Alma se penche sur un trou noir géant

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Au cœur de la galaxie elliptique géante NGC 1332 se cache un trou noir géant, cent cinquante fois plus massif que celui qui trône au centre de notre propre galaxie, la Voie lactée. Photo Carnegie-Irvine Galaxy Survey.

Au cœur de la galaxie elliptique géante NGC 1332 se cache un trou noir géant, cent cinquante fois plus massif que celui qui trône au centre de notre propre galaxie, la Voie lactée. Photo Carnegie-Irvine Galaxy Survey.

Alma est un instrument unique au monde actuellement, seul dans sa catégorie de domaine d’observation et de puissance, comme le télescope Hubble dans l’espace. Alma – Atacama Large Millimeter/submillimeter Array – est un réseau de 66 antennes de 7 et 12 mètres de diamètre, observant toutes ensemble dans le même domaine de rayonnement électromagnétique, les ondes submillimétriques et millimétriques, au delà de la lumière et de l’infrarouge observés par les télescopes classiques, sur Terre, ou Hubble, dans l’espace. Aucun autre instrument ne rivalise actuellement avec ce gigantesque réseau, d’autant qu’Alma est installé dans un site unique, le plateau de Chajnantor, dans les Andes chiliennes, à plus de 5000 m d’altitude. Aucune concurrence, donc, et des observations inédites, que nous évoquons souvent ici : environnements stellaires, naissances de systèmes planétaires, cosmologie, les images obtenues par Alma sont radicalement nouvelles.

Le réseau Alma observe le ciel dans les rayonnements submillimétrique et millimétrique, depuis le plateau de Chajnantor, au Chili. Ses soixante six antennes font de cet interféromètre international l'un des plus puissants instruments astronomiques actuels. Photo Y.Beletsky/ESO.

Le réseau Alma observe le ciel dans les rayonnements submillimétrique et millimétrique, depuis le plateau de Chajnantor, au Chili. Ses soixante six antennes font de cet interféromètre international l’un des plus puissants instruments astronomiques actuels. Photo Y.Beletsky/ESO.

La caractéristique principale d’Alma, c’est son pouvoir de résolution, c’est à dire sa capacité à percevoir des détails sur les astres. Elle égale, ou dépasse, celle des plus puissants télescopes du monde, Hubble y compris.
En témoigne la toute dernière observation du réseau interférométrique : une galaxie, NGC 1332, située dans la constellation de l’Eridan, à 72 millions d’années-lumière de la Voie lactée. Au cœur de cette galaxie trône un trou noir géant, que les astronomes étudient depuis des années. Impossible à observer directement, la galaxie étant trop lointaine et le trou noir bien trop petit par rapport aux possibilités des télescopes actuels, ce trou noir se matérialise seulement par les effets qu’il provoque sur son environnement.

Observant à 1,3 millimètre de longueur d'onde et avec la même précision que le télescope spatial Hubble, l'interféromètre Alma a mesuré la vitesse du gaz au centre de la galaxie NGC 1332. En rouge, le gaz s'éloigne de nous, en bleu, il s'approche. La vitesse du gaz atteint 500 kilomètres par seconde, à 80 années-lumière du centre de la galaxie ! Photo ESO/NRAO/NAOJ.

Observant à 1,3 millimètre de longueur d’onde et avec la même précision que le télescope spatial Hubble, l’interféromètre Alma a mesuré la vitesse du gaz au centre de la galaxie NGC 1332. En rouge, le gaz s’éloigne de nous, en bleu, il s’approche. La vitesse du gaz atteint 500 kilomètres par seconde, à 80 années-lumière du centre de la galaxie ! Photo ESO/NRAO/NAOJ.

Et c’est là que Alma entre en scène. Le réseau d’antennes a été utilisé par Aaron Barth, Benjamin Boizelle, Jeremy Darling, Andrew Baker, David Buote, Luis Ho et Jonelle Walsh pour observer le disque de gaz qui tourne autour du trou noir, avec une précision identique à celle de Hubble – les spécialistes évoquent une résolution de 0.044 seconde d’arc – mais dans une longueur d’onde, 1,3 millimètre, permettant d’observer uniquement le gaz, et non pas les étoiles, comme le télescope spatial. Alma a permis de mesurer précisément la vitesse du gaz qui tourne autour du trou noir, 500 kilomètres par seconde à une distance de 80 années-lumière du centre de NGC 1332 ! Cette vitesse énorme – 1,8 million de kilomètres-heure – correspond à une masse centrale de 660 millions de masses solaires, c’est celle du trou noir géant de cette galaxie.
Le réseau Alma va être utilisé par les astronomes pour mesurer la masse exacte de nombreux trous noirs galactiques, afin de mieux comprendre leur origine et leur évolution.
En attendant, dans quelques années, qu’il participe à l’observation du trou noir central de la Voie lactée, et en obtienne… la première image directe.
Serge Brunier