crèche, les cadeaux apparaissent. « On a de la joie dans le coeur, explique la fillette. Tous les ans, on attend Noël pour chanter Il est né le Divin Enfant. » La longue attente est enfin récompensée.


Des santons transmis de génération en génération



Raconte-moi ta crèche...
© Patrice Terraz/Signatures pour la Vie


« Un Noël sans crèche, c’est comme un repas sans fromage. Il manque quelque chose. » Chez Chantal et Pierre, on ne plaisante pas avec la tradition. Originaire de Toulon, ce couple marié depuis 52 ans, qui a quatre filles et six petits-enfants, convoque chaque année pour Noël ses santons de Provence, transmis de génération en génération, dans une mise en scène faite maison, très attendue. 


« Certains ont plus de 100 ans ! Il y a deux villages en liège, des santons tout petits, d’autres de 10 cm de haut. Je les aime tous ! Parfois je refais les peintures de ceux qui sont ternis. Ils sont en terre séchée, explique Pierre. J’ai fait le moulin il y a 60 ans, avec un bout d’écorce. J’y ai installé un moteur électrique pour le faire tourner et l’illuminer. J’ai aussi fait des maisons avec des cagettes de légumes et une pâte en papier qui fait crépi. J’avais 7 ou 8 ans quand j’ai fait ma première crèche avec mes frères. On s’échangeait les santons. Cette tradition a perduré avec l’arrivée de nos filles et des petits-enfants ». Madame assure les finitions : « J’attends que le sable ait séché, on fait des collines, je choisis les santons qu’on y met. Ce temps vers Noël est un moment d’espoir, de réjouissance et de fête familiale. »





En vrais Provençaux, Chantal et Pierre honorent les coutumes locales : « Le jour de Noël, autrefois, on mettait l’assiette du pauvre. On fait encore les 13 desserts ; et on plante du blé à la Sainte-Barbe, dans trois pots qui symbolisent la Trinité. Lorsque le blé monte, on l’attache avec un ruban rouge, la couleur de la Provence, et le 25 décembre, on pose les pots. » La crèche, installée début décembre, sera rangée le 2 février, pour la Chandeleur. L’enfant Jésus sera posé le jour de Noël et les Rois mages viendront l’adorer à l’Épiphanie.


Saint Nicolas et le village-crèche illuminé



Raconte-moi ta crèche...
© Jérémie Jung/Signatures pour La Vie


Sur une commode du salon de Sophie et Thibaut trône une crèche étonnante, composée de maisonnettes. « Petite, j’ai vécu dans la Forêt-Noire, explique Sophie. Nos parents ont rapporté en France cette tradition de crèche citadine. » Pour la réaliser, tout le monde s’y met : les 24 maisons sont découpées dans du carton, peintes, assemblées et collées. Des boîtes à chaussures recouvertes d’un drap blanc créent un relief. En haut du chemin est érigée l’église où trouveront refuge Joseph et Marie, le 24 décembre. Vêtus de feutrine, une vingtaine de cônes de bois, avec des cotillons en guise de tête, font office de santons. Il y a des bergers, un meunier et son sac de farine, une gardienne d’oies. 


L’un d’eux porte une mitre d’évêque : c’est saint Nicolas ! Il tient deux livres, l’un doré, l’autre noir. « Tous les soirs, à partir du 1er décembre, il chemine dans le village-crèche illuminé et frappe à la porte d’une maison, explique Sophie. L’enfant ouvre et l’évêque demande s’il a été sage. » Si oui, il trouve une petite surprise dedans ; si non, les parents ont glissé un mot sur lequel est inscrit un effort à faire le lendemain… « Hier soir, j’ai eu un bonbon, dit en souriant Gabriel, 8 ans. J’avais débarrassé le lave-vaisselle et mis la table pour aider maman. » Et pour la Saint-Nicolas, le 6 décembre, le santon apporte des petits cadeaux. 


Gabriel reprend : « À la porte, on a aussi accroché une couronne de l’Avent qu’on a fabriquée avec notre grand-mère. Quand je rentre de l’école, ça me fait penser qu’il faut se préparer à Noël. » Comment ? L’enfant répond du tac au tac : « En rendant des services, on avance vers Jésus. On se sent joyeux dans le coeur. Après Noël, j’essaierai de continuer… »